de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

dimanche 26 mai 2013

86- Attentat contre le Patriarche

Le 10 mai dernier, la police turque a annoncé avoir déjoué un attentat visant à assassiner le Patriarche de Constantinople.  L'information a été reprise ici. L'article dit que le plan aurait été découvert grâce à une lettre anonyme envoyée au procureur d'Istanbul. La police vient de rendre publique cette lettre : 



Plaisanterie mise à part, que l'on peut comprendre en ayant lu ce précédent message, il est important de constater que les Turcs n'ont pas la réputation d'avoir sauvé beaucoup de Patriarches. Leur geste est donc d'autant plus méritoire.

Un jour, un responsable d'une institution m'a fait savoir qu'il étudierait le dossier que je souhaitais lui soumettre même si je le lui envoyais de façon anonyme. J'ai décliné sa proposition et lui ai envoyé mon dossier en recommandé AR, après l'avoir signé. L'un des principes du droit est de considérer que tout homme doit pouvoir être confronté à son accusateur pour pouvoir se défendre des accusations portées contre lui. Cela est vrai si j'accuse quelqu'un car je peux me tromper, mais cela l'est également si quelqu'un m'accuse. Ce principe est nié dans les lettres anonymes, c'est pourquoi, personnellement, je n'aime pas ces méthodes. Nicolas Sarkozy souhaitait interdire au Fisc d'engager des procédures contre des contribuables sur la base de dénonciations anonymes. Interdiction qui devait s'étendre aux affaires pénales.

Sans éthique, il serait très facile de manipuler des situations par des lettres anonymes. Un policier pourrait s'écrire à lui-même une lettre anonyme l'informant d'un délit dans un appartement qu'il souhaite perquisitionner. Quelqu'un qui souhaite créer un courant de sympathie envers lui pourrait également s'envoyer à lui-même des menaces pour ensuite se faire plaindre. Ce procédé repousse les limites de l'arbitraire, de la manipulation et de la calomnie, mais nous n'en prenons la mesure que lorsque nous y sommes confrontés. Il convient donc de rester très circonspect à son égard.

samedi 18 mai 2013

85- L'or et le Temple

Le Christ a repris sèchement les pharisiens de son époque. Lorsque ceux-ci juraient sur le Temple de Jérusalem, ils estimaient qu'ils n'étaient pas tenus par leur serment. Mais les mêmes disaient que s'ils juraient sur l'or du Temple, alors ils étaient tenus (Matth. 23, 16). Tout le monde trouve logique, dans la continuité du Christ, de considérer que le Temple, qui rendait l'or sacré, était plus important que l'or lui-même, et que jurer sur le Temple était plus fort que jurer sur son or. Mais penchons-nous sur cette question, pour voir si sa réponse est vraiment évidente pour tout le monde.

Quand j'étais plus jeune, avec l'expérience de la vie monastique que j'avais eue, je trouvais logique de respecter les règles fixées. Parmi ces règles, personne ne devait entrer dans le sanctuaire, sauf pour le service de la liturgie. Le service étant interdit aux femmes, l'accès du sanctuaire ne leur était jamais permis. De la même façon, la fin de la liturgie marquait la fin du jeûne et commencer des agapes sans que l'office ne soit complètement terminé était un manque de respect et un manque de sens des choses.

Pourtant, lorsque le père Nicolas Kakavelakis a commencé à mettre en pratique ces règles, un sentiment de malaise s'est manifesté dans la paroisse.

Tout d'abord, pour revenir à la similitude de la vie monastique, tous les moines ne vont pas à l'office. Il y a ceux qui préparent le repas, ceux qui sont aux champs, ceux qui sont en voyage... L’Église le sait, elle qui prie pour ceux qui sont absents pour une juste raison. Chacun a un rôle, chaque rôle est légitime et, de même que l'Esprit est infini dans ses dons, il est raisonnable de penser que tous n'ont pas à avoir la même place au même moment.

Ainsi, lorsque le père Nicolas a imposé de fermer la porte de la salle paroissiale jusqu'à la fin de la liturgie, des anciens se sont élevés contre cette décision, notamment Stélios. Depuis que la porte de la salle est fermée, il n'y a plus personne qui vient préparer les tables pour le café, ou qui accueille ceux qui veulent chauffer un biberon pour un enfant, ou simplement aller aux toilettes. 

Un autre point me gêne : celui de l'autoritarisme. Le père Nicolas prend des décisions sans consulter le comité qui gère les affaires de la paroisse, dont Stélios est le doyen. Le père Athanase n'avait jamais procédé ainsi, lui qui avait pourtant la légitimité conférée par le respect qui lui était porté. Saint Pierre ne dit-il pas : Faites paître le troupeau qui vous est confié, non par la contrainte, mais de bon gré, selon la volonté de Dieu, non pour un gain sordide, mais par dévouement, non en dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en vous rendant les modèles du troupeau (1Pierre 5, 2-3) ? Qu'est-ce qui peut justifier un tel comportement du père Nicolas ?

