de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 31 mai 2014

116- Terrorisme et résistance

Maintenant, [Israël] organise, sur les territoires qu'il a pris, l'occupation, qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion. Et il s'y manifeste contre lui la résistance, qu'à son tour il qualifie de terrorisme. (Général de Gaulle, conférence de presse, 27 novembre 1967)



La résistance est toujours allée de pair avec le terrorisme. Les deux mots désignant souvent la même réalité, mais étant employés différemment suivant le camp dans lequel nous nous trouvons. Je ne vais pas faire ici la liste de tous les conflits actuels ou passés qui pourraient servir d'exemple à cette affirmation : pas un conflit n'échappe à cette règle.

Ce discours du Général est, à ma connaissance, la conférence de presse la plus claire, objective et circonstanciée qui ait été donnée. Sans notes, de Gaulle se livre à un cours magistral sur la situation au Proche-Orient, avec une sincérité que nos hommes politiques seraient bien inspirés de chercher à reproduire. Depuis près de cinquante ans, son discours n'a pas pris une ride et exprime parfaitement ce qui se passe encore aujourd'hui dans ce pays. En voici le texte, retranscrit de la vidéo ci-dessus :

L’établissement, entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque là, l’établissement d’un foyer sioniste en Palestine et puis, après la deuxième guerre mondiale, l’établissement d’un État d’Israël, soulevaient, à l’époque, un certain nombre d’appréhensions. On pouvait se demander, en effet, et on se demandait même chez beaucoup de juifs, si l’implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples arabes qui lui sont foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’incessants, d’interminables frictions et conflits. Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu’alors dispersés, qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois qu’ils seraient rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : « L’an prochain à Jérusalem ! ».

Cependant, en dépit du flot tantôt montant tantôt descendant des malveillances qu’ils provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement, dans certains pays et à certaines époques, un capital considérable d’intérêt et même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire, dans la Chrétienté ; un capital qui était issu de l’immense souvenir du Testament, nourri par toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique malheur et que poétisait chez nous la légende du Juif errant, accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subies pendant la deuxième guerre mondiale, et grossi depuis qu’ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux constructifs et le courage de leurs soldats. C’est pourquoi, indépendamment des vastes concours en argent, en influence, en propagande, que les Israéliens recevaient des milieux juifs d’Amérique et d’Europe, beaucoup de pays, dont la France, voyaient avec satisfaction l’établissement de leur État sur le territoire que leur avaient reconnu les Puissances, tout en désirant qu’ils parviennent, en usant d’un peu de modestie, à trouver avec leurs voisins un modus vivendi pacifique.

Il faut dire que ces données psychologiques avaient quelque peu changé depuis 1956 : à la faveur de l’expédition franco-britannique de Suez on avait vu apparaître, en effet, un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir. Ensuite, l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments, donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et qu’il serait porté, pour l’agrandir, à saisir toute occasion qui se présenterait. C’est pourquoi, d’ailleurs, la Vème République s’était dégagée vis-à-vis d’Israël des liens spéciaux et très étroits que le régime précédent avait noués avec cet État, et s’était appliquée au contraire à favoriser la détente dans le Moyen-Orient. Bien sûr, nous conservions avec le gouvernement israélien des rapports cordiaux et, même, nous lui fournissions pour sa défense éventuelle, les armements qu’il demandait d’acheter. Mais, en même temps, nous lui prodiguions des avis de modération, notamment à propos des litiges qui concernaient les eaux du Jourdain ou bien des escarmouches qui opposaient périodiquement les forces des deux camps. Enfin, nous nous refusions à donner officiellement notre aval à son installation dans un quartier de Jérusalem dont il s’était emparé, et nous maintenions notre ambassade à Tel-Aviv.

Une fois mis un terme à l’affaire algérienne, nous avions repris avec les peuples arabes d’Orient la même politique d’amitié, de coopération qui avaient été pendant des siècles celle de la France dans cette partie du monde et dont la raison et le sentiment font qu’elle doit être aujourd’hui une des bases fondamentales de notre politique extérieure. Bien entendu, nous ne laissions pas ignorer aux Arabes que, pour nous, l’État d’Israël était un fait accompli et que nous n’admettrions pas qu’il fût détruit. De sorte qu’on pouvait imaginer qu’un jour viendrait où notre pays pourrait aider directement à ce qu’une paix fût conclue et garantie en Orient, pourvu qu’aucun drame nouveau ne vînt la déchirer.

