Nous avons eu l'occasion de voir plusieurs fois que le métropolite Emmanuel voulait exclure du comité de notre association le docteur P. Ladias depuis plus d'un an, et qu'il invoquait pour cela le fait qu'il est catholique. Même si, pour le docteur Ladias, cette justification n'est qu'un prétexte fallacieux essentiellement destiné à l'empêcher de se mêler des irrégularités de toute sorte qu'il a eu l'occasion de dénoncer, il n'en est pas moins vrai que cette question s'inscrit dans une vision beaucoup plus large de la communauté hellénique de Lyon avec les autres religions.
Nombreuses sont les familles directement concernées par le lien entre l'orthodoxie et le catholicisme. Et nombreuses sont les familles fréquentant la communauté qui prennent très mal le dogmatisme intransigeant prôné par le père Nicolas. En effet, les couples composés d'un orthodoxe et d'un catholique (ou d'un protestant) sont nombreux à Lyon. Et les enfants nés de ces couples sont directement concernés par les liens existants ou non entre les Eglises.
Revenons un peu en arrière et voyons comment la position de l'Eglise sur cette question s'est forgée.
Le Christ a envoyé ses disciples et leur a demandé une chose : Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et enseignez leur à observer tout ce que je vous ai prescrit (Matt. 28, 19-20).
Comme on ne peut rien enlever au message du Christ, l'enseignement et la mise en pratique du message va avec la foi et le baptême. Il ne suffit donc pas de croire et d'être baptisé, mais encore faut-il observer le message du Christ. Bien que ce message ne soit fait que de miséricorde, de compassion et d'amour pour les autres, les Églises l'ont défini au cours des siècles.
L’Église, corps mystique du Christ, est formée de
l'ensemble des baptisés qui l'ont été au nom du Père, du Fils et du
Saint Esprit, et qui mettent en pratique le message du Christ. Bien vite, des divisions sont apparues sur l'interprétation du message du Christ, entraînant des divisions au sein des Églises. Il y eut des divisions à toutes les époques. Aujourd'hui, nous voyons sous nos yeux celles entre les catholiques, les orthodoxes et les protestants.
Comment des couples mixtes (composés de deux courants chrétiens différents) peuvent-ils vivre leur foi ?
Cette question se pose peu dans les pays majoritairement orthodoxes, mais elle est constante dans les pays ayant accueilli l'exode de populations orthodoxes. C'est donc naturellement que monseigneur Mélétios, premier métropolite de France, y a été confronté.
L'une des règles de l’Église est de considérer qu'on ne peut dispenser un sacrement qu'à un membre de cette Église. Il n'y a pas de hiérarchie entre les sacrements, l'un étant plus important que l'autre. Le baptême ouvre la voie à l'entrée dans l’Église et donne accès à l'ensemble des autres sacrements. La communion, comme tous les autres sacrements, ne peut donc être donnée qu'à un membre de l'Eglise.
Et c'est là que la question se complique. Si un catholique veut devenir orthodoxe, l'évêque local (le métropolite Emmanuel en tête) ne va pas le rebaptiser. Il va simplement lui faire une chrismation (onction d'huile) et lui faire réciter le symbole de foi. Comme il ne le rebaptise pas, c'est donc qu'il reconnaît la validité du baptême de l’Église d'où il vient (catholique ou protestante). Et s'il reconnaît son baptême, alors il n'y a aucune raison de lui refuser les autres sacrements (le mariage, la communion, l'extrême onction...).
Le discernement spirituel est un raisonnement qui peut aller à l'encontre de toutes les règles de l’Église. Les pères spirituels l'ont érigé en principe supérieur qui guide toute chose : l'évolution spirituelle de chaque personne en particulier est supérieure à l'application stricte des règles établies. Le discernement n'est pas une forme d’autojustification permanente pour s'affranchir des règles, mais elle est le fruit de la sagesse de ceux qui ont passé leur vie à tendre vers la perfection humaine.
Monseigneur Mélétios, monseigneur Vlassios dans sa foulée, ou monseigneur Jérémie, essayaient de mettre en pratique ce discernement. Ils estimaient que les couples mixtes ne devaient pas souffrir des divisions des Églises. Que la paix des ménages et l'épanouissement des enfants était supérieur aux querelles de religions. Prenant acte du fait que les Églises ne rebaptisent pas, ils ont autorisé (ou parfois simplement laissé faire) l'intercommunion dans les couples mixtes.
Cela n'a jamais été une règle officielle de l’Église, mais une marque de discernement pour des situations bien particulières. Ces évêques avaient à cœur de montrer dans leur vie la position officielle et stricte de l’Église, mais ne pas créer de trouble dans les couples était la marque de leur rôle de pasteur qui guidait des âmes.
En France, un seul est légitime pour refuser la communion aux catholiques. Le père Placide Deseille. En effet, lorsque cet ancien moine cistercien est devenu orthodoxe, il a considéré que l’Église catholique dans laquelle il avait grandi n'était pas guidée par l'Esprit-Saint. Par conséquent, son baptême n'était pas valide. Lorsqu'il est devenu orthodoxe, au Mont-Athos, il a donc demandé à être rebaptisé.
Mais malgré cette application stricte des règles de l’Église, je l'ai toujours vu prendre le temps d'expliquer aux non-orthodoxes pourquoi il ne pouvait pas leur donner la communion. Il faisait attention à ne blesser personne. Il s'appliquait à lui-même beaucoup plus qu'il ne demandait aux autres, rendant ses prises de position d'autant plus légitimes qu'elles étaient marquées par l'exemple qu'il donnait.
Il était également logique avec lui-même, ne donnant aucun sacrement à un non-orthodoxe. C'est ainsi que les quelques mariages que j'ai vus dans son monastère n'ont toujours uni que deux personnes orthodoxes.
Autant la position de monseigneur Mélétios que celle du père Placide sont légitimes, car cohérentes et faisant passer le bien des personnes avant l'application bornée de règles.
A l'inverse, nous assistons à Lyon depuis deux ans à une attitude très ambiguë du père Nicolas Kakavelakis. Allant à l'encontre des règles voulues par les évêques de France depuis des décennies, il s'est mis à refuser systématiquement la communion aux catholiques, même au sein des couples, et aux enfants de ces couples.
Nous aurions pu penser qu'il appliquait la vision du père Placide, mais c'était faux. En effet, le père Nicolas continue à marier des non-orthodoxes, donnant certains sacrements aux catholiques ou aux protestants, et pas d'autres. Le mariage est-il un sacrement moins important qui peut être donné à n'importe qui ? Si c'est le cas, ça me rassure qu'il ne soit pas important, vu que je ne suis pas marié... Ou bien le mariage, source de revenus substantiels depuis que l'évêque fait payer ce sacrement, dispose-t-il d'une justification économique particulière pour être dispensé abondamment à n'importe qui ?
