de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 27 septembre 2014

128- Dieu punit les enfants ! ?



Le rôle d'un  prêtre étant, entre autres, de pousser à la réflexion théologique, nous avons la chance d'avoir, à Lyon, le père Nicolas Kakavelakis, qui est devenu expert en ce domaine. Le 15 juin dernier, nous recevions la communauté syrienne, qui accueillait dans notre église son évêque, Monseigneur Igniatios EL HOUCHI. Après qu'il eut appelé la police pour venir chasser de l'église une personne qui filmait l'office, le père Nicolas dit à la communauté syrienne présente : Dieu punit les fautes des parents sur les enfants !

Même s'il ne nous a pas habitués à beaucoup de discernement, dire cela à des Syriens, qui perdent leurs enfants tous les jours dans une guerre qui n'en finit pas, relevait non seulement d'un mauvais goût certain, mais également d'un manque de sens théologique profond. Ce sujet étant d'une grande importance et d'une grande sensibilité, je reviendrai dessus au travers de plusieurs messages. J'essaierai d'évoquer des épisodes tragiques que nous avons connus, et d'autres plus heureux, afin de replacer dans son contexte ce genre d'inepties propres aux manipulateurs. Car tout le monde aura bien compris que si Dieu punissait les enfants de ceux qui prennent des vidéos sans l'accord écrit d'un prêtre, il n'y aurait plus beaucoup d'enfants sur la planète. Le message d'aujourd'hui reviendra sur les aspects bibliques d'une telle déclaration.
 

L'Ancien Testament accréditerait, dans l'esprit d'un homme peu instruit, l'idée que Dieu frappe les enfants dans son courroux. 

C'est ainsi que la mort des premiers-nés d’Égypte, lorsque Pharaon ne voulut pas libérer le peuple d'Israël, fut la dixième plaie divine qui s'abattit sur l’Égypte (Ex. 12, 29). Ou encore les enfants de Job qui moururent tous après que leur maison se fut écroulée sur eux (Jb 1, 18-19) - bien qu'ici il ne s'agisse pas de Dieu qui punit, mais du diable qui demande à Dieu l'autorisation d'éprouver Job (Jb 1, 12). Nous voyons donc que, dans les textes les plus anciens, la mort poursuivait un but mystérieux ancré dans le dessein divin, sans qu'il soit possible à l'homme d'en comprendre les mystères.

De nos jours encore, nous avons facilement tendance à voir comme une malédiction divine la perte d'êtres chers qui touche  des hommes politiques ou des militaires ayant beaucoup de sang sur les mains. Parmi des exemples fort nombreux, je retiendrai :
Hafez el Assad qui a perdu son fils ainé, Bassel, dans un accident de voiture ;
- Saddam Hussein qui a perdu son fils ainé, Oudaï, atteint de plusieurs balles alors qu'il conduisait sa Porsche ;
Pierre Gemayel qui a perdu son fils cadet, Béchir, assassiné neuf jours avant son entrée en fonction comme président du Liban ;
- Béchir Gemayel qui vit lui-même la voiture qui conduisait sa fille de 4 ans, Maya, exploser devant ses yeux alors qu'elle lui faisait un coucou de la main ;
- Amine Gemayel qui a perdu son fils, Pierre, assassiné, etc.

Le cinéma a repris cette conception populaire dans le magistral film de Coppola : Le Parrain. La trilogie se termine sur cet homme qui a semé la désolation durant sa vie, seul, le cœur brulé par le chagrin, hanté par les souvenirs des êtres chers qui lui ont été enlevés.
 
Mais s'il fallait considérer ces morts comme une règle inéluctable à laquelle les meurtriers ne pourraient se soustraire, il faudrait alors se demander pourquoi Georges Bush n'a jamais été frappé dans sa descendance, tout comme une myriade d'autres criminels.

