de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 18 novembre 2015

183- 1922 à 1925



Nous avons vu, dans le précédent message, que la Communauté hellénique de Lyon, qui s'était formée au début du XXème siècle sur la base d'une immigration économique, s'était constituée en association le 19 décembre 1921, déposant ses statuts en préfecture le 23 décembre de la même année, sous le titre d'Union philanthropique des Hellènes de Lyon et des environs.

1922 - communauté des Grecs de Lyon


Le 15 avril 1922 avait lieu la première assemblée générale, prévue tous les six mois. Cette assemblée changea une première fois les statuts. Elle décida qu'en cas de dissolution, ce ne serait plus la caisse des mutilés de Genève qui serait bénéficiaire de son trésor, mais l'Hôtel-Dieu de la Ville. Elle transféra son siège social du 23, quai Jules Courmont au 4, rue de la Barre, à Lyon 2ème, au Café La Brioche.

Une seconde assemblée générale, réunie le 21 mai, modifia son conseil d'administration pour faire face à la démission de son président, du vice-président et de trois conseillers. Monsieur Voutsinos devenait le second président de la Communauté.

La volonté d'union et d'entraide affichée dans les statuts était particulièrement louable. Mais la démission en bloc des membres fondateurs de l'association laissait supposer de vives tensions. 

Il ne fallut en effet que 5 mois après la création de l'association, pour que le Préfet de Lyon reçoive la première plainte. Elle émanait de monsieur Cosmas Xantopoulos. Ce dernier informait le préfet de l'irrégularité du renouvellement des membres démissionnaires. Il faisait valoir que le quorum des membres prévus par les statuts pour valider une AG n'était pas atteint. L'association était composée de 300 membres et ne pouvait statuer sans la présence des 2/3.

Non seulement les 200 membres nécessaires n'étaient pas présents (je doute que le Café La Brioche ait jamais pu contenir une telle assemblée), mais seuls 22 membres participèrent à cette AG. Monsieur Xantopoulos demandait à ce qu'il soit procédé à une nouvelle élection.

Monsieur Xantopoulos avait commis une erreur dans sa requête. Le point b de l'article 17 des statuts de 1921 fixait au 1/3 des membres le quorum pour élire les membres du conseil, et non aux 2/3. Mais, même ainsi, les 22 présents n'avaient pas la légitimité nécessaire pour statuer.

Le 15 avril, monsieur Spyridion Malfessis présidait la première AG de notre histoire. Cinq semaines plus tard, il avait démissionné, une nouvelle AG était convoquée, il était remplacé et ne faisait désormais plus partie que des souvenirs. Une affaire rondement menée... Je doute qu'avec les moyens de communication de l'époque, les 300 membres de l'association, qui payaient chacun 2 francs (anciens) par mois, aient vraiment pu être convoqués dans un laps de temps si court. Ce qui laisse supposer que la plainte de monsieur Xantopoulos était justifiée.

Suite à cette plainte, le préfet saisissait le commissaire, et informait monsieur Xantopoulos que seul le procureur était compétent pour traiter d'une plainte. En ceci, rien n'a changé entre 1922 et 2015...

Loin de corriger cette façon de fonctionner, une nouvelle AG était convoquée le 1er octobre. Son président informera le préfet que messieurs Stakidis et Cofteros avaient démissionné, et étaient remplacés par messieurs Paranikas et Hourchoglou.

L'en-tête du courrier fait mention du siège social de l'association au Café de l'Escargot, 5 rue de Marseille, dans le 7ème arrondissement. Le préfet n'en est pas informé, mais cet oubli sera corrigé dans la déclaration du mois de décembre.

C'est au café que les Grecs refont le monde. En ceci au moins, la première communauté de Lyon ne dérogera pas à la Tradition.

Nous lisons, dans le compte rendu de cette AG du 1er octobre, que monsieur Corteros habitait rue de la Gare, à Pont-de-Chéruy. Cela établit ce que je disais précédemment, à savoir que les différentes communautés grecques de Rhône-Alpes étaient formées des mêmes personnes. Les environs de Lyon, auxquels s'adressait la communauté hellénique de Lyon, étaient compris dans un sens très large, et ce dès les origines.

Le 24 décembre, pour le premier anniversaire de l'association, une quatrième AG fut convoquée. Elle se tint au Palais du Commerce, place de la Bourse. Monsieur Papadimitriou devint le 3ème président. Monsieur Cazanovas, habitant quartier Maison Neuve, à Pont-de-Chéruy, était élu conseiller. Bien que transféré de fait depuis le mois d'octobre, le siège social est officiellement déclaré au Café de l'Escargot, 5 rue de Marseille.


La vie de la Communauté se poursuit plus calmement. Le 27 septembre 1923, monsieur Papadimitriou démissionne pour raisons de santé. Le conseil d'administration le remplace par monsieur Bladenas, qui devient le 4ème président.

Après 4 AG, parfois douteuses, en 1922, il n'y en aura aucune en 1923. La suivante aura lieu le 20 janvier 1924. Les statuts sont changés pour préciser les obligations de la Société envers ses Sociétaires. Monsieur Bladénas est confirmé à son poste de président.

Les statuts perdent en esprit paternel et deviennent juridiques. L'article concernant Le rapatriement aux frais de l'Union des membres indigents ou malades dont le besoin serait évident est supprimé. Il ne faut plus seulement que la situation de besoin d'un membre soit connue pour que ce membre soit aidé ; ce membre doit justifier de son état par un certificat médical.

Il faut désormais être membre depuis plus de 6 mois pour pouvoir prétendre à une aide médicale. Cette aide ne s'applique pas aux 3 premiers jours de la maladie, et il faut payer 4 francs par jour de cotisation pour pouvoir être aidé. La somme se monte à 8 francs en cas d'hospitalisation, et après que le malade est entré à l’hôpital par ses propres moyens.

Une somme forfaitaire de 75 francs est allouée à toute femme ayant accouchée, servant à couvrir les secours médicaux et pharmaceutiques. Cette somme n'est pas soumise à conditions de ressources, ce qui est également une entorse à l'esprit des premiers statuts, lesquels avaient pour but le soutien des plus nécessiteux.

La perte de l'esprit paternel de 1921 se manifeste également par l'inscription dans les statuts de l'impossibilité, pour les membres exclus, de pouvoir être admis à nouveau, et ce sous aucun prétexte. 

L'association vouée au secours des plus démunis se transforme peu à peu en mutuelle complémentaire, avec une liste de clauses aussi précises qu'un contrat d'assurance. La lettre adressée au préfet pour lui notifier ces modifications ne faisait d'ailleurs pas mention des obligations de l'association envers ses associés, mais de la société envers ses sociétaires, termes utilisés pour les entreprises coopératives, ou les adhérents d'une mutuelle.

Il est impossible de savoir si cette évolution survient à la suite d'abus dans les demandes d'aide, ou du fait du changement d'état d'esprit de ses administrateurs.

L'article 5, mentionnant que dans le cas où l'Union deviendrait prospère, elle se chargera de l'entretien de l’Église Orthodoxe Grecque de Lyon, est supprimé. Il est remplacé par l'assistance aux femmes ayant accouché.


L'AG suivante sera le 27 juillet 1924. Monsieur Berberoglou devient le 5ème président. Monsieur Cazanovas a déménagé de Pont-de-Chéruy au 54, rue Mazenod, à Lyon 3ème.

Le 25 janvier 1925, l'AG renouvelle simplement le conseil d'administration sans que le président ne change. Celle du 18 avril remplace monsieur Berberoglou par monsieur Bladénas, qui retrouvait ses fonctions de président, laissées neufs mois plus tôt. L'AG extraordinaire du 26 juillet désignera monsieur Nikitopoulos, 142, rue Pierre Corneille, à Lyon 6ème, comme 6ème président. (archives de 1925)

Il est permis de supposer que monsieur Bladénas n'avait accepté de retrouver son poste de président que pour assumer l'intérim dans l'attente du remplacement de monsieur Berberoglou. Ce dernier avait remis au préfet, le 16 mars, la délibération de l'AG du 25 janvier. Rien n'indiquait qu'il serait remplacé le mois suivant par une AG extraordinaire. Le caractère soudain de ce remplacement peut s'expliquer, soit par un désaccord grave, soit par un problème de santé brutal.


Si la première plainte était déposée 5 mois à peine après la création de l'Union philanthropique, la première scission se produira quasiment au même moment. Mais il faudra attendre une nouvelle plainte, et l'enquête du Commissaire Spécial près la Préfecture, le 19 mars 1926, pour le mettre en évidence, comme nous pourrons le voir dans le prochain message.

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