Hélas ! Le drame est venu. Il avait été préparé par une tension très grande et constante qui résultait du sort scandaleux des réfugiés en Jordanie, et aussi d’une menace de destruction prodiguée contre Israël. Le 22 mai, l’affaire d’Aqaba, fâcheusement créée par l’Égypte, allait offrir un prétexte à ceux qui rêvaient d’en découdre. Pour éviter les hostilités, la France avait, dès le 24 mai, proposé aux trois autres grandes puissances d’interdire, conjointement avec elle, à chacune des deux parties d’entamer le combat. Le 2 juin, le gouvernement français avait officiellement déclaré, qu’éventuellement, il donnerait tort à quiconque entamerait le premier l’action des armes, et c’est ce que j’avais moi-même, le 24 mai dernier, déclaré à Monsieur Eban, ministre des affaires étrangères d’Israël, que je voyais à Paris. “Si Israël est attaqué”, lui dis-je alors en substance, “nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. Certes, malgré l’infériorité numérique de votre population, étant donné que vous êtes beaucoup mieux organisés, beaucoup plus rassemblés, beaucoup mieux armés que les Arabes, je ne doute pas que le cas échéant, vous remporteriez des succès militaires, mais ensuite, vous vous trouveriez engagés sur le terrain et au point de vue international, dans des difficultés grandissantes, d’autant plus que la guerre en Orient ne peut pas manquer d’augmenter dans le monde une tension déplorable et d’avoir des conséquences très malencontreuses pour beaucoup de pays, si bien que ce serait à vous, devenus des conquérants, qu’on en imputerait peu à peu les inconvénients.” 

On sait que la voix de la France n’a pas été entendue. Israël, ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant, il organise sur les territoires qu’il a pris l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme. Il est vrai que les deux belligérants observent, pour le moment, d’une manière plus ou moins précaire et irrégulière, le cessez-le-feu prescrit par les Nations Unies, mais il est bien évident que le conflit n’est que suspendu et qu’il ne peut y avoir de solution sauf par la voie internationale.

Un règlement dans cette voie, à moins que les Nations Unies ne déchirent elles-mêmes leur propre charte, doit avoir pour base l’évacuation des territoires qui ont été pris par la force, la fin de toute belligérance et la reconnaissance réciproque de chacun des États en cause par tous les autres. Après quoi, par des décisions des Nations Unies, en présence et sous la garantie de leurs forces, il serait probablement possible d’arrêter le tracé précis des frontières, les conditions de la vie et de la sécurité des deux côtés, le sort des réfugiés et des minorités et les modalités de la libre navigation pour tous, notamment dans le golfe d’Aqaba et dans le canal de Suez. Suivant la France, dans cette hypothèse, Jérusalem devrait recevoir un statut international. 

Pour qu’un tel règlement puisse être mis en œuvre, il faudrait qu’il y eût l’accord des grandes Puissances (qui entraînerait ipso facto celui des Nations Unies) et, si un tel accord voyait le jour, la France est d’avance disposée à prêter sur place son concours politique, économique et militaire, pour que cet accord soit effectivement appliqué. Mais on ne voit pas comment un accord quelconque pourrait naître non point fictivement sur quelque formule creuse, mais effectivement pour une action commune, tant que l’une des plus grandes des quatre ne se sera pas dégagée de la guerre odieuse qu’elle mène ailleurs. Car tout se tient dans le monde d’aujourd’hui. Sans le drame du Vietnam, le conflit entre Israël et les Arabes ne serait pas devenu ce qu’il est et si, demain, l’Asie du Sud-Est voyait renaître la paix, le Moyen-Orient l’aurait bientôt recouvrée à la faveur de la détente générale qui suivrait un pareil événement…


Général de Gaulle, le 27/11/67 (Paris).


Manuel Valls aurait sans doute poursuivi le Général de Gaulle, en l'accusant d'antisémitisme, pour le discours qu'il prononça, s'il avait vécu à son époque. A supposer qu'à son époque quelqu'un du niveau de Valls ait pu accéder au moindre poste à responsabilité, vu son inconsistance et sa versatilité.

