Aux origines grecques de la démocratie, seuls les citoyens libres avaient le droit de choisir leurs représentants. Lorsque, après la révolution française, la République décida d'adopter les fondements de la démocratie, peu après avoir fait exterminer les Chouans et les Vendéens, tout le monde, sauf les femmes, eut le droit de vote. Lacune qui fut comblée en 1944. Il est vrai qu'il est plus facile pour ceux qui aspirent au pouvoir de promouvoir un fonctionnement démocratique lorsqu'il ne reste plus que des votants qui sont d'accord avec leurs idées.
La démocratie, dont Abraham Lincoln disait qu'elle est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, puise donc sa légitimité dans le peuple. Jean-Jacques Rousseau considérait que la démocratie ne pouvait être que directe : La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté générale ne se représente point (Rousseau, Du contrat social livre III, chapitre 15).
C'est sur ce fondement que fut instauré le suffrage universel destiné à élire tous nos représentants politiques, à l'exception notable des sénateurs.
Le fonctionnement de notre pays est organisé suivant cette vision où chacun a la même place et la même considération.
Pourtant, lorsque j'ai écrit le message sur les référendums, plusieurs lecteurs m'ont fait remarquer que ceux-ci ne pouvaient être légitimes pour tout. Car les généraliser, comme le font les Suisses, conduit au populisme, qui peut nuire à l'intérêt supérieur d'un pays : il est facile pour une majorité d'écraser une minorité, si cette minorité devient gênante pour telle ou telle raison.
Cet argument ne saurait être recevable en lui-même car, de la même façon, une minorité peut écraser une majorité si elle détient le contrôle de la chaîne de commandement. N'est-ce pas ainsi que les colons d'Afrique du Sud assujettirent la population autochtone et organisèrent l’apartheid ? Il existe bien des niveaux où la minorité tente de maintenir ses privilèges et sa domination sur une majorité.
C'est pour dénoncer cette anomalie que fut créé le mouvement de contestation Occupy Wall Street, aux Etats-Unis.
Le mot populisme est souvent utilisé par la franc-maçonnerie pour revendiquer la domination d'une élite éclairée sur la masse. D'où leur symbole de l’œil dans le sommet d'une pyramide, sommet coupé de sa base et duquel émanent les rayons de la connaissance. Mais il y a là une profonde contradiction, car les francs-maçons, qui revendiquent l'existence d'une classe dominante, sont les mêmes qui sont à l'origine de la devise de la République : Liberté, égalité, fraternité.
De quelle égalité pouvons-nous parler si une élite se réserve le droit d'assurer sa domination ? Ces idées paradoxales développées simultanément par les mêmes personnes conduisent aujourd'hui à opposer populisme et démocratie.
Cet argument ne saurait être recevable en lui-même car, de la même façon, une minorité peut écraser une majorité si elle détient le contrôle de la chaîne de commandement. N'est-ce pas ainsi que les colons d'Afrique du Sud assujettirent la population autochtone et organisèrent l’apartheid ? Il existe bien des niveaux où la minorité tente de maintenir ses privilèges et sa domination sur une majorité.
C'est pour dénoncer cette anomalie que fut créé le mouvement de contestation Occupy Wall Street, aux Etats-Unis.
Le mot populisme est souvent utilisé par la franc-maçonnerie pour revendiquer la domination d'une élite éclairée sur la masse. D'où leur symbole de l’œil dans le sommet d'une pyramide, sommet coupé de sa base et duquel émanent les rayons de la connaissance. Mais il y a là une profonde contradiction, car les francs-maçons, qui revendiquent l'existence d'une classe dominante, sont les mêmes qui sont à l'origine de la devise de la République : Liberté, égalité, fraternité.
De quelle égalité pouvons-nous parler si une élite se réserve le droit d'assurer sa domination ? Ces idées paradoxales développées simultanément par les mêmes personnes conduisent aujourd'hui à opposer populisme et démocratie.
Peut-on considérer que les citoyens ont une légitimité absolue pour élire une personne à un rôle politique, et qu'ils perdent cette légitimité s'ils demandent des comptes à ceux qu'ils élisent ? Leur légitimité ne pourrait-elle ne concerner que des choix de personnes, par définition très restreints, et non plus les décisions prises une fois le mandat accordé ?
C'est ainsi que nos élus taxent de populisme le choix des Suisses qui décident de protéger leurs frontières, ou bien qu'ils rejettent en bloc la demande du Front National de garantir un plus grand accès aux référendums, ou encore qu'ils décident d'adopter la constitution européenne que le peuple a rejetée par référendum.
Opposer ces mots de populisme et démocratie, comme s'ils étaient antagonistes, revient à nier que le choix du peuple est le fondement de notre société démocratique. Cela revient à rejeter les idées de la révolution française, définies par Rousseau que je citais plus haut. Cela masque un coup d’État larvé et permanent, par lequel quelques bénéficiaires retireraient au peuple le choix de son destin.
