de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 21 février 2015

155- Sortez-en tous, ceci est MA paroisse !



Lorsque le père Athanase vint nous rendre visite, le 23 novembre dernier, il fit une homélie émouvante. La phrase que tout le monde retint fut : Je suis venu dans mon église (1h13'20'' sur la vidéo). Il ne s'agissait pas d'une revendication de propriété, mais d'un attachement de cœur ancré dans tous les sacrifices qu'il avait consentis durant les nombreuses années de son service à Lyon. Le mot église était là pour désigner toutes les personnes qui la fréquentaient comme autant d'amis. Mais cette phrase, dont chacun put percevoir le sens par le lien qu'il partageait avec le père Athanase, allait être le début d'un conflit lourd de conséquences.

Après la mise en scène des enfants qui faisait l'objet du précédent message, le père Nicolas Kakavelakis poursuivit son homélie par une confrontation directe avec toutes les personnes susceptibles d'atteindre à son autorité. C'est ainsi qu'il prit ouvertement position contre le père Athanase en disant, en substance : Ici, c'est ma paroisse. Et vous, vous êtes des fidèles. Le mot fidèle signifie que vous devez être fidèles à l'église et au clergé. Et ceux qui ne sont pas d'accord peuvent aller ailleurs. Il y a, à Lyon, beaucoup d'églises où vous serez mieux qu'ici.

Puis il revint sur les actes de violence de Christos K., non pour les condamner, mais pour affirmer que dorénavant il prendrait les mesures nécessaires afin qu'ils ne se reproduisent plus. 

Cette homélie choqua beaucoup de personnes, surtout parmi les plus âgées. Il était frappant de constater la différence de vision de ces hommes, prêtres tous les deux. L'un voyait que son ministère avait créé un lien indissoluble avec chaque personne de la communauté. L'autre était prêt à voir tout le monde partir, pourvu qu'il garde le pouvoir que l'évêque lui avait donné sur le lieu, comme un concessionnaire automobile ou un rentier. Nous n'étions pas ici dans un rapport très confraternel... 

Mais quelles étaient donc les mesures exceptionnelles que Nikos préparait ? Avait-il décidé d'exclure Christos K. ?

Le dimanche 14 décembre 2014, je reçus un texto accompagné d'une photo : Il y a un vigile devant l'église !



J'étais invité et ne pouvais malheureusement pas assister à ce grand moment dans l'histoire des dérives sectaires : fermer une église à ceux de ses membres qui déplaisent au prêtre local.

Nous verrons dans le prochain message que les versions pour tenter de légitimer la présence de ce vigile divergeaient. Il était cependant frappant de constater à quel point le courrier du docteur Ladias au métropolite Emmanuel Adamakis était prémonitoire. Trois ans plus tôt, il avait alerté le métropolite sur les troubles psychologiques graves qui affectaient le père Nicolas, troubles qui mettaient en danger sa propre personne et la communauté.

Mais ce qui retenait l'attention de plusieurs de mes amis présents était le fait que ce vigile était manifestement un faux. Un vrai vigile sait qu'une église est un lieu de culte ouvert à tous. À la différence d'une discothèque, on ne peut en interdire l'accès à qui que ce soit. Il ne peut accepter une mission qui vient en contradiction avec toute la jurisprudence existante. Il sait également qu'il doit porter deux signes distinctifs de sa fonction de manière visible. Ce n'est pas une recommandation, mais une obligation. Or ce vigile n'en avait qu'un, écrit à droite de son blouson : SÉCURITÉ.

Il y avait de fortes probabilités que nous fussions en présence d'une personne exerçant un travail dissimulé, usurpant de fait une fonction réglementée. L'article 433-17 du code pénal stipule que L'usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique ou d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. 

L'Inspection du travail, saisie de ce dossier dans la semaine, demanda à ce que des photos de sa présence soient prises à chacune de ses interventions pour préparer un contrôle ultérieur. L'idée était plaisante, mais je savais que je n'arriverais pas à tenir un mois en faisant croire à Nikos qu'il avait réussi à m’empêcher de rentrer dans l'église...

Parallèlement à l'inspection du travail, un élu alla déposer une main courante pour attester que le conseil de la communauté, dont il faisait partie, n'avait jamais été sollicité pour décider d'engager une telle personne. C'était donc de manière arbitraire que ce vigile était employé, laissant craindre un usage illicite des moyens financiers de la communauté, usage illicite plus connu sous le nom d'abus de biens sociaux.

Parallèlement à l'action de cet élu, l'Hôtel de Police fut informé d'un risque de trouble à l'ordre public pour le dimanche suivant, et des consignes furent données pour prévenir ce trouble, notamment eu égard aux dispositions de l'article 1 de la loi de 1905 dont nous reparlerons dans le prochain message.

