de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 1 octobre 2014

129- Mgr Philarète, Patriarche de Kiev

Avant d'entrer dans le vif du sujet, prenons le temps d'un bref retour aux sources desquelles s'inspire le héros du message d'aujourd'hui.

Deux femmes prostituées vinrent chez le roi [Salomon], et se présentèrent devant lui. L'une des femmes dit : Pardon ! mon seigneur, moi et cette femme nous demeurions dans la même maison, et je suis accouchée près d'elle dans la maison. Trois jours après, cette femme est aussi accouchée. Nous habitions ensemble, aucun étranger n'était avec nous dans la maison, il n'y avait que nous deux. Le fils de cette femme est mort pendant la nuit, parce qu'elle s'était couchée sur lui. Elle s'est levée au milieu de la nuit, elle a pris mon fils à mes côtés tandis que ta servante dormait, et elle l'a couché dans son sein ; et son fils qui était mort, elle l'a couché dans mon sein. Le matin, je me suis levée pour allaiter mon fils ; et voici, il était mort. Je l'ai regardé attentivement le matin ; et voici, ce n'était pas mon fils que j'avais enfanté. L'autre femme dit : Au contraire ! c'est mon fils qui est vivant, et c'est ton fils qui est mort. mais la première répliqua : Nullement ! C'est ton fils qui est mort, et c'est mon fils qui est vivant. C'est ainsi qu'elles parlèrent devant le roi. Le roi dit : L'une dit : C'est mon fils qui est vivant, et c'est ton fils qui est mort ; et l'autre dit : Nullement ! C'est ton fils qui est mort, et c'est mon fils qui est vivant. Puis il ajouta : Apportez-moi une épée. On apporta une épée devant le roi. Et le roi dit : Coupez en deux l'enfant qui vit, et donnez-en la moitié à l'une et la moitié à l'autre. Alors la femme dont le fils était vivant sentit ses entrailles s'émouvoir pour son fils, et elle dit au roi : Ah ! Mon seigneur, donnez-lui l'enfant qui vit, et ne le faites point mourir. Mais l'autre dit : Il ne sera ni à moi ni à toi ; coupez-le ! Et le roi, prenant la parole, dit : Donnez à la première l'enfant qui vit, et ne le faites point mourir. C'est elle qui est sa mère. Tout Israël apprit le jugement que le roi avait prononcé. Et l'on craignit le roi, car on vit que la sagesse de Dieu était en lui pour le diriger dans ses jugements. (IRois 3, 16-28)

Cet épisode de la vie du roi Salomon est celui par lequel sa sagesse légendaire a traversé les millénaires pour parvenir jusqu'à nous. 


En Ukraine de l'est, nous avons vu, il y a six mois, apparaître un conflit fratricide. Les habitants ont cru qu'en usant des mêmes méthodes qu'en Crimée, ils pourraient obtenir leur indépendance vis-à-vis d'un pouvoir dont ils rejetaient la légitimité, et dont les représentants menaçaient de les exterminer. Face à leurs velléités, le nouveau pouvoir de Kiev décida d'employer l'armée pour briser leurs revendications. 

Mais les militaires, qui savent qu'une armée a vocation à protéger la population, et non à la réprimer, ce qui est l'apanage de la police lorsque celle-ci perd de vue ses idéaux de protection, refusèrent massivement d'obéir. En cela, ils montrèrent que l'Ukraine est Une et ils sont, pour moi, les véritables héros de ce conflit. 

Des bataillons de volontaires furent alors constitués, notamment en ressuscitant la Garde Nationale, qui avait été abolie par Léonid Koutchma le 11 janvier 2000. Ces bataillons furent chargés de faire le travail que la police, rangée dans le camp des habitants, ne pouvait plus accomplir, et que l'armée, fidèle à ses idéaux, refusait. Refus d'obéir qui se traduisit par de très nombreuses désertions.

Le véritable schisme de l'Ukraine s'est produit à ce moment : lorsque Tourtchinov donna l'ordre de tirer, contre la volonté des corps de l’État. Tourtchinov, ayant pris le pouvoir à la suite d'un coup d'état, n'avait pas de légitimité pour entraîner son pays dans cette guerre fratricide. Les milices de Kiev tirèrent alors à l'arme lourde et, souvent même, bombardèrent les villes avec des avions de chasse. De telles armes, utilisées dans des villes très peuplées, ne font que très rarement le choix de la personne qu'elles vont tuer. De nombreuses preuves d'usage d'armes interdites par les conventions internationales apparurent alors.