Il était frappant et inquiétant de voir, le 8 mai dernier, deux minutes avant que François Hollande ne défile, les Champs Élysées complètement vides.
Il était frappant et inquiétant de voir, le 8 mai dernier, deux minutes avant que François Hollande ne défile, les Champs Élysées complètement vides.
8 mai 2014, Champs Élysées, juste avant le défilé de F. Hollande |
Cette photo, diffusée par un journaliste présent sur place, montre l'absence totale de soutien populaire à notre Président. Est-ce cela sa volonté de combattre le populisme ? En être arrivé à se couper de tout et de tous ? Mais peut-il alors affirmer qu'il représente plus que lui-même ?
Pour ma part, je pense que vouloir opposer populisme et démocratie vise essentiellement à faire culpabiliser ceux qui demanderaient que la démocratie ne se réduise pas à un vague concept, mais soit quelque chose de vécu au quotidien.
Outre la notion de culpabilisation, développer l'idée de populisme revient à considérer que le peuple n'a pas la capacité intellectuelle de présider à sa destinée. Les Suisses, souvent accusés de populisme dans leurs votations, montrent pourtant un niveau de raisonnement élevé et une prise de décisions réfléchie. C'est ainsi que, sollicités pour généraliser la cinquième semaine de congés payés, ils ont refusé la proposition en estimant que le système marchait mieux chez eux, où les congés relèvent de la compétence des entreprises, qu'en France où ils sont obligatoires.
Considérer que le choix du plus grand nombre n'est pas forcément bon est sans doute fondé, car nul n'est infaillible, pas même un peuple, et quoi que certains revendiquent. Mais, pour autant, mettre en avant que le peuple puisse se tromper ne suffit pas à lui nier sa capacité de choisir le monde qu'il veut construire. Nos élus gardent d'ailleurs, pour eux-mêmes, le droit à l'erreur sans avoir jamais aucun compte à rendre.
Je suis habituellement plutôt à gauche de l'échiquier politique. Aux dernières présidentielles, par exemple, j'aurais eu beaucoup de plaisir à voir arriver Eva Joly à la tête du Ministère de la Justice, comme Jean-Paul Ier était arrivé à la tête de Vatican. Elle connaissait tous les rouages du système dont elle avait combattu la corruption toute sa vie. Elle n'aurait sans doute pas duré plus longtemps que Jean-Paul Ier, mais elle serait entrée dans l'Histoire. Hollande a sans doute voulu la préserver d'un tel funeste destin en la tenant loin des responsabilités. A moins que ce ne soit ses amis qu'il ait voulu préserver ?
Cette sensibilité personnelle fait que je suis aujourd'hui consterné de constater que seul le Front National porte les valeurs de la démocratie telle que Rousseau la définissait. Il est le seul à demander que le peuple ne choisisse pas seulement ses dirigeants, mais également sa politique, ses orientations stratégiques et ses choix souverains. Alors, est-ce Rousseau qui est d'extrême droite ? Ou bien les socialistes d'aujourd'hui qui ont abandonné les idées de Rousseau ? Ou bien encore l'extrême droite qui serait moins totalitariste dans ses aspirations que l'UMP ou le PS ?
Il ne sera jamais légitime qu'une majorité agisse sans tenir compte des intérêts des minorités, tout comme il ne sera jamais légitime qu'une minorité impose ses choix à tout un peuple. Il y a des abus possibles dans chacun de ces deux modes de fonctionnement et il convient de rester vigilant à leur égard. C'est pourquoi les dirigeants se doivent d'agir avec discernement. Mais, malgré les déviances possibles, les risques d'erreur seront toujours beaucoup plus faibles dans une démocratie participative directe, que si les choix relèvent uniquement de quelques personnes.
Cette sensibilité personnelle fait que je suis aujourd'hui consterné de constater que seul le Front National porte les valeurs de la démocratie telle que Rousseau la définissait. Il est le seul à demander que le peuple ne choisisse pas seulement ses dirigeants, mais également sa politique, ses orientations stratégiques et ses choix souverains. Alors, est-ce Rousseau qui est d'extrême droite ? Ou bien les socialistes d'aujourd'hui qui ont abandonné les idées de Rousseau ? Ou bien encore l'extrême droite qui serait moins totalitariste dans ses aspirations que l'UMP ou le PS ?
Il ne sera jamais légitime qu'une majorité agisse sans tenir compte des intérêts des minorités, tout comme il ne sera jamais légitime qu'une minorité impose ses choix à tout un peuple. Il y a des abus possibles dans chacun de ces deux modes de fonctionnement et il convient de rester vigilant à leur égard. C'est pourquoi les dirigeants se doivent d'agir avec discernement. Mais, malgré les déviances possibles, les risques d'erreur seront toujours beaucoup plus faibles dans une démocratie participative directe, que si les choix relèvent uniquement de quelques personnes.
Pour ma part, je pense que certaines idées ne doivent pas mourir. Et défendre le respect des choix du peuple fait partie de ces idées.
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