Bien souvent, les hommes n'ont pas besoin de Dieu, ni même du diable, pour définir leurs actions et les mettre en pratique. Voir la conséquence d'une main divine sur des choses qui, non seulement n'ont rien de divin, mais souvent même n'ont rien d'humain non plus, est une position accommodante intellectuellement, mais totalement éloignée de la réalité. Car que faudrait-il alors penser des Saints Innocents, ces enfants en bas âge qu'Hérode fit exterminer pour se débarrasser du Messie dont les mages lui avaient annoncé la naissance (Matth. 2, 16-17) ? De quelle faute se faisaient-ils les victimes expiatoires ?

C'est pour ne pas assimiler Dieu aux malheurs qui arrivent trop souvent en son nom, lorsqu'ils ne lui sont pas directement attribués, que le Christ a dit : Il est impossible qu'il n'arrive pas des scandales, mais malheur à celui par qui ils arrivent (Lc. 17, 1) !
 
Lorsque le Christ rencontre l'aveugle de naissance, ses apôtres lui demandent si c'est lui ou ses parents qui ont péché pour qu'il soit né ainsi (Jn 9, 1-41). Cette question des disciples est un exemple d'une conception très répandue à l'époque : l'infirmité était vécue comme une malédiction, tout comme la prospérité un signe de bénédiction. Pour voir si un homme était aimé de Dieu, il suffisait donc de regarder s'il avait réussi dans la vie. Vision que les protestants ont largement reprise, notamment aux États-Unis, bien qu'elle soit largement contredite par de nombreux passages de l’Évangile.

Tout d'abord lorsque le Christ est tenté par le diable, dans le désert, ce dernier lui montra en un instant tous les royaumes de la terre, et lui dit : Je te donnerai toute cette puissance, et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été donnée, et je la donne à qui je veux (Lc 4, 6). Le Christ ne contestera pas cela et dira même à Pilate, dans les derniers moments de sa vie terrestre : Mon royaume n'est pas de ce monde (Jn 18, 36).

Le Christ revient également sur la richesse, fardeau qui dessèche le cœur, dans la parabole du mauvais riche et du juste Lazare (Lc 16, 19-31). Là, il inverse complètement l'échelle des repères de l'époque pour montrer que la richesse, non seulement n'est pas un signe de bénédiction divine, mais qu'elle peut être l'instrument dont se servent les forces démoniaques pour tromper les hommes.

Inversion des repères qui aboutira à sa souffrance et à sa mort sur la croix, lui qui a le pouvoir de vie sur toute chose. La souffrance et la mort n'étant plus des signes de malédiction, mais des marques ultimes de l'amour que l'homme est capable de donner, suivant cette parole : Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime (Jn 15, 13).

Pour revenir à la parabole de l'aveugle-né, la question des apôtres demandant si c'est lui ou ses parents qui ont péché, reste mystérieuse. Car, pour qu'il ait péché, alors qu'il est né aveugle, cela signifierait que son âme préexistait à son incarnation. Théorie reprise par Origène, mais que ses disciples rejetèrent, comme Grégoire de Nysse. Il est également possible de considérer que la réincarnation, idée véhiculée par les métissages orientaux dans le bassin méditerranéen, était largement admise à l'époque.

Quoi qu'il en soit, le Christ affirme alors que ni lui ni ses parents n'ont péché, mais tout cela arrive pour que soit manifestée la gloire de Dieu. Puis il guérit cet aveugle.
 
La vérité est que bien fou serait celui qui voudrait expliquer la sagesse de Dieu, et encore plus fou celui qui voudrait s'y substituer.Tout au plus sera-t-il susceptible d'entendre à son tour : Toutes ces choses m'ont été données, et je les donne à qui je veux.
 
Il n'y a donc pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu'il est extrêmement réducteur, voir simpliste, de considérer le malheur d'un enfant comme étant le fruit d'une faute. Le père Nicolas le saurait s'il avait suivi des cours de théologie. Mais comme il est écrit Bienheureux les pauvres en esprit (Matth. 5, 3), nous ne saurions lui en porter rigueur.

