de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 29 septembre 2012

60- Laissez les enfants venir à moi



Lorsque monseigneur Emmanuel Adamakis est venu pour l'assemblée générale de l'association, le 20 février 2011, il a présidé la liturgie du dimanche. C'était le jour où l'on fêtait la parabole du fils prodigue, avec le traditionnel manque d'inspiration qui accompagne les homélies liées à ces grands classiques de l’Évangile.

Rompant la monotonie ambiante, Stelios a dit d'une voix forte, pendant l'homélie : Παρακαλώ, σεβασμιότατε, μιλήστε πιο δυνατά, γιατί εδώ πίσω, δεν σας ακούμε ! (S'il vous plaît, Monseigneur, parlez plus fort, car ici derrière nous ne vous entendons pas !) Ce à quoi l'évêque lui a répondu : Εάν κάνετε τα παιδιά σας να κάνανε πολύ πιο ησυχία, θα με ακούσατε (Si vous faites taire vos enfants, vous m'entendrez).

Pour moi, c'est la citation d'Emmanuel que je préfère. Pour ceux qui doutaient qu'il en eût un, quelque chose de spontané sortait enfin de son cœur !

Revenant sur cet incident à la fin de la liturgie, l'évêque avait expliqué qu'il serait bien de trouver le moyen de faire garder les enfants dans la salle paroissiale pour qu'ils ne gênent pas la liturgie.

Au-delà des déclarations de circonstances dans lesquelles les enfants sont toujours les bienvenus, il serait trop long de rappeler ici toutes les fois où ils ont été pris en otage depuis l'arrivée du père Nicolas. J'y consacrerai un message à part si l'évêque souhaite poursuivre le débat sur ce thème et faire valoir un droit de réponse légitime ou proposer une meilleure traduction.

Lorsque monseigneur Vlassios était à Lyon avant l'arrivée du père Athanase Iskos, il a créé l'école grecque. Et lorsque la salle de cours a été construite, à côté de son appartement, derrière l'église, il a fait placer une grande icône du Christ dans l'escalier qui  montait  à  la  salle  de  cours. C'était une icône du Christ bénissant auréolée de ces mots : Laissez venir à moi les petits enfants (Lc 18, 16).

Lorsque le Christ prononce cette phrase, il ajoute : Car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent (Lc 18, 16). Il est donc intéressant de s'interroger sur cette place des enfants dans l’Église, et sur ce qui peut conduire le Christ à leur donner tant d'importance.  La première chose qui vient à l'esprit lorsque l'on parle d'un enfant, c'est la pureté. Les yeux d'un enfant sont purs. Ils ne voient pas le mal. Ils ne voient pas la perversion de ceux qui les entourent. 

Les parents de Marina ont été jugés récemment pour avoir frappé leur fille si fort pendant des années, qu'elle est morte avant ses neuf ans. Ce qui avait surpris, au cours de leur procès, c'était que même aux enseignants qui essayaient de savoir d'où venaient ses blessures, qui lui parlaient avec douceur, qui voulaient la protéger, Marina n'a jamais dit un mot de mal sur ses parents tortionnaires. Pour moi, il est impossible de comprendre comment cette petite fille a pu aimer ses parents. Cette même incompréhension était dans la bouche des gendarmes, du procureur, des jurés, des juges, des journalistes et de tous ceux qui ont suivi le procès. Et pourtant, ce qui ressortait des plaidoiries des parties civiles, et ce qu'en ont retenu les juges, c'est qu'elle les a aimés, les a protégés et qu'elle en est morte d'une façon affreuse.

Abraham était aimé de Dieu parce qu'il avait cette pureté. Lorsqu'il accueille les anges qui partent détruire Sodome et Gomorrhe (Gn 18, 20-33), il ne se pose pas la question de savoir quels sont les crimes qu'ils ont commis et qui ont irrité Dieu. Il n'envie pas ce qu'ils font, mais ne les juge pas pour autant. Le fait que Dieu s'arrête chez lui ne l'enorgueillit pas, et il ne souhaite pas la mort des autres qui sont moins bien que lui. Il ne souhaite la condamnation et la destruction de personne, bien qu'il se protège en vivant loin des injustes.

