de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 28 mars 2015

160- Jean-Paul




En 1973, la communauté hellénique de Lyon eut besoin d'une personne pour s'occuper de l'entretien des locaux de l'église. Le père Vlassios proposa madame Marie C. pour ce rôle. 

Madame Marie est une personne simple et aimant l'église. Elle accepta volontiers. Lorsqu'elle devint trop âgée pour ce travail fatiguant, son fils, Jean-Paul, prit la suite de son obédience. En quarante ans, pas une semaine ne s'écoula sans que l'église ne soit apprêtée pour accueillir chaleureusement les visiteurs et les fidèles.

Jean-Paul est plus âgé que moi, et nous n'allions pas dans le même cours de grec lorsque nous étions enfants. Mais je l'ai toujours vu au sein de la communauté. 

Lorsqu'il se mit à chercher du travail, après son service militaire, ce fut Stylianos qui lui trouva son premier emploi, le 26 janvier 1983. Stylianos était alors contremaître dans l'entreprise Siema qui fabrique des armoires électriques, notamment pour la SNCF, et il était content de pouvoir ainsi aider ce jeune qu'il connaissait. 

Mais Stylianos était un homme droit, qui ne voulait pas que l'on dise qu'il avait engagé Jean-Paul par favoritisme. Aussi était-il particulièrement exigeant avec lui. Il ne lui accordait jamais aucune pause, et attendait une exemplarité permanente dans son attitude et dans la qualité de son travail. Jean-Paul persévéra sans se plaindre, accomplissant son travail quotidien, jusqu'à ce qu'il soit victime d'un licenciement économique en mars 1992.

En septembre 1992 il trouva un travail d'agent de sécurité qu'il garda jusqu'au début du mois de septembre 1998. Quelques jours plus tard, le 15 septembre, il fut engagé comme agent d'entretien. Ce travail lui assurait une sécurité d'emploi. Il occupe encore ce poste aujourd'hui.

Le père Athanase avait accordé 150 euros par mois à Jean-Paul, somme qu'il doublait pour Pâques du fait du grand nombre d'offices avant lesquels il fallait préparer l'église. Il lui donnait cette somme toute l'année, y compris en juillet et en août, même si l'église était partiellement fermée durant cette période. Personne ne considérait cette somme comme un salaire. Elle était plutôt la marque d'une gratitude, que l'on appelle en grec evlogia.

Jean-Paul s’occupait de l'église et de la salle paroissiale. L'épouse du père Athanase, Xanthi, nettoyait la salle de classe, les halls d'accès, les escaliers et les toilettes.
 
Lorsque le père Nicolas pris ses fonctions, il demanda à Jean-Paul d'assumer l'intégralité du nettoyage. Il augmenta généreusement la somme qui lui était attribuée de 50 euros par mois pour qu'il prenne à son compte la charge de travail dont Xanthi s'occupait auparavant.

Cependant, pour éviter de mettre en péril les comptes de la communauté par tant de générosité, il supprima progressivement le double défraiement qu'il lui versait pour Pâques, et retirait 50 euros par semaine lorsqu'il fermait l'église pour cause de vacances. Par exemple les deux dernières semaines de juillet ou les deux premières d'août.

Fidèle à son éducation et à ses valeurs, Jean-Paul est quelqu'un de consciencieux et d'intègre. Il ne se préoccupait pas de ces comptes d’apothicaires et prenait simplement comme une bénédiction ce qu'on lui donnait. Aussi cet esprit sans malice ne comprit-il pas pourquoi, lorsque j'ai commencé ce blog, le père Nicolas Kakavelakis alla le trouver pour lui demander de me transmettre des fausses informations. Elles étaient destinées à m'induire en erreur, afin de me pousser à écrire des choses fausses, et à disqualifier ainsi le contenu de mon blog.

Le père Nicolas venait de célébrer la liturgie à ce moment-là et portait encore ses vêtements sacerdotaux lorsqu'il vint ainsi pour le tenter. Même si, du fait de notre différence d'âge, nous nous étions peu fréquentés, il ne serait jamais venu à l'esprit de Jean-Paul d'induire volontairement quelqu'un en erreur pour lui tendre un piège. Et cela même si l'ordre venait d'un homme portant l'habit de prêtre.

