Qui n'a pas entendu un jour un petit enfant demander si l'animal qu'il aimait irait au ciel ? Au-delà d'histoires tristes de séparations se pose la question de l'âme qui habite les êtres vivants. L'homme est-il le seul à avoir une âme immortelle ? Les animaux, entraînés dans la chute pas la faute d'Adam, sont-ils sauvés par sa rédemption ? Le sacrifice du Christ est-il à l'usage exclusif du peuple élu, qu'il soit issu du judaïsme, comme le pensait saint Pierre, ou plus largement membre de l’Église ? Et si les animaux ont été entraînés dans la chute, mais que seuls les hommes peuvent accéder au Paradis retrouvé, peut-on alors considérer que le sacrifice du Christ était complet ?
Parmi les multiples représentations du Paradis, l'image qui revient constamment est celle d'un lieu de délices peuplé d'animaux merveilleux. L'art chrétien n'a cessé, au cours de l'Histoire, d'imager ces créatures à travers des enluminures et autres tableaux. La bible de Malnazar, bible arménienne écrite à Ispahan, en Perse, en 1637-1638, regorge de telles enluminures représentant des animaux fantastiques qui se nourrissent des fruits du Paradis ou s'abreuvent à la fontaine de vie.
De nombreuses analyses théologiques tendent à établir que, si l'âme est le principe vivant qui anime le corps, l'animal a une âme. C'est ainsi que Job dit : Lui qui tient en main l'âme de tout ce qui vit (Jb 12, 10).
Mais certains commentateurs estiment que celle-ci ne survit pas au corps. Suivant cette théorie, l'animal ne bénéficie donc pas de la vie éternelle et le Paradis lui reste à jamais fermé. Louis Guidi, au XVIIIème siècle, dans L'âme des bêtes, revient sur le regard porté aux animaux, souvent assimilés à une simple machine plus ou moins complexe, pour prendre le contrepied de cette position.
Georges Habra, prêtre melkite catholique, se faisait l'écho de cette conception dominante et écrivait : J'assimile l'âme de l'animal à la forme d'une statue : comme la forme, elle est incorporelle, mais comme elle aussi, s'évanouit avec le corps[...]. L'âme animale, dépendant totalement d'un corps corruptible, est corruptible elle aussi. Elle n'est pas à proprement parler une âme (Georges Habra, La mort et l'au-delà, Fontainebleau, 1992, p. 7). Puis il cite Grégoire de Nysse.
Ce dernier écrivait : Si quelqu'un met face à un pain naturel un pain fait de pierre, dont la forme est la même, la grandeur la même, semblable à la couleur, de sorte que par ces nombreuses choses celui-ci paraisse être le même que le prototype, mais la puissance de nourrir lui fait défaut, nous dirons que ce n'est pas proprement que la dénomination de 'pain' échoit à la pierre, mais abusivement. Ainsi donc, l'âme ayant sa perfection dans l'intelligence et la raison, tout ce qui n'a pas cela peut certes être un homonyme du mot 'âme', mais n'est pas une âme véritable, mais une énergie vitale interprétée par l’appellation 'âme' (Grégoire de Nysse, De la création de l'homme, 15, PG, XLIV, 176-7).
J'ai connu un homme, à Athènes, qui avait passé près de vingt ans avec son chat et s'en était occupé jusqu'aux dernières heures de sa longue agonie. Mais, pour suivre l'enseignement de son père spirituel, et ne pas manifester une forme d'impiété en accordant à un animal le rituel chrétien de l'enterrement, il avait jeté le corps de son chat mort à la poubelle.
Cela conduit à penser que les animaux que nous connaissons ne sont pas ceux que nous retrouverons dans le Paradis. C'est dommage, car la fabuleuse diversité des espèces qui nous entourent n'a vraisemblablement rien à envier aux merveilles des animaux peuplant le Paradis. Il suffit d'ouvrir les yeux pour voir que nous sommes dès à présent entourés d'animaux merveilleux, suivant cette parole du Christ : Le Royaume de Dieu est au milieu de vous (Lc 17, 21).
Mais cela conduit également à penser que si la vie qui anime chaque être est une étincelle d'énergie divine, alors une partie de l'énergie divine a un commencement et une fin. Ce qui n'est pas compatible avec la théologie apophatique qui veut que rien en Dieu n'ait de début ni de fin.
La pensée de saint Grégoire de Nysse entraîne également le fait que l'enfant n'a pas d'âme véritable tant qu'il n'est pas doué de raison, mais il s'agit là d'un débat sur lequel nous reviendrons pour approfondir les notions de noûs, de pnevma et de psyché. Car si l'enfant n'a pas d'âme véritable, peut-il être sauvé s'il vient à mourir ? Et pourquoi le Christ aurait-il dit alors que c'est aux enfants et à ceux qui leur ressemblent qu'appartient le royaume des Cieux (Matth. 19, 14) ?
Les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament tendent à montrer que le salut est universel. C'est ainsi que, dans ses visions prophétiques, Isaïe dit : Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l'ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère, et l'enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. (Is. 11, 6-8)
Saint Paul, lui, est plus direct encore et dit : Dieu s'est réconcilié par [le Christ] toutes les créatures (Col. 1, 20). Ou encore : Avec l'espérance que [la création] aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Jusqu'à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement (Rom. 8, 21-22).
Du regard que nous portons sur les animaux qui nous entourent, et plus généralement sur les êtres vivants, naît le comportement que nous avons avec eux. Il convient donc de ne pas sous-estimer le rôle qu'ils jouent dans le salut divin, de peur de fausser la nature des relations que nous entretenons avec eux.
Même si le chat de la vidéo ci-dessous, qui va sauver un enfant de l'attaque d'un chien, ne le fera sans doute pas avec le même niveau de conscience qu'un humain, tout dans son geste ne pourra pas s'expliquer uniquement par une réaction instinctive.
Parmi les multiples représentations du Paradis, l'image qui revient constamment est celle d'un lieu de délices peuplé d'animaux merveilleux. L'art chrétien n'a cessé, au cours de l'Histoire, d'imager ces créatures à travers des enluminures et autres tableaux. La bible de Malnazar, bible arménienne écrite à Ispahan, en Perse, en 1637-1638, regorge de telles enluminures représentant des animaux fantastiques qui se nourrissent des fruits du Paradis ou s'abreuvent à la fontaine de vie.
De nombreuses analyses théologiques tendent à établir que, si l'âme est le principe vivant qui anime le corps, l'animal a une âme. C'est ainsi que Job dit : Lui qui tient en main l'âme de tout ce qui vit (Jb 12, 10).
Mais certains commentateurs estiment que celle-ci ne survit pas au corps. Suivant cette théorie, l'animal ne bénéficie donc pas de la vie éternelle et le Paradis lui reste à jamais fermé. Louis Guidi, au XVIIIème siècle, dans L'âme des bêtes, revient sur le regard porté aux animaux, souvent assimilés à une simple machine plus ou moins complexe, pour prendre le contrepied de cette position.
Georges Habra, prêtre melkite catholique, se faisait l'écho de cette conception dominante et écrivait : J'assimile l'âme de l'animal à la forme d'une statue : comme la forme, elle est incorporelle, mais comme elle aussi, s'évanouit avec le corps[...]. L'âme animale, dépendant totalement d'un corps corruptible, est corruptible elle aussi. Elle n'est pas à proprement parler une âme (Georges Habra, La mort et l'au-delà, Fontainebleau, 1992, p. 7). Puis il cite Grégoire de Nysse.
Ce dernier écrivait : Si quelqu'un met face à un pain naturel un pain fait de pierre, dont la forme est la même, la grandeur la même, semblable à la couleur, de sorte que par ces nombreuses choses celui-ci paraisse être le même que le prototype, mais la puissance de nourrir lui fait défaut, nous dirons que ce n'est pas proprement que la dénomination de 'pain' échoit à la pierre, mais abusivement. Ainsi donc, l'âme ayant sa perfection dans l'intelligence et la raison, tout ce qui n'a pas cela peut certes être un homonyme du mot 'âme', mais n'est pas une âme véritable, mais une énergie vitale interprétée par l’appellation 'âme' (Grégoire de Nysse, De la création de l'homme, 15, PG, XLIV, 176-7).
J'ai connu un homme, à Athènes, qui avait passé près de vingt ans avec son chat et s'en était occupé jusqu'aux dernières heures de sa longue agonie. Mais, pour suivre l'enseignement de son père spirituel, et ne pas manifester une forme d'impiété en accordant à un animal le rituel chrétien de l'enterrement, il avait jeté le corps de son chat mort à la poubelle.
Cela conduit à penser que les animaux que nous connaissons ne sont pas ceux que nous retrouverons dans le Paradis. C'est dommage, car la fabuleuse diversité des espèces qui nous entourent n'a vraisemblablement rien à envier aux merveilles des animaux peuplant le Paradis. Il suffit d'ouvrir les yeux pour voir que nous sommes dès à présent entourés d'animaux merveilleux, suivant cette parole du Christ : Le Royaume de Dieu est au milieu de vous (Lc 17, 21).
Mais cela conduit également à penser que si la vie qui anime chaque être est une étincelle d'énergie divine, alors une partie de l'énergie divine a un commencement et une fin. Ce qui n'est pas compatible avec la théologie apophatique qui veut que rien en Dieu n'ait de début ni de fin.
La pensée de saint Grégoire de Nysse entraîne également le fait que l'enfant n'a pas d'âme véritable tant qu'il n'est pas doué de raison, mais il s'agit là d'un débat sur lequel nous reviendrons pour approfondir les notions de noûs, de pnevma et de psyché. Car si l'enfant n'a pas d'âme véritable, peut-il être sauvé s'il vient à mourir ? Et pourquoi le Christ aurait-il dit alors que c'est aux enfants et à ceux qui leur ressemblent qu'appartient le royaume des Cieux (Matth. 19, 14) ?
