de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 30 avril 2016

215- Monseigneur Barbarin et la révocation des prêtres



En février 2016, la vie paisible des Lyonnais fut brutalement troublée par l'annonce d'un scandale de pédophilie au sein de l’Église catholique et par le dépôt de plaintes visant des faits de viols sur enfants. De jeunes scouts avaient été victimes des agissements criminels du père Bernard Preynat. Le Monde a fait un excellent résumé de cette sordide histoire.

Dès ses années de séminaire, Bernard Preynat informe ses supérieurs de ses tendances sexuelles. Malgré cela, il sera ordonné prêtre et chargé d'encadrer un groupe de scouts, entre 1971 et 1991.

Il s'avérera que le cardinal Decourtray, prédécesseur du cardinal Barbarin, était au courant depuis 1991, mais qu'il s'était contenté de suspendre le violeur 6 mois, avant de le remettre à la tête d'une autre paroisse.

Monseigneur Barbarin, lui, niera avoir eu connaissance de ces agissements avant 2015. Puis il reconnaîtra qu'il savait depuis 2007, mais a laissé le prêtre en place sur la simple affirmation de celui-ci qu'il n'avait plus commis d'agressions.

D'autres cas d'agressions par des prêtres ont été révélés depuis (le 15 mars ; le 16 mars ; le 1er avril), plongeant le diocèse de Lyon dans une crise aiguë. Une association de victimes, La parole Libérée, fut constituée afin d'organiser la défense des victimes.

Monseigneur Barbarin crut bon de s'attacher les services de la société de conseil Vae Solis. Sa sincérité des premiers moments était à l'image du personnage, que les Lyonnais apprécient depuis longtemps. Elle pouvait être juridiquement préjudiciable, mais était spirituellement salutaire. Son nouveau système de défense, dicté par sa société de communication, s'est mis à sonner faux. Il en transpirait le langage des politiciens corrompus, ce qui l'a profondément desservi, comme nous pouvons le voir dans sa conférence de presse du 15 mars dernier.

Nous analyserons cette conférence de presse dans un prochain message.



Depuis cette conférence, monseigneur Barbarin a de nouveau été déstabilisé par la révélation de nouveaux cas de pédophilie qu'il a couverts de son autorité et de son silence.

D'autres cas seront prochainement révélés.


L’Église catholique considère qu'un homme divorcé et remarié est excommunié à vie. Sans rémission possible. Mais un prêtre pédophile mérite seulement une petite suspension. Le père Preynat, qui reconnaissait de nombreux cas de viols sur des jeunes scouts, fut seulement suspendu six mois.

De même, les seuls homosexuels que l’Église catholique autorise à communier sont les prêtres, qui peuvent même continuer à célébrer. Les autres sont excommuniés à vie.

Lorsque le cardinal Barbarin évoque les 6 mois de suspension infligés par le cardinal Decourtray au prêtre pédophile, il dit que nous ne verrions jamais cela aujourd'hui. Ce qui sous-entend que les critères de référence autaient évolué vers plus de rigueur. Pourtant, il n'en est rien. Ces critères sont les mêmes depuis des siècles. Hier, plus encore qu'aujourd'hui, l’Église catholique montrait la plus grande intransigeance pour les fidèles. Mais pour les fidèles seulement.


Monseigneur Barbarin, en faisant sien l'argumentaire de la société Vae Solis, montre qu'il n'est pas un évêque. Il place son intérêt au-dessus de l'intérêt des victimes pour lesquelles il se doit de donner sa vie. C'est un échec spirituel en plus d'être un échec humain.

Ici, les prêtres dont il est question, qui reconnaissent des actes de viols sur des enfants ou des adolescents, qui ont été condamnés pour des agressions sexuelles, ne peuvent pas rester prêtres. Fondamentalement, ils ne l'ont même jamais été, et ne sauraient donc être confirmés dans une fonction à laquelle ils ont failli. Il n'y a pas d'autre choix que de les révoquer.

Tant que l’Église catholique n'aura pas compris cela, ses séminaires resteront les lieux qui rassemblent le plus grand nombre d'homosexuels refoulés de la planète. Et nous serons incapables, tout comme nous le sommes aujourd'hui, de dénombrer la multitude de leurs victimes innocentes, tant il y en aura.