Si le père Nicolas reconnaît le baptême des catholiques (il ne rebaptise pas ceux qui veulent devenir orthodoxes), et s'il leur dispense le sacrement du mariage, au nom de quoi devrait-il leur refuser la communion ?
L'autre point qui distingue le père Placide du père Nicolas est l'attention portée aux personnes. Le père Nicolas n'a jamais fait attention aux habitudes prises par les couples, à l'équilibre, stable ou non, qui s'était créé au sein des familles pour que chacun vive sa foi, suivant sa tradition et son éducation. Il n'a pas fait attention aux enfants et à tous les tiraillements qui peuvent naître lorsque l'on voit ses parents appartenir à des Églises différentes. Il s'est contenté d'appliquer aux autres des règles qu'il ne s'applique pas à lui-même, au gré de ses intérêts financiers, lui qui n'est pas forcément le mieux placé pour dire aux autres ce qu'il faut faire.
Monseigneur Emmanuel, fidèle à son habitude, cautionne tout ça par son silence, contredisant de fait les décisions de ses prédécesseurs.
Monseigneur Mélétios était très ferme sur les règles de l’Église dans ses relations avec les instances catholiques et plein de compassion pour ses fidèles. Monseigneur Emmanuel, lui, fait l'inverse. Il est d'un laxisme redoutable dans ses relations officielles, et intransigeant avec ses fidèles : il embrasse la main du pape de Rome, lui reconnaissant ainsi une autorité sur lui, tout en rejetant les fidèles catholiques dont certains sont membres de la communauté depuis 50 ans.
Stelios K. est élu du comité de la communauté depuis 1972. Il est le doyen des élus. Il a donc été particulièrement sensible aux doléances des couples qui lui ont expliqué qu'ils ne comprenaient pas l'attitude du père Nicolas qui venait créer des divisions dans leur couple. Il a tenu à écrire à l'évêque pour lui soumettre ces interrogations. Son courrier est arrivé le 27 décembre 2013. A ce jour, l'évêque n'a pas répondu.
Je me vois obligé de réagir. Vous faites erreur car le fait de ne pas baptiser un catholique devenant orthodoxe ne signifie pas qu'on reconnaît son baptême antérieur mais que la chrismation suffit à régulariser son baptême antérieur. Concernant le mariage, aucun canon orthodoxe n'autorise les mariages mixtes.
RépondreSupprimerJe maintiens que ne pas rebaptiser une personne venant d'une autre confession chrétienne est une reconnaissance de son baptême, même s'il est vrai que l’Église considère que la chrismation régularise ce qui n'était pas abouti. L'entrée dans l'orthodoxie par la chrismation est une forme d'économie. Je réponds en plusieurs commentaire, à cause de la longueur du texte.
RépondreSupprimerLes éléments ci-dessous sont issus d’une conférence du père Vlaicu Patriciu, professeur du Centre Orthodoxe d’Étude et de Recherche Dumitru Stàniloae, que l’on peut écouter en suivant ce lien : http://www.apostolia.tv/1149/2013-02-26-centre-dumitru-staniloae-patriciu-vlaicu-aspects-canoniques-concernant-laccueil-des-baptises-non-orthodoxes-audio/
L’attitude de philanthropie pour ceux qui veulent intégrer l'église a reçu le nom d'économie sacramentelle. Il s’agit d’une forme de condescendance et de manifestation de la miséricorde divine par des actes responsables. C’est cette attitude qui est ici désignée par le terme économie.
La question de la réception des hérétiques et des schismatiques est très ancienne dans l’Eglise. Au IIIème siècle, elle oppose Cyprien de Carthage, les évêques d’Afrique, Firmilien et les siens, à Etienne, évêque de Rome.
Cyprien et une grande majorité du monde chrétien de l’époque rejettent totalement le baptême des hérétiques pour 3 raisons :
- le baptême est un, conformément à l'épître aux éphésiens 4, 5 ;
- nul ne peut donner ce qu'il ne détient, donc les hérétiques et les schismatiques ne peuvent pas baptiser ;
- les hérétiques ne possèdent pas l'Esprit Saint, donc ceux qui ont été baptisés par eux ne peuvent pas être considérés comme baptisés.
Etienne, évêque de Rome, n’est pas d'accord avec Cyprien. Il se montrait indulgent et reconnaissait la validité du baptême extra ecclésial. En ces termes indirects conservés dans la lettre 74 il dit : Si donc les hérétiques viennent à nous, de quelque secte que ce soit, que l'on innove pas, mais que l'on suive seulement la tradition en leurs imposant les mains pour les recevoir à la pénitence, d'autant que les hérétiques eux-mêmes, d'une secte à l'autre, ne baptisent pas suivant leur rite particulier ceux qui viennent à eux, mais les admettent simplement à leur communion.
Étienne critique ceux qui veulent baptiser les hérétiques en les accusant d'innovation. Il semble qu'il y avait déjà une tradition d'accueil de ceux qui n'étaient pas baptisés dans l'Église par condescendance, par miséricorde, sans imposer un nouveau baptême.
De leur côté, Cyprien et Firmilien connaissent cette tradition d'accueil de l’Église, mais en contestent son caractère obligatoire.
Les 2 traditions revendiquent une origine apostolique.
Dans les années 220, à l'époque d'Agripinus, puis au synode d'Iconium, et de Sinade, autour de 230-235, ces problèmes arrivent à un état assez avancé. Au IIIème siècle, il y a d'autres Pères de l’Église, comme Tertullien ou Clément d'Alexandrie, qui eux aussi semblent nier le baptême des hérétiques. Les canons 46 et 47 dit des apôtres, écrits ou au moins compilés au IVème siècle, mais qui viennent d'une tradition plus ancienne, expliquent comment ils reçoivent cette tradition et l’exigence que ceux qui sont baptisés par les hérétiques ne soient pas reçus dans l’Église sans le vrai baptême :
46. Des clercs qui acceptent le baptême des hérétiques.
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui a reconnu le baptême ou le sacrifice des hérétiques, nous ordonnons qu'il soit déposé : "quel accord peut-il en effet exister entre le Christ et Béliar, et quelle part peut avoir l'infidèle avec le fidèle ?"
47. Des évêques ou des prêtres qui rebaptisent.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre baptise à nouveau celui qui a reçu le vrai baptême, ou bien ne rebaptise pas celui qui a reçu le baptême souillé des hérétiques, qu'il soit déposé, parce qu'il se rit de la croix et de la mort du seigneur et ne distingue pas les prêtres des faux-prêtres.
