Nombreuses sont les traditions qui
varient d'une Église orthodoxe locale à l'autre. Parmi elles, on trouve
le pain et le vin, distribués ou non, après la communion. Le pain béni
est appelé, en grec, antidoron, ce qui signifie à la place du don (de la Sainte Eucharistie).
Il est souvent distribué à la fin de la liturgie, notamment dans les
monastères, à ceux qui ne communient pas. Ainsi, les communiants
prennent le pain et le vin consacrés au calice, et ceux qui ne
communient pas prennent le pain béni à la fin de la liturgie.
La consécration, ou transsubstantiation, dans la liturgie, est la transformation du pain et du vin en Corps et en Sang du Christ. L'antidoron est un pain béni mais non consacré.
Très
souvent, notamment dans les paroisses grecques, le pain béni est mis à
disposition sur un plat, au moment de la communion. Ainsi, le fidèle
communie puis prend un morceau de pain béni. Et, à la fin de la
liturgie, tout le monde reçoit le pain béni de la main du prêtre.
Chez
les Russes, les fidèles qui communient prennent ensuite un morceau de
pain béni, ainsi qu'une gorgée de vin béni dans un petit récipient. Et, à
la fin de la liturgie, les fidèles reçoivent le pain en même temps que
la bénédiction du prêtre.
Laquelle
de ces pratiques est la meilleure ? Aucune. Ou plutôt celle que le
fidèle pratique avec un cœur pur, sans chercher à se dire que sa façon
de faire est supérieure à celle des autres (Lc 18, 10-14).
À Lyon, le père Nicolas Kakavelakis a eu une pratique très personnelle :
le 30 novembre 2014, il a remplacé le pain et le vin par un cadeau, bleu
pour les garçons, et rose pour les filles.
Qu'est-ce qui a bien pu être la cause de cette mutation liturgique, à la croisée des théories évolutionnistes de Darwin et des aventures des X-Men ? Il faut remonter au dimanche précédent pour comprendre cette évolution.
La semaine précédente, nous recevions,
après quatre ans d'absence, le père Athanase. A cette occasion,
l'église était pleine. Comme nous l'avions vu alors, le père Nicolas
prétexta une réunion imaginaire pour justifier de son absence. Il avait
tout fait pour cacher cette visite qu'il ne désirait pas et, pourtant,
plus de 250 personnes se réunirent pour accueillir le père Athanase.
Le
dimanche suivant, jour de cette mutation incongrue, le père Nicolas fit
venir les enfants de son cours de grec. Il demanda aux quelques fidèles
présents de les laisser communier d'abord.
Les enfants avancèrent avec leurs parents, deux caméras étant chargées d'immortaliser ce moment.
Pris par cette mise en scène des enfants qu'il avait préparée, le père Nicolas en oublia le pain béni.
L'homélie dont il nous gratifia à la fin permit de comprendre une partie du message qu'il voulait faire passer : Nous
avons fait tout notre possible pour transmettre aux enfants nos
valeurs chrétiennes, et l'amour de la patrie afin de leur permettre
d'être concernés de l'antiquité et se sentir vivifiés de leurs origines
grecques, de la transmission de la langue, de l'histoire, de
l'orthodoxie, de la tradition hellénique restera la pierre angulaire de
cette fondation, et loin de l'apport personnel en tant que prêtre et
enseignant. Les enfants, je vous souhaite le meilleur pour votre avenir,
vous le méritez, ainsi que vos parents. Gardez la lumière d'un pays
orthodoxe, et vos origines : vous avez beaucoup à gagner. Dans ce
contexte, je voudrais adresser toutes mes félicitations à l'association
des parents des élèves Aristote pour leur contribution cruciale. Ils
méritent nos remerciements et notre reconnaissance.
Pour ceux qui ne lisent pas tous les messages du blog, il convient de rappeler que l'association Aristote a été créée dans le seul but de mettre dehors les parents de l'association I Milia qui œuvraient depuis plus de dix ans au développement de l'école, mais que l'enseignant considérait comme trop indépendants de son action. Leur mise à l'écart fut à l'origine de la création d'une nouvelle école grecque à Lyon.
Pourquoi
cette homélie ne revenait-elle pas sur l'action de tous les parents qui
ont fait exister notre école depuis tant d'années ? Notre école
n'avait-elle donc d'existence dont on soit fier que depuis un an ? Les
enfants présents avaient-ils plus de discernement que ceux qui ont
choisi d'abandonner le cours du père Nicolas ? Pourquoi les parents de
l'école de Strasbourg, où avait exercé Nikos, précédemment, ne
voulaient-ils plus y retourner ? N'aurions-nous pas pu organiser la
venue des enfants de l'école pour la faire coïncider avec la réception
festive du père Athanase ? De nombreux enfants de la nouvelle école
grecque étant venus saluer le père Athanase, cela n'aurait-il pas été un
geste fort de se retrouver tous unis à cette occasion ? S'il s'agissait
de mettre à l'honneur les enfants, ne l'auraient-ils pas été davantage
dans une église pleine que dans une église vide ?
Le père Nicolas peut faire abstraction des divisions qu'il a laissées en quittant son ancien poste. Il peut vouloir montrer que les enfants qui sont restés dans son cours sont plus avisés que ceux qui en sont partis. Il peut vouloir plonger dans les limbes de l'oubli les enfants qui ont abandonné son cours. Il peut vouloir faire comme si le père Athanase n'existait plus - et peut-être qu'un jour nous serons tentés de faire la même chose avec lui - ou vouloir prouver que lui aussi peut réunir du monde. Mais est-il légitime de mettre ainsi en scène des enfants qui ne savent pas qu'ils sont en train de jouer un rôle ?
Le père Nicolas peut faire abstraction des divisions qu'il a laissées en quittant son ancien poste. Il peut vouloir montrer que les enfants qui sont restés dans son cours sont plus avisés que ceux qui en sont partis. Il peut vouloir plonger dans les limbes de l'oubli les enfants qui ont abandonné son cours. Il peut vouloir faire comme si le père Athanase n'existait plus - et peut-être qu'un jour nous serons tentés de faire la même chose avec lui - ou vouloir prouver que lui aussi peut réunir du monde. Mais est-il légitime de mettre ainsi en scène des enfants qui ne savent pas qu'ils sont en train de jouer un rôle ?
Que ce soit pour l'hymne de la communauté de Lyon,
ou bien dans cette circonstance, ou dans d'autres encore, j'ai toujours
une répugnance à constater que les enfants sont utilisés afin
de faire passer un message aux adultes. Et utiliser l'église comme cadre
d'une telle mise en scène ne peut que renforcer ce
sentiment de malaise. La liturgie n'est pas le lieu de ce genre de
propagande. Pas plus que les programmes scolaires ne prévoient
d'enseigner un hymne local.
Le
père Nicolas n'a pas mis les vidéos de cette petite cérémonie sur
facebook. Il est possible qu'elles aient servi à des fins de propagande
auprès de sa hiérarchie, ou qu'elles soient simplement destinées à lui
rappeler un jour qu'il avait pu garder quelques élèves un an de plus à
son cours. L'avenir nous dira si monsieur Tsipras décide de rappeler au
clergé que les enseignants sont là pour dispenser un savoir, et non pour
conditionner des esprits.
Il ne s'agit ici que d'une anecdote dont je n'aurais pas parlé si elle n'avait préludé à une dérive plus grave. Dérive que nous aborderons la semaine prochaine.
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