de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 23 mai 2012

50- Icônes et symboles francs-maçons

Suite au message Patriarcat et Franc-Maçonnerie, le père Nicolas Kakavelakis a dit à plusieurs personnes que j'étais fou d'associer les deux. Ce n'est pas moi qui associe les deux, mais ce sont les événements qui s'en sont chargés eux-mêmes, comme les documents présentés l'ont montré. J'aurais cru que quelqu'un qui a un doctorat serait capable d'un raisonnement un peu plus élaboré s'il souhaitait contester des faits qui l'ont mis en porte-à-faux.

Si vous tapez sur Google symboles francs-maçons, la toute première image qui apparaît est la suivante :


On y retrouve l’œil dans un triangle, qui domine toute chose, avec les rayons lumineux qui en partent. Michel Feuillet, dans son Lexique des symboles chrétiens, éd PUF, Paris, 2010, p. 80, référence cet œil dans un triangle comme l'un des symboles chrétiens. Mais il précise que le triangle, symbole des chrétiens, est équilatéral, car les trois personnes au sein de la Trinité sont égales.

Les francs-maçons ont repris ce symbole aux catholiques vers le XVIIIème siècle, mais il en ont parfois allongé la base pour en faire un triangle isocèle, rapprochant le graphisme du fronton des temples. Ce triangle isocèle a la particularité d'être la base du graphisme du pentagramme.

Bien que l'on retrouve ce symbole de l’œil dans l’Égypte antique, il apparaît vers le XVIème siècle dans la peinture occidentale. L’Église orthodoxe n'y fait jamais référence et il n'est jamais utilisé dans l'art iconographique, comme nous allons le voir plus bas : la représentation des symboles ne correspond pas aux canons édictés par l’Église. Il est donc particulièrement surprenant de le trouver dessiné sur l'iconostase de l'église grecque de Pont-de-Chéruy.




Le triangle représenté ici est isocèle, et non équilatéral. Il s'inspire donc du graphisme des francs-maçons, et non de celui des catholiques. La négation gênée du père Nicolas, affirmant de façon péremptoire qu'un lien entre le Patriarcat et la franc-maçonnerie est fantaisiste peut donc sembler un peu hâtive.

Ce symbole est placé au-dessus du Christ, donc au-dessus de Dieu, puisque le Christ est Dieu, à l'aplomb des portes saintes, qui symbolisent le passage entre le monde que nous connaissons (la nef de l'église) et la Jérusalem céleste (le sanctuaire).

On peut donc légitimement supposer que, par ce petit signe que personne ne regarde vraiment, les francs-maçons montrent qu'ils sont au sein de l’Église, et qu'ils entendent la dominer. N'ai-je pas été moi-même invité à les rejoindre ?



Dans le christianisme, le triangle est souvent utilisé, dans les homélies, comme un symbole de la Sainte-Trinité : un seul Dieu en trois personnes, comme le triangle est un en trois côtés. Mais son symbolisme est radicalement opposé à celui des Francs-Maçons.

Si le triangle des francs-maçons est souvent isocèle, il est également parfois équilatéral, comme sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le triangle le plus connu est celui sur les dollars américains.


 
Cette pyramide manifeste l'élite qui domine sur le peuple ; l’œil étant la connaissance réservée à l'élite, l'être suprême qui dépasse les religions des uns et des autres. Nous retrouvons cette pyramide, à Lyon, au sommet de la tour du Crédit Lyonnais, à la Part-Dieu. Cette pyramide a été voulue pour montrer que ce n'est pas l'archange Michel qui protège Lyon du haut de Fourvière, mais les francs-maçons. En effet, la tour du Crédit Lyonnais devait être, à l'origine, plus haute que Fourvière, en hauteur absolue, mais le sommet de la pyramide arrive finalement à la même hauteur que l'archange Michel, pour ne pas faire de jaloux...



Dans le christianisme le père Sophrony, disciple de saint Silouane, est revenu sur ce symbole, mais en le renversant : A la base de la pyramide renversée, dont le fond insondable n'est autre que le sommet, se trouve le Christ crucifié par amour pour le monde (Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, Moine du Mont-Athos, éd. Présence, 1973, p. 230, §4). Il est la " pierre " qu'ont rejetée les gouvernants de ce monde mais qui, dans l'ordre réel de l'être, se trouve à la base de tout ce qui existe (Archimandrite Sophrony, Voir Dieu tel qu'Il Est, éd. Labor et fides, Genève, 1984, p. 74, §3). Le Christ, bien qu'étant Dieu, bien qu'étant la tête de l’Église, s'est fait le plus humble de tous, s'est placé au-dessous de tous. Par sa position il porte le monde, il porte le poids des péchés du monde dans un amour kénotique (Phil. 2, 5-8).

Dieu prend cette place pour donner aux hommes la connaissance de la vérité et permettre que cette connaissance leur apporte la liberté. Le judaïsme et le christianisme se distinguent d'ailleurs du bouddhisme, de l'hindouisme et des autres religions par le fait que ce n'est pas l'homme qui a acquis la connaissance par lui-même, mais c'est Dieu qui s'est penché sur l'homme pour la lui révéler.

Dans l'office du baptême, le prêtre dit : Béni soit Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ! Là où les francs-maçons ne réservent la connaissance qu'à l'élite, les chrétiens croient, eux, que Dieu veut cette connaissance pour tous les hommes.

Les évêques du 7ème concile œcuménique ont commencé le texte du décret dogmatique de ce concile par ces mots : Nous décidons en toute exactitude et après examen complet que, de même que la sainte et vivifiante croix, les saintes et précieuses icônes peintes avec des couleurs [...] doivent être placées dans les saintes églises de Dieu, sur les vases et les vêtements sacrés, sur les murs et les planches, dans les maisons et sur les routes, que ce soient les icônes de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ, ou de notre souveraine sans tache, la Sainte Mère de Dieu, ou des saints anges et des hommes saints et vénérables.

Mis à part pour le signe de la Croix, instrument du salut, où les débats ont été longs et houleux, ne sont représentés sur les icônes que ce que l'homme connaît de l'Incarnation divine et ce que cette incarnation a permis de transfigurer dans la nature humaine : les saints. C'est ainsi que Dieu n'est représenté que par le Christ sous sa forme humaine, l'Esprit-Saint par l'apparence qu'il a prise lors du baptême du Christ (colombe) ou lors de la pentecôte (langues de feu). Mais le Père n'est jamais représenté. On ne représente pas non plus les symboles, car les symboles se sont effacés pour laisser la place à la connaissance. C'est ainsi qu'ont cessé d'être représentés le Christ sous l'image du berger, ou le poisson, ou encore l'ancre... utilisés dans les catacombes lors des premiers siècles (Jean Daniélou, Les symboles chrétiens primitifs, éd. du Seuil, 1961).

Le professeur Michel Feuillet, auteur de Représenter Dieu, Desclée de Brouwer, 2007, a écrit :  Dans le monde orthodoxe, ce type de symbole (œil dans un triangle) n'a pas lieu d'être, dans la mesure où la divinité ne peut être représentée que par le Christ, Dieu incarné. Pour les orthodoxes, représenter l'humanité de Jésus sur une icône c'est montrer sa divinité, les deux Natures étant présentes - à la fois distinctes et indissociables - dans son unique Personne.

Andréï Roublev a été précurseur en représentant la Trinité. Mais là encore, si l’Église a unanimement adopté cette innovation, c'est qu'il a représenté un détail de l'hospitalité d'Abraham (Gen. 18, 1-19) : les trois inconnus qu'il a accueillis et qui se sont révélés être des anges envoyés pour détruire Sodome et Gomorrhe et lui annoncer que Sarah serait enceinte. L'hospitalité d'Abraham est une figure de la révélation du Dieu Un en Trois personnes car Abraham voit trois inconnus qui se présentent à lui, mais il leur parle au singulier, comme s'ils étaient un (Gen. 18, 1-3). Jamais Dieu n'est représenté sur les icônes par un triangle, du moins pas dans l'orthodoxie.
 
Nous verrons bien si monseigneur Emmanuel va faire ce qu'il faut pour que ce symbole soit poncé et qu'il soit remplacé par une icône. Même si ça lui fait mal de devoir refaire une iconostase que le père de sa propre trésorière avait restaurée du temps où il présidait la communauté de Pont-de-Chéruy.

