En
1973, la communauté hellénique de Lyon eut besoin d'une personne pour s'occuper
de l'entretien des locaux de l'église. Le père Vlassios proposa madame
Marie C. pour ce rôle.
Madame
Marie est une personne simple et aimant l'église. Elle accepta volontiers.
Lorsqu'elle devint trop âgée pour ce travail fatiguant, son fils, Jean-Paul,
prit la suite de son obédience. En quarante ans, pas une semaine ne s'écoula
sans que l'église ne soit apprêtée pour accueillir chaleureusement les
visiteurs et les fidèles.
Jean-Paul
est plus âgé que moi, et nous n'allions pas dans le même cours de grec lorsque
nous étions enfants. Mais je l'ai toujours vu au sein de la communauté.
Lorsqu'il
se mit à chercher du travail, après son service militaire, ce fut Stylianos
qui lui trouva son premier emploi, le 26 janvier 1983. Stylianos était alors
contremaître dans l'entreprise Siema qui
fabrique des armoires électriques, notamment pour la SNCF, et il était content
de pouvoir ainsi aider ce jeune qu'il connaissait.
Mais
Stylianos était un homme droit, qui ne voulait pas que l'on dise qu'il avait
engagé Jean-Paul par favoritisme. Aussi était-il particulièrement exigeant avec
lui. Il ne lui accordait jamais aucune pause, et attendait une exemplarité
permanente dans son attitude et dans la qualité de son travail. Jean-Paul
persévéra sans se plaindre, accomplissant son travail quotidien, jusqu'à ce
qu'il soit victime d'un licenciement économique en mars 1992.
En
septembre 1992 il trouva un travail d'agent de sécurité qu'il garda jusqu'au
début du mois de septembre 1998. Quelques jours plus tard, le 15 septembre, il
fut engagé comme agent d'entretien. Ce travail lui assurait une sécurité
d'emploi. Il occupe encore ce poste aujourd'hui.
Le
père Athanase avait accordé 150 euros par mois à Jean-Paul, somme qu'il
doublait pour Pâques du fait du grand nombre d'offices avant lesquels il
fallait préparer l'église. Il lui donnait cette somme toute l'année, y compris
en juillet et en août, même si l'église était partiellement fermée durant cette
période. Personne ne considérait cette somme comme un salaire. Elle était
plutôt la marque d'une gratitude, que l'on appelle en grec evlogia.
Jean-Paul
s’occupait de l'église et de la salle paroissiale. L'épouse du père Athanase,
Xanthi, nettoyait la salle de classe, les halls d'accès, les escaliers et les
toilettes.
Lorsque
le père Nicolas pris ses fonctions, il demanda à Jean-Paul d'assumer
l'intégralité du nettoyage. Il augmenta généreusement la somme qui lui était
attribuée de 50 euros par mois pour qu'il prenne à son compte la charge de
travail dont Xanthi s'occupait auparavant.
Cependant,
pour éviter de mettre en péril les comptes de la communauté par tant de générosité,
il supprima progressivement le double défraiement qu'il lui versait pour
Pâques, et retirait 50 euros par semaine lorsqu'il fermait l'église pour cause
de vacances. Par exemple les deux dernières semaines de juillet ou les deux
premières d'août.
Fidèle
à son éducation et à ses valeurs, Jean-Paul est quelqu'un de consciencieux et
d'intègre. Il ne se préoccupait pas de ces comptes d’apothicaires et prenait
simplement comme une bénédiction ce qu'on lui donnait. Aussi cet esprit sans
malice ne comprit-il pas pourquoi, lorsque j'ai commencé ce blog, le père
Nicolas Kakavelakis alla le trouver pour lui demander de me transmettre des
fausses informations. Elles étaient destinées à m'induire en erreur, afin de me
pousser à écrire des choses fausses, et à disqualifier ainsi le contenu de mon
blog.
Le
père Nicolas venait de célébrer la liturgie à ce moment-là et portait encore
ses vêtements sacerdotaux lorsqu'il vint ainsi pour le tenter. Même si, du fait
de notre différence d'âge, nous nous étions peu fréquentés, il ne serait jamais
venu à l'esprit de Jean-Paul d'induire volontairement quelqu'un en erreur pour
lui tendre un piège. Et cela même si l'ordre venait d'un homme portant l'habit
de prêtre.
Il
avait décidé de rester loin des conflits qui se manifestaient, et s'en tenait
sagement à cette réserve.
Était-ce
normal que le père Nicolas lui demande de faire des quêtes lors des mariages ou
des enterrements, alors qu'il facturait par ailleurs cette prestation aux
familles ? Était-ce normal qu'il lui demande de lui apporter en main propre
l'argent liquide ainsi collecté sans le déposer dans le tronc de l'église ? Il
n'était pas là pour en juger. Dans l'église, chacun est seul avec sa
conscience, devant Dieu. Le père Nicolas comme les autres. Et comme lui
également.
Le
temps du Faites ce qu'ils disent, mais pas ce qu'ils font (Matth.
23, 3) était révolu. Il s’apercevait que nous entrions maintenant dans Ne
faites ni ce qu'ils disent, ni ce qu'ils font. Sa conscience lui commandait
de respecter le clergé, mais pas de le suivre dans sa volonté de manipulation
malsaine.
Dans
l'esprit tortueux du père Nicolas, cette attitude fut perçue comme un manque de
fiabilité, générant une suspicion permanente envers Jean-Paul. C'est ainsi qu'il
fit venir des entreprises de nettoyage pour demander des devis, afin de se
passer de ses services. Mais les devis étaient bien plus élevés que les
modestes défraiements qu'il lui accordait. Qui aurait accepté de nettoyer
plusieurs centaines de mètres carrés pour seulement 45 euros par semaine ?
