de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

dimanche 28 décembre 2014

148- Église grecque, exarchat de Moscou part. 1




Il y a peu de temps, j'ai reçu un mail d'une personne disant dépendre de l'église orthodoxe russe, exarchat du patriarcat de Constantinople. Je ne pouvais faire grand-chose pour cette personne, mais son mail a été une sorte de révélateur : s'il existe, en France, des Russes qui dépendent des Grecs, pourquoi n'existerait-il pas des Grecs qui dépendraient des Russes ?

Avant d'envisager une telle possibilité, il convient de se demander pourquoi des Russes en sont arrivés à dépendre des Grecs. Alors revenons sur quelques fondements ecclésiologiques.

Les règles de l’Église orthodoxe veulent que l'évêque local représente pleinement l’Église. Et les différents évêques sont unis entre eux parce qu'ils professent la même foi.  L’Église locale est donc le modèle suprême de fonctionnement de l’Église. C'est du moins ainsi que l'explique le père Placide Deseille, grand connaisseur des Pères de l’Église.

Cette conception est l'une des différences entre les catholiques et les orthodoxes. Pour les catholiques, en effet, on ne peut faire partie de l’Église que si l'on reconnaît l'autorité du pape. Tu crois en Dieu mais tu ne reconnais pas le pape ? Désolé pour toi, mais tu es condamné à l'enfer éternel.

Cette vision s'est établie après que l'empereur Constantin le Grand eut transféré le siège de l'empire romain de Rome à Constantinople. Rome voulut ainsi essayer de conserver l'influence qu'elle était en train de perdre. Elle développa, autour des idées de saint Augustin, la thèse de l'infaillibilité du pape, véritable tumeur cancéreuse spirituelle, dans le seul but de tenter de maintenir le pouvoir que le transfert du siège de l'Empire lui faisait perdre.

Le pape de Rome s'est en outre arrogé le monopole de certains dons de l'Esprit. Par exemple, il est le seul à pouvoir nommer un évêque, ou le seul à représenter pleinement le Christ sur terre, d'où le dogme de son infaillibilité et son titre de vicaire du Christ.

Pour des raisons politiques et géographiques, les différentes églises locales orthodoxes, autour de leurs évêques respectifs, se sont constituées en patriarcats. Les patriarches n'ont pas de pouvoir supérieur à un évêque. Ils assument une autorité morale et administrative, mais n'ont pas de prédominance dans le sens de pouvoirs sacerdotaux spéciaux. La formule consacrée, à cet égard, est primus inter pares, que l'on peut traduire par premier entre des pairs, ou premier entre des égaux.

Du fait de son rang de capitale de l'Empire, le patriarche de Constantinople se vit attribuer cette place honorifique parmi les différents patriarches du monde chrétien. C'est ainsi que lorsque le patriarche de Constantinople célèbrera la liturgie en compagnie du patriarche d'Albanie et du patriarche d'Antioche, il présidera l'office, mais cela ne lui confèrera aucun droit de regard sur le fonctionnement des Églises d'Albanie ou d'Antioche. Cet ordre de préséance est connu sous le nom de diptyques. Il fait partie des enjeux du concile œcuménique panorthodoxe en préparation.


Constantinople prit une place encore plus grande suite au 28ème canon du concile de Chalcédoine, en 451 : 28. Vœu pour la primauté du siège de Constantinople.
Suivant en tout les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mus par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d’Église, tout en étant la seconde après elle ; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l’Église de Constantinople ; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci.

Dans ce canon, l'autorité sur les régions barbares revient à Constantinople. Relativement récemment dans l'Histoire, le patriarche de Constantinople se mit à utiliser ce canon afin d'avoir autorité sur toutes les régions du monde qui n'avaient pas de patriarche propre. Mais peut-on, par exemple, considérer que la France, chrétienne depuis le premier siècle, soit une région barbare depuis le schisme d'avec l'église de Rome ? La Chine et les USA devraient-ils avoir une église qui dépende de la même personne ? Où commencent et où finissent les régions barbares évoquées ici ? L'Albanie aurait le droit à une église autocéphale, mais des pays-continents devraient dépendre d'un siège dont le nom n'existe plus que dans les livres d'histoire ? Et comment un patriarche, qui ne peut être nommé sans l'accord d'un gouvernement musulman, lui-même inféodé sur bien des points à l'Otan et aux USA, pourrait-il garantir l'intégrité du fonctionnement de l’Église et l'indépendance de ses décisions ?

Après avoir reproché à Rome, durant des siècles, de vouloir représenter l'ensemble du monde chrétien par orgueil, voici que Constantinople, au fur et à mesure que les guerres d'invasions lui faisaient perdre son territoire, se mettait à vouloir garantir sa prééminence par des revendications territoriales fondées sur des raisonnements spécieux.

Nous verrons les limites et les enjeux de ces raisonnements dans les prochains messages, après les fêtes, que je souhaite excellentes à toutes et à tous.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire