de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 27 juin 2015

173- Union philanthropique des hellènes de Lyon et des environs



En 1921 naissait l'Union Philanthropique des Hellènes de Lyon et des Environs, qui deviendra par la suite la Communauté hellénique de Lyon que nous connaissons. Les années ci-dessous reproduisent, en suivant les liens actifs, toutes les archives de la préfecture sur l'histoire de notre association.



1921
 
1922
 
1923
 
1924
 
1925
 
1926
 
1927
 
1928
 
1929
 
1930
 
1931
 
1932
 
1933
 
1934
 
1935
 
1937
 
1939
 
1942
 
1945
 

1953
 
1954
 
1955
 
1957
 
1959
 
1961
 
1962
 
 
1965
 
1967
 




1985
 
1990
 
1994
 
1996
 
2002
 
2006
 
2011
 
2012
 
2015
 

Un grand merci à Dimitri pour son aide à la constitution de ce dossier !

samedi 20 juin 2015

172- Front de gauche national, front national de gauche



On raconte que le président américain Bill Clinton s'est fait connaître en se faisant élire sur les idées de son adversaire (même si beaucoup considèrent qu'il s'est fait connaître pour d'autres raisons...). Pourquoi voter pour les Républicains, puisqu'il était possible, en élisant le candidat démocrate, d'avoir tant le programme des Républicains que celui des Démocrates ? Et pourquoi son parti aurait-il cessé de le soutenir, puisque la politique de ses adversaires était certes similaire, mais tout de même plus radicale ? Sa stratégie fut la bonne et il fut élu pour deux mandats.

Sur le même principe, en France, l'UMP tend de plus en plus à proposer des idées de gauche, et le PS des idées de droite. Cela conduit à un rapprochement des positions qui pousse Marine le Pen à parler de l'UMPS, à juste titre. Car, dans les faits, il n'y a quasiment aucune différence entre les politiques des deux mouvements. Le plan Valls pour les petites entreprises est considéré par Le Monde, journal de gauche ayant tendance à soutenir le gouvernement, comme étant du Sarkozy.

Il est possible de ne voir dans ces rapprochements de position contre-nature que la trahison des idées des partis politiques en question. Et j'avoue être moi-même tenté de le considérer ainsi. Car à force d'épouser les positions de l'adversaire, on finit par n'avoir plus guère d'idées propres à défendre.

Sauf à considérer que les hommes politiques européens ne sont finalement que des francs-maçons pour qui l'idée d'alternance ne se traduit que dans la couleur du logo dont ils estampillent leurs prospectus publicitaires, vu qu'elle se limite à placer tantôt untel de leurs membres à la tête des postes décisionnaires, et tantôt untel, sans que le responsable qui décide de l'attribution des postes ne change, ni que les gouvernements successifs ne s'écartent d'un but fixé d'avance.

Même si cette conception de la politique s'apparente à la trahison des idées,  j'essayerai, pour les besoins de la réflexion sur le thème de ce message, de n'en voir que le côté positif : celui où les hommes se rapprochent sur ce qui peut les unir, plutôt que d'entretenir leurs divisions en exacerbant leurs antagonismes.

L'exemple le plus frappant dans la politique moderne est incontestablement le cas des Grecs. Après avoir passé des décennies à faire semblant de s'affronter, la gauche et la droite, représentés en dernier lieu par le Pasok et la Nouvelle Démocratie, ont abandonné tout ce qui pouvait les opposer. Et, sous prétexte d'union nationale, ces partis ont entrepris de mettre en œuvre ce qui leur semblait le plus important : les mémorandum successifs imposés par l'Europe et le FMI. C'est ainsi qu'ils ont formé un gouvernement d'alliance afin de continuer immuablement la même politique décidée en Allemagne.

Les arts martiaux ont pour philosophie d'utiliser la force de l'adversaire afin de la retourner contre eux. C'est ainsi que je n'ai pu qu'admirer la stratégie d'Alexis Tsipras, après son élection, lorsqu'il a su trouver des alliés au-delà des partis de gauche qui lui étaient proches.

L'alliance contre-nature avec le parti nationaliste des Grecs Indépendants, qui semblait alors offusquer tout le monde, n'était que la transposition aux forces d'extrême gauche de l'alliance avec le Pasok conclue par Antonis Samaras, le leader de la Nouvelle Démocratie, dans le précédent gouvernement.

