de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 24 septembre 2014

127- Gnose

La gnose est un mouvement qui a revêtu des formes très diverses et s'est manifesté dans tout le bassin méditerranéen, depuis l'Iran jusqu'en Gaule. Il suffit pour s'en rendre compte de considérer la variété des noms qu'ont pris les sectes gnostiques : Valentiniens, Basilidiens, Pérates, Caïnites, Ophites, etc. Néanmoins, ces sectes ont quelque chose de commun : la connaissance, la gnose, y joue un rôle fondamental. Le gnostique est quelqu'un qui fait plus ou mieux que de croire - la foi étant l'apanage d'individus de seconde zone -, il connaît. Il connaît, non pas à la suite d'un effort de réflexion, mais parce qu'une révélation lui a été faite. Il sait " qui nous étions et qui nous sommes devenus, où nous étions et où nous avons été jetés, vers quel but nous nous hâtons et d'où nous sommes rachetés, qu'est-ce que la génération et la régénération " (Clément d'Alexandrie, Extraits de Théodote, 78, 2). Une telle connaissance procure " la rédemption de l'homme intérieur " (Irénée de Lyon, Adv. Haer., I, 21, 4). 
Cette connaissance est avant tout connaissance de soi, compréhension de soi-même. Les récits mythiques dans lesquels s'expriment les détails du salut ne sont en fait qu'une manière de saisir d'où le moi vient et où il va, de comprendre que l'on a été précipité dans le monde sensible et que l'on est en train de regagner le monde spirituel d'où l'on est déchu. Cette gnose est par elle-même libération, rédemption, salut : elle délivre l'homme de lui-même, de la prison du sensible, pour le rendre à sa véritable destination.
Cette connaissance s'exprime dans de nombreux mythes, souvent différents les uns des autres et dans lesquels se recoupent et s'entrecroisent la philosophie religieuse hellénistique, le dualisme perse, les doctrines des cultes à mystère, le judaïsme et le christianisme. Le but que se propose le mythe est de raconter le destin de l'âme. Celle-ci, située primitivement dans le monde céleste et lumineux, subit une chute tragique qui la conduit sur la terre où elle est emprisonnée dans le corps sensible. La divinité suprême émue par le sort des étincelles divines retenues prisonnières dans la matière, envoie le Sauveur pour les délivrer. Celui-ci prend une apparence humaine, le divin ne pouvant s'allier à la matière, qui est mauvaise. Le Sauveur révèle aux gnostiques leur véritable origine. Son œuvre accomplie, il remonte auprès du Père et ouvre ainsi la voie aux étincelles lumineuses qui débarrassées de leur prison corporelle le suivront dans son ascension. Lorsque toutes les étincelles auront été réunies, le monde, livré à lui-même, retournera au chaos.
Le mythe gnostique présente donc un caractère dualiste très marqué : la matière est mauvaise, elle ne peut être que l’œuvre d'un dieu inférieur, d'un Démiurge souvent identifié au Dieu des Juifs, au Créateur de l'Ancien Testament. Il n'y a donc pas identité entre le Dieu créateur et le Dieu sauveur, l'histoire, de ce fait, ne présente pas d'intérêt et le monde va vers la consommation finale. Seule, la remontée de l'âme vers les sphères célestes est digne d'attention.
(Marcel Simon-André Benoît, Le Judaïsme et le Christianisme antique, éd. Puf, Paris, 1991, p.147-148)

D'après Irénée de Lyon et les premières personnes à avoir combattu la gnose, celle-ci remonterait à Simon le Mage (Id., p.149). Elle se poursuit jusqu'aujourd'hui sous de très nombreuses formes sectaires, dont la franc-maçonnerie et divers courants qui y sont affiliés.

Pour tous ces courants, la connaissance en elle-même libère l'âme. Le corps, prisonnier de la matière, ne peut que la retenir, mais pas la souiller. De sorte que le gnostique peut justifier n'importe lequel de ses actes, aussi abject soit-il, par le fait que rien ne peut plus venir altérer la liberté que lui a conféré la connaissance.

Irénée de Lyon, disciple de Polycarpe, disciple de Jean l’Apôtre, dans son ouvrage Contre les hérésies, s'est employé à expliquer ces courants de pensée, à en montrer les limites, et à expliquer la pensée chrétienne.

