de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 6 juin 2015

170- Soutien communautaire



Mon oncle, Alexandre Zotos, milite contre la réforme du collège de madame Vallaud-Belkacem, et notamment pour ce qui a trait à l'enseignement du grec ancien et du latin. Agrégé de lettres classiques, il ne peut que se sentir révolté par les mesures de cette réforme qui portent atteinte à la culture et à notre civilisation. Ayant lui-même bénéficié d'un enseignement de qualité dans sa jeunesse, il a à cœur que la jeunesse d'aujourd'hui - à commencer par celle qui, socialement, ne peut compter que sur l’École, ce qui fut son cas, étant né d'une famille d'immigrés - ait accès, elle aussi, aux joies et bienfaits qu'il doit à ses maîtres en humanités.

Il y a quelques jours, Alexandre entra dans une librairie et tomba sur un livre qui s'appelait Zotos l'Athénien.
 


Même s'il y a beaucoup de Zotos en Grèce ou dans le sud de l'Albanie, retrouver ce nom en couverture dans une librairie de Saint-Étienne avait de quoi surprendre. Il acheta ce livre, qui racontait l'histoire de l'un des dix-milles soldats grecs dont il est fait mention dans l'Anabase de Xénophon.

Ce livre était dédicacé En hommage à Monsieur Jean PEYRARD, Professeur de lettres classiques, qui, plus qu'un enseignant, fut pour nous un maître.

Jean Peyrard avait été le professeur de lettres de mon oncle, vraisemblablement quelques années avant d'être celui de l'auteur, monsieur Blondel. Il était tout autant craint que respecté par ses élèves. Alexandre se souvient encore de l'avoir entendu s'adresser à l'un de ses condisciples : Jeune homme, vous n'êtes que le pâle reflet de l'ombre de votre frère. Mots qui n'auraient plus cours dans la pédagogie d'aujourd'hui, mais qui avaient su marquer le jeune homme en question et le motiver, tout en amusant ses camarades.

Il est légitime de supposer que monsieur Peyrard parlait de Zotos, un élève qui se distinguait par ses résultats, aux classes qu'il eut ensuite. Et tout aussi possible que Robert Blondel fût marqué par ces références. Si bien que soixante ans plus tard, il donna au héros de son roman le nom de cet inconnu évoqué par son professeur de lettres dans sa jeunesse.

Wikipedia nous apprend que L’ « Anabase » est riche en descriptions de peuples exotiques parfois autant hostiles aux Grecs qu'aux Perses, de combats difficiles, de rapports humains conflictuels. Surtout, cet épisode célèbre stigmatise la faiblesse de l'empire perse, ce qu’Agésilas II et plus tard Alexandre le Grand n’oublieront pas. L’ « Anabase » a pu servir de comparaison à des événements de l’histoire. Ainsi, la retraite de Russie par la Grande Armée de Napoléon ou la Longue Marche de Mao (par analogie à l’épopée des Dix-Mille et aux nombreux récits qu’elle inspira) ont-elles pu être comparées à cet épisode de l’antiquité grecque.

Récemment, un ami me faisait remarquer que l'histoire récente de notre communauté lui faisait penser à l'Anabase. Tels les soldats de Xénophon, sans cavalerie, sans généraux, en territoire hostile, l'armée de petites brebis s'organisait pour faire face à la traîtrise d'une hiérarchie qui les avait privés de leur pasteur, et défendait chacun de ses membres attaqués. 

Au risque de décevoir mes amis Américains, ce ne sont pas leurs cinéastes hollywoodiens qui ont inventé les belles histoires du soldat blessé au front et que ses camarades refusent d'abandonner, fusse au péril de leur vie. De telles descriptions existaient déjà il y a 2500 ans, dans les récits des Grecs. S'il y avait sans doute des traîtres parmi eux, dont l'Histoire a oublié les noms, il y avait surtout des hommes qui étaient des modèles de courage, de foi, et de fidélité envers leur patrie, leurs dieux, leur famille et leurs camarades.

Ainsi, lorsque le métropolite Emmanuel Adamakis, tel un nouveau Satrape Tissapherne, qui fit exécuter les généraux grecs Cléarque et Mennon par traîtrise, décida d'exclure Dimitri L. et Philippe L., son acte sonna le début de la mobilisation de la Communauté. Celle-ci s'organisa et décida de commencer le long périple qui devait la sortir de la terre hostile dans laquelle le clergé, armée NOIRE du nouveau Satrape, tentait de nous enfermer.


