de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 9 février 2013

79- Apostasie

Dans toute l'histoire du christianisme, l'apostasie (renier sa foi) a toujours été considérée comme une faute très grave. Cela vient du Christ lui-même qui a dit : Quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon père qui est dans les cieux (Matth. 10, 33).

Ceci doit néanmoins être mis en lumière avec cette autre parole qu'il dit à saint Pierre : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois (Matth. 10, 34). Or il semble à peu près acquis que saint Pierre n'aurait pas été renié par le Christ depuis.

La tradition chrétienne considère donc, sur ce point comme sur d'autres, que l'erreur née de la faiblesse de la nature humaine n'enferme pas l'homme dans un état définitif de condamnation. Ce qui enferme l'homme, c'est lorsqu'il se complait dans ses faiblesses et ne cherche pas à s'en défaire.

Il faut garder à l'esprit la multitude de raisons qui peuvent conduire à renier sa foi. Car chacune de ces raisons peut donner un sens très différent à l'apostasie. Durant les persécutions des premiers siècles, il y avait ceux qui reniaient le christianisme pour échapper aux tortures et à la mort. Durant l'occupation de l'empire byzantin par les Turcs, il y avait ceux qui reniaient pour échapper à l'impôt des chrétiens et aux brimades qui les visaient. Aujourd'hui, il y a ceux qui quittent le christianisme, scandalisés par l'exemple de ses prêtres.

Je connais un jeune homme, l'ami d'un ami, qui vient d'abandonner le catholicisme pour se convertir à l'islam. Chez lui, on ne peut pas dire qu'il y ait persécution, ni impôt particulier auquel il aurait voulu échapper, ni que cela vienne des scandales du clergé. En effet, les imams sont souvent pires que les prêtres dans l'exemple qu'ils donnent et leurs discours de haine.

Je suppose que ce jeune homme est en quête de Dieu, et qu'il n'a pas trouvé chez les catholiques la nourriture spirituelle dont il avait besoin. Je suppose également que le milieu musulman dans lequel il évolue lui a montré des personnes pour qui Dieu a de l'importance et lui a donné envie de chercher Dieu à leur contact. S'il avait quitté une médiocrité ambiante pour se complaire dans une autre, alors sa démarche n'aurait aucun sens. Je partirai donc du principe qu'il cherche à progresser dans sa vie et dans sa foi.

Alors que dire à ce jeune homme ? Je lui dirai d'abord que c'est toujours une bonne chose de ne pas accepter la médiocrité dans laquelle on évolue et de chercher Dieu. Le Christ n'a-t-il pas dit : Celui qui cherche trouve (Matth. 7, 7) ? Il est clair qu'il ne s'adressait pas à ceux qui avaient déjà trouvé. D'ailleurs, qui peut dire qu'il a tout trouvé ?

Ensuite, les philosophes de tous les temps et de toutes les cultures considèrent que chercher Dieu est une quête de sagesse, une quête de vérité, une quête de justice et une quête de liberté. Il doit donc commencer à ne rien accepter dans sa vie qui l'éloigne de ces points.

Il devra fuir tous ceux qui lui diront d'obéir sans réfléchir car un tel comportement va l'enfermer et non le libérer. Sa conscience l'aidera à ne pas s'éloigner de la justice. Petit à petit, en restant vigilant sur lui-même, il se perfectionnera et grandira en sagesse. Ce jour-là, il se demandera encore : Mais qu'est-ce que la vérité ? Ce n'est qu'au bout de sa quête qu'il aura la réponse, s'il ne s'est pas égaré en chemin. Car la sagesse lui fera comprendre que celui qui croit tout savoir n'est rien d'autre que le pire des ignorants. 