J'ai essayé de discuter avec Fani, étudiante de passage qui prépare maintenant le café et qui a la mission de ne plus ouvrir la porte. Deux arguments se dégageaient de ses propos : le père l'avait décidé, et la liturgie n'était pas terminée. Fani est une fille gentille qui n'a pas encore suffisamment d'expérience de la vie et de connaissances pour pouvoir remettre en question des affirmations qui viennent d'un prêtre. Pour autant, je ne comprends pas comment elle peut oser fermer la porte à Stélios qui a construit cette salle de ses mains pour en faire un lieu ouvert à tous et accueillant.

Peut-être est-ce pour couper court à ses hésitations que le père Nicolas vient de mettre un vigile dans le sanctuaire pour empêcher ceux qui voudraient ouvrir la salle de le faire ? La salle peut en effet s'ouvrir de l'extérieur avec une clé, ou de l'intérieur en passant par le sanctuaire de l'église. Mais un tel vigile a-t-il une légitimité dans le sanctuaire ? N'avons-nous pas vu plus haut que les règles de l’Église veulent que seuls ceux qui ont une fonction liturgique peuvent accéder au sanctuaire ? Et le respect de ces règles n'est-il pas l'excuse avancée par le père Nicolas pour fermer la salle ? Que faudrait-il penser de celui qui voudrait imposer aux autres, par la force, des règles qu'il ne s'appliquerait pas à lui-même ?

La violente altercation, dimanche dernier, entre Stélios et Manolis, était caractéristique de ces deux visions du monde qui s'affrontent. L'un voulant que les portes restent ouvertes, et l'autre remplissant le rôle du vigile qui les veut fermées.

Je n'ai pas l'intention de faire ici un procès d'intention à Manolis, aussi je partirai du principe qu'il pense bien faire en voulant que personne n'accède à la salle tant que la liturgie n'est pas terminée. Ceci indépendamment du fait que la fonction de vigile qu'il a accepté n'a rien de liturgique, et que sa place n'est donc pas dans le sanctuaire. Mais mon respect pour les nobles idées qu'il dit défendre s'est arrêté le soir de Pâques. Ce soir-là, la liturgie n'était pas encore commencée que la salle était déjà ouverte. L'alcool coulait à flots au milieu des viandes, alors que le sacrifice liturgique de l'Agneau pascal n'avait pas encore été offert. La fête battait son plein et le bruit de l'argent remplissant la caisse venait couvrir la tiédeur des chants de l'office.

D'un point de vue ecclésiologique, tous les dimanches de toute l'année sont une reprise de la fête de Pâques, et c'est pour cela que le dimanche est un jour chômé qui est toujours un jour festif. De la même façon, toutes les liturgies de toute l'année sont une reprise de la liturgie de Pâques. Pourquoi donc imposer le respect de la liturgie du dimanche, si c'est pour mépriser celle du jour de Pâques, modèle de toutes les liturgies ?

Alors je dirai à Fani, qui pense que Pâques, ce n'est pas pareil, les gens viennent pour faire la fête, pas tous pour aller à l'église : qu'est-ce qui est plus important, l'or, ou le Temple qui rend cet or sacré ? Qu'est-ce qui est plus important, la soirée dansante, ou la liturgie qui donne son sens à cette fête ? Qu'est-ce qui est plus important, la liturgie d'un dimanche ordinaire, ou la liturgie de Pâques qui rend toutes les liturgies de l'année festives ? Qu'est-ce qui est plus important, fermer les portes, ou considérer que le Christ a ouvert toutes les portes, autant celles des enfers que celles du paradis ? Qu'est-ce qui est plus important, la liturgie ou l'hôte de passage pour qui le Christ donne son sang durant la liturgie ? 

Il y a des choses que l'on ne comprend réellement que lorsqu'on les a vécues. Un jour Fani comprendra que si le café du dimanche était vendu et non offert, le père Nicolas ouvrirait la salle dès 6 heures du matin, sur le principe de ce qu'il fait la nuit de Pâques. Elle comprendra que si les règles liturgiques intéressaient le père Nicolas, elle ne pourrait plus passer par le sanctuaire pour aller préparer le café, car elle est une femme. Elle se demandera alors quelles sont les véritables motivations du père Nicolas et comprendra qu'elle n'est qu'un faire-valoir dans une querelle de pouvoir avec les anciens qui ont construit cette communauté de leurs mains. Mais en attendant que Fani comprenne, Stélios a raison de vouloir que toutes les portes restent ouvertes, car c'est notre hospitalité qui fait notre valeur de chrétiens.

samedi 11 mai 2013

84- Bagarre de Pâques

Étant donnée l'importance liturgique de la fête de Pâques, que les orthodoxes du monde entier fêtaient dimanche dernier, j'ai emmené ma famille dans une paroisse où il serait possible de faire abstraction des problèmes de notre communauté, une paroisse où la communion ne serait pas utilisée comme moyen de chantage, et où l'hospitalité de ses membres ne serait pas des paroles creuses. 