Un ami, véritable spécialiste des questions de sécurité en France, me proposa un garde du corps afin d'éviter que ce vigile ne tente une provocation physique sur ma personne. Un garde du corps dont la stature aurait été un troisième signe distinctif de sa fonction. Il me dit que s'il me mettait un garde du corps à disposition, personne ne me toucherait. Et s'il m'en mettait trois, personne ne m'empêcherait d'entrer. Il y en aurait même un pour m'ouvrir la porte... 

L'idée était encore plus plaisante que celle de l'Inspection du travail. Mais l'église n'est pas le lieu pour ce genre de confrontation. C'est un lieu de paix où nous devons aller pour prier. Je préférai surseoir à utiliser ce genre de moyens.


Lorsque le docteur Ladias avait informé le métropolite Emmanuel des dangers que faisait courir le père Nicolas, le métropolite avait décidé de chasser le médecin plutôt que de guérir le malade. En fermant l'accès de l'église à ceux qu'il ne voulait plus voir, le père Nicolas usait des mêmes méthodes. Le père Nicolas tentait ainsi de protéger Christos K., poursuivi pour violences volontaires, en mettant la victime dehors. Je rappellerai à ces deux personnes que faire disparaître un médecin n'a jamais guéri un malade. Sans doute serait-il temps qu'ils traitent la cause de leurs maux. Cette cause, il la trouveront en eux, et non chez les autres. Protéger un agresseur ne peut en aucune façon empêcher le cours de la justice.

En disant à tous : Ici, c'est ma paroisse, et en filtrant ceux qu'il acceptait de laisser rentrer dans l'église, le père Nicolas manifestait une autre facette de sa dérive sectaire. Il oubliait, si tant est qu'il l'ait jamais su, l'un des fondements de la doctrine chrétienne sur lequel je terminerai. Rien ne doit empêcher un homme de se rapprocher de Dieu. Et l'église est l'un des innombrables lieux où cette rencontre peut être possible. Ainsi, si Judas, après avoir livré le Christ, était allé sous la croix plutôt que d'aller se pendre, le Christ lui aurait pardonné et son sang aurait coulé sur lui pour le purifier.
 
De la même façon, nous lisons, dans le livre de Job : Les anges de Dieu vinrent un jour se présenter devant l’Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux (Jb 1, 6). Nous voyons à plusieurs endroits, dans le livre de Job, que Satan peut se présenter librement devant Dieu. Dieu ne le tient pas éloigné, et sans doute a-t-il lui aussi la possibilité de se repentir.

Placer un vigile devant une église pour en interdire l'accès est un non-sens. Cela revient à placer des barrières que Dieu lui-même ne place pas. Cela traduit également un manque de connaissance profond des valeurs du christianisme. Le jour où le père Nicolas aura compris le sens du message qu'il porte, il ne dira plus Ici, c'est ma paroisse car, en vérité, elle n'a jamais été à lui et ne le sera jamais. Ce jour-là, il comprendra qu'une église est un lieu tellement ouvert, que même lui avait la possibilité d'y entrer.

samedi 14 février 2015

154- Coutume locale



Nombreuses sont les traditions qui varient d'une Église orthodoxe locale à l'autre. Parmi elles, on trouve le pain et le vin, distribués ou non, après la communion. Le pain béni est appelé, en grec, antidoron, ce qui signifie à la place du don (de la Sainte Eucharistie). Il est souvent distribué à la fin de la liturgie, notamment dans les monastères, à ceux qui ne communient pas. Ainsi, les communiants prennent le pain et le vin consacrés au calice, et ceux qui ne communient pas prennent le pain béni à la fin de la liturgie.

La consécration, ou transsubstantiation, dans la liturgie, est la transformation du pain et du vin en Corps et en Sang du Christ. L'antidoron est un pain béni mais non consacré.

Très souvent, notamment dans les paroisses grecques, le pain béni est mis à disposition sur un plat, au moment de la communion. Ainsi, le fidèle communie puis prend un morceau de pain béni. Et, à la fin de la liturgie, tout le monde reçoit le pain béni de la main du prêtre. 

Chez les Russes, les fidèles qui communient prennent ensuite un morceau de pain béni, ainsi qu'une gorgée de vin béni dans un petit récipient. Et, à la fin de la liturgie, les fidèles reçoivent le pain en même temps que la bénédiction du prêtre.

Laquelle de ces pratiques est la meilleure ? Aucune. Ou plutôt celle que le fidèle pratique avec un cœur pur, sans chercher à se dire que sa façon de faire est supérieure à celle des autres (Lc 18, 10-14). 

À Lyon, le père Nicolas Kakavelakis a eu une pratique très personnelle : le 30 novembre 2014, il a remplacé le pain et le vin par un cadeau, bleu pour les garçons, et rose pour les filles.

 
Qu'est-ce qui a bien pu être la cause de cette mutation liturgique, à la croisée des théories évolutionnistes de Darwin et des aventures des X-Men ? Il faut remonter au dimanche précédent pour comprendre cette évolution.