Une autre pratique courante était de recevoir ceux qui avaient été baptisés par l'imposition des mains, et rebaptiser ceux qui n'avaient pas été baptisés au nom de la Sainte Trinité.
RépondreSupprimerCette division va continuer jusqu'au concile de Nicée, en 325, qui abordera cette problématique de l'accueil des hérétiques et des schismatiques, canon 8, les cathares (nom utilisé pour les hérétiques) sont reçus par l'imposition des mains, mais sont réintégrés dans leur état :
8. De ceux qui se disent cathares.
Au sujet des clercs de ceux qui s'appellent eux-mêmes les cathares le grand concile décide, si jamais ils veulent entrer en groupe dans l’Église catholique et apostolique, qu'on leur impose les mains, et qu'ils restent ensuite dans le clergé ; mais avant tout ils promettront par écrit de se soumettre aux règles disciplinaires de l’Église catholique et apostolique, et d'y conformer leur conduite, c'est à dire qu'ils devront communier avec ceux qui se sont mariés en secondes noces et avec ceux qui ont failli pendant la persécution, mais font pénitence de leurs fautes ; pour lesquels on a justement établi un temps d'épreuve et on en a fixé la modalité, afin qu'ils puissent être admis à toutes les pratiques de l’Église catholique et apostolique. Par conséquent, lorsque dans les villages et dans les villes il ne se trouve que des clercs de leur parti, ceux-ci gardèrent leur rang ; mais si un prêtre ou un évêque catholique se trouvait là pour recevoir l'un ou l'autre d'entre eux, il est évident que l'évêque de l’Église catholique conservera la dignité épiscopale, tandis que celui qui a été décoré du titre d'évêque par les cathares n'aura droit qu'aux honneurs réservés aux prêtres, à moins que l'évêque ne trouve bon de le laisser jouir de l'honneur du titre; s'il ne le veut pas, qu'il lui donne une place de chorévêque ou de prêtre, afin qu'il paraisse faire réellement partie du clergé, sans qu'il y ait deux évêques dans une ville.
Le même concile parle de l'obligation de rebaptiser les paulianistes (qui suivaient Paul de Samosate). L’Église distingue donc entre les hérésies. Le synode d'Arles souligne l'importance de la doctrine. Le fait d'avoir été baptisé au nom de la Trinité est considéré comme un motif juste de pouvoir accueillir une personne dans l’Église orthodoxe.
Après le premier concile œcuménique apparaît l'hérésie d'Arius. Se pose alors la question de savoir comment réintégrer dans l'Église orthodoxe ceux qui viennent de cette hérésie. Athanase d'Alexandrie dénie la validité du baptême conféré sans la foi trinitaire correcte. Il la refuse aux manichéens, au paulianistes, et spécialement aux ariens : les ariens risquent aussi de ne pas avoir la plénitude du sacrement, je veux dire le baptême. Si la sainteté est donnée au nom du Père, et du Fils, et s'ils ne prononcent pas le nom du vrai Père parce qu'ils nient que le Fils soit de lui et semblable à sa substance, S'ils nient le vrai Fils, et nomment un autre qui soit façonné, créé du néant, comment leur don n'est-il pas complètement vide et sans subtilité ?
Athanase montre qu'on ne peut pas baptiser au nom du Christ si l'on n'a pas une foi juste, orthodoxe, concernant la nature du Christ. Il l'écrit entre 335 et 362 dans une lettre à Sérapion de Thmuis. Il estime un jugement identique à l'égard du baptême des tropikoï qui, tout en admettant la divinité du Fils, traitent l'Esprit-Saint de créature, d'ange.
On sent une évolution, vers la fin du IVème siècle, que ce qui n'est pas pleinement reçu peut être accompli par la grâce de Dieu et par une manière d'accueillir dans l’Église une chose qui n'est pas accomplie pour l'accomplir. Ce problème évolue et est exprimé d'une manière plus claire par Basile de Césarée. Basile montre que dans l’Église il y a le vrai baptême, mais que ceux qui ne sont pas dans l'Église peuvent être intégré dans plusieurs situations, dans plusieurs états : ceux qui sont dans l'hérésie, ceux qui sont dans le schisme, et ceux qui sont dans les assemblées illégitimes.
RépondreSupprimerCeux qui sont dans l'hérésie peuvent être reçus dans l'Église par le baptême, mais Basile montre qu'il y avait une autre tradition qui reconnaissait et qui accomplissait le baptême par des gestes sacramentels ou par l'imposition des mains, comme avec le saint myron. Ceux qui sont séparés de l'église dans un schisme, doivent être accueillis avec plus d'indulgence car ils sont dans la vraie foi, mais sont coupés du corps du Christ. L’Église doit avoir le souci de les intégrer et être attentif à leur désir. Quant à ceux qui font partie d'assemblées illégitimes, ceux qui sont interdits à l'office, interdits à l'exercice des fonctions ecclésiales pour des raisons de discipline, s'ils officient quand même et donnent le baptême, leur baptême n'est pas un baptême plénier, mais il peut être accueilli dans l’Église par l'économie.
Basile défend son point de vue propre et une coutume ancienne. Celle de rebaptiser les schismatiques. Il trouve logique de mettre par décision collégiale un nouveau canon qui peut introduire l'économie. Leurs écrits arrivent à influencer l’Église, surtout à un moment où les hérésies doivent s'éteindre.
Le canon 7 du second concile œcuménique (Constantinople, en 381), quelques années après saint Basile le Grand, fait la distinction entre les diverses hérésies :
7. De ceux qui reviennent à la vraie foi, comment les recevoir.
Ceux qui passent de l'hérésie à l'Orthodoxie et à l'héritage des élus, doivent être reçus de la manière suivante. Les ariens et les macédoniens, les sabbaziens et les novatiens qui se qualifient de pures, et les aristeroi, de même que les tétradites et les apollinaristes, ne doivent être admis qu'après avoir anathématisé par écrit toutes les hérésies qui ne s'accordent pas avec la sainte, catholique et apostolique Église de Dieu, et aussi après avoir été marqués ou oints du saint chrême en forme de croix au front, aux yeux, au nez, à la bouche et aux oreilles ; et en les marquant du signe de la croix nous disons : Sceau du don du Saint-Esprit. Quant aux eunomiens qui ne baptisent qu'avec une seule immersion, et aux montanistes que l'on appelle ici phrygiens, et aux sabelliens qui enseignent la doctrine du Fils-égale-Père et commettent d'autres choses abominables, et enfin, pour les autres hérétiques, (et il en existe ici un grand nombre, surtout ceux qui viennent de la Galatie), s'ils veulent passer à l'orthodoxie, nous ne les recevons que comme des païens : le premier jour nous les marquons du signe du chrétien, le second jour nous en faisons des catéchumènes, le troisième jour nous les exorcisons en leur soufflant trois fois sur le visage et sur les oreilles, et nous les instruisons alors et les laissons venir à l’Église pendant un an à entendre les saintes écritures, après cela nous les baptisons.
