de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

jeudi 9 février 2012

19- Les devis



Outre l'aspect financier qu'il fallait estimer, l'un des enjeux du chantier qui se présentait était la gestion du temps. De quel délai disposions-nous ? Plus les délais sont longs, plus il est possible d'étaler les dépenses et de trouver des solutions pour faire le travail à moindre coût. Mais là, si nous commencions les travaux, il fallait faire le plus vite possible pour que le père Nicolas s'installe avec sa famille.

En septembre 2010, je côtoyais plusieurs personnes spécialisées dans des corps de métiers différents. Les travaux à réaliser ont été divisés en lots et chaque artisan  a fait une proposition de prix pour la partie qui le concernait. Bien évidemment, j'ai informé le comité que je n'imposais personne et que si quelqu'un connaissait un entrepreneur qui pouvait faire une proposition plus intéressante, il ne fallait pas hésiter. J'ai plusieurs fois rappelé ce point, mais il ne s'est jamais présenté quelqu'un qui a proposé de meilleurs prix. 

Proposer à la communauté de faire des travaux était une chose, mais j'allais me retrouver dans une position de conflit d'intérêt si je participais à ces travaux, ou du moins si j'en percevais un salaire. Un peu comme monseigneur Emmanuel qui cumule les fonctions d'évêque et de diplomate, si bien que l'on ne sait parfois plus qui il représente. Comment défendre la nécessité que je voyais de faire des travaux tout en étant partie prenante à ces travaux ? La seule solution était de ne pas être payé pour ce que j'allais faire. Aussi j'ai annoncé dès le départ que j'essaierais de trouver les solutions les plus économiques pour la communauté et que, si travaux il devait y avoir, je ferais ma part bénévolement.

Si je travaille gratuitement, alors plus je vais faire de travail, moins le chantier sera cher. Mais nous retombions dans la problématique du temps. Car plus je fais de travail, plus ma part s'étale sur une période longue. Dans les estimations, je me suis donc cantonné à un rôle de maître d’œuvre. Plombier, carreleur, électricien et peintre ont chacun fait un devis.

Ce n'est pas facile de gérer un délai. Quand je vois que celui qui a repeint la cage d'escalier qui monte à la salle de classe a commencé mi-mai 2010 pour finalement abandonner mi-août (Annonce Orthodoxe n° 21, p4, §7) et laisser une entreprise terminer, je réalise l'ampleur du défi qui nous était demandé : refaire tout un appartement dans le même temps où d'autres donnaient un coup de peinture dans un escalier.

Pardonnez-moi cette petite digression car, à ce moment-là, rien ne nous était encore demandé...

La plupart des matériaux ne nécessitent pas de recherche particulière : enduits, isolants, peintures... sont des produits courants. J'avais pris le parti d'acheter dans des magasins destinés aux professionnels pour bénéficier de qualité et de garanties sur les produits. J'avais négocié pour la communauté une remise entre 30 et 45 % suivant les produits. C'est la remise que tous les artisans que nous avions sollicités avaient chez leurs fournisseurs. Il y a même eu beaucoup plus de remise sur le matériel électrique.

Si vous regardez le couloir qui monte à la salle de classe, vous verrez par transparence tous les coups de rouleaux, les manques de peinture, les surépaisseurs et autres défauts. C'est parfois lié au peintre, mais surtout à la qualité de la peinture. En l’occurrence, ce hall d'escalier a été repeint avec une peinture de grande surface qui n'a rien de comparable à celle utilisée dans l'appartement (je ne parle pas de la partie qui a été terminée par l'entreprise). Dans un an elle sera terne, il ne sera pas possible de la lessiver sous peine de la voir s'effriter, et tout le monde rira quand on dira que ça vient d'être fait. Si nous faisions des travaux dans l'appartement du père, le but était vraiment qu'ils soient de qualité pour ne pas avoir à y revenir. 

Nous avons fait les magasins avec le père Nicolas afin de chercher des carreaux, la vasque pour la salle de bain, la robinetterie et la cuisine. A la suite de cette recherche, j'ai fait une première estimation chiffrée au comité. Le carreleur demandait 2000 euros et 100 pour ses frais car il venait de l’Isère, le peintre 3000 euros pour préparer et peindre les murs et les plafonds, le plombier demandait 1500 euros pour reprendre les réseaux d'eau et procéder à toutes les installations, et l'électricien demandait 1000 euros. Une estimation basse de 1500 euros était faite pour le travail de manutention et manœuvre. Le but était, pour toute la partie main d’œuvre, de compter sur les bénévoles comme nous l'avions fait lorsque nous avions refait la salle paroissiale pour la réception du patriarche en juillet 2009.

Pour arriver à ces prix, chaque intervenant a sacrifié une partie de son salaire, pour l’Église. Le plus remarquable est qu'il y avait parmi eux un catholique, un protestant et un athée. Il était également convenu d'opter pour un mode de facturation simplifié à l’excès.

Le total, avec les matériaux choisis, représentait un budget estimatif de 20300 euros.

C'était trop pour le comité. Nicolas Angeloudis m'a demandé de revoir à la baisse le budget. Mais comment revoir à la baisse un budget  où tous  les prix  sont déjà  au plus  juste ? Il fallait renoncer à une partie des travaux pour réduire le coût. L'idée ne me plaisait pas car le projet me tenait à cœur, mais je n'étais pas décisionnaire. Mais, au fait, qui était décisionnaire ? Nous avons vu hier que la question n'était pas tranchée puisqu'il y avait d'un côté le père et de l'autre le comité qui avaient des préoccupations différentes. 

Le père Nicolas, qui habitait là depuis déjà quelques jours, voyait que sa fille se réveillait plusieurs fois par nuit à cause du bruit des pompiers, situés un peu plus loin dans la rue, qui sortaient en opérations à toutes heures. L'appartement était également très froid. C'était certes renforcé par l'absence de meubles, mais c'était pour beaucoup lié à l'absence d'isolation et aux fenêtres. Le budget initial n'était pas encore validé que toute les limites des travaux proposés se faisaient déjà jour. Doit-on changer les fenêtres quand les peintures sont terminées ? Si on le fait après, cela signifie que l'on doit garder les anciens cadres. En posant de nouveaux cadres sur les anciens, nous allions encore réduire la surface de vitre, déjà très petite.

J'étais donc entre le comité qui voulait moins de travaux parce qu'il disait qu'il n'avait pas assez d'argent, et le père qui voulait plus de travaux. En acceptant de travailler bénévolement, je me plaçais d'un côté éthique : l'éthique me commandait d'obéir au père, et non au comité. Je devrais des comptes au comité sur l'usage qui serait fait de l'argent, mais j'obéirais au père parce que c'était mon éducation d'orthodoxe.

Le christianisme n'a jamais été une démocratie. Vous pouvez vous réunir à autant que vous voudrez et décider à l'unanimité absolue de vendre les sacrements, votre décision n'aura pas de valeur car elle s'oppose au message du Christ. Le christianisme est une croyance dans un Dieu miséricordieux qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. On peut adhérer ou non à cette croyance, mais pas la modifier par des décisions " démocratiques ". Le père représentait un christianisme appliqué qu'il allait nous montrer par son exemple, comme ses prédécesseurs avant lui, et c'est à lui que j'allais obéir.

La décision de commencer les travaux n'était pas encore prise, mais les choses étaient claires : le père n'avait qu'un mot à dire pour que tout se fasse comme il le voulait lui. Plusieurs membres du comité le savaient. Je n'avais aucune raison de me cacher pour agir : j'avais procédé de la même façon pour refaire la salle paroissiale en obéissant au père Athanase et pas au comité.

J'ai très vite su que, quoi qu'en dise le comité, l'argent n'était pas un problème. Le père Athanase avait laissé une situation économique très saine : 25000 euros sur le compte courant de l'association et 50000 euros sur un compte bloqué. Chacun d'entre vous peut le vérifier par lui-même car l'article 13, §6 de nos statuts dit que la comptabilité est tenue à disposition des membres.

Alors j'ai fait comme ma cousine quand le père Nicolas lui a demandé de changer les statuts de l'association : j'ai pris sur moi la responsabilité d'aider le père. J'ai fait un nouveau devis que j'ai envoyé au comité en réduisant certains postes de dépenses, notamment en comptant sur le fait qu'il y aurait suffisamment de bénévoles pour ne pas dépenser d'argent avec du travail de manœuvre. Ce n'était pas un devis réalisable pour plusieurs aspects, notamment parce qu'il n'était pas concevable d'avoir suffisamment de bénévoles. Je l'avais dit à M., membre du comité. Ce devis était destiné à faire voter le lancement du chantier. Le père m'avait dit de ne pas m'inquiéter, qu'une fois que le chantier serait lancé, il ne pourrait plus s'arrêter, et que c'était vraiment la Providence qui avait réuni toutes les conditions pour que ce chantier se fasse.

Le comité s'est réuni. Le père a vanté les mérites de l'homme de Dieu (moi) qui était à leur disposition pour faire des travaux. Le comité a voté le début du chantier et nous avons commencé tout de suite.

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