Quoi qu'il en soit, il ressort que la position de la France, tout comme la position de l'ONU, est que les frontières d'Israël ne peuvent se concevoir en dehors des frontières de 1967. C'est-à-dire que tous les territoires occupés depuis le sont illégalement. Et la lutte des Palestiniens pour récupérer leur pays dans son intégralité est légitime.

Par extension, la lutte du Hezbollah, au Liban, est tout aussi légitime. C'est grâce à son action qu'il a réussi à chasser Israël du Sud du Liban, entre le 23 et le 24 mai 2000, après 22 ans d'occupation. Et même si Israël continue à violer quotidiennement l'espace aérien libanais et à occuper le plateau du Golan Syrien, il est dans l'ordre des choses que ces situations prennent fin.


Ce discours du Général est loin de la superficialité de François Hollande, qui va honorer la mémoire de de Gaulle en déposant des fleurs devant sa statue, tout en classant dans la catégorie de terroristes ceux que le Général considérait comme des résistants.


Avec le style de l'humoriste provocateur qui lui es propre, Dieudonné, dans son éloge à Nelson Mandela, a montré que ce dernier a prôné la violence comme voie de libération jusque devant l'ONU. Et celui qui fut en son temps accusé de terrorisme, finit pourtant ses jours avec les honneurs des chefs d’États du monde entier.


Hassan Nasrallah, musulman chiite, est pour les Libanais ce que Jean Moulin était aux résistants français. Michel Aoun, candidat chrétien au poste de président du Liban, a exprimé son entière confiance au Hezbollah, dont Nasrallah est le chef. Nasrallah reprend à son compte des paroles du Christ comme justification de ses actions. La vidéo ci-dessous, dont certaines scènes sont déconseillées aux moins de 18 ans, résume les raisons qui légitiment la résistance qu'il a organisée.


Il me semble qu'il convient d'être très prudent avant d'appeler quelqu'un résistant ou terroriste. Pris dans sa réalité brutale, la lutte armée sera toujours très dure à accepter comme solution pour les pacifistes dont je suis. Mais autre est le regard des hommes dans des pays en paix, et autre le regard de ceux qui sont confrontés à l'occupation et aux exactions qui vont avec.

dimanche 25 mai 2014

115- Guerres françaises modernes

Un peu avant les élections présidentielles, lorsque j'avais commencé à évoquer des thèmes politiques sur ce blog, un lecteur m'avait fait remarquer qu'il trouvait que je n'étais pas suffisamment dur contre le Front National. Je me méfie des diabolisations systématiques et ne souhaite pas m'y prêter. Je ne vais pas condamner tous les évêques du simple fait qu'il y a parmi eux des Monseigneur Emmanuel, qui couvrent et cautionnent les dérives de leurs prêtres, ou tous les prêtres à cause d'imposteurs comme le père Nicolas Kakavelakis.
 
Il y a de nombreux positionnements du Front National qui sont très pertinents, soutenus par des bords politiques très divers.

Par exemple, le Front National a condamné le pouvoir d'extrême droite actuellement en place en Ukraine. Il rejoint en ceci Alexis Tsipras, leader de la gauche radicale grecque, arrivé en tête aux élections municipales grecques, dimanche dernier. En condamnant les mouvements néonazis ukrainiens, à l'origine du coup d’État dans leur pays, Marine le Pen rejette ouvertement le radicalisme dans lequel ses opposants aimeraient la voir enfermée.

A contrario, François Hollande, en faisant l'éloge du gouvernement de Netanyahou, a montré que l'on pouvait très bien avoir des idées de gauche tout en faisant l'apologie de l'extrême droite fasciste. Pourquoi donc devrais-je condamner le Front National, dont les idées sont bien moins extrêmes que celles cautionnées par les socialistes ? Le gouvernement de Netanyahou a tout de même fait stériliser de force toutes les femmes noires juives éthiopiennes qui avaient immigré en Israël. Quand même !


En tant qu'humaniste de gauche, j'ai une certaine aversion pour les conflits armés. C'est pourquoi j'ai soutenu Mitterrand qui ne voulait pas intervenir militairement en Yougoslavie lorsque, en 1994, l'OTAN décida d'entrer en guerre contre ce pays. Mitterrand savait que les Serbes avaient souvent versé leur sang pour la France au fil des siècles, et avaient toujours été nos alliés. Il refusait l'idée de retourner nos armes contre eux. C'est pourquoi il ne participa pas à cette agression de l'OTAN. 

