de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 29 octobre 2014

137- Donner des noms

L’Église considère que les chrétiens, en recevant la marque du baptême, reçoivent le sceau de l'Esprit-Saint qui réconcilie l'homme déchu et Dieu. De ce fait, le chrétien peut à nouveau accéder au Paradis dont Adam, le premier homme, avait été chassé. Le baptême devient alors la consécration du nouveau peuple élu de Dieu, remplaçant le peuple juif qui, après avoir tué les prophètes, tua le Messie envoyé de Dieu, le Christ, se privant ainsi de la bénédiction qu'il portait depuis Abraham.

Cette notion de peuple élu, cause d'innombrables conflits, de morts, de prosélytisme, d'orgueil... est complexe et régit encore de nos jours les relations entre les hommes de nombreux pays, ou même entre certains continents. Nous allons essayer d'aborder, dans les messages à venir, ce qu'elle a de fondé, mais également ses dérives.

Dans ce qui pourrait être tant l'introduction que la conclusion de cette série de messages, je citerai celui qui est à la foi le dernier prophète de l'Ancien Testament et le premier du Nouveau Testament : Jean-Baptiste. Aux Docteurs de la Loi venus l'interroger, il dit : Ne vous avisez pas de dire à vous-mêmes : " Nous avons pour père Abraham. " Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham (Matth. 3, 9).

Au regard de cette phrase, la notion de peuple élu doit donc être prise avec beaucoup de circonspection et d'humilité.


Depuis l'origine du monde, l'homme donne des noms aux créations de Dieu. C'est ainsi que Dieu conduisit les animaux devant Adam pour qu'il leur donnât un nom. Et ce nom était l'essence même de l'être de chacun (Gn 2, 19, 20). 

Aujourd'hui encore, nous nommons nos enfants, les choses que nous découvrons, les lieux où nous habitons... C'est par ce nom que nous nous connaissons, et par ce nom que Dieu nous connaît, ce qui est manifesté dans les sacrements chrétiens par le nom donné au moment du baptême. A Satan, venu se présenter devant son Trône, Dieu dit : As-tu remarqué mon serviteur Job (Jb 1, 8) ? Ou encore, au Grand-Prêtre Zacharie entré dans le sanctuaire, l'ange dit : Ta femme Élisabeth t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean (Lc 1, 13)...

Cette notion de donner des noms est universelle et transcende toutes les croyances et cultures. Si elle revêt un sens religieux particulier, il ne viendrait pourtant à l'esprit de personne de considérer que donner des noms est l'apanage d'un certain groupe à l'exclusion des autres.

C'est par ce nom que nous prions les uns pour les autres lors des offices. Par exemple, tous les dimanches, le père Nicolas Kakavelakis de Lyon dit : En premier lieu, souviens-toi Seigneur de notre métropolite Emmanuel. Et ce avec tellement de conviction que nous pourrions voir les cieux s'ouvrir et une voix se faire entendre : Ne vous inquiétez pas, je ne risque pas de l'oublier celui-là !
 
Il est vrai, pourtant, que la tradition hellénistique est marquée par le récit d'Ulysse, qui incite à l'anonymat.  Lorsqu'Ulysse se présenta au Cyclope Polyphème, il lui dit que son nom était Personne. Le Cyclope, après avoir perdu son œil, demanda au dieu Poséidon, son père, de le venger. Il lui dit que c'était Personne qui lui avait pris la vue. Mais qui punir si personne n'avait commis ce crime ? En réussissant à s'enfuir de l'île, dans un sursaut de vanité, Ulysse cria son nom au Cyclope. Aussitôt le Cyclope reformula sa demande à Poséidon et la malédiction du dieu de l'Olympe s’abattit sur Ulysse, permettant ainsi aux odes de l'Odyssée de se développer en de nouveaux récits.

Dans la continuité de cette tradition hellénistique, donner son nom peut être considéré comme dangereux et certains lui préfèreront l'anonymat. L'idée de nommer ce qui existe conduisant alors à taire le nom reçu. Ce qui, par extension, conduit à taire le bonheur vécu, suivant l'adage pour vivre heureux, vivons cachés.

Déviation qui amènera à complètement taire ce que l'on pense pour tenir compte des risques du monde où nous vivons. Parfois par des craintes fondées, comme dans les dictatures, ou des systèmes judiciaires répressifs, et parfois en s'autocensurant par des craintes infondées.

Pourtant, il y a un sens mystique à donner des noms aux êtres lorsque l'on raconte leurs histoires - ou tout du moins des prénoms dans la terminologie française. C'est pour cela que je préfère toujours nommer les personnes dont je parle. C'est par notre nom que nous nous inscrivons dans l'histoire du salut qui s'écrit depuis des millénaires.

Le père Quentin de Lyon faisait récemment remarquer que, lorsque le Christ raconte l'histoire du mauvais riche et du juste Lazare, le Christ donne le nom du juste, mais pas celui du riche. Comme si l'éloignement de Dieu avait conduit le riche, non seulement à perdre son âme, mais également son nom.

Je reçois régulièrement des mails de lecteurs (mon adresse est en en-tête de ce blog). Les sujets sont divers, allant de la critique virulente à des informations confidentielles. Récemment, j'ai reçu un mail d'une personne qui avait créé une adresse anonyme pour l'occasion. Elle se présentait comme membre du clergé d'une juridiction que je ne citerai pas, et évoquait des problèmes, qu'elle n'étayait pas, avec son évêque.

Je ne peux, bien évidemment, affirmer que ce mail était un faux destiné à faire passer de fausses informations et que son auteur n'avait rien à voir avec un membre du clergé, car cela ferait de moi un paranoïaque avéré. Mais je ne peux pas davantage affirmer que les termes de ce mail étaient fondés, n'ayant aucun moyen d'établir l’authenticité de l'identité de son auteur, ni le bien-fondé des informations communiquées, car je me placerai alors entre les frontières mal définies de la naïveté et de l'idiotie. La vérité est que ce genre de mail est inexploitable et qu'il n'y a rien à répondre d'autre que de vagues banalités.

Par contre, ce qui est sûr, c'est que la personne qui a écrit, si tant est qu'elle soit vraiment du clergé, n'a rien à y faire. Le clergé est l'icône du Bon Pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis. Celui qui s'expose face au loup pour protéger les faibles dont il a la charge. Que quelqu'un qui se revendique du clergé se cache lui-même derrière l'anonymat, cela montre que sa place est parmi les brebis, et non parmi les pasteurs. Et montre aussi qu'il n'a pas compris le sens de l'histoire qui s'écrit depuis la nuit des temps au travers des noms que nous portons.

Je remercie ici toutes les personnes qui n'ont pas voulu cacher une part de la vérité des histoires qu'elles ont vécues derrière un anonymat de circonstance, au fil des messages de ce blog. Le sens de ce que j'écris n'est pas le même lorsque je nomme les protagonistes, ou lorsque je ne mentionne que le contexte dans lequel des anonymes sont intervenus.

Nous verrons, dans les messages à venir, la place des animaux dans les délices du Paradis, là d'où nous pensons que sont exclus ceux qui ne partagent pas le cercle des Élus que nous fréquentons. Nous essayerons d'aborder la place des non-juifs dans le dessein du salut divin de l'Ancien Testament. Nous jetterons un regard critique sur les guerres saintes qui nous empoisonnent depuis des millénaires. Nous aborderons la façon dont nous endoctrinons nos enfants, au risque de pervertir leur conscience et leur discernement, ainsi que d'autres dérives liées aux conséquences négatives qui découlent toujours des faiblesses du raisonnement de celui qui croit être l’Élu !

samedi 25 octobre 2014

136- Karagiozis le bouffon



Karagiozis le bouffon est une sorte de Guignol grec. Ses aventures destinées à amuser les enfants sont nombreuses. La vidéo ci-dessous présente l'histoire du Pacha qui cherche un chanteur pour l'anniversaire de sa fille. Le compère de Karagiozis sait très bien chanter, mais a honte de le faire en public. Karagiozis est persuadé qu'il peut le remplacer. Mais la seule chose qui l'intéresse vraiment est d'aller à l'anniversaire pour bien manger et bien boire.

Il peine à convaincre les gens de ses capacités de chanteur quand il rencontre la fille du Pacha. Elle lui demande s'il sait chanter. Question à laquelle il répond, sans hésitation : Bien sûr ! Elle lui demande une chanson. Il lui chante alors la cucaracha, remplacée par la fassolada (plat de gros haricots en sauce tomate).

La fille du Pacha est séduite et, suite à cela, lui demande de venir à la fête. Mais plutôt en qualité d'amuseur pour distraire les gens et faire des blagues. Mais dès qu'il rentre dans la maison, il se jette dans la cuisine pour dévorer les plats, et il se fait mettre constamment dehors.

Finalement, la fille du Pacha arrive à le faire venir à la fête pour amuser le public, en lui promettant beaucoup de nourriture en reconnaissance de son travail de plus grand comique au monde.



Nous avons, nous aussi, notre Karagiozis local, dont l'histoire s'apparente par bien des aspects au conte pour enfant décrit plus haut. L'agrément fantaisiste qu'il apporte à la communauté le rend pittoresque et attachant. Mais replaçons cette histoire dans son contexte...