Les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament tendent à montrer que le salut est universel. C'est ainsi que, dans ses visions prophétiques, Isaïe dit : Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l'ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère, et l'enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. (Is. 11, 6-8)
Saint Paul, lui, est plus direct encore et dit : Dieu s'est réconcilié par [le Christ] toutes les créatures (Col. 1, 20). Ou encore : Avec l'espérance que [la création] aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Jusqu'à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement (Rom. 8, 21-22).
Du regard que nous portons sur les animaux qui nous entourent, et plus généralement sur les êtres vivants, naît le comportement que nous avons avec eux. Il convient donc de ne pas sous-estimer le rôle qu'ils jouent dans le salut divin, de peur de fausser la nature des relations que nous entretenons avec eux.
Même si le chat de la vidéo ci-dessous, qui va sauver un enfant de l'attaque d'un chien, ne le fera sans doute pas avec le même niveau de conscience qu'un humain, tout dans son geste ne pourra pas s'expliquer uniquement par une réaction instinctive.
Alors, aux
enfants qui demandent si leur chat est allé au Paradis, il n'y a rien d 'aberrant à répondre que oui. Que la fin eschatologique des animaux est de retrouver le Paradis originel duquel ils ont été chassés à la suite de la faute de l'homme.
Saint Maxime le Confesseur écrivait à ce propos : [Le Christ] est le grand mystère caché, la fin bienheureuse pour laquelle tout fut créé, fin antérieure à toute existence... C'est le regard fixé sur ce but que Dieu a appelé les choses à l'existence. Il constitue la plénitude où les créatures accomplissent leur retour en Dieu... C'est pour lui, pour son mystère, qu'existent l'univers et tout ce qu'il contient (Quaest. a . Thal. 60, PG, 90, 612 AB).
De même, l'ecclésiaste dit : Avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné (Ec. 12, 7). Ou encore : Tout ce que Dieu fait subsistera toujours (Ec. 3, 14). Dieu conclu le livre de Jonas en disant : Tu as pitié du ricin qui ne t'a coûté aucune peine et que tu n'as pas fait croître, qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit. Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre (Jon 4, 10-11) !
Nous enterrons les corps pour manifester que l'homme est poussière, et qu'il retourne à la poussière. L'animal n'est pas plus que l'homme. Et s'il est lui-même poussière, il convient alors de le laisser retourner à la poussière. Dans la nature, il est dans l'ordre des choses que l'animal mort retourne à la terre. C'est pourquoi son corps n'a pas sa place dans une poubelle.
On trouve, dans les apophtegmes des pères du désert, l'histoire d'un frère allé voir un ancien pour avoir un conseil. L'ancien lui dit : Prends soin de chaque chose comme des vases sacrés de l'autel. Enterrer un animal, ou simplement le déposer sur la terre pour qu'il y retourne, ne revêt pas de caractère sacramentel, mais une forme du respect du à toute chose.
Saint Maxime le Confesseur écrivait à ce propos : [Le Christ] est le grand mystère caché, la fin bienheureuse pour laquelle tout fut créé, fin antérieure à toute existence... C'est le regard fixé sur ce but que Dieu a appelé les choses à l'existence. Il constitue la plénitude où les créatures accomplissent leur retour en Dieu... C'est pour lui, pour son mystère, qu'existent l'univers et tout ce qu'il contient (Quaest. a . Thal. 60, PG, 90, 612 AB).
De même, l'ecclésiaste dit : Avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné (Ec. 12, 7). Ou encore : Tout ce que Dieu fait subsistera toujours (Ec. 3, 14). Dieu conclu le livre de Jonas en disant : Tu as pitié du ricin qui ne t'a coûté aucune peine et que tu n'as pas fait croître, qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit. Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre (Jon 4, 10-11) !
Nous enterrons les corps pour manifester que l'homme est poussière, et qu'il retourne à la poussière. L'animal n'est pas plus que l'homme. Et s'il est lui-même poussière, il convient alors de le laisser retourner à la poussière. Dans la nature, il est dans l'ordre des choses que l'animal mort retourne à la terre. C'est pourquoi son corps n'a pas sa place dans une poubelle.
On trouve, dans les apophtegmes des pères du désert, l'histoire d'un frère allé voir un ancien pour avoir un conseil. L'ancien lui dit : Prends soin de chaque chose comme des vases sacrés de l'autel. Enterrer un animal, ou simplement le déposer sur la terre pour qu'il y retourne, ne revêt pas de caractère sacramentel, mais une forme du respect du à toute chose.
Il y a bien des éléments qui sont universels, sans implication aucune de la notion de peuple élu, et qui, pourtant, s'inscrivent dans l'histoire du salut. Le fait d'être connus de Dieu par nos noms en est une, comme nous l'avons vu dans le message précédent. Le fait que le Paradis soit appelé à accueillir des animaux en est une autre.
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