Le pragmatisme avait su s'imposer aux idéalistes qui décidaient de privilégier l'action et le réalisme.

Mais si lesdits idéalistes de gauche étaient capables de mettre leurs idées en pratique, n'étions-nous pas en train d'assister à la fin d'un monde devenu obsolète, mais que des hommes étaient capables de faire renaître de ses cendres ?

A mes yeux, la plus grande victoire de Tsipras est d'avoir réussi une alliance par-delà les clivages existants. D'avoir su construire sur la base de ce qui l'unissait aux autres, plutôt que de rester ancré dans des divisions stériles qui l'auraient empêché ne serait-ce que de poser la première pierre de son œuvre.

En ceci, je pense qu'il est précurseur pour de nombreux pays, si tant est que d'autres hommes comprennent la portée de ce qu'il a fait.
 

En France, l'idée d'une alliance de l'extrême gauche et de la droite, ou de l'extrême droite et de la gauche, ou de l'extrême gauche et de l'extrême droite, fait bondir ceux qui l'entendent. Nous ne nous associons pas avec de telles personnes, mais nous les combattons ; nous n'avons rien en commun avec ces gens et leurs idées ; une telle alliance n'aurait rien à voir avec ce que Tsipras a fait, etc., sont les remarques qui reviennent le plus souvent.

Pourtant, la différence est-elle si grande entre la situation de la Grèce et la nôtre ? En France, la droite et la gauche envisagent souvent de s'allier entre elles pour masquer l'érosion de leurs influences respectives. Et ils l'ont déjà fait, notamment lorsque le PS a appelé à voter pour Jacques Chirac, au second tour de l'élection présidentielle de 2002, préfigurant des alliances futures qui ne manqueraient pas d'apparaître.

Le concept utilisé alors pour justifier cette alliance était le front républicain, destiné à faire barrage au Front National. Par la seule référence à la notion et formule de front républicain, des partis laissaient sous-entendre que tout autre parti que le leur n'était pas républicain. Pourtant, le Front National participe à la vie républicaine et en respecte les principes aussi bien (ou aussi mal) que le PS ou l'UMP. Et un message de blog consacré à ce sujet ne suffirait pas à entrevoir, seulement, les limites de tous les donneurs de leçons. De plus, jamais la Justice, seule habilitée à décider qui est républicain ou non, n'a considéré que le FN ne le fût pas.

Aussi, nul n'a pu demander son interdiction comme antirépublicain, comme objectivement et fondamentalement contraire à l'esprit, aux principes et aux lois de la République. Quand le Premier ministre Manuel Valls dit à une députée FN vous n'êtes ni la République, ni la France,  qu'attend-il pour demander - ou décider ! - sa destitution et son expulsion immédiate de l'Assemblée nationale ? Et pour proclamer aussi haut et aussi fort, que tous les citoyens français qui ont voté pour cette députée sont passibles de la même dénonciation ?

Ne serait-il pas logique que le Premier ministre Valls le fasse, s'il estimait que le Front National était subversif ? Mais de tels amalgames ne sont malheureusement que le signe de la malhonnêteté intellectuelle. Ils visent à aveugler ceux qui regardent le débat, mais ne contribuent qu'à aveugler ceux qui parlent et essayent de se convaincre de la justesse de leurs propos. Et, ce faisant, ne font que prôner et mettre en œuvre l'intolérance qu'ils condamnent par ailleurs.

La bataille n'a donc pas à avoir lieu sur la forme républicaine, qui est acquise, lors même que monsieur Mélenchon fait un usage intempestif, lui aussi, d'autoritarisme. Elle doit se faire sur les idées que nous défendons. Et c'est là que nous devons nous poser cette question : sommes-nous capables de nous unir sur des idées communes, ou simplement de nous diviser sur fond de nos antagonismes ?


Lorsque le Comité de soutien au peuple grec a été fondé à Lyon, il était précisé que ce comité était ouvert à toute personne, mouvement, syndicat, parti, qui se reconnaissait dans son action. Pourtant, très vite, un nettoyage idéologique par le vide s'est effectué au bénéfice des seules forces de gauche. Si bien qu'un ami qui m'accompagnait à l'une des réunions me dit : C'est bien, ton truc, mais j'ai trop entendu le mot « gauche ».