Après la communion, un homme est venu me saluer. Il m'a demandé si je le reconnaissais, et qu'il venait à la paroisse grecque de Lyon en 2004-2005. Il m'a remercié pour l'accueil que nous lui avions réservé à ce moment-là. Très honnêtement, je ne me rappelais pas de lui. Ces remerciements ne me reviennent donc pas et je les transmets à mon tour aux membres de la communauté grecque qui ont toujours eu à cœur de garder leur porte ouverte pour accueillir les étrangers que Dieu a mis sur notre route.

Je ne doute pas que ceux qui ferment aujourd'hui nos portes cesseront bientôt d'agir ainsi. Je dédierai donc ce message à l'hospitalité de tous les hommes de bonne volonté sur terre qui, de tous temps, ont su pratiquer l'hospitalité. Dimanche, j'étais dans le rôle de l'étranger qui était heureux de trouver des portes et des cœurs ouverts pour l'accueillir.

L'office de la résurrection débute par les matines et se poursuit avec la liturgie. Les matines commencent dans l'obscurité totale, prolongement de l'office de la mise au tombeau du Vendredi Saint, et symbole des ténèbres qui ont obscurci la terre lorsque le Christ fut crucifié. Puis le prêtre sort du sanctuaire avec, sur la bougie qu'il tient, la seule lumière de l'église. Tous les fidèles vont alors prendre la lumière à la lumière, comme le disent les chants. Cela symbolise la vie qui se répand à tout homme par la vie du Christ ressuscité jaillissant du tombeau.

Puis tout le monde sort, derrière le prêtre, sur le parvis de l'église où est lu l’Évangile, avant que ne soit chanté le chant de la résurrection. L'office se métamorphose alors et passe de lectures psalmodiées en chants entraînants montrant la vie et la joie de la résurrection.

Dans cet office où tout est axé sur la résurrection, il y a une chose surprenante : l'évangile lu sur le parvis de l'église et celui lu lors de la liturgie n'ont rien à voir avec la résurrection. Les textes de la passion et de la résurrection contenus dans l’Évangile sont lus toute la semaine qui précède Pâques et jusqu'aux vêpres du samedi soir. Mais les matines et la liturgie du dimanche de Pâques ne font plus référence à ces textes. L’Évangile qui est lu est celui du prologue de Saint Jean : Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle (Jn. 1).

L’Église a voulu montrer que la vie de la résurrection du Christ jaillie du tombeau et qui se répand sur les hommes n'est rien d'autre que la vie de la Parole créatrice de Dieu qui a jailli du non-être lors des origines du monde. C'est la même Parole qui était auprès de Dieu, et qui était Dieu, qui a donné la vie aux origines et qui la donne à nouveau à l'homme en sortant du tombeau.

Depuis ce moment de la liturgie jusqu'au dimanche de Thomas (dimanche qui suit Pâques), les portes de l'iconostase et son rideau resteront ouverts. Le sanctuaire symbolise la Jérusalem céleste où le prêtre se tient pour célébrer la liturgie et transmettre les dons qui viennent d'En-Haut aux hommes. L'iconostase symbolise la barrière entre le monde que nous connaissons et le monde à venir. Mais, par sa résurrection, le Christ a aboli ce qui nous retenait prisonnier, et nous avons accès à la vie et à la connaissance sans limites et sans barrières.

Pourtant, malgré la fête et la joie qui caractérisent habituellement la fête de Pâques, des événements totalement éloignés de cet esprit se sont produits à l'église grecque de Lyon.

Un groupe d'une cinquantaine de Roumains est venu assister à l'office de Pâques. Pour une raison que nous ne connaissons pas, même si certains évoquent la thèse du règlement de compte, certains d'entre eux ont commencé à se battre entre eux. D'abord à coups de poings, puis à coups de couteaux. Des femmes et des enfants pleuraient devant cette violence. La police est intervenue très vite et, devant l'ampleur de la bagarre, de nombreuses patrouilles sont arrivées de tout Lyon pour boucler le quartier.

La présence d'ambulances et de pompiers montra qu'il y eut au moins un blessé.

Quoi qu'il en soit, d'après certains participants, ce fut une fête à l'ambiance plombée ; une fête sans joie et d'une grande tristesse.

Même si des Roumains étaient impliqués dans cette bagarre de rue, il est à noter que près de 400 d'entre eux étaient réunis à la paroisse des Saints Archanges, 53 ch. de Fond-Rose, à Caluire. Le problème ne vient donc pas des Roumains en tant que tels, mais du manque d'amour dans le cœur des personnes impliquées dans cette bagarre. D'après ce qui m'a été rapporté, les chants de cette paroisse roumaine des Saints Archanges étaient d'une grande beauté et il se dégageait de leur fête toute la joie de Pâques et toute l'hospitalité dont les paroisses chrétiennes essayent de se parer. J'espère que nous retrouverons bientôt, nous aussi, ces caractéristiques que nous avons perdues.

Notre église a toujours été un lieu où ceux qui venaient trouvaient la paix. Peu importent le vécu et le passé de chacun, et particulièrement le jour de Pâques. Celui qui vient fêter Pâques laisse ses problèmes derrière lui pour recevoir la vie que le Christ donne à tous. C'est le sens de l'homélie de saint Jean Chrysostome lue pendant l'office. Comment se fait-il que, chez nous, ceux qui viennent n'y arrivent pas ?