Il se demandera : Comment est-ce que je peux plaire à Dieu et que lui donner puisqu'il a tout ? Nombreux sont ceux qui abusent de la crédulité de leurs semblables et qui leur font croire que détruire les mécréants est un acte qui plait à Dieu. L'islam n'est malheureusement pas la seule religion à user et abuser du principe de guerre sainte qui plaît à Dieu. Si Dieu voulait que les impies meurent, ne serait-il pas assez puissant pour les tuer tous en un instant ? Il ne serait pas Dieu s'il n'était pas assez puissant. Si donc Dieu laisse la vie et donne la vie, est-ce vraiment lui faire plaisir que d’ôter aux autres cette vie qu'il leur a donnée ? La sagesse lui fera comprendre que non et que les prédicateurs qui prônent la guerre et la destruction des autres ne font rien d'autre que de s'opposer à Dieu. Et alors il commencera à relativiser l'islam qui lui a servi à initier sa quête.

Il deviendra méfiant envers les prédicateurs en tout genre qui lui auront fait croire, du haut de leur médiocrité, qu'eux seuls avaient la vérité, et qu'il était préférable qu'il se coupe de ses amis et de sa famille mais pas de leur enseignement.
 
Mais il cherchera malgré tout à plaire à Dieu. Que pourra-t-il lui donner pour lui manifester son attachement ? S'il se trompe dans ses choix, ne risque-t-il pas de s'entendre dire : C'est dur d'être aimé par des cons ? Inversement, s'il reste sans rien faire pour ne pas se tromper, il ne progressera pas dans sa quête. De questionnement en questionnement, il comprendra qu'il n'y a qu'une seule chose qu'il peut donner à Dieu et que Dieu ne peut prendre sans son consentement, une chose qui n'a de la valeur que si elle est donnée librement : l'amour.
Et quand il aura compris que l'amour est au cœur de la quête de Dieu, qu'il est la seule chose que l'on peut offrir à Dieu qui ne soit pas déjà à lui, une chose qui devient plus abondante au fur et à mesure que l'on s'en sert, alors il saura que le message du Christ contient la plénitude de la quête de l'homme envers le divin. Il comprendra les paroles de saint Jean qui a dit : celui qui aime connaît Dieu, [...] car Dieu est amour (1Jn 4, 7-8). Il regrettera d'avoir délaissé le christianisme qui contenait sans qu'il le sache tout ce qu'il cherchait.

Il fera abstraction de toutes les faiblesses de ceux qui l'entourent et continuera à chercher pour progresser toujours plus, transformant petit à petit sa vie et celle de ses proches. Il saura alors pourquoi le Christ pardonna à Pierre qui l'avait renié, et l'accueillit avec des bras grands ouverts.

samedi 2 février 2013

78- Homosexualité

Je cite souvent le père Placide Deseille dans les messages de mon blog. La raison en est très simple : ses positions sont considérées comme parfaitement sûres par le métropolite, et, comme il est toujours vivant, ce que j'écris peut être vérifié. Le père Placide a déjà écrit des homélies pour le métropolite Jérémie lors d'occasions importantes. Il serait donc difficile à la métropole de contester les positions de celui vers qui elle se tourne pour écrire ses textes quand elle veut élever le niveau de ce qu'elle dit. Étant donné le côté particulièrement sensible du message d'aujourd'hui, je vais à nouveau m'appuyer sur la position du père Placide pour voir quelle est la place des homosexuels dans l’Église.

Bien des années avant le PACS, il y avait un homme, monsieur J., qui fréquentait le monastère du père Placide. Je ne donnerai aucun détail pour éviter qu'il ne soit identifié, mais c'était un homme très bon, constamment tourné vers les autres. Il assumait son homosexualité et vivait en couple avec un autre homme. Le monastère lui était redevable de très nombreux services. Il se confiait au père Placide. Il venait très régulièrement aux offices et communiait avec la bénédiction de son père spirituel.

Une seule fois, j'ai entendu le père Placide se montrer mécontent de monsieur J. C'était un dimanche. Le PACS n'était pas encore voté et il y avait une manifestation à Paris pour demander la reconnaissance de l'union des homosexuels. Fait rarissime, monsieur J. n'était pas venu à la liturgie, et le père Placide en avait déduit qu'il était allé à Paris pour manifester. Il voulait en effet pouvoir léguer ses biens à l'homme qui vivait avec lui s'il lui arrivait quelque chose.