On peut dire que ce canon était une loi pour l'Empire, à l'époque de ce concile. Mais on voit que le synode In Trullo (691) accueille cette loi par le consensus de l’Église. Il répète à la lettre les précisions de ce canon 7 dans son canon 95.
A certaines époques, l'Église a décidé de rebaptiser les hérétiques, et même les schismatiques. Mais quand elle a fait cela, elle l'a fait pour ne pas créer de confusion. Donc l'Église déroge de la loi par la rigueur, l'acrivie. Donc, cette fois-ci, l'économie se manifeste non pas par l'indulgence, mais par la rigueur, une rigueur plus grande que la loi. L'économie n'est donc pas seulement une dérogation indulgente à la loi.
RépondreSupprimerC'est sur ces règles que l'accueil dans l'orthodoxie se déroule encore aujourd'hui. Et celui qui adapte les règles dans l'église locale qu'il représente, c'est l'évêque.
Si monseigneur Emmanuel, Métropolite de France, est légitime pour accepter dans l’orthodoxie les autres chrétiens par la simple chrismation, au nom de l’économie et des règles antiques, il ne l’est plus pour marier des non-orthodoxes à qui il refusera ensuite la communion. En faisant cela, il manie l’indulgence et la rigueur, le bâton et la carotte, sans logique et sans se soucier de l’évolution spirituelle des personnes dont il a la charge.
Je maintiens ma position précédente. Si on admet que l'église reconnaît les baptêmes hors de son sein, alors il y a contradiction avec le canon des apôtres que vous citez fort justement:
RépondreSupprimer46. Des clercs qui acceptent le baptême des hérétiques.
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui a reconnu le baptême ou le sacrifice des hérétiques, nous ordonnons qu'il soit déposé : "quel accord peut-il en effet exister entre le Christ et Béliar, et quelle part peut avoir l'infidèle avec le fidèle ?"
L'explication est que l'église ne reconnaît pas les mystères hors de son sein mais peut user de l'économie lors de la réception. A savoir ne pas procéder à un baptême, ce qui ne signifie pas reconnaître le baptême précédent et considérer qu'il était porteur de grâce. En effet, de façon générale, il faut fuir les bénédictions des hérétiques qui sont surtout des malédictions. L'usage de l'économie n'est d'ailleurs possible que si le baptême précédent a eu une forme correcte, ce qui n'est pas le cas du baptême catholique qui n'est pas un baptême à proprement parler, car baptiser veut dire immerger et le baptême catholique est une infusion triple.
Cette thèse (explication sur ce qu'est l'économie et application au baptême catholique) est notamment bien développée et explicitée dans le livre du Père Georges Métallinos, "Je confesse un seul baptême", Ομολογώ εν Βάπτισμα (Athènes, 1983), publiée en Grèce. Elle est aussi partagée par le Métropolite Hiérotheos (Vlachos) de Naupacte et d'autres. Elle est entièrement logique et se tient. C'est la position de l'Eglise de Grèce d'ailleurs. En revanche, la position des oecuménistes est-elle, intenable d'un point de vue logique (en plus d'être fausse).
Pour la défense du Métropolite Emmanuel, je dirais qu'un non-orthodoxe ne devient nullement orthodoxe par le mariage à un orthodoxe (sans compter le fait qu'un orthodoxe ne devrait jamais épouser un non-orthodoxe); il n'a donc aucun droit à communier dans l'église orthodoxe du fait de son mariage, mais peut le faire dans sa propre église. D'ailleurs ce non-orthodoxe suit-il les dispositions orthodoxes? Pour communier dans l'église orthodoxe, il faut jeûner mercredi et vendredi a minima, voire trois jours avant la communion, être à jeûn le jour de sa communion (le jeûne supposant aussi une abstinence pour les couples mariés), se confesser avec une certaine régularité etc.
Que les évêques précédents aient été laxistes par faiblesse humaine confondues avec l'amour ne justifie pas que le laxisme perdure!
Cela dit, les couples devraient se poser ce genre de question qui concernent la foi avant de se marier, car le but du mariage orthodoxe n'est pas simplement romantique mais de trouver le salut, la famille étant une petite église... Or, comment être une petite église si l'on ne partage pas la même foi? Les prêtres devraient également le rappeler pendant les préparations au mariage. Tout ceci est donc le fruit du laxisme engendré par l'oecuménisme qui a banalisé les mariages mixtes, pourtant strictement interdits par les canons, et entretenu la confusion sur les frontières entre orthodoxie et hétérodoxie.
Votre dernier message évoque plusieurs points différents et il risque de ne pas être facile de synthétiser une réponse. Il me semble donc utile de remettre les choses dans leur contexte.
SupprimerL’œcuménisme (mouvement visant à rassembler les Églises chrétiennes en une seule) peut être une bonne chose si les autorités qui nous représentent ne sont pas prêtes à transiger sur notre foi et la doctrine de l’Église. Ce qui est négatif dans ce mouvement, c'est la confusion qu'il entraîne lorsque des évêques ou des prêtres agissent hors des règles qu'ils représentent. La confusion est de nature à perturber de nombreuses personnes qui sont précisément celles que les responsables religieux doivent s'attacher à protéger. Elle est également un obstacle sur le chemin de la vérité qui conduit à la vie suivant cette parole : Je suis la Vérité, le Chemin et la Vie. C'est ainsi qu'un évêque orthodoxe qui va rencontrer le pape n'est pas un problème, mais que ce même évêque lui embrasse la main, se soumettant ostensiblement à lui, n'est pas acceptable. De la même façon, un prêtre qui participe à une réunion avec d'autres confessions ne pose pas de problèmes particuliers, mais ce même prêtre qui célèbre un office regroupant plusieurs confessions chrétiennes avec une étole n'est pas acceptable. Si un évêque dit que les catholiques n'ont pas leur place dans notre communauté, et si ce même évêque vient habillé avec le col romain, qui caractérise le clergé catholique, et s'il demande à son prêtre de s'habiller ainsi pour le représenter, alors cet habit devient source de confusion et ne correspond plus à son discours officiel.
