de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

dimanche 13 mai 2012

47- Géorgiens

Ces derniers temps, l'église grecque de Lyon s'est en grande partie vidée de ses Grecs. Mais cette baisse de fréquentation est en partie masquée par l'arrivée de Géorgiens. Ceux-ci se sont rapprochés de notre église par la présence de la femme du père Nicolas qui est Géorgienne. Cela crée parfois des questions existentielles chez les Grecs qui continuent à venir.

J'ai déjà évoqué la parole de Saint Paul : Il n'y a plus ni Juif, ni Grec ; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme ; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus Christ (Gal. 3, 28). Je voudrais y revenir un peu plus longuement à cause de la situation dans les diasporas. 

Nous appelons diasporas les pays non orthodoxes majoritairement, mais ayant eu une immigration de population orthodoxe. Les Grecs sont venus nombreux en France et dans d'autres pays, mais il y a également eu des Russes, notamment ceux qui ont fui l'URSS. Il y a des Roumains, des Géorgiens, des Serbes... 

Dans les pays de la diaspora, le clergé a dû réinventer une hiérarchie et chercher sa place. 

Les Pères de l’Église, notamment Saint Ignace d'Antioche, disent que là où il y a un évêque, là est l’Église. Un évêque pour un lieu. L'évêque manifeste la plénitude de l’Église par les sacrements qu'il rend présents. Les évêques forment l’Église universelle non pas parce qu'ils sont unis à une autorité supérieure, mais parce qu'ils professent la même foi. C'est d'ailleurs une différence ecclésiologique essentielle avec l'église catholique puisqu'on ne peut faire partie de celle-ci que si l'on reconnaît l'autorité du pape de Rome qui est seul garant de la foi.

Dans les pays de la diaspora, il y a eu des batailles de juridiction, chaque patriarche voulant garder le contrôle de ses brebis en voyage, et parfois surtout de leur argent. En France, le cas le plus connu est celui entre Moscou et Constantinople pour avoir le contrôle des biens de l'église de Nice, où la justice française à rendu les biens de la paroisse à Moscou.

l’Église s'est donc parfois retrouvée avec plusieurs évêques dans la même ville. Pour ne pas avoir officiellement plusieurs évêques d'une même ville, les évêques nommés par les différents patriarches sont officiellement affiliés à des villes ayant eu une grande tradition chrétienne, mais aujourd'hui sans communauté. Ainsi, je crois que monseigneur Paul, malicieusement appelé monseigneur Paul Pot, qui officiait à Nice avant de se retirer dans le monastère du père Placide, était officiellement évêque de Tracheia.

Aujourd'hui, la diaspora dépend officiellement du patriarche de Constantinople, mais l'ambiguïté demeure dans la représentation des prêtres et des évêques. 

Le but de ces églises de la diaspora est de garder la culture et la tradition vivante chez ceux qui se sont éloignés de leur pays. C'est parfaitement légitime et louable. Mais les communautés vieillissent, elles s'étendent et se mélangent. Là où une communauté grecque était implantée, il y a eu des mariages mixtes, des conversions, des décès, des naissances d'enfants qui ne parlent plus le grec... mais il y a également toujours des Grecs. 

Les communautés sont confrontées à plusieurs choses : leur évolution pour tenir compte de ces changements de population, mais aussi le sens ecclésiologique qui les rattache à toute l'histoire de l’Église à travers les siècles et les continents.

Ainsi, nos statuts prévoient que seuls les Grecs font partie de notre communauté. Mais ces statuts faits il y a quarante ans ne tiennent pas compte de la réalité d'aujourd'hui. Quand le père Nicolas se tourne vers les fidèles pour qu'ils récitent le Notre Père en Grec, presque personne ne lui répond, parce que presque personne ne comprend ce qu'il demande à ce moment-là, et presque personne ne connaît le Notre Père en Grec parmi les fidèles présents.

La liturgie est une catéchèse. Les chants sont d'une grande richesse théologique. Les écouter sans les comprendre est une grande perte pour celui qui assiste à l'office. C'est pour cela que partout où l’Église s'est répandue au cours des siècles, la première chose qu'elle a faite a été de traduire les offices dans les langues locales.

Tous les offices orthodoxes existent aujourd'hui en français et ont été édités. Plusieurs monastères en France  les utilisent. Le père Athanase a essayé de prendre en compte cette évolution en mettant une part de français dans les offices. Part qu'il a augmentée au fil des ans et en fonction du profil des fidèles. Le grec est légitime, car il y a encore de nombreux Grecs, mais il ne faut pas perdre de vue l'essentiel, qui est de garder la foi vivante pour l'édification de chacun. Vouloir garder la langue grecque pour un simple attachement culturel deviendrait stérile.

Car c'est bien là le sens de l'universalité de l’Église : que j'aille à Saint-Pétersbourg écouter une liturgie en slavon, que j'aille en Roumanie, en Grèce ou dans n'importe quel autre pays, quelle que soit la langue pratiquée pour célébrer la liturgie, je serais en communion avec ces églises si elles professent la même foi que moi, celle que nous ont transmise les apôtres. Je n'ai pas le droit de communier uniquement dans les églises qui parlent grec, mais dans toutes les églises qui sont unies dans la foi. En plus de pouvoir communier, si je comprends la richesse de l'office, alors j'aurais une nourriture spirituelle supplémentaire.

Il y a souvent des questions nationalistes qui viennent se greffer sur les problèmes de pastorale avec cette question en arrière-plan : qui est le plus grand peuple orthodoxe ? Je crois qu'il y a des choses merveilleuses qui se passent de partout dans le monde, et que la grandeur des peuples vient de la quête de vérité et de justice de ces peuples. 

Jean Baptiste disait aux juifs qui se vantaient d'être fils d'Abraham : " Je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des fils à Abraham (Matth. 3, 9). " On peut évidemment être fier d'être Grec, ou fier d'être Géorgien, mais il faut surtout être fier des actions que l'on fait. Car ce sont ces actions qui nous transforment chaque jour un peu pour nous conduire vers Dieu, au-delà de toute appartenance ethnique.

Ainsi, au Kosovo, nous voyons sur cette vidéo des branches sans racines et desséchées se mettre à bourgeonner et à fleurir devant une icône de la Mère de Dieu.

En Géorgie, abba (père) Gabriel Beri (1929-1995) était un fou pour le Christ. Il avait une réputation de sainteté comme peut l'avoir le père Païssios en Grèce. Un jour, un petit enfant s'est mis à crier son nom en regardant un office à la télévision. Il était content de voir abba Gabriel assister à l'office et faire son signe de croix devant les caméras. Seulement cet office était filmé en avril 2008, 13 ans après la mort d'abba Gabriel. 

Ses miracles sont très nombreux. La télévision géorgienne y a consacré une émission visible ici. Je ne peux pas traduire toute cette émission, mais regardez autour de vous et vous verrez également de belles choses qui vous donneront envie, à vous aussi, d'essayer de vous améliorer dans votre vie.

J'espère que notre église retrouvera les Grecs qui sont partis ; j'espère que les Géorgiens continueront à y venir ; j'espère que beaucoup d'autres s'y sentiront bien ; j'espère que la proportion de grec dans l'office sera toujours suffisante pour que les Grecs s'y sentent chez eux et puissent garder vivante leur culture, mais que cette proportion évoluera pour tenir compte des jeunes qui ne parlent plus la langue, des étrangers qui aiment s'y retrouver, et des personnes qui se convertissent.

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