Voulant lui montrer qu'il avait tort, ou espérant au moins m'en convaincre, j'ai tenté une expérience, et commencé à envoyer des informations qui venaient de sites internet très divers, y compris de droite ou d'extrême droite. La virulence des réactions m'a étonné. Je n'avais pourtant rien fait d'autre que de relayer des émissions de BFM business avec des interviews et analyses d'économistes. Mais le simple fait que ces émissions provenaient du site Égalité et Réconciliation avait créé un début de guerre civile.

Sans doute conditionné par l'habitude des exclusions arbitraires du père Nicolas Kakavelakis, je me suis demandé si je ne risquais pas d'être exclu de ce comité que j'avais modestement contribué à fonder. Était-il possible d'être exclu d'une entité qui n'avait pas d'existence juridique ? Mais tout comme le G8 a su exclure la Russie sans qu'aucune règle écrite ne l'y autorise, je ne doutais pas que ma participation à ce comité risquait de s'achever plus rapidement que prévu...

Une fois la tension retombée, les commentaires tournèrent autour du fameux front républicain, et sur l'analogie impossible entre ce qu'a fait Tsipras et ce qui se passe en France. Mais qu'a donc fait Tsipras ? Il a abattu les barrières. Non seulement celles qui entouraient le parlement grec depuis des années, mais surtout celles qui enfermaient les hommes dans des partis que rien ne pouvait allier aux autres. Il est allé au-delà de ce que les hommes attendaient de lui, et rien ne nous empêche d'en faire autant. Et, ce faisant, il s'est assuré un pouvoir qu'il aurait dû, sinon, regarder comme un mirage lointain s'évanouissant au fur et à mesure qu'il s'en serait approché.


Jacques Sapir analysait, sur son blog, le dernier livre de monsieur Mélenchon. Il regrettait le thème choisi.
[Ce thème] est d’autant plus surprenant qu’au même moment se déroule un débat important au sein du Parti de Gauche dont Jean-Luc Mélenchon est un des principaux dirigeants. Pour son quatrième congrès, le Parti de Gauche doit affronter une véritable crise d’orientation. Après la brillante campagne de 2012 de Jean-Luc Mélenchon, le Parti de Gauche, et avec lui le Front de Gauche, qui incorpore ce qui survit du parti communiste, sont progressivement devenus illisibles. Les choix faits par la direction du PCF, mais qui étaient dans la logique de son action depuis des années, ont conduit à une crise politique au moment du vote des élections municipales puis des départementales. La direction du PCF, contre une forte minorité du parti, a décidé de jouer les supplétifs d’un P« S » à bout de souffle et largement discrédité. Mais, le Parti de Gauche a été incapable de profiter et de cette crise interne du PCF et du discrédit qui frappe les « socialistes ». Il se rêvait en un SYRIZA français face à un Pasok gouvernemental. Or, il est lui aussi touché par la même crise tant politique qu’idéologique qu’il dénonce par ailleurs.
[...] Si un livre aurait pu être utile en cette période, cela aurait été un livre sur les concepts de souveraineté et de Nation, et sur leurs conséquences. Car, le débat au sein du Parti de Gauche tourne aujourd’hui autour de la souveraineté.
[...] Voici donc l’énigme Mélenchon. Il fait un livre, certes intéressant, bien écrit et plein de finesse, mais sur un sujet largement rebattu et qui n’apporte au final rien de neuf. Il aurait pu faire un livre actant du moment souverainiste que nous vivons. Car, nul ne peut en douter, la souveraineté est, et sera dans les prochaines années, la question centrale autour de laquelle tourneront tous les débats, et se décideront toutes les alliances. Bien sur, on dira que le thème de la souveraineté irrigue en sous-main son livre actuel. J’en conviens ; ce livre n’aurait pas été écrit avec le style et la vigueur qu’on lui reconnaît si, quelque part, Mélenchon n’avait fait le choix de la souveraineté. Mais, encore fallait-il faire ce choix clairement, indiquer les relations entre souveraineté, légitimité et légalité, préciser aussi la relation qui unit dans la conception française la souveraineté et la laïcité. 

Cependant, si Mélenchon devait aborder la question de la souveraineté, il risquerait de se rendre compte qu'il est plus proche des idées du Front National que de celles du PS. Mais ne pas poser ce débat condamne le Front de Gauche à se cantonner dans un rôle de supplétif du PS, sans possibilité de prendre un jour une part active aux orientations politiques de notre pays.

