de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 22 octobre 2016

227- Aucun d'eux ne s'est perdu



Chânes est un petit village du Mâconnais dont l'église fut construite bien avant la séparation entre les Églises d'Orient et d'Occident. Durant la Révolution Française, l'une des statues de la Vierge fut emportée par un habitant pour être protégée. Il la garda précieusement et la transmit à ses héritiers. 

Église de Chânes, Mâconnais


La famille du dernier héritier en date décida de se débarrasser de tous ces souvenirs et organisa une vente aux enchères. La statue fut présentée lors de cette vente, authentifiée par un texte d'époque collé sous sa base, qui relatait son histoire.



Le village apprit fortuitement l'existence de cette vente et décida de se porter acquéreur, dans la limite d'une somme qu'il estimait être raisonnable. Cette somme ne fut pas dépassée lors des enchères, ce qui permit à la statue de retrouver son antique propriétaire.

Une cérémonie fut organisée pour célébrer le retour de cette statue dans l'église du village. L'office fut célébré par le père Jorge M., le 21 mai 2016.



Par un concours de circonstances, je me trouvais assister à cet office et le père Jorge me fit l'honneur d'accepter mon invitation à déjeuner. La conversation fut chaleureuse et ne se résuma pas aux quelques points que je vais reprendre ici. Mais on retient souvent des conversations les points qui nous ont heurtés. Sans doute comme une prise de conscience du chemin qu'il nous reste à parcourir pour changer le monde qui nous entoure.


Bien que me sachant orthodoxe, le père Jorge me fit l'éloge du renouveau spirituel que sut inspirer Jean-Paul II. Il oubliait de préciser que ce dernier était celui qui organisa le silence dans tous les évêchés catholiques de la planète, afin que soient étouffés tous les scandales de pédophilie, qui purent ainsi prospérer et se développer.

Puisque le sujet était lancé, je lui demandais ce qu'il pensait des victimes regroupées au sein de l'association La Parole Libérée. Son soutien était total. Sauf que, lorsque je lui proposais de matérialiser ce soutien par un courrier, ou par un autre moyen, il m'objecta qu'il ne pouvait intervenir pour des faits qui ne relevaient pas de sa juridiction. 

Puis il continua sur sa volonté de venir chez moi, voir mes enfants, et me parler de tout ce que ce brave Jean-Paul avait enseigné.

D'un coup, il n'y avait plus de problèmes de juridiction, évoqués quelques phrase plus tôt, mais le seul Saint-Esprit qui avait permis notre rencontre. Je veux bien concevoir que le Saint-Esprit soit supérieur aux questions de juridiction. Mais alors pourquoi m'objecter ces juridictions lorsqu'il s'agissait de prendre position pour aider des victimes innocentes et leur apporter un soutien ? 

Pourquoi ne voir le Saint-Esprit que lorsque l'on peut y trouver son intérêt, en se détournant volontairement de tout le reste ? La gangrène qui détruit l’Église catholique de l'intérieur aurait-elle atteint un tel niveau sans le silence coupable du clergé qui préfère détourner son regard en se disant que cela ne le concerne pas ?

Que ferait ce prêtre si je le laissais approcher mes enfants, leur enseigner la bonne parole de Jean-Paul II, mais qu'un autre prêtre utilise leur état de dépendance, dans lequel j'aurais contribué à les placer, pour abuser d'eux ? Rien. Il détournerait ses yeux, oubliant toutes ses théories sur le Saint-Esprit.


Il n'y a que deux sortes de prêtres que j'accepte de laisser approcher mes enfants : les russes et les géorgiens. Ils ne sont pas parfaits, mais je sais qu'ils ont su se lever, au cours de l'Histoire, pour combattre des injustices, fut-ce contre leur propre hiérarchie. 

Il y a, dans cette capacité à se révolter contre l'injustice, quel qu'en soit le coût, l'un des fondements du christianisme. Le clergé qui en est dépourvu construit son action sur des sables mouvants. Il peine à poser quelques pierres qui s'écroulent aussitôt, rendant vain son labeur.


Le père Jorge estimait que ces scandales avaient permis, aux États-Unis, d'assainir l’Église. Celle-ci avait dû vendre presque tous ses biens pour payer les condamnations judiciaires et, dans sa nouvelle pauvreté, se trouvait face à ses valeurs  premières retrouvées. Il me vantait le renouveau de l’Église, par exemple à Washington. 

Mais de quel renouveau peut-on parler lorsqu'aucun des évêques responsables n'a été sanctionné ? Lorsque ceux qui ont permis que ces crimes puissent avoir lieu sont toujours en place ? Lorsqu'il est impossible de pouvoir reconstruire ces vies détruites ? 

