de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

vendredi 22 juin 2012

55 - Communion



Saint Cyrille d'Alexandrie dit de la communion : « Si tu jettes un petit morceau de pain dans du vin, de l'huile ou un autre liquide, tu le trouveras imprégné de leurs qualités ; si tu mets du fer en contact avec le feu, il sera bientôt rempli de son énergie, et, bien qu'il ne soit par nature que du fer, il sera plein de la vertu du feu. Ainsi donc, le Logos vivifiant de Dieu, en s'unissant à la chair qu'il s'est appropriée, selon un mode qu'il est seul à connaître, l'a rendue vivifiante. Il a dit en effet : En vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie (Jn 6, 47) ; et encore : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel ; si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai c'est ma chair... En vérité si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous (Jn 6, 51-54). » (In Lc 22, dans P.G., 72, 908-912).

Par la communion l'homme s'imprègne donc de la force vivifiante de la nature divine à laquelle il participe (cf. II Pierre 1, 4).

Mais si tous les auteurs anciens s'accordent sur les bienfaits spirituels de la communion, ils sont également unanimes à considérer que seuls des erreurs graves de doctrine peuvent exclure quelqu'un de sa participation. 

La rupture de communion ne peut s'effectuer que sur des points de doctrine ; elle peut se faire uniquement lorsque la révélation que Dieu adresse aux hommes dans l’Évangile est altérée. Le Christ dit de lui-même : Je suis la vérité, le chemin et la vie (Jn 14, 6). En s'éloignant de la vérité, l'homme s'éloigne, par la même occasion, du chemin qui le conduit à la vie. C'est pour cela que l’Église a toujours attaché une telle importance à la définition de la vérité, en restant fidèle au message contenu dans l’Évangile. 

Cette vision de l'union de la foi est d'ailleurs le fondement ecclésiologique de l’Église orthodoxe, et ce qui la différencie des catholiques dans son organisation. Pour être catholique, il faut reconnaître l'autorité du pape comme chef de l’Église. Pour être orthodoxe, il faut que l'église locale dans laquelle on se trouve professe la même foi que les autres églises locales de par le monde. Chaque église locale étant réunie autour de son évêque ; les différents évêques étant unis par la même foi.

C'est donc uniquement la foi partagée, manifestée par la communion des églises locales entre elles, qui est le ciment de l’Église et son critère de référence.

La communion étant le pain de vie, il n'y a que l'éloignement de la vérité de la foi qui peut en priver un homme ou une église. En aucun cas des ressentis personnels.

Le père Placide Deseille, très bon connaisseur des Pères de l’Église, conclut son petit fascicule sur l'Eucharistie et la divinisation des chrétiens selon les pères de l’Église par ces mots : On voit combien il importait, pour les Pères, quand des divergences apparaissaient entre des Églises, d'en peser exactement la nature. S'agissait-il de questions de minime importance ou de traditions différentes, mais authentiques ? Le maintien ou le rétablissement de la communion s'imposait, sans qu'aucune des parties puisse prétendre contraindre l'autre à se ranger à son sentiment sous menace de rupture. S'agissait-il, par contre, de questions touchant à la substance de la foi et de la tradition apostolique ? Alors, tant que les divergences subsistaient, la séparation demeurait la plus douloureuse, mais aussi la plus impérieuse des exigences non seulement de la vérité, mais aussi de l'amour véritable de Dieu et du prochain. Pour les saints Pères, le dépôt de la foi était indivisible ; il n'était pas possible d'y distinguer des articles fondamentaux et des articles de moindre importance, sur lesquels il aurait été permis de transiger. Pour eux, toute parcelle de la vérité révélée par Dieu était d'un prix infini.

Si la question de la foi était évidente pour rester en communion avec les autres églises ou les autres personnes, celle du comportement personnel était beaucoup plus ambigüe. 

La communion étant quelque chose de particulièrement sacré, tous les chrétiens peuvent-ils y participer, ou faut-il une préparation particulière ? Une double nécessité est vite apparue : le Christ donne son corps et son sang sans contreparties, mais ce don est si précieux que l'homme se doit de s'y préparer pour le recevoir.