Mais les enfants ne sont pas seulement l'image et parfois l'incarnation de la pureté. Ils regorgent de vie, jouent, rient, sont curieux de tout. Ce n'est donc pas seulement leur pureté que le Christ appelle à imiter lorsqu'il dit que le Royaume des Cieux appartient aux enfants et à leurs semblables. C'est ce qu'ils sont dans tout leur être.

Monseigneur Vlassios et le père Athanase le savaient. Nous voyons sur des photos de baptême prises en 1977 que monseigneur Vlassios aimait être entouré d'enfants. Ils sont plus de vingt à avoir leur tête penchée au premier plan pour voir ce qui se passe durant le baptême. Et ils n'étaient pas toujours très sages...



Le père Evangelos, qui assistait monseigneur Vlassios à cette époque, a toujours accueilli les enfants, et pas dans une salle à part pour qu'ils le laissent tranquille célébrer pour des adultes recherchant leur petit confort intellectuel, mais dans l'église où il servait pour eux. Dans l'église où il servait le Dieu de Vie qui est béni à travers la vie qu'il donne aux enfants.



Les enfants n'étaient pas toujours sages, mais l'église était à eux. Trente ans plus tard, elle l'était encore. Elle l'est dans tous les pays orthodoxes ; elle l'a été à toutes les époques. Pour eux, le père Athanase a mis beaucoup de français dans les offices, afin qu'ils les comprennent et que la barrière de la langue ne les éloigne pas de l'église. Il a fait preuve d'une patience à toute épreuve quand il demandait aux plus irréductibles de venir servir dans le sanctuaire.




Je ne dis pas ici que l'église est un défouloir ou un terrain de jeu où les enfants seraient autorisés à faire n'importe quoi, mais je dis qu'il faut du discernement pour que l'enfant s'y sente à l'aise tout en apprenant le respect du lieu. Cet équilibre nécessaire à trouver est un apprentissage, et non pas quelque chose d'inné que l'enfant devrait posséder avant de l'avoir assimilé. 

Cet équilibre n'est pas non plus ressenti par tout le monde de la même façon, si bien que certains peuvent parfois être agacés par des bruits qui semblent anodins à d'autres. C'est là où l'expérience des pères spirituels peut nous éclairer. L'une des choses les plus importantes que l'on essaie d'apprendre dans un monastère, c'est le contrôle de ses pensées, afin que, en évitant qu'elles ne divaguent (λογισμοί), on puisse les concentrer sur la prière. 

Les hésychastes ont poussé cet exercice à l'extrême. Ils disaient qu'alors l'homme ne fait plus qu'un avec Dieu, car il reste uni à lui par un lien mystique qui ne le quitte plus, quoi qu'il fasse, même s'il dort. Ils ajoutaient que si un bruit, ou quelque chose d'extérieur, vient perturber la prière, c'est que celle-ci n'habite pas l'homme ; que l'homme doit arriver à se concentrer davantage sur la prière que sur le bruit qui l'en éloigne.

Alors, lorsque les enfants font leur apprentissage de la sagesse, il convient d'avoir beaucoup de patience avec eux.

Les enfants ont toujours eu une place privilégiée dans les Écritures. Dans l'Ancien Testament, lorsque Dieu veux montrer aux hommes les prémices de la résurrection qui les attend, ce sont deux enfants morts que les prophètes ressuscitent. D'abord le fils de la veuve qui hébergeait Élie (1Rois 17, 17-24) ; puis avec le prophète Élisée (2Rois 4, 32-36).

L'une des choses que je regrette dans la plupart des offices catholiques auxquels j'ai assisté, c'est l'absence d'enfants. Mis à part les baptêmes, où les enfants sont encore présents, le reste des offices est trop souvent aseptisé de leurs bruits légitimes ; aseptisé de la vie qu'ils portent en eux.