Être évêque n'est pas une tâche facile. Si celui-ci a conscience d'être une icône du Christ, il ne doit avoir qu'une seule préoccupation : pouvoir dire, au soir de sa vie : Père, aucun de ceux que tu m'as confiés ne s'est perdu. S'il ne peut pas dire cela, il aura vécu pour rien (au moins du point de vue spirituel). Je ne suis pas dans ce rôle, aussi n'ai-je pas l'intention de dire ce que tel ou tel évêque devrait faire. Je me suis retrouvé à écrire ce blog quand le métropolite Emmanuel a refusé de rendre justice à la jeune fille dont j'ai parlé dans les premiers messages. Mais lorsque les problèmes seront réglés, il sera dans l'ordre des choses que ce blog s'arrête. Mon rôle n'est que de témoigner de ce que je vois et d'apporter des éléments de réflexion.
Il y a une chose que l'on ne doit jamais perdre de vue : aucun canon et aucun Père de l’Église n'est au-dessus de l’Évangile. Nous croyons que le Christ est Dieu, et que sa Parole est la Parole de vie créatrice qui a fait sortir les choses du non-être à l'être. En cas de doute, l’Évangile doit donc toujours servir de refuge et de repère.
Les canons des apôtres n'ont pas été écrits par les apôtres. Aucun des écrits des apôtres qui nous sont parvenus n'est rédigé dans ces termes-là. Pour autant, ces canons ont été reçus par l’Église et servent de référence. Ces canons sont en contradiction avec d'autres canons des deux premiers conciles œcuméniques. Le père Vlaicu Patriciu, dont j'ai utilisé la conférence dans le commentaire précédent, montre bien l'évolution au sein de l’Église. Les plus grands Pères de l’Église n'ont pas toujours été d'accord entre eux. Les écrits de Basile le Grand, par exemple, ne sont pas compatibles avec le canon 7 du second concile. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que des canons décidés et rédigés à diverses époques soient contradictoires, ce qui est le cas en l’occurrence entre ce canon du second concile et le canon des apôtres.
Se pose alors, légitimement, la question de savoir lequel des canons suivre, puisqu'ils ordonnent des choses opposées (rebaptiser, ou simplement chrismer ceux dont on reconnaît le baptême, bien que non abouti).
C'est là que l’Évangile doit servir de guide. Le Christ a dit : La loi a été faite pour l'homme, et non l'homme pour la loi. Toutes ces règles doivent nous aider à progresser vers Dieu. Si elles deviennent un frein, alors il faut savoir s'en affranchir. Non par laxisme, mais pour ne pas perdre le but premier qui est le salut de l'âme. Les pharisiens de l'époque du Christ convertissaient au judaïsme des prosélytes à qui ils apprenaient à respecter toutes les règles de la Loi. Pourtant, le Christ a dit d'eux : Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, car vous parcourez le monde pour faire un prosélyte et quand vous l'avez trouvé, vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous.
SupprimerLe Christ dit qu'il n'est pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir. Pourtant, lorsqu'on regarde ce qui reste de la Loi de Moïse après le passage du Christ, la réponse est : les deux premiers des dix commandements. Tout le reste découle de ces deux commandements. Il n'y a plus de circoncision, plus de sabbat, plus de lieu unique pour adorer Dieu, plus de loi du talion... seulement de l'amour qui sort du cœur et qui se tourne vers Dieu, vers les hommes, et vers toute la création, comme le dit saint Silouane. C'est dans cet amour que se trouve l'accomplissement ultime de la Loi.
La chrismation n'est pas le baptême. Et on ne peut chrismer qu'une personne baptisée. Les canons ont précisé certaines règles pour reconnaître le baptême, notamment qu'il ait été fait au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Mais la chrismation d'un non-orthodoxe n'est rien d'autre qu'une forme d'économie sacramentelle. Sur ce thème, nous avons vu que les règles ont perpétuellement évolué d'une époque à l'autre, d'une hérésie à l'autre, d'un pays à l'autre. Les besoins pastoraux des fidèles de l’Église de Grèce aujourd'hui ne sont pas les besoins pastoraux de l’Église de France. Indépendamment de toute idée d’œcuménisme, il est logique de considérer qu'un évêque doit veiller sur ses brebis et adapter les règles, dans le respect de certaines limites. En effet, l'évêque n'est pas là pour remplacer par de nouvelles les règles que le Christ a abolies, mais pour protéger le peuple qui lui a été confié. Le prochain message de mon blog parlera de ce thème par l'exemple de l'archevêque de Jérusalem qui était à Lyon dimanche dernier. Tous les pères spirituels adaptent les règles pour les besoins de ceux qui viennent se confier à eux et cela est légitime.
Si monseigneur Emmanuel estime qu'il doit aller vers plus de rigueur dans l'application des règles de l’Église, c'est son droit. C'est même son rôle d'évêque de servir de guide à ses fidèles et de leur montrer la voie qui est la meilleure pour eux. Mais s'il fait de la rigueur sur l'intercommunion, tout en étant particulièrement laxiste sur le mariage ou les manifestations œcuméniques, alors son action entraîne de la confusion. Et nous avons vu plus haut que la confusion est un obstacle sur le chemin de la vérité qui conduit à la vie. De plus, même s'il décide d'aller vers plus de rigueur, il ne peut pas le faire sans se donner les moyens que son message soit compris par ses fidèles afin qu'il puisse porter des fruits. Car ce qu'il fait est destiné à faire progresser ses fidèles vers Dieu, et non à les en éloigner.
Quand à traiter ses prédécesseurs de laxistes, c'est un raccourci non étayé sur lequel je ne m'aventurerai pas. Même si, étant plus jeune, je pensais que certaines règles devaient être observées plus strictement, je sais aujourd'hui que l'on reconnaît un arbre à ses fruits. Les prédécesseurs de monseigneur Emmanuel ont pris les décisions pastorales qui ont fait que l'église de Lyon a toujours été pleine et vivante. Aujourd'hui, les décisions de monseigneur Emmanuel ont vidé cette même église. Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, et un mauvais arbre ne peut pas porter de bons fruits. Les fruits portés par les prédécesseurs de monseigneur Emmanuel montrent que ces arbres étaient bons. Je ne crois pas qu'ils visaient à faire des concessions de doctrine, mais plutôt à trouver un équilibre pour qu'aucun de ceux qui leur avaient été confiés ne se perde, et qu'ils puissent moissonner là où ils n'avaient pas semés.