mercredi 24 septembre 2014

127- Gnose

La gnose est un mouvement qui a revêtu des formes très diverses et s'est manifesté dans tout le bassin méditerranéen, depuis l'Iran jusqu'en Gaule. Il suffit pour s'en rendre compte de considérer la variété des noms qu'ont pris les sectes gnostiques : Valentiniens, Basilidiens, Pérates, Caïnites, Ophites, etc. Néanmoins, ces sectes ont quelque chose de commun : la connaissance, la gnose, y joue un rôle fondamental. Le gnostique est quelqu'un qui fait plus ou mieux que de croire - la foi étant l'apanage d'individus de seconde zone -, il connaît. Il connaît, non pas à la suite d'un effort de réflexion, mais parce qu'une révélation lui a été faite. Il sait " qui nous étions et qui nous sommes devenus, où nous étions et où nous avons été jetés, vers quel but nous nous hâtons et d'où nous sommes rachetés, qu'est-ce que la génération et la régénération " (Clément d'Alexandrie, Extraits de Théodote, 78, 2). Une telle connaissance procure " la rédemption de l'homme intérieur " (Irénée de Lyon, Adv. Haer., I, 21, 4). 
Cette connaissance est avant tout connaissance de soi, compréhension de soi-même. Les récits mythiques dans lesquels s'expriment les détails du salut ne sont en fait qu'une manière de saisir d'où le moi vient et où il va, de comprendre que l'on a été précipité dans le monde sensible et que l'on est en train de regagner le monde spirituel d'où l'on est déchu. Cette gnose est par elle-même libération, rédemption, salut : elle délivre l'homme de lui-même, de la prison du sensible, pour le rendre à sa véritable destination.
Cette connaissance s'exprime dans de nombreux mythes, souvent différents les uns des autres et dans lesquels se recoupent et s'entrecroisent la philosophie religieuse hellénistique, le dualisme perse, les doctrines des cultes à mystère, le judaïsme et le christianisme. Le but que se propose le mythe est de raconter le destin de l'âme. Celle-ci, située primitivement dans le monde céleste et lumineux, subit une chute tragique qui la conduit sur la terre où elle est emprisonnée dans le corps sensible. La divinité suprême émue par le sort des étincelles divines retenues prisonnières dans la matière, envoie le Sauveur pour les délivrer. Celui-ci prend une apparence humaine, le divin ne pouvant s'allier à la matière, qui est mauvaise. Le Sauveur révèle aux gnostiques leur véritable origine. Son œuvre accomplie, il remonte auprès du Père et ouvre ainsi la voie aux étincelles lumineuses qui débarrassées de leur prison corporelle le suivront dans son ascension. Lorsque toutes les étincelles auront été réunies, le monde, livré à lui-même, retournera au chaos.
Le mythe gnostique présente donc un caractère dualiste très marqué : la matière est mauvaise, elle ne peut être que l’œuvre d'un dieu inférieur, d'un Démiurge souvent identifié au Dieu des Juifs, au Créateur de l'Ancien Testament. Il n'y a donc pas identité entre le Dieu créateur et le Dieu sauveur, l'histoire, de ce fait, ne présente pas d'intérêt et le monde va vers la consommation finale. Seule, la remontée de l'âme vers les sphères célestes est digne d'attention.
(Marcel Simon-André Benoît, Le Judaïsme et le Christianisme antique, éd. Puf, Paris, 1991, p.147-148)

D'après Irénée de Lyon et les premières personnes à avoir combattu la gnose, celle-ci remonterait à Simon le Mage (Id., p.149). Elle se poursuit jusqu'aujourd'hui sous de très nombreuses formes sectaires, dont la franc-maçonnerie et divers courants qui y sont affiliés.

Pour tous ces courants, la connaissance en elle-même libère l'âme. Le corps, prisonnier de la matière, ne peut que la retenir, mais pas la souiller. De sorte que le gnostique peut justifier n'importe lequel de ses actes, aussi abject soit-il, par le fait que rien ne peut plus venir altérer la liberté que lui a conféré la connaissance.

Irénée de Lyon, disciple de Polycarpe, disciple de Jean l’Apôtre, dans son ouvrage Contre les hérésies, s'est employé à expliquer ces courants de pensée, à en montrer les limites, et à expliquer la pensée chrétienne.