Lorsque j'étais en Grèce, l'an dernier, j'ai voulu m'arrêter à Ioannina en revenant des Météores. Je voulais y saluer le père Athanase. Mais il ne savait pas que nous allions passer et il était absent. Nous sommes donc allés sur la place de l'église Saint Georges de Ioannina et nous nous sommes assis sur une terrasse pour manger et boire avant de poursuivre notre route vers Igoumenitsa.

Au moment de payer, le patron nous a dit que tout était réglé et nous a désigné un monsieur qui commençait à s'éloigner. Nous l'avons rattrapé pour le remercier, mais lui a fait comme s'il ne s'était rien passé. Il nous a juste dit : Les enfants sont comme des anges. Ils sont l'amour que Dieu donne aux hommes. Et il nous a félicités pour nos enfants.

Il avait tout payé parce que nos enfants lui rappelaient les siens, qu'ils lui rappelaient ses petits-enfants, qu'ils lui rappelaient tout l'amour qu'il avait avec eux. Peu lui importait que nous soyons musulmans ou orthodoxes, Turcs ou Français. Il ne voyait que l'amour que Dieu donne à tous les hommes à travers les enfants.

Il y a eu beaucoup de Grecs qui nous ont accueillis de tout leur cœur, même sans nous connaître, durant ce voyage. Certains nous voyaient comme on voit l'étranger qui est peut-être envoyé par Dieu. Mais cet homme à Ioannina était comme un guide qui avait une connaissance de Dieu parfaite et qui transmettait cette connaissance d'une simple phrase.
 
J'espère qu'un jour monseigneur Emmanuel cessera de cautionner les dérives du père Nicolas. Qu'il dénoncera ses actes lorsqu'il se livre à des scènes de violence devant des enfants venus visiter l'église, ou devant les enfants de l'école grecque, ou lorsqu'il ne donne pas de cadeau de Noël à un enfant lors de la fête de l'école parce qu'il s'est fâché avec ses parents. Car alors peut-être sera-t-il capable de comprendre cet amour dont parlait cet homme. Et si, après l'avoir compris, il arrive à le connaître lui-même, alors ce jour-là il connaîtra Dieu.

samedi 22 septembre 2012

59- Catéchisme des icônes

L’Église a toujours cherché l'harmonie et l'enseignement des hommes : dans le chant, dans les icônes, dans l'architecture... Gwenaël Queret a fait une thèse d'histoire de l'art remarquable sur cette question. Il a réussi à montrer comment tout est organisé autour de l'histoire du salut des hommes et de son enseignement. Je vais reprendre ici quelques notions de ce symbolisme, parce que le rapport de l'homme et de l’Église est intimement lié à cette catéchèse architecturale et iconographique.


 


Une église est traditionnellement construite en trois parties : le narthex, le chœur et le sanctuaire.

Le narthex est la partie de l'église par laquelle on entre. Il symbolise le monde des ténèbres, le monde de la chute dans lequel est enfermé l'homme après qu'il eut été chassé du paradis. On y représente, avec les fresques, tout ce qui concerne l'ancien testament et, parfois, les visions prophétiques, comme l'apocalypse ou le jugement dernier. Il est le cri de l'homme loin de Dieu et qui aspire à le retrouver.
 

Les scènes représentées, depuis la création du monde jusqu'à l'incarnation du Christ, le sont de façon chronologique, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le sens des aiguilles d'une montre est le sens de la vie. Or l'ancien testament est l'histoire de l'éloignement de Dieu, donc de l'éloignement de la vie. Cette histoire est donc représentée en sens inverse des aiguilles d'une montre.
 

Le chœur se trouve dans la continuité du narthex. On y accède par une porte, parfois symbolisée par un grand rideau. Elle est le monde du salut, le monde de l'incarnation du Christ qui est venu racheter l'homme et le conduire vers lui, le monde du baptisé qui a reconnu Dieu, qui a renoncé à ses fautes, à son ancienne vie, pour accepter la grâce que Dieu donne aux hommes. On y représente le cosmos racheté par le sang du Christ ; toute l'histoire de l'incarnation du Christ jusqu'à aujourd'hui. 
 
