de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 14 février 2015

154- Coutume locale



Nombreuses sont les traditions qui varient d'une Église orthodoxe locale à l'autre. Parmi elles, on trouve le pain et le vin, distribués ou non, après la communion. Le pain béni est appelé, en grec, antidoron, ce qui signifie à la place du don (de la Sainte Eucharistie). Il est souvent distribué à la fin de la liturgie, notamment dans les monastères, à ceux qui ne communient pas. Ainsi, les communiants prennent le pain et le vin consacrés au calice, et ceux qui ne communient pas prennent le pain béni à la fin de la liturgie.

La consécration, ou transsubstantiation, dans la liturgie, est la transformation du pain et du vin en Corps et en Sang du Christ. L'antidoron est un pain béni mais non consacré.

Très souvent, notamment dans les paroisses grecques, le pain béni est mis à disposition sur un plat, au moment de la communion. Ainsi, le fidèle communie puis prend un morceau de pain béni. Et, à la fin de la liturgie, tout le monde reçoit le pain béni de la main du prêtre. 

Chez les Russes, les fidèles qui communient prennent ensuite un morceau de pain béni, ainsi qu'une gorgée de vin béni dans un petit récipient. Et, à la fin de la liturgie, les fidèles reçoivent le pain en même temps que la bénédiction du prêtre.

Laquelle de ces pratiques est la meilleure ? Aucune. Ou plutôt celle que le fidèle pratique avec un cœur pur, sans chercher à se dire que sa façon de faire est supérieure à celle des autres (Lc 18, 10-14). 

À Lyon, le père Nicolas Kakavelakis a eu une pratique très personnelle : le 30 novembre 2014, il a remplacé le pain et le vin par un cadeau, bleu pour les garçons, et rose pour les filles.

 
Qu'est-ce qui a bien pu être la cause de cette mutation liturgique, à la croisée des théories évolutionnistes de Darwin et des aventures des X-Men ? Il faut remonter au dimanche précédent pour comprendre cette évolution.

La semaine précédente, nous recevions, après quatre ans d'absence, le père Athanase. A cette occasion, l'église était pleine. Comme nous l'avions vu alors, le père Nicolas prétexta une réunion imaginaire pour justifier de son absence. Il avait tout fait pour cacher cette visite qu'il ne désirait pas et, pourtant, plus de 250 personnes se réunirent pour accueillir le père Athanase.

Le dimanche suivant, jour de cette mutation incongrue, le père Nicolas fit venir les enfants de son cours de grec. Il demanda aux quelques fidèles présents de les laisser communier d'abord.


Les enfants avancèrent avec leurs parents, deux caméras étant chargées d'immortaliser ce moment.
 

Pris par cette mise en scène des enfants qu'il avait préparée, le père Nicolas en oublia le pain béni.
 

L'homélie dont il nous gratifia à la fin permit de comprendre une partie du message qu'il voulait faire passer : Nous avons fait tout notre possible pour transmettre aux enfants  nos valeurs chrétiennes, et l'amour de la patrie afin de leur permettre d'être concernés de l'antiquité et se sentir vivifiés de leurs origines grecques, de la transmission de la langue, de l'histoire, de l'orthodoxie, de la tradition hellénique restera la pierre angulaire de cette fondation, et loin de l'apport personnel en tant que prêtre et enseignant. Les enfants, je vous souhaite le meilleur pour votre avenir, vous le méritez, ainsi que vos parents. Gardez la lumière d'un pays orthodoxe, et vos origines : vous avez beaucoup à gagner. Dans ce contexte, je voudrais adresser toutes mes félicitations à l'association des parents des élèves Aristote pour leur contribution cruciale. Ils méritent nos remerciements et notre reconnaissance. 

Pour ceux qui ne lisent pas tous les messages du blog, il convient de rappeler que l'association Aristote a été créée dans le seul but de mettre dehors les parents de l'association I Milia qui œuvraient depuis plus de dix ans au développement de l'école, mais que l'enseignant considérait comme trop indépendants de son action. Leur mise à l'écart fut à l'origine de la création d'une nouvelle école grecque à Lyon

Pourquoi cette homélie ne revenait-elle pas sur l'action de tous les parents qui ont fait exister notre école depuis tant d'années ? Notre école n'avait-elle donc d'existence dont on soit fier que depuis un an ? Les enfants présents avaient-ils plus de discernement que ceux qui ont choisi d'abandonner le cours du père Nicolas ? Pourquoi les parents de l'école de Strasbourg, où avait exercé Nikos, précédemment, ne voulaient-ils plus y retourner ? N'aurions-nous pas pu organiser la venue des enfants de l'école pour la faire coïncider avec la réception festive du père Athanase ? De nombreux enfants de la nouvelle école grecque étant venus saluer le père Athanase, cela n'aurait-il pas été un geste fort de se retrouver tous unis à cette occasion ? S'il s'agissait de mettre à l'honneur les enfants, ne l'auraient-ils pas été davantage dans une église pleine que dans une église vide ?

Le père Nicolas peut faire abstraction des divisions qu'il a laissées en quittant son ancien poste. Il peut vouloir montrer que les enfants qui sont restés dans son cours sont plus avisés que ceux qui en sont partis. Il peut vouloir plonger dans les limbes de l'oubli les enfants qui ont abandonné son cours. Il peut vouloir faire comme si le père Athanase n'existait plus - et peut-être qu'un jour nous serons tentés de faire la même chose avec lui - ou vouloir prouver que lui aussi peut réunir du monde. Mais est-il légitime de mettre ainsi en scène des enfants qui ne savent pas qu'ils sont en train de jouer un rôle ?

Que ce soit pour l'hymne de la communauté de Lyon, ou bien dans cette circonstance, ou dans d'autres encore, j'ai toujours une répugnance à constater que les enfants sont utilisés afin de faire passer un message aux adultes. Et utiliser l'église comme cadre d'une telle mise en scène ne peut que renforcer ce sentiment de malaise. La liturgie n'est pas le lieu de ce genre de propagande. Pas plus que les programmes scolaires ne prévoient d'enseigner un hymne local. 

Le père Nicolas n'a pas mis les vidéos de cette petite cérémonie sur facebook. Il est possible qu'elles aient servi à des fins de propagande auprès de sa hiérarchie, ou qu'elles soient simplement destinées à lui rappeler un jour qu'il avait pu garder quelques élèves un an de plus à son cours. L'avenir nous dira si monsieur Tsipras décide de rappeler au clergé que les enseignants sont là pour dispenser un savoir, et non pour conditionner des esprits.

Il ne s'agit ici que d'une anecdote dont je n'aurais pas parlé si elle n'avait préludé à une dérive plus grave. Dérive que nous aborderons la semaine prochaine.

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