Il avait décidé de rester loin des conflits qui se manifestaient, et s'en tenait sagement à cette réserve.

Était-ce normal que le père Nicolas lui demande de faire des quêtes lors des mariages ou des enterrements, alors qu'il facturait par ailleurs cette prestation aux familles ? Était-ce normal qu'il lui demande de lui apporter en main propre l'argent liquide ainsi collecté sans le déposer dans le tronc de l'église ? Il n'était pas là pour en juger. Dans l'église, chacun est seul avec sa conscience, devant Dieu. Le père Nicolas comme les autres. Et comme lui également. 

Le temps du Faites ce qu'ils disent, mais pas ce qu'ils font (Matth. 23, 3) était révolu. Il s’apercevait que nous entrions maintenant dans Ne faites ni ce qu'ils disent, ni ce qu'ils font. Sa conscience lui commandait de respecter le clergé, mais pas de le suivre dans sa volonté de manipulation malsaine.

Dans l'esprit tortueux du père Nicolas, cette attitude fut perçue comme un manque de fiabilité, générant une suspicion permanente envers Jean-Paul. C'est ainsi qu'il fit venir des entreprises de nettoyage pour demander des devis, afin de se passer de ses services. Mais les devis étaient bien plus élevés que les modestes défraiements qu'il lui accordait. Qui aurait accepté de nettoyer plusieurs centaines de mètres carrés pour seulement 45 euros par semaine ?


Le père Nicolas dut se résigner à le conserver. Tel un nouveau Thénardier, il voyait en Jean-Paul une Cosette moderne pour laquelle il n'avait aucun respect. C'est ainsi qu'il augmenta progressivement sa charge de travail, lui demandant de s'occuper des vitres, puis des espaces verts, puis de la cuisine les jours de fête, des frigos, du matériel, etc.



Derrière cet asservissement progressif se cachait sa rancœur de n'avoir jamais pu le manipuler. 

Le 14 juin 2014, jour de la fête de fin d'année de l'ancienne école grecque, Christos K. vint trouver Jean-Paul en affirmant qu'il manquait des couteaux de cuisine, et en laissant supposer qu'il aurait pu les avoir volés. Jean-Paul manifestait un dévouement exemplaire depuis tant d'années, et Christos l'accusait pour la disparition de couteaux qui auraient très bien pu se trouver dans la cuisine du père Nicolas, ou même dans sa propre cuisine ? L'accusation était dure à accepter pour un homme qui a passé sa vie à donner et non à prendre. Elle venait s'ajouter à diverses autres vexations.

Le 9 septembre 2014, Jean-Paul fut convoqué par le Comité. Il se présenta dans la salle paroissiale, organisée ce jour-là tel un tribunal. Le père Nicolas, président de la communauté, siégeait au centre de la table. Assis à ses côtés, Manolis B., Christos K. et Angela J. tenaient le rôle des assesseurs. Face à eux, Jean-Paul, dans celui de l'accusé à qui l'on reprochait son manque de rigueur dans le travail.

A cette occasion, il lui fut notifié une liste de tout ce dont il allait devoir s'occuper dorénavant. Le programme couvrait une année complète. Cette liste, reproduite ci-dessous, était augmentée d'annotations manuscrites, montrant que son rédacteur avait cherché à ajouter de nouvelles contraintes, même après avoir rédigé son texte. 


 

Le métropolite Emmanuel Adamakis fut mis en copie de ce courrier, qu'il reçut le 8 janvier 2015.

À ceux qui le questionnent sur l'air épanoui qui émane depuis de lui, Jean-Paul répond qu'il se sent maintenant soulagé et libéré.


Jean-Paul demandait, dans sa lettre, un rendez-vous pour rendre les clés de l'église qu'il avait en sa possession, en échange d'un récépissé. Le récépissé était indispensable pour ne pas se voir reprocher, un jour, de les avoir gardées, ou d'être l'auteur de vols qui pourraient survenir. L'histoire des couteaux avait en effet montré que notre couple de Thénardier en robes noires ne s'arrêterait pas à ce genre de bassesse.