L'histoire est racontée de haut en bas. La coupole, avec le Christ Pantocrator, est la protection divine qui œuvre pour sauver les hommes avec toutes les puissances célestes. Puis, sous le Pantocrator, les prophètes qui ont préparé la venue du Christ. Puis, normalement dans les tambours qui font le lien entre les piliers et la coupole, les 4 évangélistes qui portent le message du Christ. La coupole étant l'image du cosmos, les évangélistes portent le cosmos par le message du Christ.
 

Puis, dans les voûtes, les scènes de la vie du Christ depuis l'Annonciation jusqu'à la Dormition, représentées dans l'ordre chronologique et dans le sens des aiguilles d'une montre, le sens de la vie.
 

Puis, sous les scènes de la vie du Christ, est représentée l'histoire du Nouveau Testament. Les saints sont  représentés par leur importance depuis le sanctuaire jusqu'au fond de l'église : d'abord les apôtres, puis les martyrs, puis les saints qui ont eu une vie juste mais qui ne sont pas morts dans la persécution. Puis, sous les saints, on ne représente rien d'autre que des voilages, mais jamais de personnages. Cette place est en effet la nôtre, celle de chaque chrétien. Chacun est en effet l’Église aujourd'hui, il est la continuité de toute cette histoire des hommes et de Dieu, il est l’Église dans ce qu'elle a d'éternel.
 

Le sanctuaire est l'image du monde qui nous attend, de la Jérusalem céleste que le Christ a préparée pour nous. Il est fermé par l'iconostase et ne s'entrouvre que pour nous donner accès aux sacrements. L'ouverture des portes saintes (où passe le prêtre), des portes latérales utilisées pour le service, et du rideau central sont codifiées et correspondent toujours à des moments précis de la liturgie. Par exemple, on ouvre les portes saintes et le rideau lorsque le prêtre sort pour donner la communion aux fidèles, ou bien l'iconostase reste entièrement ouverte du jour de Pâques et toute la semaine qui suit, ou bien on ferme tout lorsque le prêtre prépare les saints dons et récite ses prières secrètes.
 

On représente dans le sanctuaire les saints évêques, ainsi que des scènes préfiguratrices de l'incarnation : Moïse et le buisson ardent, l'hospitalité d'Abraham, Daniel dans la fournaise...

La liturgie est composée de deux grandes parties : la liturgie de la parole, et la liturgie des fidèles. La liturgie de la parole est un catéchisme liturgique qui dure jusqu'à la lecture de l’Évangile et se termine par l'homélie du prêtre qui suit l’Évangile. Aujourd'hui, les prêtres font parfois leur homélie avant la communion, ou avant la distribution du pain béni, mais c'est juste pour avoir plus de monde qui les écoutent, et c'est un non-sens dans la liturgie telle que saint Jean Chrysostome l'a codifiée. L'ensemble des offices ainsi que la liturgie de la parole ont toujours été ouverts à tous : baptisés et non-baptisés.

A une certaine époque, on fermait la porte du narthex, ou son rideau, à la fin de la liturgie de la parole et seuls les baptisés assistaient à la liturgie des fidèles : la transformation des saints dons et la communion.

Aujourd'hui, cette séparation entre les deux liturgies n'est plus appliquée, sauf quelques rares exceptions.

Mais ces règles, comme toute règle d'ailleurs, n'existent pas pour elles-mêmes. Tout cela, et bien d'autres choses encore, a été mis en place pour former l'homme et l'aider dans son cheminement vers Dieu. Une sorte de catéchèse vivante. Jamais il n'y a eu dans l'esprit des Pères l'idée de chasser certains, ou de réserver l'église à quelques initiés.
 