SupprimerLa question du mariage est différente de celle du baptême. Le Christ a envoyé ses apôtres baptiser toutes les nations. Il ne les a pas envoyés pour les marier. Est-ce à dire que le mariage dispensé par l’Église n'est pas légitime ? Bien sûr que non. Mais le mariage, comme l'absolution ou l'extrême onction... fait partie des outils que l’Église a mis en place pour aider l'homme dans son cheminement vers Dieu. L’Évangile de Jean est celui qui définit le mieux la vision sacramentelle de l’Église, notamment par les miracles qui y sont relatés.
Cependant, dire que le mariage ne peut unir que des orthodoxes est faux. Lors des premiers siècles du christianisme, rares étaient les couples qui se convertissaient en même temps. Saint Paul lui-même dit : Si un frère a une femme non croyante, et qu'elle consent à vivre avec lui, qu'il ne la répudie pas. Et si une femme a un mari non croyant et qu'il consent à vivre avec elle, qu'elle ne le répudie pas. Car le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari. S'il en était autrement, vos enfants seraient impurs, alors qu'ils sont saints (ICor. 7, 12-14). Les premiers convertis n'étaient pas mariés à l'église, et pourtant ils ne vivaient pas dans l'adultère. L’Église considérait la femme qui s'était convertie sans son mari comme étant mariée, bien que n'étant même pas passée voir l'évêque pour recevoir une bénédiction sur son couple. Aujourd'hui encore, il y a de très nombreux cas où une personne va garder sa conversion secrète, même aux yeux de son compagnon, car cette personne risque sa vie si sa conversion est découverte. Si le mariage existe indépendamment du sacrement, c'est dans le sacrement qu'il trouve son accomplissement. Là encore, comme pour le baptême, il y a deux visions qui s'affrontent : on ne peut unir par le sacrement que ceux qui sont orthodoxes, ou on peut unir ceux dont on reconnaît le baptême tel que les deux premiers conciles le définissent. Encore une fois, je ne suis pas là pour dire quelle est la meilleure solution. Je prends acte de l'existence de ces deux visions et je pense qu'il s'agit de la responsabilité pastorale de l'évêque de mettre en application telle ou telle dans son diocèse.
Que l'amour soit partagé ou non n'est pas une condition pour son existence. Dieu aime tous les hommes. Certains le lui rendent et d'autres non. Mais même s'il n'est pas rendu, il est. Pourtant, même lorsque l'amour existe, il ne trouve son accomplissement que dans la réciprocité. C'est ainsi que le père du fils prodigue aime son fils, mais son tourment le quitte seulement le jour où son fils revient.
De la même façon, dans un couple, on peut vivre des choses plus belles quand on partage les mêmes convictions. Mais partager les mêmes convictions n'est pas une condition pour que l'amour existe ou non. Lorsque Jacob a épousé Rachel, il croyait au Dieu unique. Mais Rachel, elle, lorsqu'elle est partie de chez Laban, a pris les idoles avec elle. L'histoire ne dit pas ce qu'elle comptait en faire.
SupprimerLa communion est encore un sujet différent car le Christ dit : prenez et mangez-en tous. Il y a eu de grosses controverses pour essayer de savoir si Judas, qui allait le trahir, avait également communié des mains du Christ. Le commandement est dans cette parole du Christ : prenez et mangez-en tous. Les règles que vous décrivez comme le jeûne ou l'abstinence sont fixées par les pères spirituels ou les évêques comme des règles pastorales destinées à faire prendre conscience au fidèle de l'importance du moment qu'il vit.
Père Païssios racontait l'histoire d'un médecin vivant aux Etats-Unis et qui était venu le trouver pour lui parler de son histoire (racontée ici : http://orthodoxologie.blogspot.fr/2011/09/staretz-paissios-lathonite-la-lumiere.html ) Père Païssios s'étonnait que cet homme qui ne pratiquait même pas le jeûne du vendredi ait été jugé digne de voir la lumière incréée, alors que sur les nombreux moines de la sainte montagne, pratiquant une ascèse continue pour se purifier et s'approcher de Dieu, très rares étaient ceux qui en avaient été jugé dignes. Il y a des commandements qui nous viennent du Christ, il y a des règles fixées par les conciles pour servir de guide et de repère dans la confusion du monde, il y a aussi des traditions et des coutumes. Le jeûne du mercredi et du vendredi pour pouvoir communier est une coutume. Il n'est fixé par aucun canon et, s'il l'était, serait en opposition avec la parole du Christ : ce n'est pas ce qui entre dans l'homme qui le souille, mais ce qui en sort. Le jeûne est utile puisqu'il y a des démons que l'on ne peut chasser que par le jeûne et la prière, mais il n'est pas une cause d'éloignement de la communion. Il s'agit là de la relation personnelle des hommes et de leurs pères spirituels. Les pères spirituels sont des hommes de sagesse et de vertu dans lesquels nous avons confiance. Il est juste de suivre leurs conseils car les conseils sont donnés pour le bien de celui qui écoute, mais il ne l'est pas de vouloir que tout le monde suive la même voie. Ce serait mettre une limite à l'Esprit-Saint qui guide chacun vers le salut, et l'Esprit n'a aucune limite. Je ne suis ni évêque ni père spirituel, aussi je ne dirai à personne que sa préparation est bonne ou mauvaise. Je prends simplement acte de ce qui m'a été dit au Mont Athos ou ailleurs, car il est d'usage, dans les monastères, de considérer comme un signe d'illusion spirituelle le fait de placer des règles humaines au-dessus du message du Christ.
Il est important de comprendre que l'évêque ne doit avoir que le seul souci du salut de ses fidèles à l'esprit. C'est même l'une des grandes différences entre les orthodoxes et les catholiques. Pour les catholiques, la règle fixée par le pape s'applique à tous, et celui qui ne suit pas cette règle est exclu de l’Église. Pour les orthodoxes, les règles sont des guides que les Pères ont fixées pour aider les hommes à aller vers Dieu. Mais l'évêque ou le père spirituel ont beaucoup de latitude pour adapter ces règles en fonction de l'évolution spirituelle de chacun, dans la continuité du message du Christ. J'ai toujours entendu le père Placide Deseille insister sur l'importance de l'économie dans l'histoire du salut des hommes. Mais les adapter ne veux pas dire les trahir, et c'est pourquoi l'évêque doit être un exemple en tout dans sa propre vie, car s'il ne l'est plus, c'est alors que l'économie sacramentelle devient laxisme.
Je dois sur le champs vous corriger. Le jeûne des mercredi et vendredi est bel et bien évoqué dans les canons: son non respect doit provoquer la déposition du prêtre et l'excommunication du laïc.
RépondreSupprimerCanon 69 des Saints Apôtres - De ceux qui ne jeûnent pas pendant le carême.