Le père Nicolas prit cette demande comme une humiliation personnelle. Il voulait bien convoquer Cosette pour la réprimander, mais répondre à sa demande de rendez-vous était autre chose. Allait-il s'abaisser à lui signer un récépissé ? Le problème n'était pas que ces clés s'égarent dans la nature. Elles étaient hautement sécurisées et personne, si ce n'est le possesseur de la carte de propriété, n'aurait pu les dupliquer. Il suffisait de les demander, de signer un reçu, et il aurait été assuré d'avoir en sa possession tous les exemplaires existants. Le jeudi 19 mars 2015 au matin, le père Nicolas fit venir un serrurier qui changea toutes les serrures de la salle et de l'église. Aux frais de la communauté, cela va sans dire.

Frustré de voir ainsi Cosette lui échapper, notre nouveau Thénardier fit en sorte que l'argent qu'il lui avait promis pour ses cinq dernières semaines de travail ne lui soit jamais versé, oubliant que Jean-Paul n'avait jamais accompli son obédience pour un salaire.

Pire que ça. Lorsque Jean-Paul écrivit pour présenter sa candidature à l'élection du Comité de notre association cultuelle, le 22 mars dernier, toutes les personnes dont le père Nicolas avait le numéro de téléphone ou l'adresse mail reçurent un texte disant que Jean-Paul ne faisait pas partie de notre communauté, et qu'il n'était donc pas digne de se présenter aux élections de notre association !

Mais s'il ne fait pas partie de nos membres, à quel titre travaillait-il sans salaire au sein de l'association ? Jean-Paul avait démissionné de toutes ses fonctions, pas de sa qualité de membre (p. 3, § 8, l. 2) ! Le travail bénévole, à peine défrayé, n'est-il pas réservé aux membres d'une association ? Et un travail sans contrat, n'est-il pas, hors d'un cadre associatif, considéré comme étant un travail à plein temps depuis la première heure travaillée ? Ne devrait-on pas, alors, considérer que Jean-Paul devrait être régularisé depuis toutes ces années ? N'aurait-il pas dû cotiser diverses charges sociales sur ce salaire, qui restaient à la charge de l'employeur ? Sans doute une question que l'URSSAF sera intéressée d'étudier.

J'espère que le métropolite Emmanuel invalidera les élections du 22 mars, afin de rétablir Jean-Paul dans ses droits de membre de l'association car, à défaut, on pourrait considérer que c'est consciemment qu'il a toujours traité Jean-Paul comme un esclave moderne.

Un avocat a été chargé d'engager tous recours qui s'avéreraient nécessaires pour faire annuler cette décision d'exclusion de Jean-Paul. Si le métropolite ne prend pas l'initiative d'annuler les élections du 22 mars de lui-même, je ne doute pas qu'un juge saura le lui imposer.

samedi 21 mars 2015

159- Commandant Massoko




Stélios avait déposé une main-courante, la semaine qui avait précédé la confrontation avec notre nouveau vigile, afin d'informer la police que je pouvais être victime de violences une nouvelle fois. J'avais moi-même informé l'Hôtel de Police d'un risque de trouble, quelques jours auparavant. En allant à l'Hôtel de Police, je voulais m'assurer que la décision de m'exclure d'une église était irrégulière, et prévenir d'un risque de trouble à l'ordre public en cas de confrontation. Trouble que je n'avais aucune intention de créer, mais dont je risquais d'être victime s'il venait à se manifester. Je ne serais pas allé à l'église ce jour-là si l'officier auquel j'avais parlé ne m'avait pas conforté dans mon analyse de la situation. Je suppose que ces diverses mises au fait étaient remontées dans les services.

Mais il y avait eu un bug... Et alors que j'avais moi-même averti la police d'un trouble possible en demandant conseil sur la conduite que je devais tenir, j'avais été traité par la BAC comme le fauteur de ce trouble qu'ils avaient pour mission d'empêcher.
 
