Le père Nicolas Kakavelakis nous avait gratifiés de l'un des paradoxes dont le clergé a le secret, par une tentative de récupération qui nous avait alors fait penser que nous avions affaire à un champion du monde. Ce fanatique religieux avait été capable d'affirmer, dans deux communiqués successifs, qu'il était Charlie, donc un anticlérical athée virulent, mais qu'il fallait impérativement reconnaître l'autorité canonique du métropolite Emmanuel Adamakis. Le genre de fanatique qui se refuserait à poser le percolateur sur la méridienne sans les avoir mariés au préalable.
Je ne crois pas que Charlie ait jamais reconnu l'autorité du métropolite. Et je ne crois pas non plus qu'il faille accumuler les hypocrisies pour donner l'impression d'exister, ou faire semblant d'avoir un avis. Je vais donc revenir sur ce genre de déclarations à l'emporte-pièce, qui n'ont d'autre utilité que d'amuser ceux qui les lisent.
L'homme a la capacité de choisir ce qu'il est. Et, à chaque instant, s'offrent à lui une infinité de choix possibles. Pourtant, parmi tous ces choix, il ne pourra en vivre qu'un seul, reléguant à un simple imaginaire les multiples possibilités ainsi évanouies. Et c'est précisément ce choix unique, pris au milieu d'une infinité d'autres, qui lui donnera son sens, sa valeur, et toute sa saveur.
Lorsque John F. Kennedy fit son discours à Berlin et prononça son célèbre Ich bin ein Berliner, il dit clairement qu'il visait à s'identifier aux hommes libres, où qu'ils vivent. Il y avait des hommes libres athées, catholiques, musulmans, cordonniers, maçons, militaires, riches, pauvres, jeunes, vieux, homosexuels, mariés, célibataires... et chacun pouvait s'identifier avec son Ich bin ein Berliner, sans avoir à renier ce qu'il était, ni à faire semblant qu'il était autre chose pour se contenter d'une apparence.
Après les attentats de Paris, c'est au discours de Kennedy que s'est rapportée la phrase, reprise par notre clergé : Je suis Charlie. Phrase qui fut ensuite transposée, durant les manifestations de soutien, en Je suis juif, je suis musulman, je suis policier...
Je ne suis ni juif, ni musulman, ni policier - j'ai pu le constater lorsque j'étais récemment auditionné - ni même Charlie. Je ne suis ni juif, ni musulman, parce que je suis chrétien. Il n'est pas plus compatible de dire que je suis musulman et chrétien, que de dire que je suis Charlie et curé tout à la fois. Mais le fait de n'être pas, ne signifie pas davantage que l'on soit opposé à. Pourquoi ne pas simplement envisager que l'on puisse être chacun ce que nous sommes et vivre en harmonie ensemble ?
De cette façon, je serai libre de reconnaître l'autorité canonique du métropolite Emmanuel, comme je l'ai clairement fait en introduction de mon message Notre Père, sans être importuné par l'anticléricalisme patent de monsieur Kakavelakis.
De cette façon, je serai libre de reconnaître l'autorité canonique du métropolite Emmanuel, comme je l'ai clairement fait en introduction de mon message Notre Père, sans être importuné par l'anticléricalisme patent de monsieur Kakavelakis.
Si aujourd'hui je devais revendiquer ce que je suis, bien malgré moi certes, je dirais que Je suis blogueur ! Une vocation qui ne rapporte que deux choses : la conscience d'être libre, et des ennuis... L'opposition aux pouvoirs remis en cause à travers le monde par ces êtres marginaux peut s'avérer cruelle. Autant d'éléments qui pousseront les adeptes de la récupération à éviter de se réclamer d'un tel titre.
Il y a longtemps que j'attends l'occasion de rendre hommage à ce qu'endure Raef Badaoui, journaliste et blogueur Saoudien, condamné à recevoir 1000 coups de fouet, et sans doute bientôt à être décapité.
En Birmanie, les autorités ne rigolent pas non plus avec la critique ouverte. Nay Phone Latt risquait 7 ans de prison pour diffamation de l’État... il a finalement été condamné à 20 ans, soit 3 fois plus que la peine maximum qu'il risquait !
Nous sommes ici très loin de la situation française, où Hollande promettait que Sarkozy aurait 183 ans de prison,
comme Bernard Madoff, alors qu'il semble acquis que Sarkozy n'aura rien d'autre que des acquittements. Il faut dire à leur décharge respective qu'Hollande est plus comique que prophète dans ses perspectives, et que Sarkozy n'a rien d'un blogueur idéaliste.
S'il l'avait été, la justice aurait sans doute eu moins de scrupules à son égard. Pour nous le rappeler, voici l'exemple d'un blogueur qui fut condamné à 3000 euros d'amende pour avoir reproduit des documents qui étaient en téléchargement libre et qu'il avait trouvés grâce à Google. C'est parfois à se demander si ce sont bien les mêmes juges qui acquittent les uns et condamnent les autres.
En Iran, Sattar Behechti mourut après quelques jours passés en prison, vraisemblablement sous la torture pratiquée par ceux qu'il dénonçait, tandis que la peine de mort fut requise contre Hossein Derakhshan.
La guérison des Daltons - Goscinny et Morris |
En Iran, Sattar Behechti mourut après quelques jours passés en prison, vraisemblablement sous la torture pratiquée par ceux qu'il dénonçait, tandis que la peine de mort fut requise contre Hossein Derakhshan.