Cette notion de préparation a beaucoup évolué au fil des siècles, et suivant les pays. Être à jeun pour communier est une forme de cette préparation. Ne pas avoir mangé de viande la veille en est une seconde. Et plus on cherche à se préparer, plus on se trouve indigne de communier. Ce qui a conduit les chrétiens, à certaines époques, à ne communier qu'une fois par an, pour Pâques.

De nombreux spirituels se sont élevés contre cette pratique, en utilisant une analogie : si tu  es  mon  hôte  et  que  je  te  reçois chez moi, je serais offensé si tu bafoues mon hospitalité ; je serais offensé si je te prépare ce que j'ai de mieux à t'offrir à manger ou à boire et que tu n'en veux pas. Ces spirituels considèrent que nous faisons la même offense à Dieu lorsqu'il nous offre ce qu'il a de mieux pour nous, le don de son corps et de son sang, et que nous ne le prenons pas.

C'est autour de cette pratique régulière de la communion que s'est effectué le renouveau spirituel du Mont Athos. Les higoumènes (supérieurs des monastères) qui reprenaient les monastères parfois à l'abandon soudaient leur communauté autour de la vie liturgique et de la communion. Ce fut le cas de Simonos Petra, ce que le père Placide a reproduit dans son monastère et par son enseignement.

Les Russes ont essayé de concilier ces deux approches : ils encouragent une communion régulière, mais ils imposent la confession avant de communier, pour être sûr que l'on ne communie pas indignement. Ce qui aboutit au paradoxe suivant. A la fin de la liturgie, juste après que les fidèles ont communié, le prêtre élève le calice devant l'assemblée et dit : Ceci a touché vos lèvres, purifié vos péchés et effacé vos iniquités. Mais quelles péchés ont pu être effacés, puisque les fidèles qui viennent de communier ont tous été confessés quelques instants auparavant ? Et si la communion efface les péchés, pourquoi imposer la confession juste avant ?

Cette pratique est également un bon exemple de tradition locale qui n'altère pas la foi : les Russes et le Grecs ont un usage qui diffère un peu, mais aucun d'eux ne va vouloir imposer à l'autre sa coutume. Les deux pouvant légitimement coexister au sein de l’Église. 

Si l'homme se prépare des années pour communier en ayant conscience de son indignité, c'est précisément le jour où il communiera qu'il en sera le moins digne : ce jour-là, en s'estimant lui-même digne du don de Dieu, il sera devenu orgueilleux. Ce qui est sûr, c'est donc que si l'homme attend d'être digne pour communier, il ne communiera jamais.

Aujourd'hui, la position de très nombreux pères spirituels est de considérer que l'homme n'est jamais digne. Il peut se préparer par le jeûne ou les bonnes actions, mais son indignité ne doit pas l'éloigner de la communion. Car c'est précisément pour les indignes que le Christ est venu : Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, pour qu'ils se convertissent (Lc 5, 31-32).

Les mêmes Pères disent que si Judas était allé sous la croix, au lieu d'aller se pendre, c'est sur lui en tout premier qu'aurait coulé le sang du Christ, et que ce sang l'aurait purifié. Tout comme saint Paul s'est trouvé purifié après avoir pourtant tué de nombreux chrétiens (Act 9).

Cette vision est ancrée dans le peuple, même si celui-ci n'a pas toutes les connaissances littéraires. C'est ainsi que plusieurs vieilles dames sont venues me voir pour me dire que le père Nicolas n'avait pas le droit de me refuser la communion comme il le fait. L'une d'elles a même écrit récemment à l'évêque pour dénoncer ce à quoi elle assiste. Vous trouverez ici son courrier, et ici la preuve de dépôt.

Je ne doute pas que si cette yaya a tort, monseigneur Emmanuel saura  lui expliquer les fondements de son erreur. Mais je ne doute pas non plus qu'il va préférer se taire pour ne pas manifester que c'est lui qui a tort, en ayant cautionné jusqu'à présent les dérives de son prêtre.

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