1929 sera une année importante dans la vie de la
communauté des Grecs de Lyon. Nous y retrouvons ce que les Grecs savent faire
de mieux : la volonté de changer les choses et les divisions.
L'année commence par l'AG
du 13 janvier, qui voit monsieur Nikitopoulos redevenir président après
quatre mois, durant lesquels monsieur Roditis avait assumé cette charge.
Il va falloir ici compliquer un peu le récit, en
intégrant la vie de nouvelles associations dont les destins se croiseront.
Le 20 février, l'église orthodoxe grecque que
nous connaissons aujourd'hui informe
le préfet de son existence. L'association L'Annonciation s'est
constituée au mois de septembre 1928, et déposait ses statuts en février 1929.
Malheureusement, les archives ne conservent pas la trace de ceux-ci.
Monsieur Kaktzis en est le premier président. Son
siège est au 4, place Raspail, dans le 7ème arrondissement. Son objet est
l'exercice du culte.
L'Annonciation choisit ce patronyme, dont
la fête est célébrée le même jour que celle de l'Union Philanthropique.
Est jointe à la déclaration de création une
liste de 111 membres fondateurs, comprenant leurs adresses et professions.
Nous y retrouvons les mêmes personnes que dans l'Union Philanthropique,
comme messieurs Psaltopoulos, Berberoglou, Roditis, Hourchoglou, Christodoulou,
Papadimitriou, Cazanovas (tous membres du conseil d'administration de l'Union
Philanthropique en 1921), etc.
Comme nous l'avons déjà relevé, l'église grecque
existait déjà, et il était fait mention de l'aide à lui apporter dans les
statuts de l'Union Philanthropique le 19 décembre 1921. Cependant, en
septembre 1928, elle se constitue en entité juridique et déclare sa création en préfecture.
C'est à la même époque que fut créée, le 1er avril 1929, l'Union Démocratique des Hellène de Lyon ! Elle fut le fruit d'une scission d'avec l'Union Philanthropique. Nous retrouvions dans le bureau originel de l'Union Démocratique des personnes que nous avions côtoyées dans le bureau de l'Union Philanthropique. Par exemple, monsieur Roditis, élu conseiller à la création de l'Union Démocratique, avait été président de l'Union Philanthropique entre le 16 septembre 1928 et le 13 janvier 1929. Bien que membre du conseil d'administration depuis la création, il avait abandonné l'Union Philanthropique en même temps que la présidence au bout de 4 mois, vraisemblablement à cause de divergences de fond.
Le siège de l'association est au 11 cours Gambetta, à Lyon 3ème. Ses statuts ne comportent que 9 articles, très courts. Ils visent l'organisation d'activités sportives, d'excursions et à la pratique de la danse. L'association a également en charge de porter secours en cas de maladie d'un membre, ou de pourvoir aux frais de son hospitalisation. Elle secours les orphelins et les « sous-emploi » suivant le trésor de la caisse. Elle est administrée par 5 membres. Un membre condamné ou ayant une conduite indigne sera renvoyé.
En cas de dissolution, le trésor sera partagé entre l’Église grecque à Lyon et les grands mutilés de la guerre. Nous voyons donc que la cause de la scission avec l'Union Philanthropique n'était pas le fait de ses liens avec l’Église, car l'Union Démocratique revendiquait les mêmes liens (art. 7).
Bien que l'article 5 fasse déjà mention de l'impossibilité pour un membre de faire partie de l'association si sa conduite à l'égard de la société française n'est pas irréprochable, l'article 9 reviendra sur ce point, avec d'autres mots. Une telle insistance, sur un texte si court, laisse supposer que l'Union Philanthropique avait déjà été confronté à
une telle situation, mais avait cru bon de fermer les yeux. C'était sans doute ce qui avait poussé monsieur Roditis à démissionner, et était à l'origine de cette nouvelle association.
Cette Union Démocratique précisera, dans un courrier adressé au préfet accompagnant les statuts, avoir pour but de protéger, et
secourir nos malheureux citoyens en cas de leurs besoins, d'un mot notre société
sera philanthropique... Mais aucune allusion, ici, à un quelconque lien
avec l’Église. 25 personnes seront membres de cette association à sa création.
C'était la quatrième association rivale de l'Union Philanthropique
créée en huit ans. Monsieur Katras, représentant de commerce, en est le premier
président. Il est domicilié au 12, rue de la Vigilance, chez madame Stuby.
Le 12 mai, le conseil d'administration se réunit
pour former son bureau. Le document notifiant la liste des membres du bureau fut déposé
à la préfecture le 3 juin.
