Nous avons vu dans le précédent message le lien entre le Christ et la hiérarchisation de l’Église. Ou plutôt l'absence de hiérarchisation. Ceci mis en perspective avec le discours du père Placide Deseille, affirmant quant à lui que l'évêque est l'icône vivante du Christ, et ce quelle que soit la sainteté de sa vie. Ou, plus fréquemment, l'absence de sainteté.
Évidemment, on devine que le propos du père Placide n'est pas de faire croire que l'évêque serait une icône vivante du Christ. Il viserait plutôt à ce que les fidèles ne se posent pas trop de questions sur les scandales qui entourent les évêques. Cela permet de résoudre bon nombre de problèmes de conscience...
Mais fermer les yeux a-t-il jamais permis à quelqu'un de voir la lumière ? Et voir la Lumière n'est-il pas le but ultime de la quête du chrétien ? Comment espérer parvenir à son but si l'on se prive des moyens nécessaires ?
Ce thème central du discours du père Placide Deseille que nous étudions (Annonce orthodoxe n° 33, sept. 2015, p. 6-7) n'est malheureusement pas le seul à poser problème. Son interprétation du rôle des Myrophores est également sujette à caution.
Le récit de l’Évangile relatif aux femmes Myrophores varie. On le trouve dans Jean (20, 13-18), Matthieu (28, 9-10), Luc (24, 4-11) et Marc (9-11). Le texte de Jean est le plus complet : En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit : Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit en hébreu : Rabbouni ! c'est-à-dire, Maître ! Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses.
Le père Placide écrit : tous les chrétiens, s'ils sont fervents, ont un « sens de la foi » qui peut leur permettre de faire part aux évêques de certaines vérités qu'ils perçoivent, comme les Myrophores... Les femmes Myrophores ne sont pas considérées comme capables de percevoir toute l'étendue de ce qu'elles vivent par elles-mêmes si les apôtres ne viennent pas le leur expliquer.
Y a-t-il une seule chose, dans ce texte de Jean, ou chez l'un des trois autres évangélistes, qui permette de dire que l'apparition aux Myrophores n'était qu'une vague perception de la vérité destinée à être rapportée aux apôtres ? Ces apôtres en étaient-ils seulement dignes, eux qui étaient terrés dans une maison, porte et volets clos, depuis la crucifixion ?
Ils ne crurent même pas les femmes quand elles vinrent les prévenir. Seuls Pierre et Jean sortirent et s'en furent contrôler ses dires. Comment considérer que les apôtres ou les évêques qui leur ont succédé seraient capables d'un plus grand discernement que toute autre personne ? Les textes sacrés prouvent le contraire.
Nous sommes ici dans le cas typique de ce qu'on appelle la théologie de la récupération. C'est-à-dire l'explication tortueuse faite d'un texte pour le faire coller à l'idée que l'on a envie de promouvoir.
La théologie de la récupération sert aux desseins des manipulateurs, mais pas à propager la vérité. Et si le christianisme vise à parvenir à la connaissance de la Vérité, alors déformer cette vérité ne peut que nous éloigner du but poursuivi.
S'il est clair que l'explication donnée par le père Placide est fantaisiste, comment interpréter ce passage des Myrophores ?
Tout l’Évangile va dans un unique et même sens : l'amour. L'amour du père qui attend jour et nuit le retour de son fils. L'amour d'un Dieu qui s'incarne et meurt pour ceux qu'il aime. L'amour d'un Fils pour son Père, celui d'un Pasteur pour ses brebis. L'amour d'un homme pour ses semblables ou d'un maître devenu serviteur. Son amour pour les enfants, pour les pauvres, pour les faibles, pour ceux qui souffrent. Un amour qui pardonne aux pécheurs, mange avec les impies, baptise les païens et les hérétiques. Un amour qui combat toutes les injustices, guérit les maladies, défie la peur et ressuscite les morts. Un amour qui ne prend rien mais qui donne tout.
Évidemment, on devine que le propos du père Placide n'est pas de faire croire que l'évêque serait une icône vivante du Christ. Il viserait plutôt à ce que les fidèles ne se posent pas trop de questions sur les scandales qui entourent les évêques. Cela permet de résoudre bon nombre de problèmes de conscience...
Mais fermer les yeux a-t-il jamais permis à quelqu'un de voir la lumière ? Et voir la Lumière n'est-il pas le but ultime de la quête du chrétien ? Comment espérer parvenir à son but si l'on se prive des moyens nécessaires ?
Ce thème central du discours du père Placide Deseille que nous étudions (Annonce orthodoxe n° 33, sept. 2015, p. 6-7) n'est malheureusement pas le seul à poser problème. Son interprétation du rôle des Myrophores est également sujette à caution.
Le récit de l’Évangile relatif aux femmes Myrophores varie. On le trouve dans Jean (20, 13-18), Matthieu (28, 9-10), Luc (24, 4-11) et Marc (9-11). Le texte de Jean est le plus complet : En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit : Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit en hébreu : Rabbouni ! c'est-à-dire, Maître ! Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses.
Icône - le Christ apparaissant à Marie Madeleine |
Le père Placide écrit : tous les chrétiens, s'ils sont fervents, ont un « sens de la foi » qui peut leur permettre de faire part aux évêques de certaines vérités qu'ils perçoivent, comme les Myrophores... Les femmes Myrophores ne sont pas considérées comme capables de percevoir toute l'étendue de ce qu'elles vivent par elles-mêmes si les apôtres ne viennent pas le leur expliquer.