Pour le père Placide, chaque homme peut trouver sa place dans l’Église, et, malgré ses faiblesses et la nature déchue du monde qui nous entoure, tendre vers Dieu dans une volonté de perfectionnement permanent. Les homosexuels comme les autres. Mais l’Église a la responsabilité d'être un guide pour les hommes. Et ce guide, bien qu'il ne doive rejeter personne, se doit néanmoins d'être clair dans l'exemple qu'il donne. Le père Placide considérait donc que monsieur J. ne pouvait pas aller manifester pour demander la reconnaissance de l'union homosexuelle.

C'était très différent d'un simple : Fais ce que tu veux, mais tais-toi ! qui ne serait qu'une façon hypocrite de fermer les yeux sur des faits qui dérangent et dont on ne saurait comment s'en accommoder. Sa position était profondément liée à sa vision ecclésiologique : le bon larron, qui fut crucifié en même temps que le Christ, était un meurtrier, et pourtant il fut le premier à entrer dans le Paradis ; saint Paul était également un meurtrier et pourtant il devint apôtre. Un homosexuel n'est pas moins digne qu'un meurtrier ; il peut donc tout légitimement trouver sa place dans l’Église pour progresser vers Dieu.

Le père Placide avait en outre conscience qu'il y a plusieurs formes d'homosexualité. Il y a des personnes chez lesquelles il s'agit d'un choix pervers d'expériences nouvelles et exotiques. D'autres chez qui ce n'est pas un choix, mais un état naturel, ou au moins lié à la nature déchue pour ce qui est de la position de l’Église. Je ne rentre pas dans tous les détails, car je ne les connais pas et je donne avant tout des éléments de réflexion.

Un autre homosexuel, monsieur E., fréquentait le monastère. Lui aussi était fils spirituel du père Placide et lui aussi avait fait énormément de choses pour le développement et le rayonnement du monastère. Monsieur E. aimait draguer dans des bars gays, et perdait son temps à accumuler les expériences sans lendemain. Comme il n'était pas prêt à changer de vie, le père Placide lui avait demandé de ne pas communier. Ce en quoi monsieur E. s'exécutait par respect pour son père spirituel.

Puis monsieur E. est venu vivre plus près du monastère, sans renoncer à sa révolte contre des règles qu'il ne comprenait pas. Allant de crises existentielles en désillusions, monsieur E. a réalisé un jour, au fond de lui, qu'il perdait son temps et qu'il devait changer. Il ne s'agissait pas, pour lui, de se mettre à aimer les femmes, chose dont il était incapable, mais de renoncer à une vie dissolue qui avait transformé son existence en champ de ruines. Il s'en est ouvert au père Placide qui a vu que sa démarche était intérieure et sincère. Il l'a aussitôt autorisé à communier et l'a aidé par ses conseils à construire une vie qui soit un juste équilibre entre la position affichée de l’Église et ce qu'il pouvait réellement porter.

Il y a, bien évidemment, eu beaucoup d'autres homosexuels qui sont passés dans son monastère. Il conseillait ceux qui le questionnait et laissait à leur conscience ou à leurs pères spirituels respectifs ceux qui ne demandaient rien. Pour ceux-là, le père Placide ne s'est jamais occupé de savoir s'ils devaient communier ou non. Cette question relevait de la relation de confiance qui peut exister entre un homme et son père spirituel (pnevmatikos), ou de la conscience de chacun. C'est là l'une des différences ecclésiologiques entre les catholiques et les orthodoxes, comme nous le verrons plus bas.

L'exemple de monsieur J. et de monsieur E. étant posé, nous allons voir comment l'Église se positionne sur l'homosexualité.
 
La stigmatisation des homosexuels est venue avec saint Paul, notamment dans sa première épître aux Corinthiens : Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point le royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu. (1 Cor. 6, 9-10). 

Et pourtant, dans la même épître, un peu plus loin, il va dire : L'amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout (I Cor. 13, 7). Les soeurs du monastère Saint Etienne, aux Météores, ont écrit ces mots de saint Paul sur leurs murs, dans toutes les langues. Mais elles ont, avec beaucoup de discernement, passé sous silence la liste des condamnations évoquée plus haut. Cet exemple particulier montre bien comment la Tradition s'est positionnée sur ces paroles de saint Paul.