Pourtant, la déclaration de monsieur Katras,
outre qu'elle recelait de nombreuses fautes d'orthographe, ce qui était très rare
dans tous les documents de l'époque, était mal remplie. Le préfet demanda au commissaire de police de la Guillotière de prier
l'intéressé de compléter sa déclaration, et de s'acquitter de la somme de 3
francs 60 (anciens) pour le timbre du récépissé.
Le Commissaire sera saisi le 9 juillet et rendra
compte de son enquête le 24 juillet en produisant une lettre de madame Stuby :
Suivant votre avertissement concernant Mr.
Katras, il n'est plus chez moi. Il a dû quitter Lyon, m'a-t-il dit, pour raison
de santé. Je crois qu'il doit être à Grenoble. Pour plus amples renseignements,
vous pourriez vous adresser au coiffeur de la rue Vigilance, n°5. Il tient une
pension de famille. C'est un Grec également. M. Katras y allait très souvent.
L'excuse de raison de santé semblait « vaseuse ».
M. Katras déposait un dossier en préfecture et, quelques jours plus tard,
lorsqu'on lui demandait de compléter le dossier, il avait disparu pour
raisons de santé, plaquant là sa compagne qui l'hébergeait, bien qu'il soit
possible de retrouver sa trace dans une pension de famille où il avait
l'habitude d'aller...
Afin de répondre au commissaire de police, ce qui
restait de l'Union Démocratique se réunissait le 23 juillet. Elle
prenait acte de la démission de son président, mais également de son
vice-président et d'un conseiller. Monsieur Tsitsinopoulos devenait le second
président et payait les 3 francs 60 demandés.
Messieurs Tsitsinopoulos et Angelidis démissionnaient
à leur tour le 5 novembre et en informaient personnellement le préfet. Ils
firent bien, car ce qui restait du conseil d'administration était mort-né. Nous
n'aurons que quelques nouvelles sporadiques jusqu'à leur disparition.
De son côté, l'Union Philanthropique
réunit
son conseil le 10 novembre pour procéder au remplacement de trois membres
démissionnaires.
En 1930, L'Union Démocratique n'eut pas
d'activité.
Quant à l'Union Philanthropique, elle n'eut qu'une seule AG dans l'année, le
19 janvier, tout comme l'année précédente, contrairement à ses statuts. Son action commençait à être atrophiée par l'activité de l'Annonciation. Monsieur Kaloutsis, domicilié rue
Bancel, à Lyon 7ème, est nommé président. Il sera le 9ème président. Le siège social est transféré au 11 cours Gambetta, dans le 3ème arrondissement, c'est-à-dire au même endroit que l'Union Démocratique.
La vie de L'Annonciation fut un peu plus
mouvementée. L'Annonciation tiendra son AG le 13 janvier. Monsieur Nicolas Dhikeos, antiquaire, est nommé président, et ce bien qu'il ne
fût pas sur la liste des 111 membres fondateurs.
Depuis 1921, c'est la première fois que le
président d'une des associations grecques ne se déplace pas pour remettre au
préfet le procès-verbal de l'AG, mais qu'il envoie le secrétaire pour le faire
à sa place.
Sans doute peu habitué à être contesté, monsieur
Dhikeos informe le préfet, le
28 août 1930, qu'il a changé le conseil d'administration. Il ne fait
mention d'aucune AG, ni d'aucune réunion du conseil d'administration pour
justifier de son choix. Il l'informe également que le siège social est
transféré au 8, rue Paul Bert.
Le 21 décembre, l'AG ne se prononcera pas sur le renouvellement du mandat de
monsieur Nicolas Dhikeos, mais seulement sur la nomination de membres de la commission
de contrôle pour l'année 1931. Et, pour surveiller les activités du président,
sera nommé un étudiant, Pierre Dhikeos, domicilié au 117, rue Pierre Corneille,
chez son frère, président qu'il avait en charge de contrôler...
Je ne dis pas que cela masquait des malversations. Et je pense même que les personnes de l'époque avaient à cœur de donner plus que de prendre. Mais après avoir eu une association très paternelle et altruiste, qui se transforma en organisation juridique, elle évoluait à nouveau dans sa manière de fonctionner, pour se contenter de paraître et de superficialité. Une évolution dont nous n'avons malheureusement pas fini de devoir assumer les conséquences.
Il faut croire que le
préfet n'apprécia pas cette manière de fonctionner. Il demandera au Commissaire Spécial près la Préfecture de bien vouloir
diligenter une enquête, avec prière de fournir tous renseignements utiles sur
l'activité de cette cultuelle ainsi que sur les membres de son conseil
d'administration. Le commissaire répondra, dans une note laconique, que ces personnes ne font l'objet
d'aucun renseignement défavorable.
Nous verrons dans le prochain message que 1931 ne fera que confirmer les craintes de cette dérive, qui faisait doucement perdre le sens de ce qui avait poussé les Grecs à s'unir pour se soutenir.
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