de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 26 janvier 2013

77- Intercommunion

Nous avons eu l'occasion de voir plusieurs fois que le métropolite Emmanuel voulait exclure du comité de notre association le docteur P. Ladias depuis plus d'un an, et qu'il invoquait pour cela le fait qu'il est catholique. Même si, pour le docteur Ladias, cette justification n'est qu'un prétexte fallacieux essentiellement destiné à l'empêcher de se mêler des irrégularités de toute sorte qu'il a eu l'occasion de dénoncer, il n'en est pas moins vrai que cette question s'inscrit dans une vision beaucoup plus large de la communauté hellénique de Lyon avec les autres religions. 

Nombreuses sont les familles directement concernées par le lien entre l'orthodoxie et le catholicisme. Et nombreuses sont les familles fréquentant la communauté qui prennent très mal le dogmatisme intransigeant prôné par le père Nicolas. En effet, les couples composés d'un orthodoxe et d'un catholique (ou d'un protestant) sont nombreux à Lyon. Et les enfants nés de ces couples sont directement concernés par les liens existants ou non entre les Eglises.

Revenons un peu en arrière et voyons comment la position de l'Eglise sur cette question s'est forgée. 

Le Christ a envoyé ses disciples et leur a demandé une chose : Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et enseignez leur à observer tout ce que je vous ai prescrit (Matt. 28, 19-20).

Comme on ne peut rien enlever au message du Christ, l'enseignement et la mise en pratique du message va avec la foi et le baptême. Il ne suffit donc pas de croire et d'être baptisé, mais encore faut-il observer le message du Christ. Bien que ce message ne soit fait que de miséricorde, de compassion et d'amour pour les autres, les Églises l'ont défini au cours des siècles.
 
L’Église, corps mystique du Christ, est formée de l'ensemble des baptisés qui l'ont été au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et qui mettent en pratique le message du Christ. Bien vite, des divisions sont apparues sur l'interprétation du message du Christ, entraînant des divisions au sein des Églises. Il y eut des divisions à toutes les époques. Aujourd'hui, nous voyons sous nos yeux celles entre les catholiques, les orthodoxes et les protestants.

Comment des couples mixtes (composés de deux courants chrétiens différents) peuvent-ils vivre leur foi ? 

Cette question se pose peu dans les pays majoritairement orthodoxes, mais elle est constante dans les pays ayant accueilli l'exode de populations orthodoxes. C'est donc naturellement que monseigneur Mélétios, premier métropolite de France, y a été confronté.

L'une des règles de l’Église est de considérer qu'on ne peut dispenser un sacrement qu'à un membre de cette Église. Il n'y a pas de hiérarchie entre les sacrements, l'un étant plus important que l'autre. Le baptême ouvre la voie à l'entrée dans l’Église et donne accès à l'ensemble des autres sacrements. La communion, comme tous les autres sacrements, ne peut donc être donnée qu'à un membre de l'Eglise.

Et c'est là que la question se complique. Si un catholique veut devenir orthodoxe, l'évêque local (le métropolite Emmanuel en tête) ne va pas le rebaptiser. Il va simplement lui faire une chrismation (onction d'huile) et lui faire réciter le symbole de foi. Comme il ne le rebaptise pas, c'est donc qu'il reconnaît la validité du baptême de l’Église d'où il vient (catholique ou protestante). Et s'il reconnaît son baptême, alors il n'y a aucune raison de lui refuser les autres sacrements (le mariage, la communion, l'extrême onction...).

Le discernement spirituel est un raisonnement qui peut aller à l'encontre de toutes les règles de l’Église. Les pères spirituels l'ont érigé en principe supérieur qui guide toute chose : l'évolution spirituelle de chaque personne en particulier est supérieure à l'application stricte des règles établies. Le discernement n'est pas une forme d’autojustification permanente pour s'affranchir des règles, mais elle est le fruit de la sagesse de ceux qui ont passé leur vie à tendre vers la perfection humaine.

Monseigneur Mélétios, monseigneur Vlassios dans sa foulée, ou monseigneur Jérémie, essayaient de mettre en pratique ce discernement. Ils estimaient que les couples mixtes ne devaient pas souffrir des divisions des Églises. Que la paix des ménages et l'épanouissement des enfants était supérieur aux querelles de religions. Prenant acte du fait que les Églises ne rebaptisent pas, ils ont autorisé (ou parfois simplement laissé faire) l'intercommunion dans les couples mixtes.