Gwenaël Queret est moine du monastère du père Placide Deseille. Il a eu un rôle central dans la réalisation des plans de l'église du monastère Saint Antoine le Grand et sur l'agencement des fresques. Sa thèse n'est pas publiée, mais elle est certainement disponible sur demande auprès du monastère.

samedi 15 septembre 2012

58- Pouvoir de lier et de délier



Dans la série de messages que j'ai commencés sur la place de chacun, je ne pensais pas aborder tout de suite celle du prêtre. Pourtant un événement imprévu m'oblige à modifier l'ordre de mes messages. Dimanche dernier, le père Nicolas Kakavelakis a en effet refusé la communion à l'une des personnes les plus respectables de la communauté, arguant qu'un prêtre a reçu le pouvoir de lier et de délier, et qu'il est donc dans son droit en imposant à qui il veut une exclusion.

Je ne reviendrai pas ici sur les faits reprochés à E. T., à qui le père Nicolas n'a pas pardonné le courrier qu'elle a écrit à monseigneur Emmanuel. Tout cela est déjà relaté dans le message sur la communion.

Pilate aussi croyait qu'il avait le pouvoir de lier et de délier. Ce fut son argument face au Christ qui refusait de lui répondre. Le Christ ne l'a pas contredit ; au contraire. Il a confirmé ce pouvoir sur lui en disant qu'il lui avait été donné d'En-Haut (Jn 19, 9-11). Et pourtant, le fait que Dieu avait donné à Pilate le droit de vie et de mort sur son Fils était-il une justification pour que Pilate fasse tuer le Christ ?

Dieu parle souvent aux hommes en laissant un peu de mystère dans ses paroles, pour voir vers quoi tendent leurs cœurs. Ainsi, au Paradis déjà, Dieu dit à Adam : Tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn. 2, 17). Les Pères de l’Église considèrent que cet arbre n'a jamais été celui de la connaissance du bien et du mal : Adam connaissait déjà le bien puisqu'il jouissait de la plénitude de Dieu et des bienfaits du Paradis. Cet arbre n'était donc que celui de la connaissance du mal. Et c'est pour cela qu'Adam a été éloigné de Dieu en goûtant ce fruit.

Donner aux hommes le pouvoir de lier et de délier est un pouvoir qui peut aller très loin. Si, en usant d'un tel pouvoir, un homme commet une injustice, est-ce que cela sous-entend que Dieu va cautionner une injustice ? Mais si Dieu cautionne l'injustice, alors le mal a une emprise sur lui. Et si le mal a une emprise sur Dieu, alors Dieu est imparfait. Et si Dieu est imparfait, alors il n'est plus Dieu. Et si Dieu n'est plus Dieu, alors Dieu n'existe pas.

La théologie apophatique, qui consiste à essayer de connaître Dieu au travers de ce qu'il n'est pas, nous oblige à considérer que Dieu ne peut cautionner aucune injustice. Alors comment considérer que le Christ donne un tel pouvoir à ses disciples ? 

Nous sommes ici dans le même cas de figure que pour l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Les disciples connaissent le Christ et il connaît ses disciples (Jn 10, 14). Jamais aucun d'entre eux n'utilisera ce pouvoir pour commettre une injustice. C'est ainsi que le Christ dit : Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom ? N'avons-nous pas chassé les démons par ton nom ? Et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité (Matth. 7, 21-23).

C'est ainsi que les Borgia et ceux qui les imitent, quelle que soit la légitimité de leur sacerdoce, ne pourront jamais se prévaloir de cette légitimité pour justifier leurs actes devant Dieu.

En cela aussi, le Christ a montré l'exemple, comme dans tout ce qu'il a fait. Plus que quiconque, il avait le pouvoir de lier et de délier, et pourtant il n'a jamais fait autre chose que de délier les fautes et les maladies. C'est ainsi qu'il a guéri les dix lépreux (Lc 17, 11-19), même s'il savait qu'un seul en serait digne et viendrait le remercier. C'est ainsi qu'il a pardonné aux prostituées en leur demandant de ne plus pécher, même si l'histoire ne dit pas toujours si elles ont changé de vie par la suite. C'est ainsi que même pour ceux qui le crucifiaient, il a demandé à son Père de leur pardonner (Lc 23, 34).