C'est en 1995, dès son entrée en fonction, que Chirac fit intervenir nos troupes pour bombarder ce pays aux côtés des Américains et de l'OTAN. Des haut-gradés français ont d'ailleurs refusé cette trahison et ont collaboré secrètement avec l'état-major serbe

Je recommande à ce propos le très bon livre de Jacques Merlino, Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire. L'auteur, qui était rédacteur en chef adjoint à France 2, fut limogé juste après avoir écrit son livre, et ce livre fut mis au pilon par les autorités françaises. Il n'en reste aujourd'hui que quelques exemplaires en circulation, pour ceux qui l'avaient acheté le premier jour de sa sortie. Le père Placide Deseille en avait un exemplaire. C'est cette copie qui est reproduite ici.

Quelques années plus tard, pour la même raison, j'ai soutenu Chirac, qui refusait d'entrer en guerre contre l'Irak. Il estimait que les démarches de paix n'avaient pas toutes été entreprises, et que les arguments développés par Colin Powel n'étaient pas confirmés par nos sources de renseignements. Dominique de Villepin se fit connaître à ce moment-là par ce discours qu'il prononça à l'ONU qui aboutit au véto de la France. Chirac décidait d'oublier le petit épisode Yougoslave et prenait une position courageuse.

Laurent Fabius, aujourd'hui candidat à l’obtention du prix Nobel de la Guerre, fut de ceux qui appelèrent Chirac à user de notre droit de véto pour empêcher une décision de l'ONU qui aurait légitimé une intervention militaire contre l'Irak.

Ce véto poussa les Américains à agir seuls. Ils utilisèrent pour cela l'OTAN, structure militaire destinée à ce genre d'agressions, dont ils contrôlent la chaîne de commandement. Ils attaquèrent l'Irak en 2003 sous des prétextes fallacieux et firent officiellement 500 000 morts. Bien plus si l'on compte les victimes du chaos qu'ils ont créé dans le pays.


Sarkozy est arrivé et fut vivement critiqué pour son attitude à suivre servilement les Américains dans toutes leurs épopées sanglantes. Comme Chirac le fit pour la Yougoslavie, l'une des premières décisions de Sarkozy fut d'envoyer nos forces en Irak et en Afghanistan.

Il prit l'initiative de la guerre contre la Libye, comme j'ai déjà eu l'occasion de le développer. Il avait même promis au chef libyen qu'il venait de mettre en place, Mustapha Abdeljalil, que viendrait le tour de l'Algérie dans un an, puis l'Iran dans trois. C'était un soulagement de le voir éconduit car cela devenait outrageant de le voir saluer nos soldats morts dans des batailles qui n'étaient pas les nôtres et vers lesquelles il les avait envoyés.


Personne n'avait imaginé que Hollande ferait pire encore. Il a financé des extrémistes musulmans qui ont semé le chaos en Syrie, comme s'en plaint cet archevêque syrien chrétien. Extrémistes qui ont enlevé nos journalistes durant près d'un an, et ne les ont libérés qu'après avoir perçu une rançon. Et, toujours sans mandat de l'ONU, Hollande avait planifié l'attaque de ce pays, comme l'a montré ce très bon article du Monde.

En décidant d'adopter une attitude guerrière contre la Russie dans la crise Ukrainienne, il a encore franchi un cap. Jusqu'à ces derniers mois, tout le monde avait à l'esprit le proverbe africain : Quand des éléphants se battent, c'est toujours l'herbe qui est écrasée. Proverbe qui pourrait très bien s'appliquer aux innombrables conflits de la guerre froide qui ont opposé, au travers de pays tiers, États-Unis et Russie. Mais, par ses menaces contre les Russes, voilà que Hollande croit aujourd'hui que l'herbe peut s'en prendre à l'éléphant, ce qui lui donne des idées velléitaires que même Sarkozy n'aurait pas envisagées.


Je ne sais pas vers quelles folies nos élus nous conduiront encore, mais je constate que le seul parti politique à dire clairement que nous ne devons pas intervenir militairement dans un autre pays sans un mandat clair de l'ONU est le Front National. 