Tout comme il se rendrait compte, alors, qu'il est plus proche du Front National sur la position de la France au sein de l'OTAN, que de Hollande. Ou quant à l'effet destructeur de notre intervention militaire en Lybie, en Syrie, en Irak, en Afghanistan ou ailleurs. Ou encore sur l'impossibilité de s'ingérer dans les affaires d'un autre pays sans mandat de l'ONU. Ou sur notre rapport à l'euro et à l'Europe, etc.

Le front républicain prôné parfois par des élus qui craignent de perdre leur poste, n'est plus dans une opposition au Front National, qui a su en partie muter. Il est dans une opposition aux guerres destructrices que nous menons partout sur la planète. Et, en tant qu'humaniste, et bien qu'ayant fait l'erreur de voter pour lui aux dernières présidentielles, si j'ai demain le choix entre un François Hollande et une Marine le Pen, mon choix sera vite fait. Non pas que je cautionne certaines idées du Front National dans lesquelles je ne me reconnais pas (et je m'y reconnais d'autant moins que mes parents ont été naturalisés français), mais en considération du fait, plus grave encore, que les politiques du PS ou de l'UMP ont été et sont porteuses d'innombrables morts et de destructions sauvages que je ne veux plus avoir sur la conscience.


C'est cette union des idées que Jean-Pierre Chevènement appelle de ses vœux. Une union des idées allant de Mélenchon à Dupont-Aignan. Et puisque l'on m'attribue parfois le qualificatif de provocateur, je dirai une union des idées allant de Mélenchon à le Pen. Une union consciente du fait que nous construisons ensemble le monde dans lequel nous vivons. Une union comme alternative à la guerre civile qui se produit chaque fois que des partis d'horizons différents ne songent qu'à se combattre au lieu de chercher à se comprendre. Une union qui ne serait pas destinée à appliquer le pire de ce que chacun a à proposer, mais le meilleur.

Le Front de Gauche n'a aucun avenir en France, et le Front National guère davantage. Mais un Front National de Gauche, ou un Front de Gauche National, serait sûr de prendre le pouvoir, comme Tsipras a su le prendre en Grèce. Et tout le monde pourrait alors s'apercevoir qu'aucun gouvernement n'aura été plus proche du gaullisme que cette alliance hétéroclite.

vendredi 12 juin 2015

171- Les 7 ambassadeurs



Le mardi 5 mai, au réveil, je découvrais le mail d'une amie qui me transférait un article du Monde. Cet article avait pour thème une cérémonie qui devait avoir lieu le jour même à 12 heures, dans les salons de l'ambassade de Russie à Paris.

Le Monde, tirage daté du samedi 2 mai 2015, p. 26


L'auteur de l'article y évoquait le beau graphisme de l'invitation qu'il avait reçue, frappée des symboles de l'Union Soviétique qui avait lutté contre le nazisme.
 


Mais l'auteur ne voyait dans cette célébration que la reprise en main, sous la tutelle russe, des anciens pays de l'URSS. Un peu comme si elle avait présenté les célébrations du 70ème anniversaire du débarquement, en Normandie, comme la reprise en main américaine d'une Europe toujours tentée de se défaire de son joug.

Même si le général de Gaulle aurait sans doute préféré que nous gardions une indépendance politique et économique encore plus forte à l'égard des USA, en renforçant les liens au sein d'une Europe de l'Atlantique à l'Oural, sans abandonner à l'Otan une partie du commandement de nos forces armées, je n'aurais pas apprécié, tant sur la forme que sur le fond, qu'un petit pays d'Asie ou d'Extrême-Orient réduise la France à une telle caricature.

Bien évidemment il y a des liens, des traités, des réseaux d'influence, des enjeux stratégiques etc., autour des anciens blocs américains et soviétiques. Mais réduire les pays et leurs décisions à un asservissement à des ambitions étrangères, ne leur laissant d'autre choix que la soumission, est une simplification indigne qui ne résiste pas au simple bon sens. 

L'actualité nous parle beaucoup de la Grèce ces derniers temps. Ses dirigeants successifs illustrent parfaitement ces interactions : au gré de leurs ambitions, de leurs intérêts, de leur vision politique, et plus rarement des besoins de leur peuple, ils ont toujours eu le choix de la politique qu'ils mettaient en œuvre. Et si François Hollande a abandonné l'intégralité de ses promesses de campagne avant même que le coq ne chante trois fois, je reste persuadé que la France garde la capacité de mettre dehors les traîtres - à leur programme, au peuple qui les a élus et à leur pays - qui la gouvernent et de retrouver la liberté de sa politique.