Même si cette vidéo commence comme un film de propagande, les images qu'elle présente ensuite sont insoutenables. Elles sont là pour nous rappeler que ces avions de guerre ukrainiens frappant des villes de l'Est ne visaient pas des insurgés, et encore moins des forces russes.
 


De même, ce reportage sur les meurtres d'Odessa montre que les victimes étaient toutes des civils ukrainiens, sans qu'il y ait nulle part d'ingérence russe (cliquer sur "sous-titres" puis "fr").

En cela, Tourtchinov, et par la suite Porochenko, furent semblables à la prostituée de la Bible qui était prête à voir l'enfant coupé en deux.

Si l'Ukraine de l'est avait été à eux, et les Ukrainiens de l'est leur peuple, ils auraient alors refusé l'opération militaire, préférant voir leurs enfants rester vivants en étant indépendants, plutôt que de tuer ceux-là mêmes qu'ils se devaient de protéger. Ils n'auraient pas envoyé de mercenaires combattre leur population. Et c'est alors que leur peuple aurait montré sa force, son unité et sa légitimité, au même titre que les soldats qui refusèrent d'obéir. Légitimité qui aurait rendu nulles et fantaisistes les demandes d'indépendance.


J'ai récemment entendu le Patriarche d'Ukraine, Monseigneur Philarète, comparer Vladimir Poutine à Caïn qui a tué son frère. Il a loué le courage héroïque des soldats ukrainiens morts, les opposants aux soldats russes enterrés sans honneur.

Avant d'aller plus loin, et pour comprendre ces mots qui ont été largement repris, il faut rappeler qu'il y a trois églises orthodoxes en Ukraine :
- l'Église orthodoxe d'Ukraine (patriarcat de Moscou), canonique, reconnue par les autres Églises orthodoxes, présidée par monseigneur Onuphre depuis son intronisation, le 17 août 2014 ;
- l'Église orthodoxe autocéphale ukrainienne ;
- l'Église orthodoxe d'Ukraine (patriarcat de Kiev) présidée depuis sa création, en 1992, par Monseigneur Philarète.

Loin de moi l'idée de contester le bien-fondé de la décision d'indépendance de monseigneur Philarète. Si un évêque avait la bonne idée de fonder l’Église autocéphale de Lyon, pour nous affranchir de la tutelle infamante du métropolite Emmanuel, je ne suis pas sûr que j'irais condamner son initiative. La canonicité n'a jamais été un gage de sérieux ou de spiritualité. Encore qu'il soit également vrai que les schismes ne sont pas la meilleure façon de représenter Celui qui a dit qu'il n'y aurait plus qu'un seul troupeau et qu'un seul pasteur (Jn 10, 16).

Ceci étant, certains médias ont un peu abusivement voulu légitimer l'affirmation de Philarète en le présentant comme le chef de l’Église orthodoxe d'Ukraine.

Dans cette même quête de légitimité, un site ukrainien a commencé à diffuser une lettre de l'higoumène Éphrem de Vatopedi, au Mont Athos. Lettre qui apportait son soutien à l'armée ukrainienne dans son combat contre les insurgés de Nouvelle-Russie. Cet Higoumène a non seulement catégoriquement démenti avoir écrit cette lettre, mais a apporté un ferme soutien aux forces de Nouvelle-Russie.

Il a précisé que des hommes d'affaires ukrainiens avaient fait le tour des vingt grands monastères du Mont-Athos, en proposant beaucoup d'argent pour avoir un petit courrier bénissant l'armée ukrainienne dans son opération. Mais tous ont refusé d'écrire cette lettre et de prendre l'argent, car tous disaient qu'ils soutenaient la Nouvelle-Russie. Même le monastère qui comporte une large majorité de moines ukrainiens a refusé cette bénédiction.


Je sais que la situation est tragique dans ce pays, et je ne prétends pas en reprendre la complexité par quelques lignes écrites. Mais je n'oublie pas qui a tiré en premier. Je n'oublie pas qui était prêt à voir les enfants, qu'il réclamait comme les siens, coupés en deux. Et je n'oublie pas non plus que, contrairement à l'épisode biblique, personne ne vint interrompre son geste, comme la vidéo ci-dessus le montre avec toute la cruauté de ce qui est vécu.
 