Le père Nicolas dut se résigner à le conserver.
Tel un nouveau Thénardier,
il voyait en Jean-Paul une Cosette moderne
pour laquelle il n'avait aucun respect. C'est ainsi qu'il augmenta
progressivement sa charge de travail, lui demandant de s'occuper des vitres,
puis des espaces verts, puis de la cuisine les jours de fête, des
frigos, du matériel, etc.
Derrière
cet asservissement progressif se cachait sa rancœur de n'avoir jamais pu le
manipuler.
Le
14 juin 2014, jour de la fête de fin d'année de l'ancienne
école grecque, Christos K. vint trouver Jean-Paul en affirmant qu'il
manquait des couteaux de cuisine, et en laissant supposer qu'il aurait pu
les avoir volés. Jean-Paul manifestait un dévouement exemplaire depuis tant
d'années, et Christos l'accusait pour la disparition de couteaux qui auraient
très bien pu se trouver dans la cuisine du père Nicolas, ou même dans sa propre
cuisine ? L'accusation était dure à accepter pour un homme qui a passé sa vie à
donner et non à prendre. Elle venait s'ajouter à diverses autres vexations.
Le
9 septembre 2014, Jean-Paul fut convoqué par le Comité. Il se présenta dans la
salle paroissiale, organisée ce jour-là tel un tribunal. Le père Nicolas,
président de la communauté, siégeait au centre de la table. Assis à ses côtés,
Manolis B., Christos K. et Angela J. tenaient le rôle des assesseurs. Face à
eux, Jean-Paul, dans celui de l'accusé à qui l'on reprochait son manque de
rigueur dans le travail.
A
cette occasion, il lui fut notifié une liste de tout ce dont il allait devoir
s'occuper dorénavant. Le programme couvrait une année complète. Cette
liste, reproduite ci-dessous, était augmentée d'annotations manuscrites,
montrant que son rédacteur avait cherché à ajouter de nouvelles contraintes,
même après avoir rédigé son texte.
Le
métropolite Emmanuel Adamakis fut mis en copie de ce courrier, qu'il reçut
le 8 janvier 2015.
À
ceux qui le questionnent sur l'air épanoui qui émane depuis de lui, Jean-Paul
répond qu'il se sent maintenant soulagé et libéré.
Jean-Paul
demandait, dans sa lettre, un rendez-vous pour rendre les clés de l'église
qu'il avait en sa possession, en échange d'un récépissé. Le récépissé était
indispensable pour ne pas se voir reprocher, un jour, de les avoir gardées, ou
d'être l'auteur de vols qui pourraient survenir. L'histoire des couteaux avait
en effet montré que notre couple de Thénardier en robes noires ne
s'arrêterait pas à ce genre de bassesse.
Le
père Nicolas prit cette demande comme une humiliation personnelle. Il voulait
bien convoquer Cosette pour la réprimander, mais répondre à sa demande
de rendez-vous était autre chose. Allait-il s'abaisser à lui signer un
récépissé ? Le problème n'était pas que ces clés s'égarent dans la nature.
Elles étaient hautement sécurisées et personne, si ce n'est le possesseur de la
carte de propriété, n'aurait pu les dupliquer. Il suffisait de les demander, de
signer un reçu, et il aurait été assuré d'avoir en sa possession tous les
exemplaires existants. Le jeudi 19 mars 2015 au matin, le père Nicolas fit
venir un serrurier qui changea toutes les serrures de la salle et de l'église.
Aux frais de la communauté, cela va sans dire.
Frustré
de voir ainsi Cosette lui échapper, notre nouveau Thénardier fit
en sorte que l'argent qu'il lui avait promis pour ses cinq dernières semaines
de travail ne lui soit jamais versé, oubliant que Jean-Paul n'avait jamais
accompli son obédience pour un salaire.
Pire
que ça. Lorsque Jean-Paul écrivit pour présenter sa candidature
à l'élection du Comité de notre association cultuelle, le 22 mars dernier,
toutes les personnes dont le père Nicolas avait le numéro de téléphone ou
l'adresse mail reçurent un
texte disant que Jean-Paul ne faisait pas partie de notre communauté, et
qu'il n'était donc pas digne de se présenter aux élections de notre association
!
Mais
s'il ne fait pas partie de nos membres, à quel titre travaillait-il sans
salaire au sein de l'association ? Jean-Paul avait démissionné de toutes ses
fonctions, pas de sa qualité de membre (p.
3, § 8, l. 2) ! Le travail bénévole, à peine défrayé, n'est-il pas réservé
aux membres d'une association ? Et un travail sans contrat, n'est-il pas, hors
d'un cadre associatif, considéré comme étant un travail à plein temps depuis la
première heure travaillée ? Ne devrait-on pas, alors, considérer que Jean-Paul
devrait être régularisé depuis toutes ces années ? N'aurait-il pas dû cotiser
diverses charges sociales sur ce salaire, qui restaient à la charge de
l'employeur ? Sans doute une question que l'URSSAF sera intéressée d'étudier.
J'espère
que le métropolite Emmanuel invalidera les élections du 22 mars, afin de
rétablir Jean-Paul dans ses droits de membre de l'association car, à défaut, on
pourrait considérer que c'est consciemment qu'il a toujours traité Jean-Paul
comme un esclave moderne.
Un
avocat a été chargé d'engager tous recours qui s'avéreraient nécessaires pour
faire annuler cette décision d'exclusion de Jean-Paul. Si le métropolite ne
prend pas l'initiative d'annuler les élections du 22 mars de lui-même, je ne
doute pas qu'un juge saura le lui imposer.