L'auteur poursuivait son article en faisant état d'un isolement de la Russie au vu des cérémonies du 70ème anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie. Il réduisait la présence de pays à ces célébrations, tels la Chine ou l'Inde, au qualificatif de quelques belles prises de Poutine. L'absence de la France, avec ses 66 millions d'habitants, à ces cérémonies, était la marque de l'isolement de la Russie, mais la présence de la Chine (1,357 milliard d'habitants) et de l'Inde (1,252 milliard d'habitants) une simple anecdote qui ne remettait pas en cause l'isolement constaté : mieux, le prouvait !

Paradoxalement, je ne pense pas qu'il y ait eu de la mauvaise foi chez l'auteur de cet article. Je ferai plutôt l'analogie avec le conte soufi de Namouss le moucheron et l’éléphant. Conte qui relate l'histoire d'un moucheron qui passe sa vie dans l'oreille d'un éléphant en croyant qu'il est important et, le jour où il décide de partir, s'aperçoit que l'éléphant ne s'était même pas aperçu de la présence de son locataire.

Bien évidemment, la France n'est pas un moucheron, mais nous devrions néanmoins parfois garder un peu plus la mesure de ce que nous représentons si nous voulons éviter quelques désillusions.

En fait, lors des cérémonies sur la Place Rouge, étaient absents les pays de l'Otan, sous influence américaine. Étaient présents les autres pays, notamment ceux des BRICS. Comme le relevait Ouest France, il ne s'est pas manqué de voix françaises pour condamner notre absence à ces célébrations. Sarkozy, lors du congrès des Républicains, n'étant que l'une d'entre elles, tout comme Mélenchon sur son blog.

Dans ses articles des 8 mai et 9 mai, parus sur son blog, Jacques Sapir développe en détail les enjeux des célébrations russes, ainsi que les raisons pour lesquelles la France aurait dû y participer. Il démontre également comment l'image que nous donnions de l'isolement de la Russie était erronée.


A l'intérieur de l'invitation, les armoiries et les noms des 7 ambassadeurs, associés pour célébrer ensemble la fin de cette guerre dévastatrice. 

70ème anniversaire de la victoire dans la grande guerre patriotique - invitation


L'article du Monde nous avait replongés dans cette éternelle question : le verre est-il à moitié plein, ou à moitié vide ? Et l'auteur préférait n'en voir que la moitié vide. Personnellement, cette question me met toujours mal à l'aise, car je pense qu'en fait le choix n'existe pas.

Si l'on considère que le vide se définit comme l'absence de tout ce qui est, et que l'être met fin au vide par sa présence, alors le vide est le non-être. Par définition, le non-être ne peut pas être puisqu'il n'est pas. Le verre ne peut donc pas être à moitié vide puisque le vide n'est pas.

Pour ma part, la première chose qui m'a frappé, au vu du carton d'invitation, était la présence côte à côte des ambassadeurs d'Arménie et d'Azerbaïdjan. Il ne faisait aucun doute que la Russie était l'hôte de cette cérémonie. Et elle avait réussi l'exploit de réunir, pour célébrer ensemble un événement, des ambassadeurs de pays qui avaient toutes les raisons de se faire la guerre plutôt que d'être assis à la même table.

70ème anniversaire de la victoire dans la grande guerre patriotique - 7 ambassadeurs


L'Arménie et l'Azerbaïdjan sont en effet opposés depuis des années sur le Haut-Karabagh. Ce conflit est considéré comme l'un des plus meurtriers de ceux liés à l'éclatement de l'Union Soviétique. Alors si monsieur Poutine utilise son influence pour que des pays collaborent ensemble et se souviennent de ce qui les unit plutôt que de ce qui les divise, non seulement ça ne me dérange pas, mais je trouve cela encourageant.

Je préfère voir monsieur Kerry discuter avec monsieur Lavrov pour régler les problèmes auxquels ils sont confrontés, plutôt que de  savoir qu'ils envoient leurs instructeurs militaires et leurs armes un peu partout sur la planète dans des buts humanitaires douteux.

Je préfère voir une centaine de généraux allemands dire stop aux dissensions entre l'Europe et la Russie, plutôt que de voir des dirigeants assumer leurs destructions et leurs morts.