Les rituels anciens voulaient que l'on sacrifiât un enfant innocent, une jeune fille de préférence, dans les fondations d'une cité nouvelle, afin de s'attirer la protection des dieux, le bonheur et la prospérité. On retrouve ces sacrifices dans la fondation de Rome, ou pour de nombreuses citées antiques.

Ainsi, des vierges auraient ainsi été immolées lors de la fondation de villes hellénistiques, au dire de Iohannes Malalas (Chron., 31, 8-11 ; 37, 5-6 ; 139, 13,21 ; 192, 4-7 ; 203, 9-10 ; 13-14 ; 221, 21-22 ; 268, 8-10 ; 320, 17-21 ; etc).

Tels ces rituels anciens, l’Église catholique construit ses renouveaux successifs sur le sang des innocents sacrifiés à ses plaisirs ou ses ambitions. Au-delà des cas de renouveau que me citais le père Jorge aux États-Unis, on peut constater que toute la communication actuelle de monseigneur Barbarin évoque cette refondation (ici, ici, ou encore ici). Sacrifices humains qui, de fait, excluent  d'accorder aux victimes la moindre réparation, puisque la victime sert l'utilité publique.

Renouveaux qui portent en germe les victimes nécessaires à la prochaine refondation qui ne manquera pas d'arriver.

En ceci, on peut dire sans conteste que le paganisme existe toujours, chez ceux-là mêmes qui prétendent l'avoir remplacé. Tout comme existent toujours les sacrifices humains. Et, ce faisant, le clergé devient indigne de toute analogie avec le Christ qui dit à Dieu : J'ai gardé ceux que tu m'as donnés et aucun d'eux ne s'est perdu (Jn 17, 12).

samedi 8 octobre 2016

226- Pélagie



Πελάγει αρετών, αληθώς ισαγγέλων,
το πέλαγος των σων, εγκλημάτων Οσία,
πανσόφως εβύθισας, και δακρύων τοις ρεύμασιν,
εναπέπνιξας, τον πολυμήχανον όφιν' όθεν έλαμψας,
ώσπερ λαμπάς μετανοίας, την κτίσιν φαιδρύνουσα.


Depuis six ans, chaque fois qu'un prêtre ou un évêque est venu visiter l'église orthodoxe grecque de Lyon, il a eu le même discours : soyez unis ! À croire qu'ils se passaient le texte de l'un à l'autre pour éviter d'avoir à écrire quelque chose d'un peu original. C'en est devenu désespérant de platitude.

Il y a une chose qui m'a toujours frappé, lors de ces discours. Une chose qui les rendait vides de sens : l'orateur ne s'adressait qu'à ceux qui étaient présents. Il faisait fi des personnes qui avaient été chassées, de celles qui avaient été dégoûtées par l'exemple du clergé, ou des victimes de différents méfaits qui étaient oubliées. Souvent même, ceux qui connaissaient l'orateur savaient qu'il se  réjouissait de l'absence de certaines personnes, en contradiction totale avec les mots prononcés.

Au-delà de ces mots devenus creux, on devinait qu'il regrettait qu'il y ait encore trop de monde présent pour écouter ce discours. 

À mon grand regret, le père Athanase Iskos n'a pas manqué à cette règle lors de sa venue, le 23 novembre 2014. Après son sermon sur le thème de l'unité, il interdit à Caroline G., Dimitri L. et d'autres de communier. Nous ne nous serions pas attendus à autre chose de la part d'un évêque, mais de sa part à lui, c'était déconcertant. Il nous avait habitués à faire un peu plus de cas des paroles qu'il prononçait.


Au-delà de la simple église orthodoxe grecque de Lyon, nous retrouvons exactement la même situation dans toutes les églises. J'irai jusqu'à dire qu'on retrouve la même manière de fonctionner dans de nombreux groupes humains, notamment au sein des partis politiques.

C'est, par exemple, le cas au sein de l'église catholique, qui appelle à l'unité après chacun des scandales qui la touchent, sans jamais se soucier des victimes, ni de toutes les personnes choquées par leur niveau de corruption qui ne veulent plus jamais entendre parler de ces imposteurs. À quelle unité peut appeler celui qui parle à des bancs vides ?


Je vais écrire les prochains messages pour rendre hommage à tous ceux qui sont sacrifiés au nom d'une unité qui n'existe que dans les mots. Une unité qui sert de slogan publicitaire et non de but à atteindre. 


Aujourd'hui, les orthodoxes fêtent sainte Pélagie, très vénérée en Grèce. Elle fut une prostituée qui se repentit et se convertit après avoir croisé le regard d'un évêque. Il n'y eut aucun discours stérile, mais ce seul regard sans jugement autre que sur lui-même. L'évêque avait conscience que s'il avait ses faiblesses, il n'en devait pas moins chercher à se perfectionner toujours plus.