La hiérarchie de la police se compose de l'élève-officier, de l'inspecteur, du capitaine, du commandant, puis du commissaire, du commissaire divisionnaire, etc. Le commandant est le chef opérationnel.
 
Sitôt annoncée l'arrivée du commandant, aucun des six policiers présents ne prit plus aucune initiative. La situation se trouva suspendue à cette venue dont je ne devais réaliser que plus tard le caractère exceptionnel.

Le commandant n'a pas pour habitude de se déplacer pour aller discuter avec un suspect. Les suspects finissent généralement en garde à vue, à s'expliquer devant un juge, plutôt qu'à attendre que le commandant leur fasse l'honneur de sa visite.

L'attitude des membres de la BAC changea radicalement à l'annonce de sa venue. Alors que quelques minutes plus tôt j'étais étranglé, j'eus droit à des compliments : Mon collègue m'a dit que vous étiez très fort ; il n'a pas réussi à vous mettre à terre. Les agents m'avaient sorti de l'église comme si j'étais une paille portée par un souffle de vent et n'auraient eu aucune difficulté à me mettre à terre s'ils l'avaient vraiment voulu, aussi n'avais-je pas de quoi m'enorgueillir de ce compliment. Il visait, à mon sens, essentiellement à faire passer la pilule de la brutalité de l'intervention.

Pour la même résistance dont j'étais loué, la même personne aurait pu m'accuser de rébellion à agent si la situation avait évolué différemment.

Nous avons apprécié, lors de l'attentat contre Charlie Hebdo, la mobilisation de la police, et je ne peux que me réjouir du dénouement expéditif que les forces de l'ordre ont mis en œuvre. Mais être soi-même confronté à cette force est autre chose. Surtout lorsqu'on en ressent l'arbitraire.

Néanmoins ce n'était pas le moment de se plaindre, et il était heureux de constater que le dialogue allait vers plus de compréhension mutuelle.

Le commandant arriva, accompagné de son chauffeur. Cette femme élégante, aux ongles joliment décorés de frises noires et blanches, voulut savoir ce qui se passait. Elle était vraisemblablement au courant des informations transmises la semaine précédente, et avait conscience que jamais un prêtre n'avait posté un vigile devant une église pour interdire à ses fidèles d'entrer.

Nous avons repris ce que nous avions déjà dit précédemment à la BAC, et, en quelques mots, sommes revenus sur l'affaire de mademoiselle P., à l'origine du rejet de l'autorité du père Nicolas. Elle voulut savoir pourquoi c'était à moi que cette jeune fille avait parlé. J'ai répondu que j'avais travaillé 5 mois à refaire l'appartement du père Nicolas, lorsqu'il est arrivé à Lyon. Je m'occupais également du catéchisme pour les adultes. Mademoiselle P. me voyait toujours là lorsqu'elle venait à l'église et s'est naturellement tournée vers moi lorsqu'elle n'a plus su à qui se confier.

C'était une chose que le père Nicolas me demande de travailler gratuitement lorsqu'il y voyait son intérêt, et autre chose qu'il cherche à me mettre dehors, par des prétextes fallacieux, lorsque je disais que certaines de ses pratiques n'étaient conformes ni avec le droit français, ni avec le message de l’Évangile.

Puis nous avons évoqué les autres problèmes liés à la falsification de nos statuts d'association, aux exclusions abusives des élus, à l'opacité des finances, etc. Nous avons parlé des recours auprès de la Préfecture, de l'intervention des Renseignements Généraux, etc. Nous n'étions pas dans une affaire qui se manifestait soudainement, mais confrontés à des problèmes de fond soulevés depuis longtemps.

Le commandant voulut savoir pourquoi nous n'engagions pas un recours interne auprès des autorités religieuses. Elle fut surprise d'apprendre que c'était la première chose que nous avions faite, il y a déjà près de quatre ans. Mais les problèmes que la paroisse rencontrait étaient augmentés par le silence coupable de la hiérarchie religieuse, qui couvrait son prêtre dans toutes ses dérives, malgré une connaissance précise de la situation. Les voies de recours internes avaient bien été tentées. Le métropolite Emmanuel Adamakis avait été informé en recommandé de nombreuses fois, par diverses personnes et sur divers sujets. Nous en gardions la trace. Mais ces voies de recours avaient eu pour seule conséquence que le métropolite Emmanuel éloigne ceux qui l'informaient en usant de procédés arbitraires. Si la situation en était arrivée là aujourd'hui, c'était précisément la marque de ce soutien autiste de la part de cette hiérarchie.