Si un évêque, un prêtre, un diacre, un sous-diacre, un lecteur ou un préchantre ne jeûne pas le saint carême, ou le vendredi ou le mercredi, qu'il soit déposé, sauf s'il en était empéché par une maladie corporelle.
Canon 15 de Saint Pierre - Du jeûne du mercredi et du vendredi.
On ne saurait nous reprocher d'observer les mercredi et vendredi, jours auxquels la tradition nous prescrit avec raison de jeûner : le mercredi a cause du conseil, tenu par des Juifs en vue de la trahison du Seigneur, le vendredi, à cause de sa passion pour nous. Car, le dimanche nous fêtons un jour de joie à cause de celui qui ressuscita ce jour-là, pendant lequel nous ne plions pas non plus les genoux, selon la tradition reçue.
Ceci est confirmé par Saint Nicodème l'Athonite, grand canoniste s'il en est, dans son Manuel de la Confession.
http://orthodoxie-libre.over-blog.com/article-au-sujet-du-jeune-de-mercredi-et-de-vendredi-116885945.html
Je pense aussi que plus largement, les traditions ne se retrouvent pas toutes dans les canons qui n'ont traité que des points posant problème à l'époque ou devant faire l'objet d'un rappel.
Concernant la question du baptême hors de l'église, je maintiens mon affirmation sur la non contradiction et renvoie à nouveau au livre évoqué du Père Georges Métallinos, disponible gratuitement en anglais ici.
http://www.oodegr.com/english/biblia/baptisma1/perieh.htm
Pour ce qui est de la communion des non orthodoxes, et du cas de votre église, que ne je connais pas, les fruits d'une église ne se mesurent pas uniquement au nombre de fidèles. Il faut parfois se méfier d'une démarche un rien activiste qui privilégie la quantité au dépens de la qualité, choisissant un certain laxisme (qui peut être liturgique, moral etc) simplement pour remplir l'église.
Concernant le mariage mixte, les premiers chrétiens étaient en général des convertis, déjà mariés au moment de leur conversion et de ce fait pouvant conserver leur époux même non chrétien. Mais la phrase de Saint Paul que vous citez à ce sujet ne s'applique pas aux célibataires comme l'interprète Saint Jean Chrysostome. C'est aussi l'interprétation qu'en a fait le concile In Trullo.
Canon 72. Qu'un homme orthodoxe ne doit pas épouser une femme hérétique.
« Qu'il ne soit pas permis a un homme orthodoxe de s'unir à une femme hérétique, ni à une femme orthodoxe d'épouser un homme hérétique et si pareil cas s'est présenté pour n'importe qui, le mariage doit être considéré comme nul et le contrat matrimonial illicite est à casser, car il ne faut pas mélanger ce qui ne se doit pas, ni réunir un loup a une brebis. Si quelqu'un transgresse ce que nous avons décidé, qu'il soit excommunié. Quant à ceux qui étant encore dans l'incrédulité, avant d'être admis an bercail des orthodoxes, s'engagèrent dans un mariage légitime, puis, l'un d'entre eux ayant choisi la part la meilleure vint à la lumière de la vérité, tandis que l'autre fut retenu dans les liens de l'erreur sans vouloir contempler les rayons de la lumière divine, si l'épouse incroyante veut bien cohabiter avec le mari croyant, ou vice versa le croyant avec la non-croyante, qu'ils ne se séparent pas, car selon le divin apôtre, «le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari ».
Un vieux blog a évoqué cette question ici: http://orthodoxie-libre.over-blog.com/article-1263024.html
Le canon 69 des apôtres que vous citez s'adresse aux membres du clergé, qui ont une fonction et doivent donner l'exemple. La position de l’Église est toujours que les plus forts montrent l'exemple et aident les plus faibles à porter leurs fautes pour avancer sur le chemin qui conduit à Dieu. D'ailleurs, c'est quelque chose que l'on retrouve très souvent. Par exemple, les canons du 7ème concile œcuménique ne font que dicter des règles de comportement pour les clercs. Et si l'on en croit les choses que les Pères croient bon de devoir graver dans les textes, le clergé de l'époque n'avait rien à envie au clergé d'aujourd'hui.
RépondreSupprimerLe canon de saint Pierre ne marque pas d'anathème sur ceux qui ne pratiquent pas le jeûne (qu'elle qu'en soit la raison). Il se contente d'affirmer le principe que le jeûne du vendredi et du mercredi est important. Et c'est vrai.
Mais jamais le jeûne n'a été une cause d'empêchement de communier ou de motif d'éloignement de l’Église. C'est l'exemple du père Païssios que je citais dans le commentaire précédent, et surtout celui du Christ : " Ce n'est pas ce qui entre dans l'homme qui le souille, mais ce qui en sort. " Cette question relève du père spirituel qui a à cœur l'évolution de la personne dont il a la responsabilité.
D'ailleurs, pour compléter cela, il faut remarquer qu'il n'y a pas de jeûne plus important que celui du Vendredi Saint. Pourtant, lors de la liturgie de Pâques, toutes les églises du monde lisent l'homélie de Saint Jean Chrysostome qui exhorte chacun à venir communier, qu'il ait fait tout le carême ou qu'il n'ait pas jeûné. C'est également le sens de la bénédiction des anges aux bergers le jour de la nativité : " Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. " Ils ne disent pas : " Paix sur la terre à ceux qui ont pratiqué tous les commandements. " Mais ils s'adressent bien à ceux qui sont de bonne volonté. Dans " bonne volonté ", il y a par essence la multitude des choses que l'on aurait aimé faire et que l'on n'a pas pu faire.
Nous reprochons aux catholiques d'avoir instauré de nombreuses règles qui ne sont pas dans l’Évangile et d'avoir voulu les imposer à tous, ce qui a abouti au schisme du XIème siècle. Dans ces choses, il y avait bien évidemment le Filioque, mais également le pain azyme, le célibat des prêtres, la primauté du pape... Les orthodoxes ont toujours considéré qu'ils sont unis par la foi dans le message du Christ contenu dans l’Évangile, et non par des règles que tel ou tel voudrait voir appliquer pour asseoir plus facilement son autorité. N’agissons pas comme les catholiques en instaurant des règles qui n'ont pas lieu d'être. Les traditions n'ont pas à se retrouver dans les canons. Ce n'est pas leur place. Ma grand-mère m'a transmis de nombreuses traditions. Elle avait toujours sa porte ouverte et une assiette pour l'inconnu qui viendrait frapper. Elle vivait les choses et les as transmises par son exemple. C'est ainsi que les traditions restent vivantes, non par une série de règles et d'interdits qui viendraient remplacer ceux de l'ancienne alliance abolie par le Christ.