Clarissa Pinkola Estés, psychologue, revient sur l'importance d'une communauté, dans la psychologie, comme étant une famille au-dessus de la famille, une famille capable d'affecter toutes les familles lorsqu'elle fonctionne mal, mais capable également de toutes les unir.
Une grande partie de la psychologie met l'accent sur les causes familiales et l'angoisse et pourtant les composantes culturelles ont un poids aussi lourd, car la culture est la famille de la famille. Si la famille de la famille souffre de maux divers, toutes les familles à l'intérieur de cette culture devront se confronter au même malaise. Dans ma famille, on dit : « cultura cura », la culture soigne. Si cette culture guérit, les familles vont apprendre à se soigner, à moins lutter, à avoir une action plus réparatrice, moins blessante, emplie de plus de grâce et d'affection. Si c'est une culture où règne le prédateur, toute nouvelle vie à naître, toute vie ancienne à disparaître vont être maintenues dans l'immobilité ; les âmes des citoyens resteront glacées de peur et auront faim de spiritualité. (Clarissa Pinkola Estès, Femmes qui courent avec les loups, éd. Grasset & Fasquelle, trad. française de l'américain par Marie-France Girod, 1996, p. 104)

Cette notion existait déjà dans saint Paul qui disait : Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui (1Cor. 12, 26).

J'ai régulièrement entendu des personnes me dire que c'est Dieu qui juge, que les actions injustes s'écroulent d'elles-mêmes, que ce n'est pas à nous de critiquer une injustice, mais qu'il convient de laisser Dieu agir. Cette dialectique est encore plus répandue lorsque l'origine des injustices vient des membres du clergé, car alors les personnes confrontées à l'injustice estiment qu'elles risquent d'attaquer l’Église qui est une chose sainte.

Ces personnes oublient que ce n'est pas sur nos intentions que nous devrons répondre devant Dieu, mais bien sur la manière dont nous nous sommes comportés dans les situations diverses auxquelles nous nous sommes trouvés confrontés durant notre vie. C'est ainsi que le Christ nous rapporte qu'il dira, au jour du jugement : Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. Ils répondront aussi : Seigneur, quand t'avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t'avons-nous pas assisté ? Et il leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne les avez pas faites. (Matth. 25, 41-45)

Dieu ne répare pas les injustices. Du moins pas maintenant. Et c'est à nous qu'il appartient de construire le monde dans lequel nous voulons vivre ; de construire le monde que nous voulons laisser à nos enfants ; de construire un monde dont nous pourrons être fiers.

Il est vrai que l’Église est une chose sainte. Et c'est précisément pour cela qu'il ne faut pas accepter de la laisser pervertir, fût-ce par un prêtre ou un évêque. Mais l’Église n'a jamais été l'Institution ; elle est la communauté des personnes unies dans la foi ; elle est chacune de ces personnes prises en tant qu'être unique et irremplaçable.

En cela, une seule de ces personnes a plus d'importance que tous les ordres canoniques. Car le Christ est mort pour cette personne (1Cor. 8, 11), alors qu'il a promis la destruction de ce qui peut être considéré comme l'annonce de son clergé à venir. À ceux qui lui diront, au jour du Jugement : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom ? n'avons-nous pas chassé des démons par ton nom ? et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? (Matth. 7, 22), il répondra : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité (id.). Ou encore sa longue malédiction aux scribes et aux pharisiens (Matth. 23, 13-36), clergé de son époque. Ensemble d'éléments qui permettent de considérer que le Christ fut le premier des anticléricaux. Mais surtout le premier des anti-hypocrites, quels qu'ils soient, fussent-ils membres du clergé.

L'excuse d'attaquer ou de ne pas attaquer l’Église n'est qu'un prétexte fallacieux qui nous permet d'étouffer notre conscience, ou qui permet aux manipulateurs de garder le contrôle sur leurs ouailles. En aucun cas elle ne peut être considérée comme légitime si l'on se trouve confronté à une injustice.

C'est pourquoi j'ai tenu à être le premier à donner quelques sous à Dimitri L. et Philippe L. lorsqu'ils ont décidé d'engager un recours contre leur exclusion. Il n'était pas possible que je les laisse à eux-mêmes. Pas possible que j'essaye de leur faire croire qu'ils sont des amis si je ne suis pas prêt à les aider lorsqu'ils en ont besoin. Pas possible que je considère la Communauté comme un lieu où je peux prendre, et non comme un lieu où l'on partage. Où l'on partage tout, même le soutien dans les épreuves. Car il est facile de prendre, mais c'est l'épreuve qui est le creuset dans lequel s'épurent et se révèlent les intentions.

Un jour, dit une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

J'espère que beaucoup se sentiront concernés par les exclusions dont nos membres ont été victimes, et que beaucoup, tels le colibri de l'histoire, feront un geste pour les aider dans leur demande de réhabilitation.

Stélios a été chargé de collecter l'argent que les uns et les autres ont déjà commencé à donner pour soutenir les exclus du métropolite Emmanuel dans leur procédure judiciaire. Stélios est connu et respecté de tous pour son intégrité. Lorsqu'il partira en Grèce, Dimitri, Philippe ou d'autres le remplaceront dans cette gestion de notre soutien communautaire. En ce qui me concerne, je ne prendrai pas part à cette collecte, si ce n'est pour donner des sous où les coordonnées de ceux qui collectent, afin que mes détracteurs ne m'accusent pas d'utiliser mon rôle de blogueur à des fins mercantiles.

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