L’Église a toujours cherché l'harmonie et l'enseignement des hommes : dans le chant, dans les icônes, dans l'architecture... Gwenaël Queret a fait une thèse d'histoire de l'art remarquable sur cette question. Il a réussi à montrer comment tout est organisé autour de l'histoire du salut des hommes et de son enseignement. Je vais reprendre ici quelques notions de ce symbolisme, parce que le rapport de l'homme et de l’Église est intimement lié à cette catéchèse architecturale et iconographique.
Une église est traditionnellement construite en trois parties : le narthex, le chœur et le sanctuaire.
Le
narthex est la partie de l'église par laquelle on entre. Il symbolise
le monde des ténèbres, le monde de la chute dans lequel est enfermé
l'homme après qu'il eut été chassé du paradis. On y représente, avec les
fresques, tout ce qui concerne l'ancien testament et, parfois, les
visions prophétiques, comme l'apocalypse ou le jugement dernier. Il est
le cri de l'homme loin de Dieu et qui aspire à le retrouver.
Les scènes représentées, depuis la création du monde jusqu'à l'incarnation du Christ, le sont de façon chronologique, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le sens des aiguilles d'une montre est le sens de la vie. Or l'ancien testament est l'histoire de l'éloignement de Dieu, donc de l'éloignement de la vie. Cette histoire est donc représentée en sens inverse des aiguilles d'une montre.
Le chœur se trouve dans la continuité du narthex. On y accède par une porte, parfois symbolisée par un grand rideau. Elle est le monde du salut, le monde de l'incarnation du Christ qui est venu racheter l'homme et le conduire vers lui, le monde du baptisé qui a reconnu Dieu, qui a renoncé à ses fautes, à son ancienne vie, pour accepter la grâce que Dieu donne aux hommes. On y représente le cosmos racheté par le sang du Christ ; toute l'histoire de l'incarnation du Christ jusqu'à aujourd'hui.
L'histoire est racontée de
haut en bas. La coupole, avec le Christ Pantocrator, est la protection
divine qui œuvre pour sauver les hommes avec toutes les puissances célestes. Puis, sous le
Pantocrator, les prophètes qui ont préparé la venue du Christ. Puis,
normalement dans les tambours qui font le lien entre les piliers et la
coupole, les 4 évangélistes qui portent le message du Christ. La coupole étant l'image du cosmos, les évangélistes portent le cosmos par le message du Christ.
Puis, dans les voûtes, les scènes de la vie du Christ depuis l'Annonciation jusqu'à la Dormition, représentées dans l'ordre chronologique et dans le sens des aiguilles d'une montre, le sens de la vie.
Puis, sous les scènes de la vie du Christ, est représentée l'histoire du Nouveau Testament. Les saints sont représentés par leur importance depuis le sanctuaire jusqu'au fond de l'église : d'abord les apôtres, puis les martyrs, puis les saints qui ont eu une vie juste mais qui ne sont pas morts dans la persécution. Puis, sous les saints, on ne représente rien d'autre que des voilages, mais jamais de personnages. Cette place est en effet la nôtre, celle de chaque chrétien. Chacun est en effet l’Église aujourd'hui, il est la continuité de toute cette histoire des hommes et de Dieu, il est l’Église dans ce qu'elle a d'éternel.
Le sanctuaire est l'image du monde qui nous attend, de la Jérusalem céleste que le Christ a préparée pour nous. Il est fermé par l'iconostase et ne s'entrouvre que pour nous donner accès aux sacrements. L'ouverture des portes saintes (où passe le prêtre), des portes latérales utilisées pour le service, et du rideau central sont codifiées et correspondent toujours à des moments précis de la liturgie. Par exemple, on ouvre les portes saintes et le rideau lorsque le prêtre sort pour donner la communion aux fidèles, ou bien l'iconostase reste entièrement ouverte du jour de Pâques et toute la semaine qui suit, ou bien on ferme tout lorsque le prêtre prépare les saints dons et récite ses prières secrètes.
On représente dans le sanctuaire les saints évêques, ainsi que des scènes préfiguratrices de l'incarnation : Moïse et le buisson ardent, l'hospitalité d'Abraham, Daniel dans la fournaise...
La liturgie est composée de deux grandes parties : la liturgie de la
parole, et la liturgie des fidèles. La liturgie de la parole est un catéchisme liturgique qui dure
jusqu'à la lecture de l’Évangile et se termine par l'homélie du prêtre
qui suit l’Évangile. Aujourd'hui, les prêtres font parfois leur homélie
avant la communion, ou avant la distribution du pain béni, mais c'est juste pour avoir
plus de monde qui les écoutent, et c'est un non-sens dans la liturgie telle que saint Jean Chrysostome l'a codifiée. L'ensemble des offices ainsi que la
liturgie de la parole ont toujours été ouverts à tous : baptisés et non-baptisés.
A une certaine époque, on fermait la porte du
narthex, ou son rideau, à la fin de la liturgie de la parole et seuls les baptisés assistaient à la liturgie
des fidèles : la transformation des saints dons et la communion.
Aujourd'hui, cette séparation entre les deux liturgies n'est plus appliquée, sauf quelques rares exceptions.
Mais ces règles, comme toute règle d'ailleurs, n'existent pas pour elles-mêmes. Tout cela, et bien d'autres choses encore, a été mis en place pour former l'homme et l'aider dans son cheminement vers Dieu. Une sorte de catéchèse vivante. Jamais il n'y a eu dans l'esprit des Pères l'idée de chasser certains, ou de réserver l'église à quelques initiés.
Gwenaël Queret est moine du monastère du père Placide Deseille. Il a eu un rôle central dans la réalisation des plans de l'église du monastère Saint Antoine le Grand et sur l'agencement des fresques. Sa thèse n'est pas publiée, mais elle est certainement disponible sur demande auprès du monastère.
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