Le pape François, lorsqu'il revint du Mexique, a déclaré : un évêque qui se limite à changer de paroisse un prêtre pédophile est un inconscient. La meilleure chose qui lui reste à faire, c’est de présenter sa démission.

La phrase du pape lui-même ne me semble pas à la hauteur de ses responsabilités. En effet, dans l’Église catholique, il est le seul à nommer les évêques. Lui seul peut également les suspendre, comme Jean-Paul II l'avait fait pour monseigneur Jacques Gaillot. Il ne devrait pas avoir à attendre que l'évêque démissionne, comme pour s'épargner cette prise de décision, mais devrait l'exclure de sa propre autorité.

Le plus grave, en la circonstance, c'est que le pape de Rome s'est rétracté lorsqu'il a compris que sa phrase s'appliquait au cardinal Barbarin. Il a posé un voile pudique sur les principes dont il s'était fait le défenseur, comme pour concilier des intérêts antagonistes.


Résumons ce qui ressort des positions de l’Église catholique :
  • Un homosexuel à tendances pédophiles qui se déclare comme tel au séminaire : on l'ordonne prêtre.
  • Un prêtre homosexuel : on le laisse dans sa paroisse où il célèbre et communie.
  • Un homme divorcé : excommunié à vie.
  • Un prêtre qui viole un petit enfant : on le laisse dans sa paroisse.
  • Un prêtre qui viole des tas de petits enfants : on le mute.
  • Un homme remarié s'il n'est pas veuf : excommunié à vie.
  • Un prêtre qui agresse sexuellement des jeunes : on le laisse dans sa paroisse.
  • Un prêtre qui abuse sexuellement d'un garçon fugueur : on le laisse dans sa paroisse.
  • Un prêtre qui renie les vœux qu'il a prononcés : on le laisse dans sa paroisse.
  • Un prêtre condamné par la justice pour agressions sexuelles : on lui accorde une promotion.
  • Un prêtre qui veut se marier est révoqué séance tenante.

Le Christ dit que l'on reconnaît un arbre à ses fruits. Si l'on en juge par ce qui est permis et ce qui est interdit au sein du clergé catholique, alors l'homosexualité et la pédophilie sont des valeurs supérieures au mariage, car on peut être prêtre en étant homosexuel ou pédophile, mais pas en étant marié.

Monseigneur Jacques Gaillot avait été suspendu par le pape pour avoir appelé au mariage des prêtres. Aucun des évêques ayant couvert des pédophiles n'ont fait l'objet de la moindre sanction.


Si j'étais à la tête du mouvement LGBT, je prendrais l'initiative de payer moi-même les honoraires du cabinet Vae Solis qui conseille monseigneur Barbarin. Parce qu'il n'y a pas mieux que son argumentaire juridique, déconnecté du sens profond de l’Évangile, pour décrédibiliser l’Église catholique.

Mais si j'étais à la place du cardinal Barbarin, et que j'aie un tant soit peu de considération pour l’Église que je sers, alors je reconnaîtrais que ces prêtres, que j'ai couverts de mon autorité, n'avaient pas leur place dans la prêtrise. Je demanderais pardon de ne pas les avoir limogés et renvoyés à la vie civile. Et j'en tirerais les conséquences en démissionnant moi-même de mon ministère.

De leur côté, les orthodoxes grecs de Lyon ont décidé de se positionner clairement sur cette question. Leur doyen a invité La Parole Libérée et lui a remis, pour l'office du Vendredi Saint orthodoxe, le fruit d'une quête destinée à l'aider dans ses procédures judiciaires.

La Parole Libérée invitée par les orthodoxes Grecs de Lyon


Plus particulièrement, cette quête est destinée à faire condamner monseigneur Barbarin, qui couvre de son autorité les pires des crimes en refusant de renvoyer à la vie civile tous les pervers qui se revêtent de l'habit du prêtre.




J'apprécie le cardinal Barbarin, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en diverses occasions. J'espère qu'il sortira grandi de toute cette histoire, en acceptant l'idée qu'il n'y a pas d'autre issue pour lui que la démission.