Les seuls qu'il a maudits furent les membres du clergé de l'époque, à cause de leurs injustices et de leur hypocrisie (Matth. 23, 13-36), eux qui auraient dû être des exemples.

Alors y a-t-il une justification à ce que le père Nicolas humilie une vieille dame qui n'a jamais fait que le bien, et qu'il cherche à l'exclure de l’Église ? Il ne servirait à rien que je donne une réponse à cette question, l’Évangile l'a déjà fait !

samedi 8 septembre 2012

57- Blues Brothers



Avez-vous déjà vu l'excellent film des Blues Brothers ? Quand Jake Blues sort de prison où il a purgé trois ans pour le braquage d'une station-service, il apprend, avec son frère Elwood, recherché pour 172 infractions au code de la route, que l'orphelinat dans lequel ils avaient été élevés doit 5000 $ d'impôts. La pingouine, soeur Marie Stigmata, qui dirige cet établissement, est aux prises avec son évêque. Celui-ci refuse de payer les impôts car il se fout royalement des orphelins et il attend la mise en faillite pour récupérer les biens immobiliers et les vendre au plus offrant.

Jake, souhaitant se débarasser de cette tâche dont il ne veut pas avoir à s'occuper, demande une heure à la pingouine pour lui laisser le temps de ramener l'argent. Sachant très bien qu'il ne pourra pas ramener autant d'argent en si peu de temps par un procédé honnête, sœur Marie Stigmata lui donne alors une raclée magistrale.

Face à leur conscience, Jake et Elwood vont alors chercher un moyen honnête de gagner cet argent. Malgré toutes les imperfections qui entachent leur vie chrétienne, ils n'auront plus qu'une phrase à la bouche : Nous sommes en mission pour le Seigneur ! La mission, qu'ils se voient confiée par Dieu lui-même, c'est de faire barrage à l'évêque, véritable ennemi de l’Église et de ses œuvres. 

A partir du moment où ils vont accepter cette mission, plus rien n'aura d'importance que de la réussir : ni l'argent qui finit par leur tendre les bras, ni les femmes qu'ils rencontrent, ni la police qui les recherche, ni la prison qui les attend. 

Il ne s'agit bien sûr que d'une comédie, osant souvent des caricatures grossières, mais très nombreux sont les aspects du film qui montrent que tout y est étudié. C'est d'abord la qualité des acteurs, où les plus grands musiciens de l'époque jouent, comme Ray Charles, Aretha Franklin, James Brown et bien d'autres.

Ensuite, les éléments de catéchèse n'ont rien de fantaisiste. C'est en effet le propre de l'homme de pouvoir se relever lorsqu'il tombe, de pouvoir servir Dieu malgré ses fautes passées et sans présager des fautes futures, car, quoi qu'il fasse, il aura toujours la possibilité de se relever à nouveau, si tant est que sa volonté de changer soit sincère. C'est le sens de cette parole de saint Grégoire de Nysse, reprise des épîtres de saint Paul : Oubliant ce qui en arrière, et tendu vers ce qui est en avant, je cours, et je vais droit au but. Ainsi, Elwood disant qu'il est en mission pour le Seigneur est parfaitement réaliste.

Saint Paul, qui avait demandé à Dieu de le protéger des tentations qui l'accablaient et qui l'empêchaient de le servir correctement s'était vu répondre par le Christ : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Et saint Paul poursuit en disant : Je me glorifierai donc bien plus de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ repose sur moi (2Cor. 12, 9). C'est par la faiblesse des Blues Brothers que Dieu protège l'orphelinat face au mercantilisme de l'évêque.

Cette histoire n'est qu'une parodie qui ne repose sur rien ? Demandez aux Grecs de Marseille ce qu'il est advenu de leur foyer pour personnes âgées, et vous pourrez ainsi juger si l'histoire de sœur Marie Stigmata et de son évêque est vraiment caricaturée.

Ce film pose la question de savoir quelle est vraiment la place que nous avons tous, et quelle légitimité nous avons à cette place. C'est cette question que nous allons aborder dans les prochains messages, tant au regard de questions d'actualité, qu'au regard de la Tradition.