La réflexion et l'argumentation d'Irénée s'articulent autour de quelques grands axes qui en sont comme l'armature.
- Face à l'arbitraire et au secret des spéculations gnostiques, sa théologie est une théologie de la tradition ecclésiale au sens dynamique du terme grec (paradosis) : transmission active de la foi, et aussi publique, institutionnelle, parce que garantie par la " succession " du corps épiscopal depuis les Apôtres ; c'est dans cette tradition vivante que nous recevons l’Écriture authentique. [...]
- Face au dualisme gnostique, la théologie d'Irénée est une théologie de l'unité [...] : c'est le refus de toutes les ruptures posées par le gnosticisme. Unité de Dieu et de son œuvre [...], un seul plan de Dieu qui a créé l'univers en vue de l'homme et l'homme en vue de la communion avec Dieu. [...] Unité de la Révélation dans les deux Testaments. Unité du Christ qui par son incarnation réalise effectivement dans son être propre ("vrai Dieu" et "vrai homme") la communion de Dieu et de l'homme. Unité de l'être humain enfin, corps et âme, destiné au salut dans la totalité de sa nature, tout comme les sacrements à partir d'éléments "pris de la création" le sanctifient tout entier.
- Face enfin aux mythologies gnostiques, la théologie d'Irénée est une théologie de l'histoire du salut, un salut qui ne se réalise pas hors de notre espace et de notre temps, même s'il doit déboucher sur un autre monde, mais que Dieu prépare et accomplit déjà dans le temps, en des étapes successives et progressives. [...]
Irénée pose ainsi les bases pour une valorisation très positive de la création et des réalités terrestres, de l'Incarnation comme voie du salut ; il perçoit vivement la connexion étroite qui relie ces grandes données de la foi : création de toutes choses par Dieu, incarnation authentique du Verbe dans l’œuvre créée, résurrection de la chair, médiation des sacrements chrétiens, visibilité de l’Église. Au point qu'à ses yeux, saper l'une de ces données, c'est saper toutes les autres.
(Jacques Liébaert, Les Pères de l'Eglise, vol. 1, éd. Desclée, Paris, 1986, p. 59 et 62).

L'homme parfait, c'est le mélange et l'union de l'âme qui a reçu l'Esprit du Père et qui a été mélangée à la chair modelée selon l'image de Dieu.. Les trois choses doivent être restaurées et réunies, et il n'y a pour elles qu'un seul et même salut... Car des esprits sans corps ne seront jamais des hommes spirituels, mais c'est notre substance, c'est-à-dire le composé d'âme et de chair, qui, en recevant l'Esprit de Dieu, constitue l'homme spirituel. (Irénée, Contre les hérésies, V, 6, 1 ; 8, 2)


Dans les messages précédents, nous avons eu l'occasion de voir que l’Église attachait une grande importance à la connaissance de Dieu telle que l'on peut la découvrir à travers l'expérience spirituelle. C'est cette expérience nécessaire qui a conduit l’Église à décréter que seuls des moines pouvaient accéder à l'ordination épiscopale.

S'il est de plus en plus admis, voir indispensable, que des représentants ecclésiastiques aient une culture générale digne de ce nom ainsi qu'un niveau d'études suffisamment élevé, il convient de ne pas perdre de vue ce que nous sommes, ce que nous représentons, et pourquoi les règles qui ont été façonnées par notre histoire ont été établies.

Les Évangiles sont pétris de la notion de pureté du cœur qui prime sur la connaissance intellectuelle. Il serait trop long d'énumérer tous les passages qui relatifs à cette question, mais en voici quelques uns. 
Le Sermon du Christ sur la montagne commence par : Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux et à eux (Matth. 5, 3) !
Ou encore : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent (Mc 10, 14). 
Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants (Matth. 11, 25).

Il ne s'agissait pas de faire l'apologie de l'ignorance intellectuelle. La plupart des apôtres étaient des personnes simples, sans culture, et le Christ les reprenait souvent pour les former. Si l'ignorance intellectuelle était un élément de connaissance divine, Pierre n'aurait pas eu besoin des enseignements du Christ pour atteindre à la perfection. Et, inversement, Nicodème, un chef des Juifs, membre très instruit du Sanhédrin, aurait été considéré comme un cas irrécupérable (Jn 3, 1-21).