Alors, si je veux défendre mes idées humanistes de gauche, dois-je voter pour l'UMP ou le PS, en sachant qu'ils décideront de nouvelles guerres, qui détruiront des populations avec lesquelles j'aspire à vivre en paix ? Ou bien dois-je considérer avec bienveillance le positionnement du Front National sur ces questions cruciales ?

samedi 17 mai 2014

114- Démocratie VS Populisme

Aux origines grecques de la démocratie, seuls les citoyens libres avaient le droit de choisir leurs représentants. Lorsque, après la révolution française, la République décida d'adopter les fondements de la démocratie, peu après avoir fait exterminer les Chouans et les Vendéens, tout le monde, sauf les femmes, eut le droit de vote. Lacune qui fut comblée en 1944. Il est vrai qu'il est plus facile pour ceux qui aspirent au pouvoir de promouvoir un fonctionnement démocratique lorsqu'il ne reste plus que des votants qui sont d'accord avec leurs idées.

La démocratie, dont Abraham Lincoln disait qu'elle est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, puise donc sa légitimité dans le peuple. Jean-Jacques Rousseau considérait que la démocratie ne pouvait être que directe : La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté générale ne se représente point (Rousseau, Du contrat social livre III, chapitre 15).

C'est sur ce fondement que fut instauré le suffrage universel destiné à élire tous nos représentants politiques, à l'exception notable des sénateurs.

Le fonctionnement de notre pays est organisé suivant cette vision où chacun a la même place et la même considération. 

Pourtant, lorsque j'ai écrit le message sur les référendums, plusieurs lecteurs m'ont fait remarquer que ceux-ci ne pouvaient être légitimes pour tout. Car les généraliser, comme le font les Suisses, conduit au populisme, qui peut nuire à l'intérêt supérieur d'un pays : il est facile pour une majorité d'écraser une minorité, si cette minorité devient gênante pour telle ou telle raison.

Cet argument ne saurait être recevable en lui-même car, de la même façon, une minorité peut écraser une majorité si elle détient le contrôle de la chaîne de commandement. N'est-ce pas ainsi que les colons d'Afrique du Sud assujettirent la population autochtone et organisèrent l’apartheid ? Il existe bien des niveaux où la minorité tente de maintenir ses privilèges et sa domination sur une majorité.

C'est pour dénoncer cette anomalie que fut créé le mouvement de contestation Occupy Wall Street, aux Etats-Unis.

Le mot populisme est souvent utilisé par la franc-maçonnerie pour revendiquer la domination d'une élite éclairée sur la masse. D'où leur symbole de l’œil dans le sommet d'une pyramide, sommet coupé de sa base et duquel émanent les rayons de la connaissance. Mais il y a là une profonde contradiction, car les francs-maçons, qui revendiquent l'existence d'une classe dominante, sont les mêmes qui sont à l'origine de la devise de la République : Liberté, égalité, fraternité.

De quelle égalité pouvons-nous parler si une élite se réserve le droit d'assurer sa domination ? Ces idées paradoxales développées simultanément par les mêmes personnes conduisent aujourd'hui à opposer populisme et démocratie.

Peut-on considérer que les citoyens ont une légitimité absolue pour élire une personne à un rôle politique, et qu'ils perdent cette légitimité s'ils demandent des comptes à ceux qu'ils élisent ? Leur légitimité ne pourrait-elle ne concerner que des choix de personnes, par définition très restreints, et non plus les décisions prises une fois le mandat accordé ?

C'est ainsi que nos élus taxent de populisme le choix des Suisses qui décident de protéger leurs frontières, ou bien qu'ils rejettent en bloc la demande du Front National de garantir un plus grand accès aux référendums, ou encore qu'ils décident d'adopter la constitution européenne que le peuple a rejetée par référendum.

Opposer ces mots de populisme et démocratie, comme s'ils étaient antagonistes, revient à nier que le choix du peuple est le fondement de notre société démocratique. Cela revient à rejeter les idées de la révolution française, définies par Rousseau que je citais plus haut. Cela masque un coup d’État larvé et permanent, par lequel quelques bénéficiaires retireraient au peuple le choix de son destin.

Il était frappant et inquiétant de voir, le 8 mai dernier, deux minutes avant que François Hollande ne défile, les Champs Élysées complètement vides.