Je préfère voir nos journalistes considérer comme une pure bêtise l'absence de la France aux cérémonies organisées par la Russie, plutôt que d'insister sur ce qui nous divise en œuvrant ainsi à exacerber ces divisions.

Il ne m'appartient pas de dire qui était ou n'était pas à la cérémonie organisée par les 7 ambassadeurs. Mais j'étais plutôt satisfait de voir que tous les grands médias n'avaient pas le même regard sclérosé que Le Monde. Et plutôt optimiste, rien que de constater que des hommes politiques de mon pays savaient prendre leurs distances avec les discours ambiants. Plutôt réconforté, enfin, de savoir que, quelles que soient les méthodes employées, les pays tendent pour la plupart à œuvrer de concert avec les autres plutôt qu'à leur faire la guerre. Car nous étions, dans cette salle, aux antipodes de l'isolement décrit dans l'article du Monde, de par la multiplicité des représentations qui s'étaient déplacées.

70ème anniversaire de la victoire dans la grande guerre patriotique - cérémonie


Le Christ disait à ses disciples que les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers (Matth. 20, 16). Mais les Pères, dans la spiritualité orthodoxe, relèvent souvent qu'il peut y avoir une forme d'orgueil à vouloir être le dernier. Non comme la marque de la conscience de son indignité, mais dans l'espoir d'obtenir une place supérieure aux autres dans la béatitude éternelle. Volonté de supériorité qui nous rend de fait indigne de cette place. C'est pourquoi les Pères recommandent non pas d'être le dernier, mais l'avant-dernier.

Depuis que j'ai appris cette maxime, je regarde toujours qui est premier, qui est dernier, et qui est avant-dernier. Une forme de déformation... Le fait que la Russie occupe cette place sur l'invitation ne pouvait pas avoir été le fait du hasard, et je ne pouvais que constater la sagesse du service protocolaire qui avait rédigé le carton.

Nous avions donc l'Arménie, mise à l'honneur par la première place. C'était incontestablement la reconnaissance des grandes souffrances endurées par ce peuple, qui avait célébré quelques jours plus tôt le centième anniversaire du génocide dont il a été victime de la part des Ottomans. Cérémonie à laquelle avaient participé les présidents Poutine et Hollande. 

Nous avions en seconde place l'Azerbaïdjan, qui n'était pas derrière l'Arménie, mais à ses côtés. Et puisqu'il fallait un premier et un second, sans offenser personne, l'ordre ne pouvait être que celui-là. Un primus inter pares. Un respect plutôt qu'une préséance.


Je n'ai pas assez de connaissances sur la situation des divers pays pour comprendre la suite de l'ordre protocolaire, mais je ne doute pas que rien n'a été laissé au hasard, car monsieur Poutine, lors de son discours sur la Place Rouge, citera les pays présents dans le même ordre que celui où ils étaient inscrits sur l'invitation (23'19'' sur la vidéo). Les délégations des armées défileront dans le même ordre protocolaire (35'06''). Cela laissait supposer que toutes les ambassades russes de par le monde avaient respecté le même ordre.



Il est possible de ne voir dans ce défilé que l'expression de la force d'une armée qui a su se reconstruire, et qui est maintenant prête à affronter toutes les situations. Pourtant, son véritable sens se trouve, comme pour toutes les célébrations, aussi modestes soient-elles, dans notre rapport à l'Histoire. 

Tel un arbre qui puise sa force dans ses racines, les hommes se forment par leur histoire, leurs pays et leurs familles. L'histoire de la seconde guerre mondiale y est un élément important mais non exclusif. Les hommes sont parfois blessés par cette histoire, mais ils y trouvent également des éléments de sagesse qui leur permettront de construire leur avenir. 

Un avenir que l'on peut voir soumis à une idéologie dominante qui tend à écraser ce qu'elle ne comprend pas, ou que l'on peut construire ensemble, en respectant chacun les spécificités des autres, en harmonie pour le bien commun. En cela, la position russe, exprimée dans le discours de Vladimir Poutine sur le nouvel ordre mondial, le 24 octobre 2014 à Sotchi, montrera la sagesse à celui qui voudra bien l'étudier. Elle lui permettra de réaliser, pour autant que nous acceptions d'ouvrir les yeux, que le vide n'existe pas et que nous avons tout ce qu'il faut à notre portée pour construire ensemble un monde dans lequel nous pourrons vivre en paix.