Les Pères de l’Église ont souvent considéré que c'était la pureté du cœur dont le Christ faisait l'apologie.

Dans la continuité des Évangiles, les apôtres transmirent la même substance à travers leurs enseignements.
 
L'un des plus beaux textes que nous ayons est sans doute celui de Paul : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis un airain qui résonne, une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien (ICor. 13).
Dieu dit à Paul, après qu'il eut prié pour que ses faiblesses le quittent : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse (IICor. 12, 9).

Là où les gnostiques voient dans le corps la prison de l'âme, les chrétiens y voient le temple de l'Esprit : Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit, qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu ? [...] Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu (ICor. 6, 19-20).

C'est en quête de cette pureté du cœur, source de la connaissance qu'ils se doivent de dispenser, que les évêques, conscients du poids de leur charge, passent habituellement leurs vacances dans le monastère dont ils sont issus. Ou parfois dans leur famille qu'ils se doivent par ailleurs de délaisser. Mais rarement sur une île connue pour son tourisme sexuel en compagnie d'un jeune homme efféminé à passer du bon temps dans les restaurants ! Car alors ils ne font que montrer qu'au-delà des principes chrétiens qu'ils prêchent, ils appliquent en réalité une pensée gnostique. Une pensée qui leur donne l'illusion de croire que la connaissance qu'ils pensent avoir atteinte a définitivement libéré leur âme, et que leur corps peuvent désormais s'adonner aux fantasmes qui les habitent.

samedi 20 septembre 2014

126- Un à j'ter, un offert !



Les journaux français, comme les journaux étrangers, s'étaient faits l'écho des mésaventures de Monseigneur Paul, évêque de Tracheia, en 2001.



Pour ceux qui ne connaissent pas son histoire, voici un bref résumé. Monseigneur Paul, affectueusement surnommé Monseigneur Paul Pot, est Anglais. Il avait été marié et, après la mort de sa femme, était devenu moine, puis évêque de Tracheia. Il disait lui-même qu'il ne savait pas où se trouvait Tracheia, vraisemblablement une ancienne ville chrétienne aujourd'hui disparue. Sans réel diocèse, il dépendait du Patriarcat de Constantinople, était rattaché à la Métropole Grecque de France, et desservait la cathédrale russe de Nice, qui était à l'époque sous la juridiction de Constantinople.

En 1999, il se prit d'amitié pour un jeune garçon de 11 ans, qu'il alla voir chez sa grand-mère et qu'il invita à Nice, lui payant tous ses frais. Mais, au retour, le garçon se plaint à la police d'agressions sexuelles. L'évêque l'aurait masturbé pendant qu'ils regardaient une vidéo comique. 

Pour sa défense, Monseigneur Paul, entendu par la police, dit qu'il souffrait de la maladie de Parkinson, et que ses gestes auraient pu être mal interprétés au moment où il aidait le jeune garçon à se mettre en pyjama. Comme si un garçon de 11 ans avait encore besoin d'aide pour mettre son pyjama... Un enfant est autonome aux alentours des 5 ans pour mettre son pyjama.

Puis, dans une seconde version, il dit que tout cela venait d'un complot russe, destiné à discréditer la Métropole Grecque afin de reprendre le contrôle de la paroisse russe de Nice. 

Les policiers remarquèrent le changement fantaisiste de version, vraisemblablement lié à une stratégie d'avocat, ainsi que de nombreuses révélations ambiguës dans ses déclarations, permettant de considérer que la plainte du jeune garçon était fondée. On peut lire, dans l'article de journal qui reprend l'affaire :
Ainsi, il reconnaît avoir, chez la grand-mère du gamin à Londres, lavé le dos de l'enfant, puis l'avoir massé. Et le juge remarque que, dans son journal intime, des passages « font état, pour les jours où vous voyez [l'enfant], d'états d'âme particulièrement douloureux pour un ecclésiastique et pouvant laisser penser que vous n'êtes pas tout à fait étranger aux faits ». L'évêque, aujourd'hui veuf, évoque dans ses écrits une « recherche frénétique des plaisirs corporels » et une « maîtrise de moi-même qui m'échappe ».
 
