de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

dimanche 27 avril 2014

112- Aux victimes de Jean-Paul II



Dans la spiritualité chrétienne, au moins orthodoxe, Dieu donne la vie et non la mort. La mort n'apparaissant que lorsque l'homme se sépare de Dieu, source de vie.

La mort n'est alors plus considérée comme une punition divine, mais comme une conséquence logique et inévitable de l'éloignement de la vie. 

Dans cette optique, tuer au nom de Dieu est une aberration et un non-sens absolu. Car tuer est l'antithèse de l'action vivifiante de Dieu.

En préfiguration de la mort qui perd son pouvoir sur les hommes, Dieu donna aux hommes le signe d’Élie qui fut emporté vivant au ciel, sans passer par la mort (2Rois 2, 11). 

Il préfigura également sa grâce qui transcende la nature par la résurrection du fils de la veuve qui hébergea le prophète Élie à Sarepta (1Rois 17, 17-24), ou celle du fils de la Sunamite par le prophète Élisée (2Rois 4, 19-37). Dans cette continuité de l'histoire du salut, le Christ ressuscita Lazare le troisième jour (Jn 11, 1-45), et ressuscita lui-même dans une nature transfigurée que Marie de Magdala ne reconnut pas lorsqu'elle se rendit au tombeau (Jn 20, 14-17).

Grégoire Palamas faisait la distinction entre l'essence divine et les énergies divines. L'essence divine, ce qui fait que Dieu est Dieu, étant inaccessible à l'homme. Ses énergies vivifiantes étant participables et accessibles aux hommes par sa grâce.

Toujours dans la spiritualité chrétienne, les énergies divines sont celles qui transcendent l'homme qui se purifie pour se rapprocher de Dieu. Au sommet de cette purification se trouve le saint dont la vie exemplaire est telle que la grâce divine peut se manifester en lui et à travers lui, comme un canal permettant d'irriguer des terres.

Cette grâce se manifeste parfois sous forme de miracles, phénomènes inexpliqués traduisant la bienveillance et l'amour de Dieu pour les hommes. Mais elle peut également se manifester par toutes sortes de réconforts dans les vies de ceux qui côtoient le saint, car Dieu aime agir dans le secret des cœurs. Un très bon exemple de cela est la vie de saint Séraphim de Sarov (Irina Goraïnoff, Séraphim de Sarov, Spiritualité orientale n°11, éd. Bellefontaine 2004).

Même si les orthodoxes considèrent souvent que l’Église catholique n'est plus remplie de la grâce de l'Esprit depuis sa rupture de l’Église universelle au XIème siècle, il n'en demeure pas moins vrai que Dieu fait miséricorde à qui il veut, et il donne sa grâce à qui lui plait (Rm 9, 14). Il convient donc de se méfier des jugements hâtifs et sans discernement. Dans l’Église catholique, l'exemple de Marthe Robin est particulièrement édifiant à cet égard. Elle resta alitée, sans manger et sans boire, durant 50 ans, son système digestif étant atrophié. Elle ne pouvait accepter que la communion. De nombreux médecins l'examinèrent et en ont attesté. Beaucoup sont encore vivants. Même si je n'aime pas la mise en scène de ce reportage de Tf1, il a l'avantage de présenter certains de ces témoignages.

Si je voulais résumer la notion de sainteté, je dirais qu'elle permet la manifestation des énergies vivifiantes divines par la purification progressive du saint de ses faiblesses et de ses passions.

Dans l’Église orthodoxe, la canonisation est la suite d'une dévotion populaire spontanée, comme nous le voyons actuellement en Grèce avec le père Païssios, moine au Mont Athos mort en 1994. Ce fut également le cas dans l'Église catholique jusqu'au Xème siècle.

Dans l’Église catholique aujourd'hui, la canonisation de quelqu'un est précédée d'un procès, qui se déroule comme les procès judiciaires que nous connaissons. Il y a un avocat de la défense chargé de collecter et d'authentifier tous les témoignages positifs sur la vie du candidat. Et un procureur, parfois appelé avocat du diable, chargé de retrouver tout ce qui n'allait pas chez lui. Le procès a lieu et, à la suite d'un vote des cardinaux présents, la décision est rendue.

