Le 10 août 1916, monsieur Grammont faisait venir un train avec 1600 « Grecs » pour travailler dans son usine de tréfilerie, et participer ainsi à l'effort de guerre. Son usine, créée au milieu du XIXème siècle, continuera à se développer durant plusieurs décennies, embauchant des milliers d'immigrés en quête de travail et de nourriture.
Les mines de charbon de Saint-Étienne connurent le même essor.
Ce développement ne se cantonna pas à ces seules villes, mais profita à toute la région Rhône-Alpes. Décines se développa avec une très forte immigration arménienne, mais pas seulement. Un grand nombre de familles grecques vinrent s'y installer, ainsi qu'à Lyon.
À cette époque, parler de familles grecques revêt un sens très étendu. Dans ces familles grecques, on trouve des familles albanaises, syriennes, macédoniennes, d'Asie-Mineure, etc. toutes de culture et de langue grecque. C'est d'ailleurs pour cette raison que les textes de l'époque qui parlent des familles grecques mettent toujours ce terme entre guillemets, car il revêtait une généralité s'étendant bien au-delà des frontières des États de l'époque.
Nous retrouvons la même situation aujourd'hui lorsque nous parlons de familles russes. Ce terme désigne très largement des populations que l'éclatement de l'URSS a disséminées dans des pays aux noms variés, mais partageant toutes la même langue et la même culture. Si bien qu'il n'y a aucune velléité impérialiste à affirmer que l'Ukraine et la Russie sont pour l'essentiel un même peuple.
Sur la photo ci-dessous, mon arrière-grand-père, au premier rang, est Albanais. Il tient dans ses bras Alice Balabanoglou, dont le père est Syrien. Les deux sont pourtant considérés comme faisant partie de l'immigration grecque dont ils partagent la langue, la culture et la religion. Le père d'Alice sera l'un des présidents de la Communauté hellénique de Lyon. L'arrière-petite-fille de l'homme qui la tient est notre actuelle présidente. Nous avons donc eu divers présidents qui n'étaient pas Grecs. Du moins pas dans le sens juridique des nationalités et des frontières établies. Mais il ne viendrait à personne l'idée de leur contester le droit d'appartenir à cette Communauté, car l'appartenance se fait sur des critères historiques et culturels dépassant de simples frontières définies à un moment donné.
À cette époque, parler de familles grecques revêt un sens très étendu. Dans ces familles grecques, on trouve des familles albanaises, syriennes, macédoniennes, d'Asie-Mineure, etc. toutes de culture et de langue grecque. C'est d'ailleurs pour cette raison que les textes de l'époque qui parlent des familles grecques mettent toujours ce terme entre guillemets, car il revêtait une généralité s'étendant bien au-delà des frontières des États de l'époque.
Nous retrouvons la même situation aujourd'hui lorsque nous parlons de familles russes. Ce terme désigne très largement des populations que l'éclatement de l'URSS a disséminées dans des pays aux noms variés, mais partageant toutes la même langue et la même culture. Si bien qu'il n'y a aucune velléité impérialiste à affirmer que l'Ukraine et la Russie sont pour l'essentiel un même peuple.
Sur la photo ci-dessous, mon arrière-grand-père, au premier rang, est Albanais. Il tient dans ses bras Alice Balabanoglou, dont le père est Syrien. Les deux sont pourtant considérés comme faisant partie de l'immigration grecque dont ils partagent la langue, la culture et la religion. Le père d'Alice sera l'un des présidents de la Communauté hellénique de Lyon. L'arrière-petite-fille de l'homme qui la tient est notre actuelle présidente. Nous avons donc eu divers présidents qui n'étaient pas Grecs. Du moins pas dans le sens juridique des nationalités et des frontières établies. Mais il ne viendrait à personne l'idée de leur contester le droit d'appartenir à cette Communauté, car l'appartenance se fait sur des critères historiques et culturels dépassant de simples frontières définies à un moment donné.
1er rang à gauche, 2ème et 3ème personnes : Alice Balabanoglou et Nicolas Dhimoïla |
Des Communautés grecques distinctes se créèrent à Lyon, à Saint-Étienne, à Pont-de-Chéruy, ou ailleurs. Mais, dans les faits, on y retrouvait souvent les mêmes personnes, issues des mêmes familles, côtoyant les mêmes amis.
C'est ainsi que mes parents, nés respectivement dans les Communautés de Saint-Étienne et de Pont-de-Chéruy, se trouvèrent et se marièrent, il y a 50 ans. C'est ainsi, également, que ma cousine, il y a 5 ans, décida, sans justification particulière, d'intégrer la Communauté de Lyon dans l'intention d'en devenir la représentante, après avoir gravité toute sa vie dans la Communauté de Pont-de-Chéruy, ou dans les jupons du métropolite.