Il est à remarquer que, lorsqu'un homme influent se fait prendre dans une situation peu avantageuse, il a souvent une fâcheuse tendance à invoquer un complot russe. Tout le monde se souviendra de cette version de Dominique Strauss-Kahn, lorsqu'il fut accusé du viol d'une femme de chambre, à New-York. Même ces derniers temps, la thèse du complot russe est souvent mise en avant dans l'actualité pour justifier tel ou tel fait, sans davantage d'éléments probants que ceux apportés par Monseigneur Paul. Si bien que cette excuse facile ne sert souvent qu'à essayer de masquer nos propres faits inavouables. Ce ne sont pas les Russes qui ont mis les parties intimes de cet enfant dans les mains de l'évêque, ni celles de Strauss-Kahn dans la bouche de la femme de chambre... Alors cessons de raconter n'importe quoi.

S'il est vrai que la Fédération de Russie voulait récupérer la propriété de l'église de Nice pour la placer sous la juridiction du Patriarcat de Moscou, et s'il est également fort probable qu'ils n'appréciaient pas qu'un Anglais dirige l'une de leurs plus belles églises construite dans les diasporas, ils n'avaient pas besoin de ce scandale pour y arriver. Ils ont intenté une procédure judiciaire et ont gagné en première instance grâce aux actes de propriété datant d'avant la Révolution de 1917 qu'ils possédaient. Le jugement fut confirmé en appel, le 19 mai 2011, et la Métropole Grecque fut contrainte de remettre les clés de l'église au clergé russe. Les deux histoires sont séparées de douze ans et n'ont aucun lien entre elles.

L'enfant disparut au cours de l'instruction. Sa famille l'ayant vraisemblablement éloigné pour le soustraire aux pressions médiatiques et judiciaires. Si bien que le juge d'instruction, ne pouvant l'entendre, ne put poursuivre Monseigneur Paul. Le bruit courut que celui-ci était parti à l'étranger. En fait, il s'était réfugié au monastère du Père Placide, dans le Vercors, où il semble s'adonner à la vie monastique. Il y est encore aujourd'hui.

Ce retrait arrangeait tout le monde : la justice, qui savait qu'il n'exercerait plus d'autorité au sein d'une paroisse, les paroissiens de Nice, qui se débarrassaient de ce fléau encombrant, et la Métropole Grecque, qui ne savait pas encore qu'elle aurait bientôt le cas du Métropolite Emmanuel Adamakis, qui serait nommé le 20 janvier 2003, à gérer.

Avant 1998, donc avant le début de l'histoire de ce jeune garçon, qui trouve ses origines en 1999, Monseigneur Paul s'était mis à venir assez régulièrement au monastère Saint-Antoine du Père Placide. Sans nous dire quelle était la teneur de leurs conversations, le père Placide nous avait néanmoins parlé du fait que Monseigneur Paul était très ennuyé, car les familles de certains enfants de sa paroisse semblaient lui en vouloir et faisaient courir sur lui des bruits calomnieux sur des comportements déplacés qu'on lui reprochait.

Il était très gêné de ces bruits sordides et venait crier à l'injustice devant la méchanceté de telles familles. Le père Placide, le voyant en confession, n'avait pas lieu de douter de sa bonne foi, car on est censé ne pas mentir lorsqu'on se confesse. L'avenir montra que le père Placide n'était pas un homme rancunier...

Ceci pour dire que ce genre d'histoire, lorsqu'elle éclate avec des témoignages directs ou des éléments probants, ne vient pas de nulle part. Il y a malheureusement très souvent une antériorité, et des personnes habituées à se dissimuler à travers des mensonges et des dehors respectables. Aucun des évêques qui venaient visiter le monastère n'était plus pieux que Monseigneur Paul.