Et c'est là qu'il put réellement parler d'unité : il était inclusif et sans jugement, au contraire de ses congénères qui, malgré leurs beaux discours, se détournaient de cette femme, la condamnaient et la rejetaient.

Voici, en leur mémoire à tous les deux, la vie de sainte Pélagie, que le clergé d'aujourd'hui aurait tout intérêt à ne pas oublier de prier pour ne pas être confondu.


Sainte Pélagie vivait à Antioche et appartenait à la catégorie des femmes légères. Elle était prostituée. Sa vie était plongée dans le stupre des plaisirs réprouvés. La débauche avait tellement imprégné sa conscience qu’aucune sorte de repentir ne pénétrait son âme. Par conséquent, on pourrait dire qu’elle était condamnée par sa vie terrestre aux feux de l’enfer. Et pourtant ! Notre Père compatissant affirma que « les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu ». C’est-à-dire, les publicains et les putains, qui au départ ont fait preuve de désobéissance à la Loi de Dieu, mais se sont repentis sincèrement par la suite, vous devanceront au royaume de Dieu, vous qui n'avez obéi à Dieu que par la parole, mais qui en pratique avez été désobéissants et mécréants.

En fait, Pélagie entendit par hasard, au milieu d’une réunion chrétienne, une homélie fervente sur la pureté, prononcée par l’évêque Nonnos. Ces paroles ont éprouvé et bouleversé son âme. Avec la grâce de Dieu, elle renonça à sa vie dissolue. Après sa catéchèse, elle fut baptisée et, après huit jours, elle se rendit à Jérusalem, où elle passa le reste de sa vie en ascèse stricte. Juste après son baptême, Pélagie, enfin éclairiée, donna toute sa fortune à l'évêque Nonnos pour la charité. Et l'évêque désigna à son tour un membre du clergé avec l'ordre de ne rien garder pour l'église, mais de tout distribuer aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, pour bien partager ce qui a été mal acquis.

Voici comment se sont déroulés les faits : un jour, à Antioche en Syrie, au temps de l’empereur romain Numérien (283-284 après J.-C.) devant le temple de Saint Julien, le patriarche et de nombreux grands prêtres s'arrêtèrent un instant, faisant une petite pause aux travaux du Synode. Soudain, passe devant eux une prostituée.

Par respect pour eux-mêmes, les évêques détournèrent le regard. Tous sauf un, l’évêque Nonnos. Nonnos, dès qu’il l’aperçut, fut bouleversé. Des larmes se sont mises à couler de ses yeux, il soupira profondément et dit :
« Regardez, mes frères ! Mettez-vous dans la tête ce que fait cette femme pour attiser l’intérêt des hommes adorateurs de chair. Pour un peu d’argent elle n’a laissé aucun détail de son corps l’empêcher d’être attirante ! Pour son but. Ah ! Si nous avions cette ferveur nous aussi dans notre combat pour paraître agréables à Dieu, pour notre salut et celui de notre troupeau de fidèles ! ». Et il ajouta ensuite : « Pardonne-moi, Seigneur. Jamais de ma vie, jusqu’à ce jour, je n’ai été aussi zélé pour ton Royaume éternel que cette prostituée pour un plaisir de quelques instants ».

Et, chose surprenante, la prostituée vit l’évêque pleurer. Elle comprit pourquoi et pour qui elle pleurait. Son cœur fut bouleversé. Elle se repentit et fut sauvée. Elle monta au Paradis. C’est Sainte Pélagie, sortie de la prostitution (8 octobre).

Les larmes provenant d’une souffrance de l’âme sont souvent préférables aux conseils et aux admonitions. Car elles sont capables d’émouvoir, de transformer l’homme. Mais encore. Les paroles du Seigneur sont confirmées par le visage de Sainte Pélagie : « Les publicains et les prostituées sincèrement repentis devancent dans le royaume de Dieu ceux qui ont fait montre d’obéissance à Dieu seulement en paroles, mais qui en pratique ont été désobéissants et mécréants ».


Pélagie donna son nom à une célèbre prison parisienne. Créé par la fondation des filles repenties, en 1662, le bâtiment devint une prison pour femmes trois ans plus tard, avant de devenir une prison pour hommes. Mais cette dénomination ne me semble pas être des plus heureuses, car sa vie d'ascèse n'a pas enfermé Pélagie mais l'a libérée. 


Prison Sainte Pélagie - Paris

Saint Jean Chrysostome, dans l'un de ses discours, prend pour exemple sainte Pélagie et dit : Aussi bas qu'un pécheur puisse tomber, il existe un moyen d'être sauvé quand il le voudra, même si parfois il n'est poussé que par simple curiosité.