Monseigneur Barbarin lors de la venue du patriarche de Constantinople - juillet 2009

samedi 23 avril 2016

214- Spotlight et le silence dans l'Église



Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue. (Jn 1, 1-5)

Mais laissons ce texte quelques instants et voyons l'opposé de la Parole : le Silence.

Le film Spotlight reçut, contre toute attente, l'oscar du meilleur film et celui du meilleur scénario, le 28 février dernier. Ce film traite de la manière dont les scandales de pédophilie ont éclaté dans l’Église catholique romaine à Boston, avant de s'étendre à tous les USA. Rejoignant ainsi les scandales planétaires qui avaient frappé tous les pays où l’Église catholique était implantée. J'avais traité ce sujet dans un précédent message.

Le réalisateur profita de l'audience que lui accordait sa récompense pour adresser un message au pape François : Ce film donne la parole aux survivants, et cet Oscar amplifie cette parole dont nous espérons qu'elle devienne un chœur qui résonnera jusqu'au Vatican. Pape François : il est temps de protéger les enfants et de restaurer la foi.


 
 
Ce film traite de la manière dont les scandales de pédophilie ont éclaté dans l’Église catholique américaine. Plus généralement, il traite du silence dans l’Église ; de l’institutionnalisation du silence par la hiérarchie religieuse ; de la corruption active et passive des institutions afin de préserver le silence ; de la lâcheté et de la complaisance à l'égard de ce silence ; de la mutation des prêtres corrompus plutôt que de leur révocation afin de protéger le silence, etc.

L'évêque de Boston, au cœur du système décrit dans ce film, dut finalement démissionner et termina sa carrière dans l'une des églises les plus prestigieuses de Rome, laissant l’Église dont il avait la charge détruite par les scandales, mais en préservant ce qui lui importait le plus : sa carrière et ses illusions.

Par cette nouvelle affectation prestigieuse, l’Église catholique montra qu'elle n'avait pas l'intention de changer quoi que ce soit à cette institutionnalisation du silence.

Plantu - Quel gâchi !
 

Si le Logos est créateur, le silence lui est opposé : il est destructeur. Il est le lit dans lequel les vices et les crimes se développent. Il est pire que le vice, car il est cela-même qui le renforce et le fait croître. 

Le pape François s'est engagé dans une réforme des pratiques du Vatican, pour ne plus couvrir les prêtres pédophiles. Et nous savons qu'ils sont des milliers à agir dans l'ombre. Aussi a-t-il a suscité beaucoup d'espoirs.

Mais, au-delà des mots « réforme » et « transparence », qui a vu la moindre dénonciation du clergé de la part des autorités vaticanes ? Personne. Combien de prêtres doivent répondre de leurs agressions du fait des réformes promises par le Vatican ? Aucun. Combien ont été renvoyés du clergé ? Pas le moindre. Ils sont des milliers à être toujours en place.

Ce qui compte n'est pas que les choses changent, mais que les gens croient qu'elles vont changer. Et lorsque la pression médiatique sera retombée, il n'y aura plus que les victimes à savoir que tout continue comme avant.


Le silence règne à tous les niveaux dans l’Église. Récemment, un prêtre invitait un fidèle à suivre l'exemple de tel obscur moine, qui avait fait patience en attendant que Dieu lui rende justice. Il souhaitait ainsi que le fidèle cesse de demander à son évêque la réparation de problèmes criants. Le fidèle demanda pourquoi il devrait suivre l'exemple de cet obscur moine, et non pas plutôt suivre ce que préconise le Christ ? À savoir de demander justice sans relâche, nuit et jour, à force de cris, comme la veuve importune qui est prise en exemple dans l’Évangile. Le prêtre s'est trouvé décontenancé et n'a pas su quoi répondre.

Effectivement, il ne pouvait trouver dans l’Évangile aucun exemple invitant à se taire devant une injustice.