8 mai 2014, Champs Élysées, juste avant le défilé de F. Hollande

Cette photo, diffusée par un journaliste présent sur place, montre l'absence totale de soutien populaire à notre Président. Est-ce cela sa volonté de combattre le populisme ? En être arrivé à se couper de tout et de tous ? Mais peut-il alors affirmer qu'il représente plus que lui-même ?

Pour ma part, je pense que vouloir opposer populisme et démocratie vise essentiellement à faire culpabiliser ceux qui demanderaient que la démocratie ne se réduise pas à un vague concept, mais soit quelque chose de vécu au quotidien.

Outre la notion de culpabilisation, développer l'idée de populisme revient à considérer que le peuple n'a pas la capacité intellectuelle de présider à sa destinée. Les Suisses, souvent accusés de populisme dans leurs votations, montrent pourtant un niveau de raisonnement élevé et une prise de décisions réfléchie. C'est ainsi que, sollicités pour généraliser la cinquième semaine de congés payés, ils ont refusé la proposition en estimant que le système marchait mieux chez eux, où les congés relèvent de la compétence des entreprises, qu'en France où ils sont obligatoires.
 
Considérer que le choix du plus grand nombre n'est pas forcément bon est sans doute fondé, car nul n'est infaillible, pas même un peuple, et quoi que certains revendiquent. Mais, pour autant, mettre en avant que le peuple puisse se tromper ne suffit pas à lui nier sa capacité de choisir le monde qu'il veut construire. Nos élus gardent d'ailleurs, pour eux-mêmes, le droit à l'erreur sans avoir jamais aucun compte à rendre. 

Je suis habituellement plutôt à gauche de l'échiquier politique. Aux dernières présidentielles, par exemple, j'aurais eu beaucoup de plaisir à voir arriver Eva Joly à la tête du Ministère de la Justice, comme Jean-Paul Ier était arrivé à la tête de Vatican. Elle connaissait tous les rouages du système dont elle avait combattu la corruption toute sa vie. Elle n'aurait sans doute pas duré plus longtemps que Jean-Paul Ier, mais elle serait entrée dans l'Histoire. Hollande a sans doute voulu la préserver d'un tel funeste destin en la tenant loin des responsabilités. A moins que ce ne soit ses amis qu'il ait voulu préserver ?

Cette sensibilité personnelle fait que je suis aujourd'hui consterné de constater que seul le Front National porte les valeurs de la démocratie telle que Rousseau la définissait. Il est le seul à demander que le peuple ne choisisse pas seulement ses dirigeants, mais également sa politique, ses orientations stratégiques et ses choix souverains. Alors, est-ce Rousseau qui est d'extrême droite ? Ou bien les socialistes d'aujourd'hui qui ont abandonné les idées de Rousseau ? Ou bien encore l'extrême droite qui serait moins totalitariste dans ses aspirations que l'UMP ou le PS ?

Il ne sera jamais légitime qu'une majorité agisse sans tenir compte des intérêts des minorités, tout comme il ne sera jamais légitime qu'une minorité impose ses choix à tout un peuple. Il y a des abus possibles dans chacun de ces deux modes de fonctionnement et il convient de rester vigilant à leur égard. C'est pourquoi les dirigeants se doivent d'agir avec discernement. Mais, malgré les déviances possibles, les risques d'erreur seront toujours beaucoup plus faibles dans une démocratie participative directe, que si les choix relèvent uniquement de quelques personnes.

Pour ma part, je pense que certaines idées ne doivent pas mourir. Et défendre le respect des choix du peuple fait partie de ces idées.

samedi 10 mai 2014

113- Anarchie

Il y a quelques semaines, j'ai pris un auto-stoppeur. Ce jeune-homme était petit-fils de pasteur. Élevé de façon stricte, dans le respect des règles établies. Pour son grand-père, Dieu est Ordre. L'ordre implique la hiérarchie dont découle l'obéissance par soumission à l'autorité en place, vue comme une émanation de l'autorité divine qui a Pouvoir sur toutes choses.

Le jeune-homme de mon histoire, révolté contre son grand-père et contre l'Autorité, souvent injuste, partiale, abusive, discriminatoire et j'en passe, était devenu anarchiste. Il avait un regard très critique sur ce Dieu autoritariste de son grand-père.

Il m'a regardé avec curiosité lorsque je lui ai dit qu'il était évident que Dieu est anarchiste, et il a voulu en savoir plus.