Le commandant voulut savoir pourquoi nous ne faisions pas confiance à la justice pour attendre qu'elle se prononce. La première plainte avait été déposée mi-2012, et la première audition au commissariat pour simplement prendre acte de cette plainte eut lieu fin 2014. Les forces de l'ordre ne pouvaient pas mettre près de trois ans à enregistrer une plainte, et déplorer simultanément que les choses aient dégénéré depuis. L'évolution négative qui avait conduit jusqu'à ce jour venait en grande partie de leur absence de réactivité.

La police regrette souvent de n'avoir que très rarement des témoins dans les affaires sur lesquelles elle enquête. Ou d'être confrontée à des personnes qui se taisent pendant des années avant d'oser dénoncer des crimes et des délits. Ce silence est la première cause de la gangrène qui a emporté d'innombrables paroisses catholiques dans les scandales qu'elle a laissés se développer en croyant les fuir. Ici, il y avait des témoins. Et ils étaient suffisamment nombreux pour que ce blog regorge de documents de toutes sortes.

Ce fut d'ailleurs l'une des autres questions posées : pourquoi diffuser tout cela sur internet ? Chacun doit assumer ses responsabilités. Je ne suis que le projecteur. Supprimer l'éclairage n'a jamais supprimé le problème car la lumière n'est pas le problème.

J'assumais ma responsabilité, mais il aurait été souhaitable que la police et la justice fissent de même. Alors pourquoi la police agissait-elle sans discernement et s'en prenait-elle à ces mêmes témoins, au lieu de régler le problème en le prenant à sa source ? Le commandant était là pour s'en occuper, et c'était une erreur qui ne se reproduirait plus.

Les membres de la BAC constatèrent par eux-mêmes que je n'étais pas le perturbateur qui importunait tout le monde depuis le fond de l'église, mais que toutes les personnes qui arrivaient petit à petit pour assister à la fin de l'office me saluaient et me soutenaient. Si bien que nous nous retrouvâmes une quinzaine à discuter. Et personne pour soutenir le père Nicolas Kakavelakis.



Le commandant me dit que les forces de police ne pouvaient pas venir tous les dimanches, car ils avaient d'autres missions. Elle m'invita à aller, dès le lendemain, rencontrer le commissaire. Elle allait le prévenir et je serais reçu.

Elle m'invita également à aller rencontrer le préfet de région. Il est le représentant de l’État, et en contact permanent avec le ministre de l'intérieur qui s'occupe des cultes. Il pourrait sans doute obtenir que les choses bougent de la part de la hiérarchie orthodoxe grecque.

Je demandai un stylo pour noter les noms de ces personnes, et fis remarquer que le mien avait terminé sa course dans les égouts. Quelqu'un m'en prêta un, et je pus noter les noms du préfet et du commissaire à contacter.

Je ne pus m'empêcher de faire remarquer qu'ils devraient serrer moins fort quand ils étranglent quelqu'un. Les policiers sont formés pour reconnaître les profils, et je n'ai pas le profil de quelqu'un de dangereux. Sauf à considérer que les mots sont des armes que je manie sans pitié, condamnant le sujet de mes messages à la peine CAPITALE. En l’occurrence, la police n'était pas là pour des mots, mais pour du trouble. Et ils avaient vu qu'il n'y en avait pas ailleurs que dans l'esprit des hommes en noir qu'ils avaient croisés.


Le commandant sut analyser avec intelligence et pertinence la situation. Elle ramena la compréhension entre toutes les personnes présentes. Si bien qu'au moment de nous quitter, l'agent zélé qui avait jeté mon stylo me promit de m'en ramener un autre la prochaine fois que le père Nicolas ferait appel à ses services.
 