Comme beaucoup de choses dans saint Paul, il y a là des contradictions flagrantes : comment peut-on dire que Dieu est amour et que l'amour supporte tout, si les efféminés, les voleurs et les autres sont foutus de toute façon ? Saint Paul est d'ailleurs en contradiction totale avec le Christ qui dit : Je vous le dit en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume des cieux (Matth. 21, 31). Je crois que saint Paul a mis des règles là où le Christ n'en a pas mises. Saint Paul a mis des catégories administratives là où le Christ juge le secret des cœurs suivant cette parole : De deux hommes qui seront dans un champ, l'un sera pris et l'autre laissé ; de deux femmes qui moudront à la meule, l'une sera prise et l'autre laissée (Matth. 24, 40-41).
 
Les orthodoxes voient le christianisme comme une relation personnelle de l'homme avec son Dieu. On le retrouve dans toute l'histoire du salut et le Christ le résume par ces mots lorsqu'il s'adresse à la Samaritaine : L'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande (Jn 4, 23). Les règles de l’Église servent de guide, mais le père spirituel peut les adapter pour l'évolution spirituelle de chacun. Monseigneur Emmanuel le sait, lui qui ne respecte certainement pas les règles de jeûne telles qu'elles sont en vigueur dans l’Église.

Dans l’Église catholique, la centralisation de l'institution a fait que les règles validées par le pape sont devenues opposables à tous, sans possibilité d'y déroger. L'homosexualité étant interdite, les homosexuels sont excommuniés de fait et n'y ont aucune place. Quoique...

Les homosexuels étant placés dans une situation intenable, ceux qui veulent malgré tout avoir un lien avec l’Église catholique trouvent souvent dans le sacerdoce une manière de vivre leur célibat forcé. Ils y trouvent une manière de justifier un renoncement à un désir qu'ils savent de toute façon interdit. Cela donne un sens à leur conflit intérieur où s'opposent des idéaux religieux et des désirs plus ou moins inavoués. Quelle meilleure manière que de lutter en permanence contre ce que l'on est qu'en allant répéter aux autres ce dont on aimerait être convaincu ?

Cela conduit à dire avec humour que la plus grande concentration d'homosexuels ne se trouve pas dans les gay prides, mais dans les séminaires catholiques.

Mais que va apporter à ses fidèles un prêtre qui ne sait même pas lui-même pourquoi il est là ? Et s'il est possible de se masquer la réalité de nos propres motivations durant quelques mois, voire quelques années, que va devenir ce prêtre lorsqu'il perdra ses illusions et n'arrivera plus à savoir quelles sont les motivations réelles de sa vocation ? Il commencera à se trouver des excuses pour justifier ce qu'il condamnait. Cela sera d'autant plus facile pour lui qu'il aura déjà l'habitude de justifier ses choix par de fausses excuses.

Et, un jour, d'autojustification en autojustification, il finira dans les faits divers des journaux de Berlusconi dans un article dédié aux folles nuits des prêtres gays.




Le Christ n'a jamais condamné personne, sauf le clergé de l'époque à cause de son hypocrisie. S'il avait voulu condamner les homosexuels, il l'aurait fait, mais cela n'a pas été le cas. Il aurait pu condamner les prostituées, mais il ne l'a pas fait. Il aurait pu condamner les collecteurs d'impôts et autres collabos de l'envahisseur romain, mais il ne l'a pas fait. Il a par contre condamné ceux qui lui reprochaient de s'adresser à tous. Et à tous, son seul message était d'aller vers plus d'amour, et de laisser derrière soi ses erreurs passées.

Mon but n'est pas de dire que c'est bien ou mal d'être homosexuel. Ce qui est mal, c'est le manque d'amour que les hommes ont les uns envers les autres. Ce manque d'amour existe quand l'argent dessèche le cœur et nous rend insensibles aux souffrances que nous croisons. Il existe aussi quand nous ne cherchons dans l'autre que la satisfaction immédiate d'instincts ou de plaisirs.

Alors laissons à Saint Silouane du Mont Athos le soin de conclure ce message : La perfection chrétienne est d'avoir pour tous les hommes l'amour d'une mère.