La vision d'un Dieu autoritaire, voire autoritariste, est largement répandue dans le monde. Elle s'exprime, par exemple, dans Les chariots de feu. A la vingtième minute du film, alors que les étudiants se préparent aux Jeux Olympiques, une scène montre la sortie d'une église et deux personnages ont cette discussion :
   Le royaume de Dieu n'est pas une démocratie ! Le Seigneur ne cherche pas à être réélu. Il n'y a pas de discussion, de délibération, de référendum pour savoir la route à prendre. Il y en a une bonne, une mauvaise. C'est un souverain absolu.
   Un dictateur, vous voulez dire !
   Oui... Mais un dictateur bienveillant et aimant.
   Que faites-vous de la liberté du choix ?
   Mais tu as le choix Sandy ! Personne ne te force à le suivre.

C'est ainsi que la forme de gouvernance présentée comme la plus proche de la pensée divine a été, au cours de l'Histoire, la monarchie. Nous ne comptons plus les rois de l'Ancien Testament, les rois de France, les empereurs d'Orient ou d'Occident ou les tsars qui se sont présentés comme l'émanation de cette autorité divine absolue. Tous ces monarques étaient d'ailleurs dans la continuité des souverains de l’Égypte antique ou des dynasties chinoises, où le chef suprême était l'égal d'un dieu, et ce bien avant la culture judéo-chrétienne.


L'anarchie se définit comme l'absence de toute forme d'autorité. Il ne s'agit pas d'une absence de règles, ou d'une désintégration des normes, qui serait alors une anomie, mais d'une absence d'autorité au sein d'un monde dans lequel chacun ne serait poussé que par sa conscience et sa liberté.

Il serait possible de considérer qu'Adam, au Paradis, vivait dans une forme d'anarchie, puisqu'il y faisait ce qu'il voulait, à condition de ne pas goûter au fruit de la connaissance du bien et du mal. Mais vu qu'il y vivait seul, l'exemple ne serait pas très évocateur. Et lui-même s'étant plaint d'être soumis à la femme (Gn 3, 12), il serait difficile de considérer qu'il n'y avait aucune forme d'autorité dans le Paradis originel.

Plaisanterie mise à part, et pour avoir un exemple plus probant, il faut sauter les siècles jusqu'à l'époque où le peuple d'Israël, conduit par Moïse, traverse le Jourdain pour entrer en terre promise.

Moïse donne alors au peuple la Loi que Dieu grava sur le mont Sinaï. Ces préceptes divins, plus connus sous le nom de Dix commandements, sont complétés par des lois plus élaborées décrites dans le Pentateuque.

Pourtant, malgré les nombreuses lois qu'il laissa à son peuple pour le guider dans la voie de la justice, Moïse ne lui organisa aucune autorité. Seul un juge était chargé de régler les conflits qui pouvaient apparaitre. Mais personne pour commander personne.

Ce n'est que bien plus tard que les Hébreux réclamèrent un chef à Samuel (1Sam. 8), qui était juge à cette époque. Tous les anciens d'Israël s'assemblèrent, et vinrent auprès de Samuel à Rama. Ils lui dirent : Voici, tu es vieux, et tes fils ne marchent point sur tes traces ; maintenant, établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a chez toutes les nations (Id.).
Samuel pria et Dieu lui dit : Ce n'est pas toi qu'ils rejettent, c'est moi qu'ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux (Id.).

Puis vient une longue description de ce que seront les prérogatives du roi qu'ils réclament : autorité, armée et impôts sont les principales plaies associées à cette autorité que Dieu présente comme étant une déviation de sa volonté et du bien qu'il veut pour les hommes.

C'est ainsi que, par la crainte d'avoir des juges corrompus, les juifs choisirent un roi pour les gouverner. Rois qui devinrent très vite encore plus corrompus. La corruption évoquée n'ayant pas disparu avec le changement de régime, il s'avéra donc qu'elle n'était qu'un prétexte pour se défaire des juges. L'histoire des rois et des prophètes raconte par le détail cette évolution qui aboutit à trois déportations au fil des siècles.