Dès son arrivée à Lyon, le père Nicolas Kakavelakis se mit en tête de vouloir chasser Kostas, notre chantre. Il estimait pouvoir ainsi économiser son indemnité mensuelle de 300 euros, somme qu'il affectera à l'augmentation de son salaire.

SS Bartholoméos et Kostas Patroni


Pourtant, c'est une autre personne qu'il réussit à faire partir en premier : Jean-Luc L. 

Jean-Luc était converti à l'orthodoxie et aimait le contact de l'église. Le père Athanase lui avait trouvé un rôle de lecteur, qui est le plus petit niveau des ordres mineurs dans la hiérarchie religieuse (lecteur, acolyte, sous-diacre, diacre, prêtre, évêque). 

Le père Nicolas le considérait comme un fardeau inutile et décida, dès son arrivée, de ne plus le solliciter pour rien. Je m'abstiendrai de reproduire les mots qu'il utilisa pour parler de lui. Si bien que Jean-Luc, ne cherchant pas à s'imposer, pris rapidement ses distances et quitta la communauté.

La nature ayant horreur du vide, sa place fut rapidement prise, tout comme celle du chantre qui s'éloigna également, par notre Karagiozis local. Ce n'était pas tant ses dons vocaux que le père Nicolas recherchait, que ses capacités à accepter n'importe quoi.

On racontait que, tourmenté de longue date, notre pittoresque ami voyait en songe Jean-Baptiste qui lui disait : Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère (Mc 6, 18). Il se serait mit alors à prendre celle des inconnus en croyant ainsi montrer sa bonne volonté.

Mais ce n'était pas un remède suffisant pour que son tourment cesse, même si Jean-Baptiste devait penser que, décidément, il ne pourrait rien en tirer.

Comme souvent dans de telles situations, celui qui culpabilise est prêt à suivre le premier imposteur venu, pour peu que celui-ci le réconforte et lui promette la rédemption. Notre ami se mit donc à fréquenter les flatteurs qui lui disaient que toutes ces erreurs n'étaient pas importantes car, en les servant, eux qui étaient prêtres, il pourrait trouver la rédemption.

Ayant depuis longtemps perdu le sens du discernement, il devint tout aussi pieux que Monseigneur Paul de Tracheia lorsque ce dernier fréquentait le monastère du Père Placide. Il ne se méfia pas davantage lorsqu'on lui demanda de signer des faux documents, de cautionner des irrégularités comptables, ou d'exclure les personnes qui faisaient remarquer que tout cela n'était pas normal.

Il prit comme un compliment d'être nommé chantre de l'église, malgré le fait qu'il aurait été incapable de figurer dans autre chose que le bêtisier de la Star Academy, rejoignant en cela le héros des enfants dont il semblait s'inspirer.



Mais il chantait vraiment trop mal et le père Nicolas voulu l'écarter à son tour pour promouvoir la venue de Jean-Bertrand.

Notre Karagiozis sentait venir ce nouveau revers de fortune, ce qui fit craindre au père Nicolas qu'il ne perde sa fiabilité et ne se mette à dénoncer les diverses manipulations qu'il avait cautionnées. Adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré est une citation qu'il ne souhaitait pas voir appliquer.

Afin de le garder sous sa coupe, le père Nicolas décida d'appliquer le vieux principe de la promotion placard. Il profita de la venue de Monseigneur Emmanuel Adamakis, un jour où celui-ci n'était pas en vacances en charmante compagnie, et le fit ordonner lecteur.



Attitude opportuniste qui poussa le père Nicolas à faire l'éloge d'un poste qu'il avait tant dénigré avec Jean-Luc.

Alors, que dire à notre Karagiozis ? Tu ne pourras jamais fuir ta conscience. Tu peux vivre au milieu des illusions si tu le souhaites, tu peux essayer de l'anesthésier, ou même te convaincre qu'être proche du clergé suffit à être proche de Dieu, oubliant tout ce que tu sais sur eux, mais cela ne suffira jamais à t'apporter la paix que tu prétends rechercher. Tu ne trouveras cette paix que dans la vérité et la justice.

Ce sera dur au début, car tu n'as pas l'habitude d'être honnête, mais tu verras que, petit à petit, tu seras capable de te corriger. Et c'est alors que tu pourras vraiment goûter à la paix.

Il y aura certainement des choses que tu ne pourras jamais réparer, mais même si tu ne peux pas tout réparer, évite en premier lieu de continuer à croire que tu existes parce que tu as pris la place de ceux que tu as contribué à chasser. Tu n'auras peut-être plus l'habit noir qui t’enorgueillit, et tu ne mangeras peut-être plus au restaurant avec le Métropolite, mais rassure-toi : il n'est pas ton type et tu es trop vieux pour lui.