Le père Placide Deseille écrivait : Tout récemment, dans un diocèse orthodoxe de France, des fidèles ont estimé avoir à se plaindre de leur évêque. C'était leur droit. Mais comment devaient-ils réagir ? En informant le métropolite, en remontant, au besoin, jusqu'au patriarche, mais non pas, comme malheureusement beaucoup l'ont fait, en publiant une lettre ouverte, exprimant leurs griefs d'une manière purement « séculière », dans les termes qu'on emploie pour se plaindre d'un fonctionnaire qui n'est pas correct, qui ne se comporte pas selon les exigences de sa fonction. [...] C'était traiter l'évêque comme une personnalité laïque, comme un fonctionnaire de la République. C'est inadmissible de la part de fidèles orthodoxes. Et c'est pour cela que j'ai demandé à tous les fidèles qui m'ont demandé conseil de refuser de signer cette lettre ouverte. L'évêque doit toujours être vénéré, respecté, car il est pour son diocèse l'icône vivante du Christ. (Annonce orthodoxe n° 33, sept. 2015, p. 6-7)

Le père Placide ne parle pas ici de ce qui s'est passé à Lyon, mais de ce qui s'est passé autour de la nomination contestée de monseigneur Job, rue Daru. Il recommande aux fidèles de se tourner vers le métropolite, mais oublie de préciser que le métropolite était sciemment à l'origine des problèmes dénoncés. 

Il met en exergue l'attitude irresponsable et indigne des fidèles, alors que la seule attitude irresponsable et indigne était celle du métropolite, comme nous le verrons dans le message 216.

Rien ne change. La culture du silence reste la même. Toujours. Nous verrons dans un prochain message que lorsque le père Placide a été saisi, suivant les règles qu'il définit ci-dessus, il a refusé de simplement écouter ce que les témoins avaient à dire. Alors régler les problèmes... C'est une préoccupation qu'il n'a que dans les mots. Ce qui lui importe, comme aux autres, c'est de préserver le carcan de silence dans lequel sont enfermés les fidèles. 

Ce qui est inadmissible n'est pas que des fidèles orthodoxes écrivent une lettre ouverte pour se plaindre de leur évêque. C'est que le clergé en soit encore à user de son autorité pour empêcher de telles initiatives. C'est que le clergé se place au niveau de ses intérêts stratégiques, plutôt que de l'intérêt spirituel de ses fidèles.

L'intérêt stratégique est de maintenir le silence, d'éviter que les scandales n'éclatent au grand jour. L'intérêt des fidèles est de prendre la mesure des problèmes et de les régler.


Il y a une chose dont nous pourrons toujours être fiers, au sein de la Communauté hellénique de Lyon : n'avoir jamais accepté de nous taire pour couvrir les agissements iniques du clergé, n'avoir jamais accepté cette loi du silence que le métropolite Emmanuel a lui aussi voulu institutionnaliser

L'assignation que nous avons adressée n'est que l'une des étapes du chemin qui nous conduira à briser le carcan de silence dans lequel le métropolite tente de nous enfermer. Il y aura d'autres étapes, qui ne s'arrêteront pas par la mutation des protagonistes, mais par le règlement de fond de chacun des problèmes que le métropolite a voulu taire et desquels il fait par conséquent partie. 


Saint Paul disait : Ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres ; dénoncez-les plutôt. Certes, ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même de le dire ; mais quant tout cela est dénoncé, c'est dans la lumière qu'on le voit apparaître ; tout ce qui apparaît, en effet, est lumière (Éph. 5, 11-14).
 
Pour que l'évêque soit l'icône vivante du Christ, il faut qu'il l'imite. C'est à dire qu'il soit lui aussi Logos. C'est pour cela que toute la spiritualité chrétienne considère que le rôle premier de l'évêque est l'enseignement. Le Logos crée et façonne ce qu'il crée. À cette image, l'évêque se doit de régler les difficultés qu'il rencontre. Ce n'est que dans l'accomplissement de cette mission, si tant est qu'il en soit digne par sa vie, que le ministère de l'évêque trouve son sens.

Cela n'arrivera pas. Kosmas d'Étolie, considéré comme un prophète dans l’Église orthodoxe, annonça il y a 200 ans : Il viendra un temps où il n'y aura aucune harmonie entre le clergé et les laïcs. Le clergé sera pire que les plus impies. Le clergé restera l'ennemi du Logos et continuera à employer tous ses moyens pour servir le Silence. Rien n'a changé, et rien ne changera avec de tels hommes, car La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue.