de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 2 avril 2016

211- L'évêque et l'Évangile



Nous avons vu, dans le précédent message, que le père Placide Deseille place l'évêque en haute considération. Et ce au point de conduire à certaines aberrations. Par exemple, il estime que les évêques et ceux qu'ils ont établis pour participer à leur ministère, les prêtres qui ont charge de paroisses, ont pour tâche essentielle de sanctifier le peuple chrétien. C'est pour cela qu'ils sont comme les icônes vivantes du Christ, quelle que soit leur sainteté personnelle. S'ils ne sont pas dignes de la charge qui leur est confiée, ils en rendront compte au Seigneur, mais cela n'empêche pas qu'ils doivent toujours être respectés comme des icônes vivantes du Christ. (Annonce orthodoxe n° 33, sept. 2015, p. 6-7)

Qu'est-ce qu'une icône ? Qu'est-ce qu'une icône du Christ ? Peut-on dissocier la fonction de la dignité de celui qui l'assume ?

Le 7ème Concile Œcuménique, dans son préambule, définit ainsi le rôle de l'icône : plus on les voit, grâce à leur représentation par l'image, plus en contemplant leurs images on est amené à se rappeler et à aimer les modèles originaux et à leur donner salutations et respectueuse vénération ; non pas l'adoration véritable propre à notre foi, qui convient à la nature divine seule, mais comme on le fait pour la représentation de la glorieuse et vivifiante croix, pour les saints évangiles et tous les autres objets sacrés.

Ainsi, l'icône sert à rappeler le modèle. Dire que l'évêque est l'icône vivante du Christ revient à dire que l'évêque au milieu de ses fidèles rappelle le Christ au milieu de ses apôtres. Ainsi, dire que l'évêque est l'icône vivante du Christ, quelle que soit sa sainteté personnelle, est un non-sens absolu, puisque c'est précisément la sainteté personnelle qui crée l'analogie avec le Christ et le rend présent. 

L'incarnation du Christ n'a de sens qu'au travers de l'exemplarité de sa vie, de la sagesse de son enseignement, et des miracles qu'il fit. Peut-on dire aujourd'hui qu'un évêque qui ne ferait aucun miracle, dont l'enseignement serait d'une platitude absolue, et dont la vie serait dissolue, pourrait être l'icône vivante du Christ ? 

Peut-on dire : Il fait beau ! C'est dommage qu'il pleuve... ? Celui qui le ferait serait taxé, au mieux, de fantaisiste. Habituellement, dire une chose et son contraire dans la même phrase est plutôt le propre des hommes politiques. Mais il arrive, comme nous le voyons ici, que les religieux s'en inspirent également. 

S'il pleut, c'est qu'il ne fait pas beau. Et si l'évêque n'a pas une vie sainte, il n'est pas l'icône du Christ. Il n'est qu'un imposteur dans un habit qu'il usurpe. Il est le faux Christ que le Christ annonçait en disant de se méfier de lui (Matth. 24, 24).


Lorsqu'il décrit le jugement à venir, le Christ dit ceci : Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom ? N'avons-nous pas chassé des démons par ton nom ? Et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité (Matth. 7, 22-23). 

À qui le Christ adresse-t-il ces paroles de menace ? Qui prêche et chasse les démons au nom du Christ, si ce n'est l'évêque et ses prêtres ? Et comment ces évêques et prêtres pourraient-ils être l'icône du Christ, si le Christ a prévu de leur annoncer qu'il ne les a jamais connus ?


Sur les personnes qu'il faut suivre ou ne pas suivre, il dit : Si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse (Matth. 15, 14). Comment donc le père Placide peut-il recommander de suivre un homme indépendamment de la sainteté de sa vie ? Comment peut-il affirmer que cet homme indigne serait l'icône vivante du Christ de par sa seule charge ?

Dans l'Ancien Testament, la Loi de Moïse instaurait la fonction du prêtre et son rôle. Loi voulue par Dieu à ce que l'on dit. Si l'on en croit le raisonnement du père Placide, qui estime que rendre public un conflit avec son évêque est indigne, et qu'il faut se tourner vers lui pour régler ce conflit, il aurait fallu que le Christ s'adresse au Grand-Prêtre alors en fonction, s'il avait eu un grief à apporter au clergé de son époque.

Pourtant, il n'en a rien fait. C'est par un discours public, avec les mots les plus durs, que le Christ a maudit ces hypocrites : Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n'y entrez pas vous-mêmes, et vous n'y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer (Matth. 23, 13). 

Comment le père Placide peut-il recommander de suivre le clergé, quelle que soit la sainteté de sa vie, alors que le Christ nous dit sans ambiguïté que suivre de tels hommes nous ferme les portes du Royaume des Cieux ? 

Si le Chrétien se doit de prendre exemple sur quelqu'un, ne serait-ce pas plutôt sur le Christ qui manifeste au grand jour leurs turpitudes ?


Un autre grand thème de l'homélie du père Placide est la volonté divine d'instaurer une hiérarchie, dont l'évêque est à la tête. Les chrétiens se rappellent que le pape Urbain leur a déjà fait le coup de la volonté divine, en 1095. Ils sont morts par dizaines de milliers pour suivre ces chimères, et ont commis les pires atrocités en leur nom. 

À quel moment le Christ instaure-t-il une hiérarchie ? Je ne me rappelle sans doute pas très bien de l’Évangile, mais il me semblait que le Christ allait à l'encontre de toute hiérarchie. N'est-ce pas lui qui a dit : Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous (Mc 9, 35) ? Ou bien : les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers (Matth. 20, 16) ? Ou encore : Quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé (Lc 14, 11).

Pourquoi donc le père Placide vante-t-il la place dans l’Église de ces évêques, parés de tous leurs phylactères ? Ne se rappelle-t-il pas ces paroles  : Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes. Ainsi, ils portent de larges phylactères, et ils ont de longues franges à leurs vêtements ; ils aiment la première place dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues ; ils aiment à être salués dans les places publiques, et à être appelés par les hommes Rabbi, Rabbi. Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. Et n'appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux (Matth. 23, 5-9).

Comment affirmer que le Christ instaure une hiérarchie quand il dit que personne ne doit se faire appeler Maître, ou Père, car nous sommes tous frères ? Comment aller à l'encontre de ce précepte et dire que non seulement les évêques méritent ce titre, mais qu'en plus ils sont l'icône du Christ ?

Le père Placide aurait-il oublié qu'il y a icône et icône ? Prétendre que l'on devrait mettre un Nectaire d'Égine au même plan qu'un Emmanuel Adamakis revient à dire qu'il n'y a pas de différence entre les deux icônes ci-dessous. Même si, en l’occurrence, il s'agit bien de la même icône...


Christ de Borja - avant et après sa « restauration »



Comment considérer que l'évêque serait l'icône du Christ ? Le serait-il par nature ? Par essence ? Par grâce ? Par prédestination ? Par auto-proclamation ? Ou simplement par abus de langage ?

Si l'on en croit la Genèse, tout homme est à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn. 1, 26-27). Le mot image étant le même que le mot icône, tout homme est l'icône de Dieu. Et comme le Christ est Dieu, tout homme est une icône du Christ. N'en déplaise au père Placide, l'évêque n'est pas seul à prétendre l'être. On peut même considérer que Dieu, dans son amour des hommes, n'a pas privé l'évêque de pouvoir devenir aussi à son image.

Les disciples dirent au Christ : Ta mère et tes frères sont dehors, et ils désirent te voir. Mais il répondit : Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique (Lc 8, 20-21). Et aujourd'hui le père Placide, dans son grand âge, nous dit que peu importe la sainteté de la vie de l'évêque, il est l'icône du Christ... Non ! En affirmant une telle absurdité, il détourne à son profit la Vérité des textes sacrés.

Comment le père Placide peut-il dissocier la sainteté de la vie du prêtre ou de l'évêque, en croyant que l'absence de sainteté sera sans effets sur l'enseignement dispensé par celui-ci ? Sur l'exemple qu'il donne ? Sur la relation que nous devons avoir avec lui ? Sur la légitimité de sa place dans l’Église ? Et comment croire que quel que soit l'enseignement, il nous conduira tout droit au paradis du simple fait qu'il ait été annoncé par un évêque ?

Les mécanismes psychologiques qui conduisent à croire en de telles absurdités, en dépit des textes fondateurs du christianisme, sont les mêmes que ceux qui conduisent les fondamentalistes islamistes à suivre les fatwas de leurs prédicateurs sans se poser de question.


L'auditeur du père Placide est bien évidemment libre de suivre ce qu'il dit. Mais si j'avais un conseil à prodiguer, je lui dirai de suivre en premier lieu sa conscience, de chercher la vérité et la justice dans ses actions, et d’œuvrer à ce que l'amour les pénètre. Cela lui sera bien plus profitable que de suivre les conseils d'un évêque en fermant les yeux sur l'absence de sainteté de sa vie.

Et que l'auditeur se réfère toujours à l’Évangile comme garant de Vérité. Il y trouvera : le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jn 3, 8). Alors, n'en déplaise au père Placide et à ses adorateurs, non, le Christ n'a pas voulu une hiérarchie pour l’Église. Il n'a pas davantage fixé l'évêque comme chemin incontournable pour parvenir au Paradis. Il a voulu que l'homme connaisse Dieu, et ne s'est fixé aucune limite pour y parvenir, comme nous le verrons dans le prochain message.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire