de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 17 janvier 2015

150- Église grecque, exarchat de Moscou part. 2



Bien que je me méfie des simplifications excessives, je dirai que la conception du fonctionnement de l’Église catholique est à l'Église orthodoxe ce que le fonctionnement des USA est aux autres grandes puissances de la planète. D'un côté, il y a une volonté hégémonique qui tend à vouloir instaurer un ordre mondial centralisé. De l'autre, il y a une conception multipolaire du monde, où chaque région peut légitimement prétendre à défendre son autonomie, la richesse de sa culture et ses intérêts, sans que cela ne vienne troubler l'harmonie des peuples entre eux.

Ayant été imprégné des valeurs de l'orthodoxie, il ne fait de mystère à personne que je suis plus proche d'un fonctionnement multipolaire, et qu'à ce titre je m'interroge sur certaines évolutions de mon Église.

La France, fidèle au modèle américain, préfère toujours avoir un seul interlocuteur, quitte à faire fi de sa représentativité réelle, pour institutionnaliser le dialogue. C'est ainsi qu'elle a poussé à la création du Conseil Français du Culte Musulman, censé représenter tous les musulmans, alors qu'il est de notoriété publique que les divergences entre eux ne légitime pas une représentation unique.

De la même façon, Henri Kissinger avait formulé le vœu de n'avoir plus qu'un seul interlocuteur pour discuter avec l'Europe, faisant abstraction de la multiplicité des nations qui la compose et de leurs intérêts souvent divergents.

C'est selon cette même volonté que le monde occidental aimerait pouvoir dialoguer avec un seul et unique représentant des chrétiens orthodoxes.

Nous assistons, depuis maintenant un certain nombre d'années, à la mise en avant du patriarche de Constantinople comme unique et légitime représentant des orthodoxes. Ainsi, c'est lui qui est invité à Rome lors des rassemblements œcuméniques, ou lorsqu'il va accueillir le pape à Jérusalem, alors que la Ville sainte ne relève aucunement de sa juridiction. Je n'ai pas vu paraître la moindre photo, dans les différents médias, du patriarche de Jérusalem au côté du pape.

Rencontre du Patriarche Bartholoméos et du Pape François à Jérusalem

Et c'est là qu'intervient l'interprétation fantaisiste du 28ème canon du concile de Chalcédoine, en 451, comme nous l'avons vu dans le message 148. En cherchant à donner à ce canon un sens universel qu'il n'a pas, le patriarche de Constantinople vise à se poser en représentant exclusif du monde orthodoxe, ce qui est contraire à toute l'ecclésiologie qui a façonné notre Église depuis le collège des apôtres.

Cette prétention à la légitimité sans partage conduit à certaines aberrations. C'est ainsi que le métropolite Emmanuel, représentant du patriarche de Constantinople à la cérémonie d'investiture du nouveau métropolite d'Ukraine, s'est offusqué de ne pas présider la cérémonie, alors que rien ne l'y autorisait, puisqu'il ne se trouvait pas là sur son territoire. Il a préféré retirer ses habits liturgiques et ne pas célébrer, plutôt que d'accepter une autre place que la première, oubliant que ceux qui veulent être les premiers se retrouveront un jour les derniers (Matth. 20, 16).

métropolite Emmanuel (médaillon à droite), le 17 août 2014, Ukraine

Dans le même temps, le métropolite Emmanuel est allé embrasser la main du pape.



Or, si le respect des canons était l'argument premier du métropolite, ce serait au pape de lui embrasser la main, puisqu'ils font de Constantinople la nouvelle Rome. Malheureusement, les règles de l’Église, utilisées de manière partisane, ne servent bien souvent que de masque à une hypocrisie manifeste. Hypocrisie qui conduit ici à considérer avec mépris les Russes et les Ukrainiens tout en donnant aux Occidentaux  une marque de reconnaissance qui ne se justifie par aucune règle ecclésiale.

Le même métropolite va jusqu'à inciter ses prêtres à adopter les coutumes occidentales catholiques. Que ce soit sur le port du col romain, comme nous l'avons vu à Lyon le 26 octobre dernier, ou ci-dessous lors d'une réception à la mairie de Lyon, ou en d'autres occasions...

médaillon au centre : prêtre orthodoxe lors d'une réception à l’hôtel de ville de Lyon


... Ou que ce soit par l'adoption de la tonsure pour les prêtres, alors que l'usage orthodoxe veut au contraire que les prêtres aient la barbe et les cheveux longs.

Lyon : prêtre orthodoxe tonsuré

Il ne s'agit pas de faire ici de l'antipapisme primaire, basé sur des relents de guerres séculaires. Même si j'avais un peu de mal à considérer que le regard de Benoît XVI était celui du vicaire du Christ, ou que son action le représentait,



il y a bien des photos de lui qui ne faisaient pas peur. Ce procès d'intention n'a donc pas lieu d'être.



D'ailleurs, son successeur mérite, à mon sens, le plus grand respect. Il a montré par ses vœux de Noël à la curie qu'il est possible de faire que les orthodoxes et les catholiques soient d'accord avec le même discours. J'aurais pu écrire moi-même ses vœux. Avec de tels hommes, intègres et lucides, il est possible de construire un rapprochement des Églises.


Les relations œcuméniques sont l'un des points à l'ordre du jour du prochain concile panorthodoxe. Elles ne peuvent se construire que sur deux bases :
- que chacun accepte de nettoyer ses écuries d'Augias et il faudra malheureusement plus que des vœux aux catholiques et aux orthodoxes pour y parvenir ;
- que le rapprochement se fasse sur la base des valeurs de l’Évangile, et non sur des volontés de pouvoir ou d'intérêts financiers.

Si le pape François a eu le courage de commencer le grand nettoyage qui s'imposait, le plaçant de fait en tête de liste de ceux qui ont le plus de chance de rejoindre rapidement Jean-Paul Ier, il reste au Patriarche de Constantinople d'oser se lancer dans la même entreprise purificatrice.


L'analogie que je relevais au début du message, entre le nouvel ordre mondial que tentent de mettre en œuvre les USA et la politique du patriarcat de Constantinople, se trouve illustrée, en particulier, dans ce fait d'importance : le patriarche ne peut pas prendre ses fonctions si son élection n'est pas validée par le gouvernement turc ; or, il est désormais d'usage que les Turcs ne valident que les patriarches qui ont préalablement reçu la bénédiction des USA. C'est la raison essentielle pour laquelle le métropolite Emmanuel, d'après les confidences que me faisait le père Nicolas Kakavelakis, vise à devenir archevêque des États-Unis : cela faciliterait son accession au poste de patriarche.

Avec les nouveaux accords gaziers russo-turcs et l'influence grandissante de Moscou dans l'économie turque, peut-être qu'un jour les Turcs ne valideront que les patriarches qui auront préalablement reçu la bénédiction de la Russie...

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