Le Métropolite Emmanuel Adamakis, sachant tirer les leçons de ses prédécesseurs, semble choisir le garçon qui l'accompagne en tenant compte de la limite de majorité, et se garantir son consentement. Même s'il ne croit toujours pas que la Providence reste capable de mettre en lumière ce qu'il voudrait cacher.

Là encore, même si les témoignages sont souvent indirects, il y en a suffisamment pour laisser supposer qu'il y a une lointaine antériorité à son comportement indigne de sa fonction. Tout d'abord le témoignage rapporté du serveur du restaurant Avlaki, qui atteste que Monseigneur Emmanuel est un habitué, même s'il ignorait jusqu'à peu qu'il avait affaire à un ponte de l'orthodoxie. Ensuite, d'autres histoires plus sordides que je ne relaterai pas car je ne peux pas retracer leur cheminement jusqu'aux témoins directs.

Puisque le père Placide a recueilli Monseigneur Paul, qui s'est « fait jeter » de sa paroisse, j'espère qu'il aura la grandeur d'âme de recueillir également Monseigneur Emmanuel que nous serions heureux de lui offrir pour son monastère, suivant cette formule propre aux soldes : un à j'ter, un offert !

mercredi 17 septembre 2014

125- Coquilles vides et bourses pleines

Quelles que soient nos idées politiques ou religieuses, nous préférons généralement être représentés par des personnes qui sauront défendre ces idées. La désillusion est toujours très dure à accepter lorsque nous nous rendons compte que les personnes que nous avions mandatées ont failli dans leur mission de représentation. C'est le fruit de cette désillusion qui a fait perdre à François Hollande le vote des musulmans de France, condamnant le PS à la marginalisation que le PC français et le Pasok grec ont dû vivre en leurs temps. 

Cette désillusion est la cause première de l'abstention lors des élections. Malgré les phrases creuses des hommes politiques, qui tentent de justifier le désaveu constant auquel ils sont confrontés, le remède est simple tout autant qu'illusoire : l'élu se doit de représenter les autres, et non lui-même ou des groupes de pression. L'hypocrisie n'a pas de place dans cette représentation.

Malheureusement, certains affairistes et opportunistes considèrent qu'il suffit de ne pas se faire remarquer pour continuer à pouvoir représenter les autres. Attitude passive qui pousse des personnes sans charisme à croire qu'elles peuvent, elles aussi, représenter les autres, si tant est qu'elles ne dérogent pas à la discrétion qui devient alors un modèle de conduite. Notre Communauté, comme de nombreuses communautés d'ailleurs, n'échappe pas à ce fléau. Si bien que, lorsque monseigneur Emmanuel se mit à couvrir de son autorité les dérives du père Nicolas Kakavelakis, peu nombreux furent les élus de notre Association à se souvenir qu'ils étaient là pour défendre nos idéaux et nos valeurs. 

Cette représentation dans la dignité, qui devrait être normale, devient alors exceptionnelle, non par la difficulté de ce qui est pratiqué, mais par la démission de la majorité passive et soumise

Un pays peut fonctionner sur ses acquis, dans l'indifférence générale et le déclin, si ses dirigeants sont indignes de leur charge. Mais qu'un seul se lève en sachant représenter son peuple, et cet homme pourra faire franchir à son pays les limites de l'impossible pour le faire grandir en assurant sa prospérité. C'est ce que le président Poutine a réussi pour son pays. Je n'ai malheureusement pas d'exemples français récents à proposer depuis le Général de Gaulle.


Au regard du christianisme, sous la conduite de l'Esprit-Saint, les apôtres et leurs successeurs ont tout de suite voulu faire de la perfection de vie l'exemple à suivre. C'est ainsi que les premiers évêques furent choisis parmi les plus parfaits des disciples. 

Par la suite, les hommes allèrent souvent chercher des ermites à la vie vertueuse pour les faire évêques. Peu leur importait leur connaissances intellectuelles, du moment que la connaissance du cœur leur avait fait découvrir les voies de la sagesse, suivant ces paroles : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants (Matth. 11, 25).