La semaine précédente, nous recevions, après quatre ans d'absence, le père Athanase. A cette occasion, l'église était pleine. Comme nous l'avions vu alors, le père Nicolas prétexta une réunion imaginaire pour justifier de son absence. Il avait tout fait pour cacher cette visite qu'il ne désirait pas et, pourtant, plus de 250 personnes se réunirent pour accueillir le père Athanase.

Le dimanche suivant, jour de cette mutation incongrue, le père Nicolas fit venir les enfants de son cours de grec. Il demanda aux quelques fidèles présents de les laisser communier d'abord.


Les enfants avancèrent avec leurs parents, deux caméras étant chargées d'immortaliser ce moment.
 

Pris par cette mise en scène des enfants qu'il avait préparée, le père Nicolas en oublia le pain béni.
 

L'homélie dont il nous gratifia à la fin permit de comprendre une partie du message qu'il voulait faire passer : Nous avons fait tout notre possible pour transmettre aux enfants  nos valeurs chrétiennes, et l'amour de la patrie afin de leur permettre d'être concernés de l'antiquité et se sentir vivifiés de leurs origines grecques, de la transmission de la langue, de l'histoire, de l'orthodoxie, de la tradition hellénique restera la pierre angulaire de cette fondation, et loin de l'apport personnel en tant que prêtre et enseignant. Les enfants, je vous souhaite le meilleur pour votre avenir, vous le méritez, ainsi que vos parents. Gardez la lumière d'un pays orthodoxe, et vos origines : vous avez beaucoup à gagner. Dans ce contexte, je voudrais adresser toutes mes félicitations à l'association des parents des élèves Aristote pour leur contribution cruciale. Ils méritent nos remerciements et notre reconnaissance. 

Pour ceux qui ne lisent pas tous les messages du blog, il convient de rappeler que l'association Aristote a été créée dans le seul but de mettre dehors les parents de l'association I Milia qui œuvraient depuis plus de dix ans au développement de l'école, mais que l'enseignant considérait comme trop indépendants de son action. Leur mise à l'écart fut à l'origine de la création d'une nouvelle école grecque à Lyon

Pourquoi cette homélie ne revenait-elle pas sur l'action de tous les parents qui ont fait exister notre école depuis tant d'années ? Notre école n'avait-elle donc d'existence dont on soit fier que depuis un an ? Les enfants présents avaient-ils plus de discernement que ceux qui ont choisi d'abandonner le cours du père Nicolas ? Pourquoi les parents de l'école de Strasbourg, où avait exercé Nikos, précédemment, ne voulaient-ils plus y retourner ? N'aurions-nous pas pu organiser la venue des enfants de l'école pour la faire coïncider avec la réception festive du père Athanase ? De nombreux enfants de la nouvelle école grecque étant venus saluer le père Athanase, cela n'aurait-il pas été un geste fort de se retrouver tous unis à cette occasion ? S'il s'agissait de mettre à l'honneur les enfants, ne l'auraient-ils pas été davantage dans une église pleine que dans une église vide ?

Le père Nicolas peut faire abstraction des divisions qu'il a laissées en quittant son ancien poste. Il peut vouloir montrer que les enfants qui sont restés dans son cours sont plus avisés que ceux qui en sont partis. Il peut vouloir plonger dans les limbes de l'oubli les enfants qui ont abandonné son cours. Il peut vouloir faire comme si le père Athanase n'existait plus - et peut-être qu'un jour nous serons tentés de faire la même chose avec lui - ou vouloir prouver que lui aussi peut réunir du monde. Mais est-il légitime de mettre ainsi en scène des enfants qui ne savent pas qu'ils sont en train de jouer un rôle ?

Que ce soit pour l'hymne de la communauté de Lyon, ou bien dans cette circonstance, ou dans d'autres encore, j'ai toujours une répugnance à constater que les enfants sont utilisés afin de faire passer un message aux adultes. Et utiliser l'église comme cadre d'une telle mise en scène ne peut que renforcer ce sentiment de malaise. La liturgie n'est pas le lieu de ce genre de propagande. Pas plus que les programmes scolaires ne prévoient d'enseigner un hymne local. 

Le père Nicolas n'a pas mis les vidéos de cette petite cérémonie sur facebook. Il est possible qu'elles aient servi à des fins de propagande auprès de sa hiérarchie, ou qu'elles soient simplement destinées à lui rappeler un jour qu'il avait pu garder quelques élèves un an de plus à son cours. L'avenir nous dira si monsieur Tsipras décide de rappeler au clergé que les enseignants sont là pour dispenser un savoir, et non pour conditionner des esprits.

Il ne s'agit ici que d'une anecdote dont je n'aurais pas parlé si elle n'avait préludé à une dérive plus grave. Dérive que nous aborderons la semaine prochaine.