Pour plus de détails sur les icônes je renvoie vers ce très bon article du père Boris Bobrinskoy.

lundi 21 mai 2012

49- Obéissance au clergé



C., mentionné dans le message précédent, avait affirmé à ceux qui en doutaient (presque tout le monde sauf lui, apparemment) qu'il faut toujours suivre ce que dit un prêtre. Conseiller les autres sur ce qu'ils doivent faire ou non est périlleux, car cela nous expose à  la  critique  de  ceux  que  l'on  conseille  suivant  ce proverbe  : Médecin, guéris-toi toi-même !

Je connais une seconde personne, que nous appellerons monsieur X., qui dit aussi qu'il faut toujours suivre un prêtre dans ce qu'il dit. Tout le monde se demande pourquoi il se fait le défenseur d'une telle affirmation aujourd'hui, et non pas lorsque le père Athanase lui disait de ne pas tromper sa femme. Le père Athanase ne parle jamais de personne, aussi j'extrapole un peu pour les besoins de la démonstration, mais je doute qu'il ait cautionné ce qui se savait de notoriété publique. Nombreux sont ceux qui pensent que monsieur X. devrait rester lucide et ne pas croire que le père Nicolas Kakavelakis, parce qu'il aurait les mêmes faiblesses, deviendrait dès lors un modèle. 

Un ami me disait que, lorsqu'il était petit, il disait à son père, lorsqu'il avait de mauvaises notes à l'école, que d'autres en avaient eu de plus mauvaises. Son père lui répondait : Ne te compare pas aux plus mauvais, mais aux meilleurs, si tu veux progresser. Nous ne devons pas chercher nos modèles parmi ceux qui nous permettent de nous complaire dans nos faiblesses, mais parmi ceux qui sont à même de nous conduire vers mieux.

Revenons en arrière et voyons ce que disent les pères spirituels. Ils sont unanimes à considérer que, lorsqu'on demande un conseil et que l'on ne suit que ce qui nous plaît dans le conseil prodigué, c'est un signe de l'illusion spirituelle. Car alors on ne suit pas le conseil lui-même, mais ce que notre volonté se plaît à considérer comme bien. Finalement, dans un tel raisonnement, le prêtre ne devient que le faire-valoir de notre propre volonté.

C'est ce qui semble arriver à monsieur X. qui donne l'impression de croire qu'il a retrouvé une nouvelle virginité depuis qu'il est au contact du père Nicolas. C'est la pureté du cœur qui est la mesure de notre proximité à Dieu. Lorsqu'on l'a perdue, elle se retrouve par le repentir. Lorsque Zachée, le collecteur d'impôts, a dit au Christ : Si j'ai fait du tort à quelqu'un, je lui rends le quadruple (Lc 19, 2-9), c'était au cœur d'une grande fête qu'il donnait pour accueillir le Christ et dans la joie ; le psaume 50 manifeste et décrit le repentir du roi David au travers d'une longue complainte à Dieu. Le repentir peut donc être infini par ses formes, mais il va de pair avec la purification intérieure.

Si le repentir est indispensable dans le chemin qui nous permet d'avancer vers Dieu, l’autojustification, elle, n'y a jamais sa place.

Si les pères spirituels recommandent de suivre leurs conseils sans pratiquer le tri sélectif, ils recommandent tout autant de ne pas choisir n'importe qui pour être guidé. S'il est vrai que l'habit ne fait pas le moine, le fait d’être prêtre n'est malheureusement pas davantage une marque de sagesse. Suivre aveuglément un prêtre simplement parce qu'il serait prêtre serait dès lors un exercice plus que périlleux pour la bonne santé mentale de celui qui voudrait s'y appliquer.

D'ailleurs, la tradition spirituelle de l’Église ne dit pas que l'on doit suivre tout ce que dit chaque prêtre, mais elle recommande plutôt de choisir, pour être guidé, une seule personne. Une personne dont la réputation est irréprochable et qui a suffisamment d'expérience spirituelle, car on ne peut donner aux autres que ce que l'on a soi-même acquis. Cette personne n'est pas forcément un prêtre. Elle peut être un moine comme a pu l'être le père Païssios que l'on venait voir du monde entier.