Il faut avoir un esprit réellement pacifié pour qu'une charge, pastorale ou autre, ne pervertisse pas nos sens ; pour que cette dignité n'altère pas la pureté du cœur. Beaucoup de clercs ne furent malheureusement pas prêts à assumer cette charge et commencèrent à gangrener l’Église de l'intérieur. Les canons de l’Église, règles édictées par les Conciles pour garantir son bon fonctionnement, visèrent essentiellement à placer les barrières qui pourraient empêcher n'importe quel imposteur de devenir membre du clergé. Sans toutefois y parvenir ailleurs que dans leurs pieuses intentions.

Dans l'orthodoxie, la prêtrise est accordée aux hommes mariés. Mais, pour les évêques, et afin de garantir la perfection de notre représentation, il fut fixé au VIème siècle que seuls des moines pourraient accéder à cette charge. Ceci parce que, dès l'apparition des premiers moines, dans le désert d’Égypte au IVème siècle, ils manifestèrent une sagesse de vie, une pureté de cœur et une connaissance intellectuelle qui étaient le fruit de leurs immenses sacrifices sur le chemin de la perfection.

Et c'est là que s’immisça le ferment de la corruption. Car ceux qui rêvaient de gloire et de dignité ne choisirent pas d'autres postes que ceux du clergé pour assouvir leur besoin de reconnaissance et de domination. Ils créèrent leurs propres monastères, destinés à faire moine des personnes qui n'en avaient pas la vocation, mais qui voulaient simplement " avoir le diplôme " pour pouvoir prétendre à la fonction d'évêque.

La biographie officielle de Monseigneur Emmanuel Adamakis ne fait pas mention du moment où il est devenu moine, ni du monastère qui l'a tonsuré, ni de la durée de sa vie monastique. Il est l'exemple typique de cette falsification des règles. Il est fier de présenter les études qu'il a faites à Boston, mais n'a rien à montrer sur l'évolution spirituelle qui était seule digne de lui permettre d'accéder à sa charge pastorale. Monseigneur Emmanuel a certainement passé plus de temps au restaurant, avec le jeune homme d'un précédent message, que dans le monastère qui était censé lui apprendre la sagesse et la connaissance de Dieu.

Comment une telle personne peut-elle nous représenter au plus haut sommet des institutions ? N'avons-nous rien d'autre pour occuper ces postes ? Comment va-t-elle décider pour nous si elle n'a que mépris pour nos valeurs religieuses ? Nous représenter si son seul but est de se remplir les poches tout en poursuivant sa quête des plaisirs ?


Aujourd'hui, que ce soit en politique ou dans le domaine de la religion, nous avons des représentants. Mais ceux-ci n'accomplissent pleinement le sens de ce qu'ils sont que par l'exemplarité de leur conduite. Hors de cette exemplarité, ils ne sont que des coquilles vides.

Stélios K. fait partie des rares élus de notre communauté à avoir toujours gardé la tête haute et le sens de ses responsabilités. C'est le poids de cette autorité, manifestée par des courriers sans concession que j'ai reproduits au fil des messages de ce blog, qui a considérablement contrarié Monseigneur Emmanuel.

Monseigneur Emmanuel n'a jamais répondu à ces courriers. Vraisemblablement parce qu'il avait les mains trop occupées à autre chose qu'à écrire.

Lorsqu'il a su que j'allais à Paris pour la fête nationale Russe, Stelios m'a chargé de remettre un courrier à l'Ambassadeur, de la part de la Communauté grecque. Je sais à quel point Stélios est apprécié de tous, c'est pourquoi je n'ai pas hésité à me faire le messager de cette missive. Stélios y appelait de ses vœux l'apparition d'hommes politiques grecs qui sauraient rendre à la Grèce sa grandeur et son indépendance, tout comme monsieur Poutine avait rendu la sienne à la Russie. Position que tendait à confirmer un récent article du Monde montrant que la Russie risquait de supplanter la France à sa place de 5ème puissance économique mondiale.

J'espère à mon tour que, tant en politique qu'en religion, nous pourrons un jour retrouver des hommes dignes de leurs charges, comme du temps du père Athanase de Lyon.