Aujourd'hui encore, le cessez-le-feu, qui a permis de mettre un terme à l'effusion de sang, reste précaire. Jacques Sapir relevait sur son blog, dans un article appelant à préserver ce cessez-le-feu, que bien souvent ce sont les forces de Kiev qui sont à l'origine des violations de cet accord.


Monseigneur Philarète devrait se souvenir du rôle de celui qui jette la première pierre (Jn 8, 7). Car aucune des larmes versées ou à venir n'aurait eu à se répandre sans cette première pierre. Et ce n'est pas en prenant la méthodologie des Témoins de Jéhovah, qui ne retiennent que les citations bibliques qui les arrangent, les sortent de leur contexte et leur donnent le sens qu'ils veulent, qu'il réussira à convaincre au-delà d'un auditoire qui se sentira valorisé par ses phrases de propagande.

A sa décharge, je relèverai néanmoins que, au moment de son discours,  les fosses communes remplies de civils assassinés, vraisemblablement mis là par les soldats de la Garde Nationale dont il vantait la probité, n'avaient pas encore été découvertes.

Alors, bien sûr qu'aujourd'hui les choses ont dégénéré. Car je ne connais personne qui accepterait de se soumettre à une injustice frappant des femmes et des enfants. Et, malheureusement, elles dégénèreront encore, car le sang appelle le sang, et la mort appelle la mort.

Je crains fort que l'OTAN ne permette pas à l'Ukraine de garder son statut Hors blocs, qui lui garantit une démilitarisation censée éviter que son territoire ne se transforme en zone de guerre où s'affrontent les États-Unis et la Russie. Pourtant, sans cette garantie de neutralité, semblable à celle de la Finlande, d'autres enfants mourront. Car au-delà des belles paroles de propagande ecclésiastique de monseigneur Philarète, c'est bien la volonté de transformation géostratégique de l'Ukraine qui est à l'origine du conflit qui l'ensanglante.

Il est dans l'ordre des choses que les soldats meurent à la guerre, car tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée (Matth. 26, 52). Monseigneur Philarète peut se révolter contre le caractère immuable de cette parole, mais non pas faire comme s'il venait de découvrir qu'elle existe en pleurant sur ces soldats morts au combat.

Ce qui sort de l'ordre des choses, c'est d'entendre des témoignages de soldats torturés par d'autres soldats, lorsque ces derniers n'assassinent pas tout simplement leurs prisonniers. Et, n'en déplaise à Monseigneur Philarète, ce sont bien les soldats Ukrainiens de la Garde Nationale qui se livrent à ces actes de barbarie, comme le montre cette vidéo très dure, loin de l'image idyllique des héros au grand cœur qu'il cherche à véhiculer par son discours.

De même, il n'est pas normal que les enfants meurent, même - et surtout pas - dans les guerres. Car, s'il faut en venir à se battre, cela doit être pour protéger leur avenir, et non pour le leur ôter. C'est pourquoi je regrette profondément que des Ukrainiens qui n'ont rien de belliqueux soient mobilisés dans l'armée pour aller se faire tuer dans une guerre qui sert les intérêts de puissances étrangères. Mais si je dois pleurer sur quelqu'un, ce ne sera pas sur les soldats morts en accomplissant leur devoir, mais sur les enfants. Et, plus largement, sur toutes les atrocités qui font qu'un homme cesse de se comporter en être humain pour se livrer à ce que même des animaux n'oseraient pas faire.


Si l'empereur Constantin le Grand, qui a fait tuer son fils, ébouillanter sa femme, qui a assumé la mort d'innombrables soldats dans sa conquête du pouvoir, sacrifié aux idoles jusqu'à ses derniers jours, etc. a été canonisé pour le rôle qu'il a joué dans le rayonnement du christianisme, Mgr Philarète ne devrait pas s'inquiéter de la supposée ressemblance de Vladimir Poutine avec Caïn, mais plutôt d'avoir un jour à lui allumer des cierges pour demander son intercession !

Au-delà de toutes ces morts et des causes tragiques dans lesquelles elles puisent leurs origines, il serait souhaitable de se rappeler que tout l'enseignement chrétien montre une seule chose : Dieu donne sa vie pour sauver les hommes, et non pour se complaire dans le massacre des innocents. Innocents qu'il est de notre devoir de protéger.

1 commentaire:

  1. Notons que le nommé Philarète n'est même pas orthodoxe puisque ayant été excommunié pour "comportement immoral", ce qui semble n'être "normal" que chez les catholiques.

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