Y a-t-il une seule chose, dans ce texte de Jean, ou chez l'un des trois autres évangélistes, qui permette de dire que l'apparition aux Myrophores n'était qu'une vague perception de la vérité destinée à être rapportée aux apôtres ? Ces apôtres en étaient-ils seulement dignes, eux qui étaient terrés dans une maison, porte et volets clos, depuis la crucifixion ?
Ils ne crurent même pas les femmes quand elles vinrent les prévenir. Seuls Pierre et Jean sortirent et s'en furent contrôler ses dires. Comment considérer que les apôtres ou les évêques qui leur ont succédé seraient capables d'un plus grand discernement que toute autre personne ? Les textes sacrés prouvent le contraire.
Nous sommes ici dans le cas typique de ce qu'on appelle la théologie de la récupération. C'est-à-dire l'explication tortueuse faite d'un texte pour le faire coller à l'idée que l'on a envie de promouvoir.
La théologie de la récupération sert aux desseins des manipulateurs, mais pas à propager la vérité. Et si le christianisme vise à parvenir à la connaissance de la Vérité, alors déformer cette vérité ne peut que nous éloigner du but poursuivi.
S'il est clair que l'explication donnée par le père Placide est fantaisiste, comment interpréter ce passage des Myrophores ?
Tout l’Évangile va dans un unique et même sens : l'amour. L'amour du père qui attend jour et nuit le retour de son fils. L'amour d'un Dieu qui s'incarne et meurt pour ceux qu'il aime. L'amour d'un Fils pour son Père, celui d'un Pasteur pour ses brebis. L'amour d'un homme pour ses semblables ou d'un maître devenu serviteur. Son amour pour les enfants, pour les pauvres, pour les faibles, pour ceux qui souffrent. Un amour qui pardonne aux pécheurs, mange avec les impies, baptise les païens et les hérétiques. Un amour qui combat toutes les injustices, guérit les maladies, défie la peur et ressuscite les morts. Un amour qui ne prend rien mais qui donne tout.
Cet amour dont l'apôtre Jean écrira : L'amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu (1Jn 4, 7) ; Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour (1Jn 4, 8) ; Et nous, nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons
cru. Dieu est amour ; et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu,
et Dieu demeure en lui (1Jn 4, 16).
Ici pas de baptême, pas d'anathème et même pas l'indispensable évêque. Seulement une rencontre unique entre l'homme et son Dieu, suivant ce que le Christ annonçait à la Samaritaine (Jn 4, 1-42) : l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande (Jn 4, 23).
Ici pas de baptême, pas d'anathème et même pas l'indispensable évêque. Seulement une rencontre unique entre l'homme et son Dieu, suivant ce que le Christ annonçait à la Samaritaine (Jn 4, 1-42) : l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande (Jn 4, 23).
L'amour ouvre le cœur et le guide vers la Connaissance. C'est cet amour qui poussa les femmes Myrophores à braver les soldats et la haine de la population pour aller embaumer le corps du Christ déposé au tombeau, alors que les apôtres étaient enfermés dans leurs peurs.
Ainsi, lorsque le Christ apparut aux Myrophores, c'est bien qu'elles s'en étaient rendues dignes. Et c'est bien à elles que ce message était adressé. Les apôtres, eux, étaient prisonniers de trop de barrières pour pouvoir comprendre pleinement le sens de ce qu'ils vivaient. Si bien que ce sont les Myrophores qui ont annoncé la résurrection aux apôtres, et non les apôtres qui étaient chargés d'éclairer les Myrophores sur le sens de ce qu'elles avaient vécu.
Mais pour le père Placide, rien de tout cela n'a cours. Seul l'évêque peut aider le chrétien dans son cheminement... C'est désespérant. Que d'années gâchées dans son monastère pour n'avoir pas encore vraiment compris ce que contient l’Évangile. Pour en être resté à le lire avec sa tête, et non avec son cœur. Prisonnier qu'il était des propos de Paul, comme nous le verrons dans le prochain message.
Il y a peu d'évêques comme Nectaire d’Égine, capables de faire progresser leurs fidèles vers la Connaissance. Il ne suffit pas d'être évêque pour guider le fidèle vers le Royaume des Cieux, comme l'annonce le père Placide. Ce qu'ils peuvent apporter au chrétien est indissociable de leur sainteté personnelle. Et s'ils n'ont aucune sainteté personnelle, alors c'est en vain qu'ils occupent leur poste et que nous leur accordons du crédit.
Ainsi, lorsque le Christ apparut aux Myrophores, c'est bien qu'elles s'en étaient rendues dignes. Et c'est bien à elles que ce message était adressé. Les apôtres, eux, étaient prisonniers de trop de barrières pour pouvoir comprendre pleinement le sens de ce qu'ils vivaient. Si bien que ce sont les Myrophores qui ont annoncé la résurrection aux apôtres, et non les apôtres qui étaient chargés d'éclairer les Myrophores sur le sens de ce qu'elles avaient vécu.
Mais pour le père Placide, rien de tout cela n'a cours. Seul l'évêque peut aider le chrétien dans son cheminement... C'est désespérant. Que d'années gâchées dans son monastère pour n'avoir pas encore vraiment compris ce que contient l’Évangile. Pour en être resté à le lire avec sa tête, et non avec son cœur. Prisonnier qu'il était des propos de Paul, comme nous le verrons dans le prochain message.
Il y a peu d'évêques comme Nectaire d’Égine, capables de faire progresser leurs fidèles vers la Connaissance. Il ne suffit pas d'être évêque pour guider le fidèle vers le Royaume des Cieux, comme l'annonce le père Placide. Ce qu'ils peuvent apporter au chrétien est indissociable de leur sainteté personnelle. Et s'ils n'ont aucune sainteté personnelle, alors c'est en vain qu'ils occupent leur poste et que nous leur accordons du crédit.
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