Si l'on décide de suivre les conseils de quelqu'un, c'est parce que l'on pense que ces conseils vont nous apporter quelque chose. Comment croire qu'il serait possible d'apprendre avec quelqu'un qui aurait la réputation d'être un imposteur, même s'il arrive à se déguiser en prêtre ?

Je vais vous présenter quelques vidéos qui viennent de Grèce :
- ici, nous voyons le métropolite d’Attique, lors d'une conversation téléphonique avec un jeune, où il était sur écoute, lui expliquer comment il va le baiser quand il va le voir, et comment il l'a fait en d'autres occasions avec d'autres enfants. Il fut finalement condamné à six ans de prison ;
- ici, nous voyons un prêtre qui passe ses soirées dans des boîtes de nuit un peu particulières (skilathika). Il paraît qu'il prêche aussi après les danses du ventre et le narguilé ;
- ici, nous voyons un prêtre ivre.
Les scandales sont très nombreux en Grèce où des émissions de télévision et de radio leur ont été dédiés : drogues, corruption, mœurs... tout y passe !

Est-ce que c'est ça que monsieur X. appelle à suivre et à obéir ? A quoi servirait l'intelligence que nous avons si c'est pour croire qu'un prêtre mérite d'être écouté simplement par la fonction qu'il occupe ? A quoi servirait le discernement que nous avons si nous ne sommes pas capables de voir quand une personne mérite d'être écoutée et qui il faut fuir ? A quoi servirait le libre arbitre que nous avons si nous choisissons d'écouter le premier imposteur qui se présente ?

Enfin ! L'avantage est au moins qu'avec de tels propos, et même sans aucune qualification d'aucune sorte pour ce job, l'évêque verra certainement en monsieur X. un très bon futur prêtre. Docile à souhait et manipulable. Monseigneur Emmanuel a-t-il besoin de plus dans son clergé ?

Est-ce que tous les prêtres sont corrompus ? Bien sûr que non ! Nous voyons ici deux prêtres qui ont voulu remettre de l'ordre dans l’Église suite à plusieurs scandales. Pas de chance pour eux, ils ont été suspendus 6 moins pour l'un, et 1 mois pour l'autre, par un conseil extraordinaire de l'évêque qui ne les a pas laissés se défendre. Mais même s'ils ne sont pas valorisés au sein de leur hiérarchie, ce sont bien ces prêtres-là qui méritent le respect et que l'on peut suivre dans ce qu'ils disent. C'est du moins là que je préfère être, malgré les pressions du métropolite.

Au-delà d'écouter tel ou tel prêtre, c'est l’Évangile que le chrétien doit suivre. Quand le Christ raconte l'histoire du mauvais riche et du juste Lazare, le mauvais riche demande à Abraham d'envoyer Lazare auprès de ses frères pour qu'ils ne suivent pas son chemin. Abraham lui répond alors : Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent (Lc 16, 20-31).

Le Christ ne dit pas : Ils ont le clergé, mais il fait bien référence aux textes saints. Nous aussi avons Moïse et les prophètes. Et plus que tout, nous avons le Christ qui est venu pour accomplir toutes choses. C'est l'unique repère qui peut et qui doit guider le chrétien dans le chemin qui le conduit vers Dieu.

mardi 15 mai 2012

48- Office des défunts



L’Église a déjà été confrontée, au cours de l'Histoire, à des intrusions extérieures au cours d'un office obligeant le prêtre à arrêter la liturgie. Il est arrivé que des prêtres soient tués pendant qu'ils célébraient. Ces derniers jours encore, dans plusieurs pays d’Afrique, des chrétiens sont morts dans des attentats qui visaient leurs églises. Nous avons eu, à Lyon, le cas unique où c'est un prêtre qui a arrêté la liturgie. Ce fait étant exceptionnel par son côté profondément profanateur, il est intéressant d'y revenir et de se pencher sur ses causes.

Sur cette vidéo, nous voyons, derrière le père Nicolas Kakavelakis, un vieux monsieur à l'air prostré. C'est d'autant plus surprenant de le voir ainsi, que c'est le jour de Pâques 2012, fête des fêtes, et victoire de la lumière sur les ténèbres. Ce vieux monsieur est notre chantre, Kostas, qui sait qu'il chante là son dernier office, après plus de 59 ans de services.

Nicolas C. a écrit, sur la page des amis de la communauté grecque de Lyon : Au sortir de la Semaine Sainte, tu as décidé de laisser ta place de Premier Chantre. Ce départ inattendu et ignoré de tous m'a profondément ému. C'est ainsi que tu as quitté tes fonctions, le plus humblement du monde, après avoir mené à bien, d'une voix de maître, toute la Semaine Sainte, sans recevoir aucune distinction, aucune cérémonie, aucun discours prononcé en ton honneur, aucun hommage, aucun remerciement public de la part du Comité de la communauté ni de son président : sans rien recevoir pour le jour de ton départ, toi qui pendant plus de 40 ans as tant donné pour notre église. Tu es parti comme ces héros, qui, après avoir accompli leur mission, s'en vont sans rien demander ni recevoir en retour.

Cet hommage était rendu le mardi 17 avril 2012.

A priori, ceux qui devaient réagir l'on fait par des appels téléphoniques, ou par des commentaires sur la page facebook en question. Le père Nicolas, lui, n'a rien manifesté. Pourtant, le dimanche suivant, ce fut une toute autre histoire...

Le grand-père de Nicolas C. est Eleftherios Sereslis, à qui j'ai consacré un message pour le jour de son enterrement. Dans la tradition orthodoxe, l'âme humaine, après la mort, reste près de son corps durant trois jours. Puis elle passe dans les lieux qu'elle a connus et, le quarantième jour, elle quitte ce qu'elle a connu dans l'attente du jugement dernier, se rapprochant déjà de Dieu lorsqu'elle a été juste.

Cette vision de la mort vient de certaines expériences de spirituels, notamment celles de saint Antoine le Grand, mais s'inspire aussi du modèle laissé par le Christ qui a quitté son corps trois jours, puis qui est resté parmi ses disciples pendant quarante jours avant d'aller vers le Père. C'est cette vision de la mort qui fait que, dans l'orthodoxie, nous faisons une bénédiction sur le corps au moment du décès, un enterrement au troisième jour, et célébrons un office des défunts le quarantième jour de la mort d'une personne, pour prier pour celui qui part vers le Père.

Le dimanche 22 avril était donc l'office des défunts pour le quarantième jour du décès d'Eleftherios Sereslis. Sa veuve a préparé dans la salle paroissiale les collyves qui allaient être bénies à l'occasion de cet office. Les collyves sont un plat traditionnel à base de blé bouilli ; le blé étant l'image du grain qui doit d'abord mourir s'il veut renaître et porter du fruit (Jn, 12, 24). L’Église attribue à saint Théodore le Conscrit, dit aussi Théodore Tyron, l'origine de la préparation des collyves. Saint Théodore Tyron est fêté le 17 février. Le miracle des collyves est fêté le premier samedi du Grand Carême.

Des collyves sont préparées pour nos défunts, mais également pour la fête des grands saints. Ou du moins lorsqu'on célèbre le jour de leur mort. C'est ainsi que l'on va faire des collyves le jour où saint Jean-Baptiste a eu la tête coupée, mais pas celui où il est né. On va célébrer la Mère de Dieu le jour de l'annonciation, le 25 mars, mais on ne fera des collyves pour elle que pour la dormition, le 15 août. Le seul saint pour lequel on ne fait jamais de collyves est le prophète Élie : la Bible nous dit qu'il fut enlevé au ciel vivant, sur un char de feu (2Rois 2, 1-11), donc il n'est pas mort, donc on ne fait pas de collyves pour lui.

Pendant que la veuve d'Eleftherios préparait les collyves, le père Nicolas est arrivé et lui a dit qu'ils devraient parler à la fin de l'office. Elle a répondu qu'il y aurait beaucoup de choses à faire pour recevoir les invités qui allaient venir et que ce ne serait pas le bon moment pour parler.

Plus tard, c'est son petit-fils, Nicolas C., qui avait écrit l'hommage à Kostas sur facebook, qui est allé dans le sanctuaire pour servir l'office, comme il le fait depuis qu'il a cinq ans.  Les conversations reproduites ont été dites en grec ; le texte essaye d'être le plus fidèle possible, mais reste une traduction.
Le père, en lui interdisant l'accès au sanctuaire : " Aujourd'hui, tu ne viendras pas dans le Iero (mot grec pour désigner le sanctuaire) ; tu sais très bien pourquoi. " 
Nicolas : " C'est le discours pour Kostas qui ne t'as pas plu ? " 
Le père : " Tu sais très bien toi-même ".
Nicolas : " Comme tu voudras, mais je dirai le Pistevo (mot grec pour désigner la prière du Je crois en Dieu) ! "
Le père, en reprenant le texte des mains de Nicolas : " Non, tu ne diras plus rien. C'est moi qui commande ici ! "
Nicolas : " De  toute  façon,  tu  peux  garder  le  papier.  Moi,  le  Pistevo,  je  le  connais  par cœur ! "

Puis la liturgie a continué. Nicolas a préparé la table pour la bénédiction, avec sa grand-mère, puis la salle paroissiale pour la réception des invités. Le bruit de l'incident commençait à se répandre dans l'église. 

Le moment du Pistevo arriva. Nicolas alla se mettre devant le sanctuaire, où cette prière est habituellement lue dans notre église. Avec la complicité des autres enfants de chœur, il récupérait le texte de cette prière. 

Nicolas tenait beaucoup à lire cette prière ce jour-là, car c'est son grand-père, pour lequel on allait dire l'office des défunts, qui la lui avait apprise.

Ce fût alors un grand moment surréaliste. Le père a arrêté la liturgie juste avant que Nicolas ne commence à lire, devant les fidèles médusés.
Le père : " Tu ne vas pas dire le Pistevo ! "
Nicolas : " Je vais le dire pour mon grand-père. "
Le père a insisté, mais Nicolas est resté en place. Le père s'est rapproché pour prendre le papier que Nicolas a mis dans son dos. 
Le père : " Si tu dis le Pistevo, je ne ferai pas la bénédiction pour ton grand-père. "
Christos : " Laisse, je vais dire moi le Pistevo. "
Evangelia, venant du chœur en criant : " Tu vas le laisser lire le Pistevo ! "
Le père : " Toi, tu n'as rien à voir, retourne à ta place."
La veuve, en tremblant et s'adressant au père : " Espèce de diable incarné ! "
Puis à son petit-fils : " Laisse, je vais le recadrer. "
Nicolas, qui n'avait aucune envie de partir, s'apprêtait à commencer la lecture. Il a renoncé en voyant l'état dans lequel était sa grand-mère. 

Puis le père a repris la liturgie dans un brouhaha indescriptible. Presque tout le monde était réuni dans le fond de l'église, à consoler la veuve en pleurs. Même Lela, la fille de la consule de Grèce, toujours très attentive à garder des mots mesurés, a dû concéder : Ce prêtre nous fait honte !

Pendant toute cette bataille, la moitié de l'assistance s'est approchée pour soutenir Nicolas et sa grand-mère. L'autre moitié est restée pétrifiée de consternation.

Le moment le plus dur pour la famille fut sans doute de voir l'auteur d'une telle folie dire la prière de bénédiction pour le grand-père. Bénédiction qui fut conclue par une petite homélie dans laquelle il invitait les fidèles qui n'étaient pas contents à quitter cette église. Nous aurons l'occasion  d'y revenir.
 
On me dit parfois que je suis courageux d'oser dénoncer ce que se permet le clergé, dans son indignité. La vérité, c'est que Nicolas a beaucoup plus de courage que moi ; parce que moi, à son âge, je n'aurais pas osé dire un mot, même devant une telle situation d'injustice.

Dans la salle, Christos, précédemment cité, fût le seul soutien du père à avoir le courage d'aller partager l'hospitalité de la famille. Il a ramassé pour les autres..., osant néanmoins affirmer qu'il faut suivre ce que dit un prêtre, même si c'est n'importe quoi. Cette petite phrase sera l'objet du prochain message...

Ce message s'inspire en partie de ce courrier que la veuve a adressé en recommandé AR au métropolite Emmanuel. Nul doute que celui-ci aura à cœur de s'enquérir si le père Nicolas a bien fait payer les 120 euros pour faire la bénédiction.