Que ce soit en Algérie, où Abdelghani Aloui fut condamné à 6 mois de prison ferme pour outrage à corps constitué, en Tunisie, où Yassine Ayari fut lui aussi condamné à 6 mois de prison ferme pour avoir critiqué l'armée, en Égypte, où Maikel Nabil fut condamné à 3 ans de prison pour insulte à l'armée, au Maroc, où Mohamed Sokrate fut condamné à 2 ans de prison pour une histoire de trafic de drogue qui semblait montée de toutes pièces, ou dans bien d'autres pays, vouloir mettre en exergue des situations peu flatteuses pour leurs protagonistes peut s'avérer dangereux.
Mais une chose unit toutes ces personnes : elles n'avaient pas peur. Et c'est ce courage qui rend libre et permet à la vérité de se manifester. Une liberté qui fait peur à ceux qui voudraient nous maintenir enfermés.
Toutes proportions gardées, et même si l'herbe est souvent plus verte ailleurs, j'estime que j'ai de la chance de vivre en France car, mises à part quelques petites menaces de routine, notre système assure bien la liberté d'expression. Les policiers chargés d'instruire les plaintes du père Nicolas avaient le discernement nécessaire pour remplir correctement leur mission.
Mais une chose unit toutes ces personnes : elles n'avaient pas peur. Et c'est ce courage qui rend libre et permet à la vérité de se manifester. Une liberté qui fait peur à ceux qui voudraient nous maintenir enfermés.
Toutes proportions gardées, et même si l'herbe est souvent plus verte ailleurs, j'estime que j'ai de la chance de vivre en France car, mises à part quelques petites menaces de routine, notre système assure bien la liberté d'expression. Les policiers chargés d'instruire les plaintes du père Nicolas avaient le discernement nécessaire pour remplir correctement leur mission.
J'espère que Plantu, poursuivi pour un dessin humoristique, sera acquitté en appel comme il l'a été en première instance. Je pense qu'il avait su, en une image, exprimer beaucoup plus de choses que je n'avais été capable de le faire en un long texte.
Plantu : Pédophilie, le pape prend position ! |
J'ai lu, dans divers articles, comment des prêtres se plaignent de l'amalgame fait par de tels dessins, et du regard que leur portent les gens dans la rue. Si un prêtre se plaint du regard porté sur lui, il reste alors soumis à la vaine gloire, l'un des péchés capitaux qui conduisent tout droit en enfer. Un tel prêtre ne devrait pas se préoccuper du regard des autres. Les Pères disent que porter attention au regard des autres nous ôte la lucidité que nous devons avoir sur notre propre état, et nous maintient dans l'illusion.
Mais admettons qu'il y ait un manque de vocations qui conduise à ordonner prêtre des personnes sans préparation ni expérience de la vie spirituelle, et que ces prêtres soient sensibles au regard des autres. Si de tels prêtres ne voulaient pas que l'on fasse l'amalgame entre ces prêtres pervertis et leur propre personne, pourquoi acceptent-ils alors dans leurs rangs ceux qui les déshonorent ? Pourquoi les muter plutôt que de les révoquer ? Pourquoi ne se contentent-ils pas de s'en débarrasser pour préserver la dignité de leur ordre et la fierté de ses valeurs ? Pourquoi les avoir protégés toutes ces années et continuer à les protéger encore et encore ?
Vous voulez que le regard des gens sur vous change ? Alors séparez-vous de ceux qui n'ont rien à faire parmi vous. Soyez des pasteurs, et non des brebis que l'on conduit à l'abattoir. Prenez exemple sur des personnes comme Paolo Gabriele, le majordome du pape, au lieu de le mettre en prison. Vous ne réglerez jamais vos problèmes tant que vous considérerez que le problème est la lumière faite sur vos actes. Car, ce faisant, vous manifesterez que rien de ce que vous faites n'est destiné à améliorer les choses, mais seulement à protéger votre propre bien-être, en tentant de maintenir ceux qui vous suivent dans l'illusion.
Christine Boutin avait largement contribué, bien malgré elle, à faire connaître le site parodique le gorafi. Elle avait cité comme étant une information sûre une dépêche humoristique. C'est donc avec lucidité que je citerai le gorafi à mon tour : Kim Jong Un, leader de la Corée du Nord, est très inquiet pour la situation de la liberté d'expression en France ! Les poursuites engagées contre Plantu auraient tendance à lui donner raison...
J'espère que le Département d’État Américain émettra des protestations, comme il l'a fait chaque fois qu'un blogueur a été condamné de part le monde, si d'aventure Plantu était condamné par la cour d'appel.
Je nuancerai néanmoins les prises de positions idéalistes concernant la liberté d'expression, telle qu'elle est prônée par les autorités américaines. Lorsque leurs intérêts sont en jeu, elles réagissent comme les autorités birmanes, algériennes, saoudiennes et autres. L'exemple d'Edward Snowden est là pour nous le rappeler. Et alors, le seul qui se soit levé pour le protéger, et garder vivant l'espoir que la liberté prônée par Kennedy existe bien, est monsieur Poutine qui, je n'en doute pas, sera lui aussi heureux de dire à son tour : Ich bin ein Berliner.
Se battre pour la liberté d'expression jusqu'à la mort
RépondreSupprimerAnanta Bijoy Das, un blogueur athée du Bangladesh a été assassiné ce mardi à 8 h 30 dans la ville de Sylhet, dans le nord-est du pays, rapporte un responsable de la police locale.
Rendons-lui hommage !