Lorsque le père Nicolas Kakavelakis disait, dans Le Progrès de Lyon du 3 avril 2012, que notre communauté était composée de 3500 membres, il choisissait pour une fois de rester modeste, en communiquant un chiffre sous-estimé qui ne prêterait pas à controverse. Car le nombre de Grecs qui vinrent dans la région au début du XXème siècle était supérieur à ce chiffre, et leurs descendants bien plus nombreux encore.
Les premiers Grecs de la diaspora que nous connaissons aujourd'hui à
Lyon arrivèrent dans la continuité de l'immigration économique du début
de la première guerre mondiale. Après quelques années passées de manière
informelle, ils décidèrent de se constituer en association.
Le 23 décembre 1921, le Préfet leur délivrait un récépissé pour enregistrer la constitution de l'association Union philanthropique des Hellènes de Lyon et des environs. Monsieur Spiridion Malfessis en fût le premier président.
L'article premier stipule que l'Union philanthropique comprenait les Hellènes habitant Lyon et les environs, et les Hellènes non délivrés. Cette formulation ne faisait pas référence aux Grecs qui habitaient Place du Pont, mais à tous ceux qui, en 1921, en plein cœur de la guerre greco-turque, espéraient encore libérer l'ensemble des territoires grecs assimilés à d'autres pays. Nous y reviendrons bientôt dans un message dédié.
Cette association avait pour but d'entretenir des relations amicales, aide et secours à ses membres. Son siège était au 23, quai Jules Courmont, dans le second arrondissement de Lyon.
Le Conseil de l'association, qui informait le Préfet de cette constitution, précisait dans un courrier daté du 19 décembre, que l'objet [de l'association] est de venir en aide moralement et pécuniairement aux Hellènes nécessiteux qui pourront se trouver à Lyon ou aux environs, et [vise] en même temps le développement social des membres de l'Union par des fréquentations suivies, pour leur progression.
Les statuts, manuscrits et en double exemplaire, stipulaient encore que l'entretien de plus vastes relations se ferait par des fêtes, des conversations, etc. dans la salle de l'Union. Celle-ci se donnait également pour mission la solution, si possible, à l'amiable des petits différends qui pourraient naître entre compatriotes. Elle prévoyait le secours et l'appui, pécuniairement et moralement, à tout compatriote se trouvant vraiment dans la nécessité, comme par exemple son admission dans un hôpital ou les soins à lui donner en son domicile. Les funérailles, aux frais de l'Union, pour tout compatriote décédé pauvre. Le rapatriement, aux frais de l'Union, des membres indigents ou malades, dont le besoin serait évident.
Ce qui est frappant, à la lecture de ce texte, c'est l’évidence du discernement mis en avant pour juger des situations. Il est fait mention, par exemple, d'aider des personnes ayant subi des revers exceptionnels et qui ont un besoin urgent de secours. Il ne s'agit pas là de créer des clauses juridiques légitimant une intervention, mais de s'adapter à des besoins humains, en étant mû par la compassion et la philanthropie.
Les statuts prévoient, en leur article 5, que dans le cas où l'Union deviendrait prospère, elle se chargera de l'entretien de l’Église Orthodoxe Grecque de Lyon.
Il existait donc, déjà, une église orthodoxe grecque en 1921, et ce même si nous pouvons lire aujourd'hui, sur le site de l'association, que La Communauté hellénique de Lyon et des environs a été fondée en 1929 par des ressortissants grecs de Grèce et d’Asie-Mineure, venus en France pendant le conflit gréco-turc, dans le but de sauvegarder leur culte, leur culture et d’offrir un lieu de rencontre aux Grecs exilés.
Pour autant, et c'est là une autre manifestation du discernement de ces fondateurs, ils savaient quelles priorités donner : l'entretien de l'église n'était pas supérieur aux soins des nécessiteux. Il ne pouvait que lui être subordonné.
Peu d'hommes d’Église auraient ce discernement. Lorsque Mère Teresa rencontra Jean-Paul II, celui-ci lui demanda ce dont elle aurait besoin. Elle lui répondit avec une humilité pleine d'audace : « Très Saint Père, demanda-t-elle à Jean-Paul II, vous savez ce qui serait gentil ? C'est de donner aux pauvres, à mon peuple, la moitié seulement des richesses du Vatican. » Elle ne reçut jamais autre chose que des paroles d'encouragement...
Les assemblées générales sont convoquées deux fois par an. Les statuts précisent que les membres du Conseil sont renouvelés tous les ans, le dernier dimanche du mois de décembre, par une assemblée générale.
L'article 22 fixe la fête de l'Union au 25 mars. Cette date célèbre tant la fête de l'Annonciation à la Mère de Dieu que la fête nationale grecque rappelant le déclenchement de l'insurrection du pays, en 1821, et sa lutte contre l'Empire ottoman. Aujourd'hui encore, le 25 mars est la fête patronale de notre association.
Pourtant, comme nous le verrons dans le prochain message, même si les Grecs affichaient leur Union en décembre 1921, il ne faudra attendre que quelques mois pour être confronté à la première plainte et aux associations dissidentes.
Le 23 décembre 1921, le Préfet leur délivrait un récépissé pour enregistrer la constitution de l'association Union philanthropique des Hellènes de Lyon et des environs. Monsieur Spiridion Malfessis en fût le premier président.
Première page des statuts de 1921 |
L'article premier stipule que l'Union philanthropique comprenait les Hellènes habitant Lyon et les environs, et les Hellènes non délivrés. Cette formulation ne faisait pas référence aux Grecs qui habitaient Place du Pont, mais à tous ceux qui, en 1921, en plein cœur de la guerre greco-turque, espéraient encore libérer l'ensemble des territoires grecs assimilés à d'autres pays. Nous y reviendrons bientôt dans un message dédié.
Cette association avait pour but d'entretenir des relations amicales, aide et secours à ses membres. Son siège était au 23, quai Jules Courmont, dans le second arrondissement de Lyon.
Le Conseil de l'association, qui informait le Préfet de cette constitution, précisait dans un courrier daté du 19 décembre, que l'objet [de l'association] est de venir en aide moralement et pécuniairement aux Hellènes nécessiteux qui pourront se trouver à Lyon ou aux environs, et [vise] en même temps le développement social des membres de l'Union par des fréquentations suivies, pour leur progression.
Les statuts, manuscrits et en double exemplaire, stipulaient encore que l'entretien de plus vastes relations se ferait par des fêtes, des conversations, etc. dans la salle de l'Union. Celle-ci se donnait également pour mission la solution, si possible, à l'amiable des petits différends qui pourraient naître entre compatriotes. Elle prévoyait le secours et l'appui, pécuniairement et moralement, à tout compatriote se trouvant vraiment dans la nécessité, comme par exemple son admission dans un hôpital ou les soins à lui donner en son domicile. Les funérailles, aux frais de l'Union, pour tout compatriote décédé pauvre. Le rapatriement, aux frais de l'Union, des membres indigents ou malades, dont le besoin serait évident.
Ce qui est frappant, à la lecture de ce texte, c'est l’évidence du discernement mis en avant pour juger des situations. Il est fait mention, par exemple, d'aider des personnes ayant subi des revers exceptionnels et qui ont un besoin urgent de secours. Il ne s'agit pas là de créer des clauses juridiques légitimant une intervention, mais de s'adapter à des besoins humains, en étant mû par la compassion et la philanthropie.
Les statuts prévoient, en leur article 5, que dans le cas où l'Union deviendrait prospère, elle se chargera de l'entretien de l’Église Orthodoxe Grecque de Lyon.
Il existait donc, déjà, une église orthodoxe grecque en 1921, et ce même si nous pouvons lire aujourd'hui, sur le site de l'association, que La Communauté hellénique de Lyon et des environs a été fondée en 1929 par des ressortissants grecs de Grèce et d’Asie-Mineure, venus en France pendant le conflit gréco-turc, dans le but de sauvegarder leur culte, leur culture et d’offrir un lieu de rencontre aux Grecs exilés.
Pour autant, et c'est là une autre manifestation du discernement de ces fondateurs, ils savaient quelles priorités donner : l'entretien de l'église n'était pas supérieur aux soins des nécessiteux. Il ne pouvait que lui être subordonné.
Peu d'hommes d’Église auraient ce discernement. Lorsque Mère Teresa rencontra Jean-Paul II, celui-ci lui demanda ce dont elle aurait besoin. Elle lui répondit avec une humilité pleine d'audace : « Très Saint Père, demanda-t-elle à Jean-Paul II, vous savez ce qui serait gentil ? C'est de donner aux pauvres, à mon peuple, la moitié seulement des richesses du Vatican. » Elle ne reçut jamais autre chose que des paroles d'encouragement...
Les assemblées générales sont convoquées deux fois par an. Les statuts précisent que les membres du Conseil sont renouvelés tous les ans, le dernier dimanche du mois de décembre, par une assemblée générale.
L'article 22 fixe la fête de l'Union au 25 mars. Cette date célèbre tant la fête de l'Annonciation à la Mère de Dieu que la fête nationale grecque rappelant le déclenchement de l'insurrection du pays, en 1821, et sa lutte contre l'Empire ottoman. Aujourd'hui encore, le 25 mars est la fête patronale de notre association.
Pourtant, comme nous le verrons dans le prochain message, même si les Grecs affichaient leur Union en décembre 1921, il ne faudra attendre que quelques mois pour être confronté à la première plainte et aux associations dissidentes.
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