Cela rejoint d'ailleurs la vision qu'a très bien défendue saint Grégoire Palamas. L'intellect voit les choses d'une certaine manière, que l'ont pourrait qualifier de cartésienne. Le cœur voit les choses d'une autre manière, plus proche de la connaissance divine, car le cœur peut connaître l'amour et Dieu est amour. Pour certains Pères, le siège de l'âme est dans le cœur, et non dans l'intellect. Et le but de la prière, que les hésychastes ont poussé à l'extrême, est de faire descendre l'intellect dans le cœur, afin de le transfigurer par sa connaissance. Les récits d'un pèlerin russe décrivent très bien comment, une fois acquise cette connaissance du cœur, nous ne faisons plus les choses pour respecter des règles, mais nous les faisons parce qu'elles sont devenues naturelles.
RépondreSupprimerJ'ai lu les 21 volumes des homélies de saint Jean Chrysostome. Pour être honnête, je ne me rappelle plus de la plupart d'entre elles. Je peux cependant affirmer qu'il avait un sens pastoral très aigu. Son souci premier n'a jamais été d'établir des règles opposables à tous, mais de donner à ses fidèles les meilleures chances de grandir dans leur vie. Autant, à l'époque de saint Paul, il n'y avait presque pas de chrétiens, autant à celle de saint Jean Chrysostome il n'y avait presque plus de païens. Dire qu'il ne fallait pas épouser un hérétique laissait quand même beaucoup de choix à ceux qui voulaient se marier. L'histoire ne dit pas si tous ont suivi ses conseils, ou si certains n'ont pas préféré suivre leur cœur. Elle ne dit pas non plus comment saint Jean Chrysostome s'est comporté avec eux. Mais nous savons quand même qu'il n'a excommunié personne. Donc les règles qu'il a fixées n'étaient pas des anathèmes. Cette distinction entre le premier et le quatrième siècle se retrouve aujourd'hui suivant que l'on se trouve dans tel ou tel pays. C'est ainsi que la situation pour quelqu'un qui voudrait se marier n'est pas la même suivant qu'il soit en Grèce ou en France. C'est ce que les pasteurs qui ont précédé monseigneur Emmanuel avaient compris. Je ne suis pas là pour dire s'ils avaient raison ou pas, mais je considère qu'au regard de la tradition de l’Église et des textes qui sont les nôtres, leur position semblait légitime et qu'elle a porté de bons fruits.
S'il est clair que l'on peut aller plus loin avec un conjoint qui partage nos idéaux, et c'est ce que saint Jean Chrysostome souhaitait pour ses fidèles, j'ai déjà évoqué dans le commentaire précédent le fait que l'amour entre un homme et une femme est à l'image de l'amour entre Dieu et les hommes. Cet amour existe, qu'il soit partagé ou qu'il ne le soit pas. Je crois que, là encore, si quelqu'un a besoin de conseils, il peut voir avec son père spirituel ce qui est le mieux adapté à sa situation. Mais, dans tous les cas, il ne s'agit pas d'une histoire de dogmes ou de canons. Le canon 72 du concile In Trulo que vous citez dit clairement que la phrase de saint Paul est toujours d'actualité. Et dire qu'il ne faut pas réunir le loup et la brebis va clairement à l'encontre des textes saints qui disent que " le loup paîtra avec l'agneau ".
Il faut également relever que ce n'est pas au nom de Pierre, de Paul, ou des pères du concile In Trullo que nous avons été baptisés, mais au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il convient donc de se rapporter à l’Évangile pour savoir comment la question y est abordée. Nous trouvons la réponse dans le passage avec la Samaritaine. Elle avait eu 5 maris, ce qui, à une époque où la femme n'avait pas beaucoup de facilités pour divorcer, semblait assez exceptionnel, et vivait une relation sans être mariée. Elle était Samaritaine, donc hérétique aux yeux des juifs, mariée ou vivant avec d'autres Samaritains, donc tout aussi hérétiques. A aucun moment le Christ ne lui a dit qu'elle devrait abandonner la relation extra-maritale qu'elle entretenait et se marier avec un juif. Il s'est contenté de l'enseigner. C'est d'ailleurs à elle qu'il a été le plus explicite dans la révélation. Alors qu'à ses apôtres il a demandé qui ils pensaient qu'il était, à la Samaritaine, il a clairement dit qu'il était le Messie que les juifs attendaient.
RépondreSupprimerIl est vrai que parler d'église pleine n'est pas une justification suffisante et que l'on ne sait pas ce qui la remplit. Je vais donc être plus précis. L’église de Lyon était pleine de personnes qui sont aujourd'hui des anciens que je connais. Ces anciens ont élevé leurs enfants, qui sont mes amis, dans la foi. Eux-mêmes ont élevé leurs enfants dans la foi. Ils n'étaient pas parfaits, comme je ne le suis pas moi non plus, mais les principes de l’Évangile guidaient leurs vies. Et lorsqu'ils rencontraient une difficulté dans leur vie, ils avaient toujours une porte ouverte : celle du père Athanase, ou celle du métropolite. C'est par les exemples concrets des familles que je connais, par les fruits qu'elles portent, que je peux affirmer que les pasteurs qui ont précédé le métropolite Emmanuel étaient de bons pasteurs. Il n'y avait aucun laxisme. Juste de la compassion et un grand sens pastoral.
Décidément, nous sommes en désaccord sur presque tout! Inutile de continuer... Je continuerai à lire avec intérêt vos chroniques lyonnaises...
RépondreSupprimerPour ma part, je pense que nous sommes d'accord sur presque tout, car je ne remets pas en cause les règles existantes qui ont un sens. Mais, au-delà des règles, je pense que l'évêque ou le père spirituel (pneumatikos) ont une grande liberté pour les adapter aux besoins des personnes dont ils ont la charge, liberté qui leur est donnée par les exemples de l’Évangile. A condition toutefois qu'ils soient eux-mêmes irréprochables dans leur vie pour ne pas créer de confusion.
RépondreSupprimerEffectivement, l'économie demeure possible mais ne peut devenir la règle, ayant à rester exceptionnelle... L'économie n'autorise pas non plus tout et n'importe quoi comme marier des personnes du même sexe, célébrer le mariage d'un prêtre (qui le resterait etc). Ainsi, donner la communion à des non orthodoxes n'est pas de l'économie mais une erreur! La communion est réservée aux orthodoxes. Si des non orthodoxes veulent communier à l'église orthodoxe, qu'ils deviennent formellement orthodoxes.
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