Dieu donnant la vie, comme je l'ai dit plus haut, les manifestations miraculeuses sont quasiment indispensables dans un procès de canonisation catholique. Car elles sont le signe que Dieu utilise celui qui l'a servi dans la droiture pour manifester aux hommes ses énergies créatrices et vivifiantes.

Il y a un vieux rêve romain qui consiste à vouloir canoniser tous les papes. La canonisation est alors utilisée par le système ecclésiastique comme moyen politique d'asseoir une autorité. Mais ce vieux rêve est difficilement atteignable avec des papes comme les Borgia, pour ne citer qu'eux.

Cette volonté d'autorité, fruit d'une centralisation hégémonique, fût l'une des causes principales de la rupture entre les Églises d'Occident (catholique romaine) et d'Orient (orthodoxe).

Là où l'évêque local, dans l'orthodoxie, représente la plénitude de l’Église (je ne parle pas ici des imposteurs qui utilisent leur fonction pour des ambitions personnelles), l'évêque n'est, dans le catholicisme, que le délégué chargé de rendre présente l'autorité du pape.

Il n'est pas possible, pour un évêque catholique, de se couper de cette centralisation excessive, sous peine d'être limogé.

Cette centralisation est la seule raison qui a fait que, durant des dizaines d'années, partout dans le monde, des prêtres pédophiles ont pu faire des dizaines de milliers de victimes sans jamais être inquiétés. Si la protection des pédophiles avait dépendu des évêques locaux, ceux-ci auraient réagi différemment aux États-Unis, en Irlande, en Allemagne ou ailleurs. Pourtant non. Tous ont eu la même attitude, partout dans le monde, durant des dizaines d'années, sans que jamais personne ne fasse cas des victimes. Le nombre de victimes n'a fait que croître grâce à cette systématisation de la protection des bourreaux.

Et le pape d'alors, dont dépendaient toutes ces décisions, était Jean-Paul II.

C'est Jean-Paul II qui fut directement accusé par le rapport Cloyne qui traitait des abus sexuels au sein de l’Église catholique irlandaise.

Dans ces conditions, la canonisation d'un tel personnage ne peut être envisagée, sauf à considérer qu'elle ne sert que des intérêts politiques. Car les énergies divines vivifiantes n'ont pu se manifester à travers quelqu'un qui a protégé les bourreaux plutôt que les victimes. Les victimes témoignent dans leur chair et dans leurs vies brisées d'une absence totale de proximité de Jean-Paul II et de Dieu. Car Dieu dit : Même si une mère oubliait ses enfants, moi je ne vous oublierai pas (Is. 49, 15). Jean-Paul II aurait du être le pasteur qui protège son peuple, image de la mère qui protège ses enfants. Il s'est contenté de les oublier et de chercher à les faire taire.

Puisque l’Église catholique cherche des signes divins pour canoniser quelqu'un, il lui a été donné celui du jeune homme, mort il y a 3 jours, écrasé par la croix érigée en hommage à Jean-Paul II. Bien que l'interprétation des signes soit souvent subjective, il est possible de voir dans cet enfant la victime innocente d'une institution corrompue et gangrénée de l'intérieur. Institution illégitime au plus haut point tant qu'elle persistera à opposer son orgueil sans se soucier des brebis qu'elle est censée défendre et protéger.

Un signe de sainteté aurait été que cette croix de Jean-Paul II donne la vie, et non la mort. Qu'elle guérisse quelqu'un au lieu de le tuer. Ou encore que ce jeune homme ressuscite après avoir été tué. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé.

Alors, aujourd'hui où Jean-Paul II entre au panthéon des saints, aujourd'hui où les pédophiles voient leur protecteur se transformer en saint protecteur, ma pensée va aux victimes de sa politique. Car c'est bien pour ces victimes que Dieu continue à dispenser ses énergies vivifiantes, et pour elles qu'il a dit : Bienheureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés ! (Matth. 5, 6). Aux victimes de Jean-Paul II, je dirai de ne jamais oublier, lorsque vous verrez les fastes de la canonisation et la joie du peuple que vous ne pourrez partager à cause de ce que vous avez vécu, qu'autre est la justice des hommes, et autre la justice de Dieu.

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