C'est d'ailleurs pour cela que les juifs orthodoxes ne considèrent pas qu'ils doivent exister au sein d'un État constitué car, depuis l'époque de Samuel, l'autorité des rois qui s'impose à leur peuple est perçue comme un rejet de l'autorité divine qui guide chacun dans son cœur et sa conscience. Passer des juges aux rois revenait à passer d'un statut d'obéissance libre à la Loi, écrite pour le bien des hommes, à un statut d'obéissance par soumission à une autorité constituée, que cette autorité soit juste ou injuste.

C'est pour la même raison que les juifs orthodoxes d'aujourd'hui sont les premiers à rejeter le sionisme et leur existence au sein de l’État d'Israël qui ne serait qu'à eux.

Juifs orthodoxes mettant le feu au drapeau d'Israël, Anvers, Belgique
 
La vision de l'autorité professée et illustrée par le Christ est très proche de celle des prophètes de l'Ancien Testament.

C'est ainsi que le Christ dit à Pilate : Je suis roi (Jn 18, 37). Et encore : Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres (Jn 13, 14). Ou bien : Vous n'êtes plus mes serviteurs, mais mes amis (Jn 15, 15). Ou encore : Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui les dominent sont appelés bienfaiteurs. Qu'il n'en soit pas de même pour vous, mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert (Lc 22, 25-26).

Cette vision, où le Pouvoir n'a d'autre finalité que d'être au service de ses égaux dans l'abnégation, et ne peut exister en tant qu'emprise autoritaire qui serait exercée sur les autres, est le fondement de tous les textes chrétiens évoquant le fonctionnement de la Jérusalem céleste.

Saint Paul la décrit comme un monde où Dieu est tout en tous (Col. 3, 11). Les Évangiles définissant Dieu comme un amour absolu qui donne sa vie pour ceux qu'il aime (Jn 15, 13).

Nous sommes ici très loin de la vision véhiculée par certains évêques ou certains dirigeants qui comptent asseoir leur autorité sur une population soumise et obéissante. Ce qui contribue à pervertir le message de l’Évangile par ceux-là mêmes qui sont censés le rendre vivant.


Pourtant, même si vivre sans être soumis à aucune forme d'autorité autre que sa propre conscience est une idée plaisante et profondément biblique, il faut deux choses pour que l'Anarchie fonctionne :
- une conscience claire du bien ;
- une volonté de tous de mettre en application cette conscience.

En Grèce, les anarchistes reprennent de la vigueur depuis le début de la crise économique. Ils se font régulièrement remarquer par des attentats ou des actions d'éclat. Si bien que nous voyons dans ce mouvement la dégénérescence d'une belle idéologie. Car l'anarchie ne peut fonctionner à l'échelle d'une société que par l'amour dont chacun serait rempli et qu'il voudrait voir rejaillir sur son entourage et dans ses actions.

Sans amour, l'anarchie n'est plus que la manifestation du chaos qui se traduit par la destruction et la souffrance. Ce qui en fait un modèle social totalement utopiste dans le monde qui nous entoure.

Mais le chaos, dont le mot anarchie est devenu synonyme, est-il forcément évité par une société basée sur l'ordre ? Sarkozy, qui n'était pas vraiment un anarchiste, a été l'instrument du chaos en Lybie lorsqu'il a fait détruire ce pays par nos forces armées, afin d'éliminer Kadhafi devenu dangereux pour lui. Je ne dis pas ici que Kadhafi est aussi saint que Jean-Paul II. Quoique ?... Mais je dis que nous avons détourné une résolution de l'ONU qui nous demandait de protéger les populations civiles par une zone de protection aérienne. Nous avons utilisé cette résolution comme prétexte d'intervention et sommes allés bombarder toutes les infrastructures du pays et sa population que nous étions censés protéger. Ce qui a conduit ce pays à être aujourd'hui exsangue économiquement et en situation de guerre civile.


Il y a malheureusement beaucoup trop d'exemples du chaos généré par les différents pouvoirs au fil des siècles. Chaos qui sont alors le fruit de la volonté d'asseoir encore davantage une autorité dominatrice. Si bien que l'OTAN, l'UMP, ou de nombreux autres sigles, sont aujourd'hui synonymes de chaos, tout autant que l'Anarchie.

Il convient donc de rester prudents sur les idéologies qui nous sont présentées, et de rester concentrés sur le seul véritable enjeu : quelles normes acceptons-nous de suivre, et sommes-nous prêts à rejeter ce qui vient s'opposer à notre conscience ?