Puis nous nous sommes quittés en nous serrant la main et en promettant de ne plus retourner à l'église ce jour-là. Je partis boire un café avec des amis et ne retournai plus à l'église. Nous étions le 21 décembre. Il restait 3 jours avant la veillée de Noël pour régler le problème du vigile grâce aux contacts que nous venions de prendre.


Pendant ce temps, le vigile guettait tout ce qui se passait depuis l'autre côté de la rue, sans quitter le poste où il était cantonné. Il n'entendait pas ce qui se disait, mais voyait que cela ne ressemblait pas à une interpellation. Nous étions passés de trois policiers présents à huit, et pourtant la situation ne prenait pas le tour qu'il avait imaginé. Il fut surpris de nous voir ainsi, discuter en bonne intelligence, sans être embarqués, dans une situation qui semblait tourner à notre avantage. Et encore plus surpris de voir que nous nous invitions à aller prendre un café ensemble.


A la fin de l'office, le père Nicolas fit une homélie censée justifier les mesures radicales qu'il avait voulues. Il ignorait comment la situation évoluait à l'extérieur. Ce fut le vigile qui l'informa de ce qu'il avait pu constater, après la liturgie.

Remonté par cette narration, le père Nicolas, une fois dans la salle paroissiale où les fidèles étaient réunis, s'approcha de Stélios, et, accompagné de Christos K., lui demanda, en criant, au nom de quoi il avait parlé au vigile, devant l'église, et lui avait dit qu'il n'avait rien à y faire (Yia pes mou ti ipes ? Ti ipes ?).  Pourquoi lui avoir dit que si le père Nicolas voulait un vigile afin de garder quelque chose, il pouvait le placer devant la porte de son appartement, mais pas devant l'église ? Que ce n'était pas un club privé ?

Stélios réitéra posément qu'il avait eu raison d'intervenir ainsi, car l'église était et resterait un lieu accessible à tous.

Le père Nicolas s'énerva encore davantage et lui intima de respecter le religieux qu'il était (Na sevastí ton iéréa).

Ce à quoi il se vit répondre : Tu es trop petit pour que nous ayons peur de toi ! (Isse poli mikros na se fovoume !).

Le père Nicolas commença à se diriger vers le fond de la salle, mais se ravisa et se retourna en lui criant : Va au diable ! (Na pas sto diaolo !). Puis une seconde fois, en criant plus fort, puis d'autres fois encore : na sto diaolo, sto diaolo...

Le visage déformé par la colère, comme il l'avait été durant l’encensement des matines, il s’avança à nouveau vers Stélios, en levant le poing prêt à frapper cet homme âgé, et répéta en hurlant : Va au diable ! 

Aussitôt, quatre personnes, dont le vigile, se précipitèrent vers le père Nicolas pour le stopper et le conduire dehors.

Tout le monde put alors voir que la seule menace effective venait du père Nicolas et de personne d'autre. Ce fut la seule fois où le vigile servit à quelque chose : il protégea les fidèles du prêtre qui l'avait engagé... Mais il se retint d'appeler la police pour le faire embarquer. Sans doute un manque de discernement qu'il apprendrait à combler s'il devait revenir chaque dimanche...

Stélios était impassible et ne parlait pas. Mais plusieurs autres personnes me rapportèrent avoir eu très peur de cette explosion de violence. Stélios dira plus tard, pour rassurer ses interlocuteurs, qu'il a vu bien d'autres situations dans sa vie, en parcourant le monde au volant de son camion. Il avait côtoyé toutes les cultures, ainsi que d'innombrables personnes, et  ce n'était pas un gars comme ça qui risquait de l'impressionner.

La salle était médusée, figée dans un silence de consternation. Notamment les enfants d'une personne défunte dans la semaine qui avait précédée, venus ce jour-là pour honorer la mémoire de leur mère.

Une voix s'éleva alors : Mais, c'est un prêtre, lui ? Sainte Vierge ! (Ma, inai papas aftos ? Panaghia mou !) Cette réflexion se matérialisait dans des mots sans que son auteur en ait conscience. Elle frappa comme un glaive les consciences des personnes présentes.