Cela n'a jamais été une règle officielle de l’Église, mais une marque de discernement pour des situations bien particulières. Ces évêques avaient à cœur de montrer dans leur vie la position officielle et stricte de l’Église, mais ne pas créer de trouble dans les couples était la marque de leur rôle de pasteur qui guidait des âmes.

En France, un seul est légitime pour refuser la communion aux catholiques. Le père Placide Deseille. En effet, lorsque cet ancien moine cistercien est devenu orthodoxe, il a considéré que l’Église catholique dans laquelle il avait grandi n'était pas guidée par l'Esprit-Saint. Par conséquent, son baptême n'était pas valide. Lorsqu'il est devenu orthodoxe, au Mont-Athos, il a donc demandé à être rebaptisé. 

Mais malgré cette application stricte des règles de l’Église, je l'ai toujours vu prendre le temps d'expliquer aux non-orthodoxes pourquoi il ne pouvait pas leur donner la communion. Il faisait attention à ne blesser personne. Il s'appliquait à lui-même beaucoup plus qu'il ne demandait aux autres, rendant ses prises de position d'autant plus légitimes qu'elles étaient marquées par l'exemple qu'il donnait. 

Il était également logique avec lui-même, ne donnant aucun sacrement à un non-orthodoxe. C'est ainsi que les quelques mariages que j'ai vus dans son monastère n'ont toujours uni que deux personnes orthodoxes.

Autant la position de monseigneur Mélétios que celle du père Placide sont légitimes, car cohérentes et faisant passer le bien des personnes avant l'application bornée de règles.

A l'inverse, nous assistons à Lyon depuis deux ans à une attitude très ambiguë du père Nicolas Kakavelakis. Allant à l'encontre des règles voulues par les évêques de France depuis des décennies, il s'est mis à refuser systématiquement la communion aux catholiques, même au sein des couples, et aux enfants de ces couples.

Nous aurions pu penser qu'il appliquait la vision du père Placide, mais c'était faux. En effet, le père Nicolas continue à marier des non-orthodoxes, donnant certains sacrements aux catholiques ou aux protestants, et pas d'autres. Le mariage est-il un sacrement moins important qui peut être donné à n'importe qui ? Si c'est le cas, ça me rassure qu'il ne soit pas important, vu que je ne suis pas marié... Ou bien le mariage, source de revenus substantiels depuis que l'évêque fait payer ce sacrement, dispose-t-il d'une justification économique particulière pour être dispensé abondamment à n'importe qui ?

Si le père Nicolas reconnaît le baptême des catholiques (il ne rebaptise pas ceux qui veulent devenir orthodoxes), et s'il leur dispense le sacrement du mariage, au nom de quoi devrait-il leur refuser la communion ?

L'autre point qui distingue le père Placide du père Nicolas est l'attention portée aux personnes. Le père Nicolas n'a jamais fait attention aux habitudes prises par les couples, à l'équilibre, stable ou non, qui s'était créé au sein des familles pour que chacun vive sa foi, suivant sa tradition et son éducation. Il n'a pas fait attention aux enfants et à tous les tiraillements qui peuvent naître lorsque l'on voit ses parents appartenir à des Églises différentes. Il s'est contenté d'appliquer aux autres des règles qu'il ne s'applique pas à lui-même, au gré de ses intérêts financiers, lui qui n'est pas forcément le mieux placé pour dire aux autres ce qu'il faut faire.

Monseigneur Emmanuel, fidèle à son habitude, cautionne tout ça par son silence, contredisant de fait les décisions de ses prédécesseurs.

Monseigneur Mélétios était très ferme sur les règles de l’Église dans ses relations avec les instances catholiques et plein de compassion pour ses fidèles. Monseigneur Emmanuel, lui, fait l'inverse. Il est d'un laxisme redoutable dans ses relations officielles, et intransigeant avec ses fidèles : il embrasse la main du pape de Rome, lui reconnaissant ainsi une autorité sur lui, tout en rejetant les fidèles catholiques dont certains sont membres de la communauté depuis 50 ans.

Stelios K. est élu du comité de la communauté depuis 1972. Il est le doyen des élus. Il a donc été particulièrement sensible aux doléances des couples qui lui ont expliqué qu'ils ne comprenaient pas l'attitude du père Nicolas qui venait créer des divisions dans leur couple. Il a tenu à écrire à l'évêque pour lui soumettre ces interrogations. Son courrier est arrivé le 27 décembre 2013. A ce jour, l'évêque n'a pas répondu.