La réflexion et l'argumentation d'Irénée s'articulent autour de quelques grands axes qui en sont comme l'armature.
- Face à l'arbitraire et au secret des spéculations gnostiques, sa théologie est une théologie de la tradition ecclésiale au sens dynamique du terme grec (paradosis) : transmission active de la foi, et aussi publique, institutionnelle, parce que garantie par la " succession " du corps épiscopal depuis les Apôtres ; c'est dans cette tradition vivante que nous recevons l’Écriture authentique. [...]
- Face au dualisme gnostique, la théologie d'Irénée est une théologie de l'unité [...] : c'est le refus de toutes les ruptures posées par le gnosticisme. Unité de Dieu et de son œuvre [...], un seul plan de Dieu qui a créé l'univers en vue de l'homme et l'homme en vue de la communion avec Dieu. [...] Unité de la Révélation dans les deux Testaments. Unité du Christ qui par son incarnation réalise effectivement dans son être propre ("vrai Dieu" et "vrai homme") la communion de Dieu et de l'homme. Unité de l'être humain enfin, corps et âme, destiné au salut dans la totalité de sa nature, tout comme les sacrements à partir d'éléments "pris de la création" le sanctifient tout entier.
- Face enfin aux mythologies gnostiques, la théologie d'Irénée est une théologie de l'histoire du salut, un salut qui ne se réalise pas hors de notre espace et de notre temps, même s'il doit déboucher sur un autre monde, mais que Dieu prépare et accomplit déjà dans le temps, en des étapes successives et progressives. [...]
Irénée pose ainsi les bases pour une valorisation très positive de la création et des réalités terrestres, de l'Incarnation comme voie du salut ; il perçoit vivement la connexion étroite qui relie ces grandes données de la foi : création de toutes choses par Dieu, incarnation authentique du Verbe dans l’œuvre créée, résurrection de la chair, médiation des sacrements chrétiens, visibilité de l’Église. Au point qu'à ses yeux, saper l'une de ces données, c'est saper toutes les autres.
(Jacques Liébaert, Les Pères de l'Eglise, vol. 1, éd. Desclée, Paris, 1986, p. 59 et 62).

L'homme parfait, c'est le mélange et l'union de l'âme qui a reçu l'Esprit du Père et qui a été mélangée à la chair modelée selon l'image de Dieu.. Les trois choses doivent être restaurées et réunies, et il n'y a pour elles qu'un seul et même salut... Car des esprits sans corps ne seront jamais des hommes spirituels, mais c'est notre substance, c'est-à-dire le composé d'âme et de chair, qui, en recevant l'Esprit de Dieu, constitue l'homme spirituel. (Irénée, Contre les hérésies, V, 6, 1 ; 8, 2)


Dans les messages précédents, nous avons eu l'occasion de voir que l’Église attachait une grande importance à la connaissance de Dieu telle que l'on peut la découvrir à travers l'expérience spirituelle. C'est cette expérience nécessaire qui a conduit l’Église à décréter que seuls des moines pouvaient accéder à l'ordination épiscopale.

S'il est de plus en plus admis, voir indispensable, que des représentants ecclésiastiques aient une culture générale digne de ce nom ainsi qu'un niveau d'études suffisamment élevé, il convient de ne pas perdre de vue ce que nous sommes, ce que nous représentons, et pourquoi les règles qui ont été façonnées par notre histoire ont été établies.

Les Évangiles sont pétris de la notion de pureté du cœur qui prime sur la connaissance intellectuelle. Il serait trop long d'énumérer tous les passages qui relatifs à cette question, mais en voici quelques uns. 
Le Sermon du Christ sur la montagne commence par : Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux et à eux (Matth. 5, 3) !
Ou encore : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent (Mc 10, 14). 
Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants (Matth. 11, 25).

Il ne s'agissait pas de faire l'apologie de l'ignorance intellectuelle. La plupart des apôtres étaient des personnes simples, sans culture, et le Christ les reprenait souvent pour les former. Si l'ignorance intellectuelle était un élément de connaissance divine, Pierre n'aurait pas eu besoin des enseignements du Christ pour atteindre à la perfection. Et, inversement, Nicodème, un chef des Juifs, membre très instruit du Sanhédrin, aurait été considéré comme un cas irrécupérable (Jn 3, 1-21).

Les Pères de l’Église ont souvent considéré que c'était la pureté du cœur dont le Christ faisait l'apologie.

Dans la continuité des Évangiles, les apôtres transmirent la même substance à travers leurs enseignements.
 
L'un des plus beaux textes que nous ayons est sans doute celui de Paul : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis un airain qui résonne, une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien (ICor. 13).
Dieu dit à Paul, après qu'il eut prié pour que ses faiblesses le quittent : Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse (IICor. 12, 9).

Là où les gnostiques voient dans le corps la prison de l'âme, les chrétiens y voient le temple de l'Esprit : Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit, qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu ? [...] Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu (ICor. 6, 19-20).

C'est en quête de cette pureté du cœur, source de la connaissance qu'ils se doivent de dispenser, que les évêques, conscients du poids de leur charge, passent habituellement leurs vacances dans le monastère dont ils sont issus. Ou parfois dans leur famille qu'ils se doivent par ailleurs de délaisser. Mais rarement sur une île connue pour son tourisme sexuel en compagnie d'un jeune homme efféminé à passer du bon temps dans les restaurants ! Car alors ils ne font que montrer qu'au-delà des principes chrétiens qu'ils prêchent, ils appliquent en réalité une pensée gnostique. Une pensée qui leur donne l'illusion de croire que la connaissance qu'ils pensent avoir atteinte a définitivement libéré leur âme, et que leur corps peuvent désormais s'adonner aux fantasmes qui les habitent.

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