de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

jeudi 18 décembre 2014

146- Nouvelle guerre froide

Il y a un lieu où j'aime m'asseoir et prendre un café. Un lieu où toutes les situations humaines se côtoient, où les croyances n'ont pas d'importance et où chacun est accueilli tel qu'il est : l'association Ailleurs et Autrement

Depuis plus de vingt ans, cette association a pour but de faire découvrir le monde à des personnes handicapées, essentiellement au plan mental. Ici, personne ne vise à faire de la propagande politique, ni à mettre en valeur tel ou tel régime, ni telle ou telle religion, mais il s'agit d'aller au contact des populations du monde et de découvrir les richesses qu'elles ont à partager.

C'est ainsi que nous allons en Turquie et en Grèce, en Amérique du Nord (en préparation) et au Nicaragua, au Monténégro et en Albanie, ainsi que dans de très nombreux autres lieux. Je caressais l'idée de pouvoir aller demain également en Ukraine et en Russie.

Pour l'Ukraine, il faut malheureusement attendre que la guerre civile qui secoue ce pays prenne fin, car on ne peut envoyer des vacanciers sur une zone de front, ou dans une auberge qui sera réquisitionnée par l'armée, ou dans une famille dont le fils sera mobilisé de force pour aller se battre.

Pour la Russie, les choses étaient plus simples et nous avons commencé à nous projeter sur un séjour en Crimée. 



La magie des paysages est un atout essentiel, mais elle ne suffit pas à remplir un séjour. Nous avions organisé un séjour en Éthiopie qui aurait été d'une grande richesse pour les vacanciers, mais il n'y eut pas d'inscrits, à cause d'une vision de la réalité déformée où les gens pensaient à la guerre avec l’Érythrée. Le séjour fut abandonné, et l'argent investi pour le monter fut perdu.

L'une des premières choses à regarder pour monter un séjour est le site du ministère des affaires étrangères : le lieu est-il déconseillé aux ressortissants français ? Si oui, les assurances ne nous couvrent pas et le séjour est impossible. Courant juillet, le Ministère classait toujours la presqu'île de Crimée en Ukraine, mais ne déconseillait pas cette destination aux ressortissants français. Aujourd'hui, le même site présente la situation dans des termes un peu différents et prévient : Il est recommandé aux Français qui envisageraient de se rendre en Crimée de renoncer provisoirement à tout déplacement ne présentant pas de caractère impératif.

Quoi qu'il en soit, les destins de la Russie et de l'Ukraine sont en grande partie liés, et la guerre qui ravage l'Est rend impossible de vendre un tel séjour, même si nous savons que le choix des habitants de Crimée de rejoindre la Russie leur a apporté la paix, la stabilité et un développement qu'ils n'espéraient plus.

Pourtant, le principal obstacle à un séjour en Crimée n'est pas la guerre civile qui secoue l'Ukraine, mais bien les décisions de nos hommes politiques : qu'ils soient Américains ou Allemands. Leur volonté de se lancer dans une nouvelle guerre froide vient en effet de franchir un seuil, avec de nouvelles sanctions de la Commission Européenne visant spécifiquement la Crimée, et notamment ceux qui voudraient y faire du tourisme.

Comme je l'ai dit plus haut, des associations comme la nôtre n'ont aucune visée politique, et nous n'aurions rien pu ramener d'autre d'un séjour en Crimée que de belles photos de vacances. Des photos où les vacanciers auraient été heureux de visiter une presqu'île qui regorge d'autant de trésors millénaires que la Crète. Des lieux où l'histoire se mêle à la culture, à toutes les cultures qui l'ont façonnée au fil des siècles. Des photos d'habitants hospitaliers ou de vacanciers se baignant.

Et c'est peut-être là que repose le fondement des nouvelles sanctions de l'Union Européenne : ces images n'auraient pas collé avec celles véhiculées par nos médias, qui préfèrent présenter une Crimée sous occupation militaire, dont les habitants sont privés de leur liberté.

Aujourd'hui, ce ne sont pas les habitants de Crimée qui ont été sanctionnés, mais bien ceux de l'UE ; je fais partie de ceux qui viennent de perdre une part de leur liberté par ces nouvelles interdictions. Je ne peux plus aller en Crimée et ce n'est ni la faute des Ukrainiens, ni celle des Russes, mais bien la volonté de mes dirigeants qui, au-delà de leurs déclarations de circonstances, sont bien en train de dresser de nouvelles barrières entre les peuples.

Je ne sais pas comment va réagir Philippe de Villiers à ces sanctions. Il venait de vendre deux parcs à thème à la Russie, dont l'un en Crimée, suivant le modèle du Puy du Fou qu'il a créé en Vendée. Je ne doute pas qu'il trouvera le moyen de concrétiser son projet malgré tout, mais, au lieu que ce parc dépende de la France en suscitant une partie des emplois sur notre territoire, il sera obligé de rendre son parc indépendant avec tous les emplois ainsi créés en Russie.

Le vendredi 10 octobre 2014, l'ambassade de Russie à Paris prenait l'initiative d'organiser un colloque international sur les enjeux d'une nouvelle guerre froide et me faisait l'honneur de m'adresser une invitation. Les intervenants étaient tous d'éminents spécialistes, chacun dans son domaine. Jacques Sapir et Hélène Lacroix-Rix ne sont pas des partisans fanatiques pro-russes, mais des personnes dont l'objectivité et le savoir ne sont plus à démontrer. 

En l'espèce, c'était bien les Russes qui souhaitaient que nous disposions d'une analyse objective de la situation. Eux qui regrettaient que les relations entre nos pays se dégradent. Eux qui restent prêts à trouver les solutions pour que la nouvelle guerre froide, qui se manifeste sous de nombreux aspects, puisse trouver une issue rapide. 

Mais, pour trouver des solutions à un problème existant, il faut que les parties en présence aient la même volonté. Je crains fort que les nouvelles sanctions que nous venons d'adopter ne montrent aux Russes que nous ne partageons pas le même désir.

A l'approche des fêtes de Noël, il ne suffit plus aux anges de dire Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (Lc 2, 14) pour que la paix vienne et demeure. Car la paix vient du dépassement de nos différences et de l'acceptation mutuelle. Elle se répand par ce que nous avons de beau à offrir, et non par des barrières que nous dressons entre nous.

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