de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 7 novembre 2015

181- Immigration grecque



Nous pouvons lire, sur le site de la Communauté hellénique de Lyon, que La Communauté hellénique de Lyon et des environs a été fondée en 1929 par des ressortissants grecs de Grèce et d’Asie-Mineure, venus en France pendant le conflit gréco-turc, dans le but de sauvegarder leur culte, leur culture et d’offrir un lieu de rencontre aux Grecs exilés.

Une telle affirmation est tout autant simpliste qu’erronée. Elle relève de la volonté de récupération plus que de la réalité historique. C'est pourquoi il nous faut y revenir ici.

Comme tout le monde le sait, Adam et Eve sont Grecs ! Je me passerai d'établir plus en détail ce point, puisque, comme l'a très bien relevé l'acte fondateur du tribunal de Nuremberg, en ses articles 19 et 21, les faits de notoriété publique seront tenus pour acquis. Et ce, bien que quelques Libanais estiment qu'il ne fait aucun doute qu'Adam et Eve soient libanais... Mais laissons là la localisation du Paradis, bordé de ses quatre fleuves mythiques, et rapprochons-nous de quelques siècles.


Même si Marseille fut fondée par des Grecs, qui y débarquèrent 600 ans avant Jésus Christ,

Notre Dame de la Garde, Marseille, mosaïque du bateau qui fonda la ville, aux couleurs de la Grèce

 
il serait là aussi peu crédible d'y voir les origines de notre Communauté.

Je sauterai donc à nouveau quelques siècles et me rapprocherai de la révolution industrielle, au milieu du XIXème siècle, et au début du XXème.

À cette époque, l'immigration fut très importante en France. Les industries se développaient et avaient un grand besoin de main-d’œuvre. Dans le même temps, la pauvreté des pays balkaniques, moyen-orientaux ou nord-africains, poussait les populations à s'exiler.

Ainsi, la grande épopée industrielle de la famille Grammont, à Pont-de-Chéruy, commença en 1849, par la création des ateliers de tréfilage. Cette famille participa à l'effort de guerre à partir de 1914, ce qui contribua au développement spectaculaire de leur entreprise.

Le 10 août 1916, arrive le premier convoi de « Grecs »3 de Turquie à Charvieu. Le chemin de fer de l'Est lyonnais dépose en quelques jours 1200 personnes en provenance de Marseille, sur demande expresse de Grammont4. Pour ces arrivants et leurs successeurs, le directeur va projeter la construction d'une ville complète... (source)

En 1917 est posée la première pierre de l'église orthodoxe grecque.

Église orthodoxe grecque de Pont-de-Chéruy - plaque commémorative


Mais devant les besoins croissants, monsieur Grammont fit appel aux Italiens, aux Russes qui fuyaient la révolution d'Octobre, aux Arméniens chassés de Thrace par les Turcs, aux Polonais par recrutement dans leur pays, ... 

Toute cette main d’œuvre était nécessaire pour pourvoir les 1900 postes de l'usine en 1917. 

Les Yougoslaves puis les Maghrébins sont ensuite venus chercher du travail.

En 1980, l'agglomération comptait 5650 étrangers pour une population de 18180 personnes, soit un pourcentage de 31%, sans tenir compte des Français d'origine étrangère arrivés en début du siècle (estimation totale : environ 60%). 23 nationalités différentes cohabitaient.

Les plus nombreux étaient les Algériens (1841) suivis des Italiens (725), des Marocains (625), des Tunisiens (303), des Turcs (300). Il existait aussi des communautés grecques, yougoslaves, espagnoles, polonaises,...

Charvieu-Chavagneux abritait 41% d'immigrés (2883 sur 7000); Pont de Chéruy 31,8% (1226 sur 3850), Chavanoz 25,5% (937 sur 3670) et Tignieu-Jameyzieu 16,5% (604 sur 3660).

On lui donnait le surnom de "tour de Babel sur Isère".


Le Monde relata cette épopée dans son édition du 4 mars 1989.

Le Monde - samedi 4 mars 1989 - Pont de Chéruy les fils de l'Histoire


Mon arrière-grand-père maternel quitta son village du sud de l'Albanie et suivit cette immigration. Il partit ainsi avec ses fils, d'abord au Brésil. Mais il n'y trouva que la misère, et repartit dans son pays. Il émigra ensuite en France, en 1924, comme une grande partie des habitants des villages de sa région. Lorsqu'il se présenta pour travailler, dans les mines de charbon de Saint-Étienne, la file des postulants était longue devant le bureau d'embauche. 

Mais un homme vint le voir, le sortit de la file, et lui proposa du travail. Mon arrière-grand-père était gêné et fit remarquer qu'il y avait beaucoup de gens devant lui. Ce à quoi l'homme lui répondit. Oui, mais toi tu es blanc. Malgré le fait qu'il cherchait du travail dans la mine, par nécessité, il avait peur de descendre sous terre, et demanda d'avoir un poste en surface, ainsi que pour ses fils. Ce qu'il obtint. 

Il décida pourtant de partir pour s'installer à Pont-de-Chéruy, où il fut embauché dans l'usine de monsieur Grammont. Mon arrière-grand-père et mon grand-père maternels y travaillèrent jusqu'à leur retraite.


Mon grand-père paternel, lui, n'eut pas cette chance. Il était de Himara et avait également émigré à Saint-Étienne pour pouvoir manger du pain. Il travailla à l'extraction du charbon jusqu'à ce que la maladie l'emporte. Les médecins l’autopsièrent à sa mort et lui reconnurent un taux d'invalidité de 100%. Une reconnaissance post-mortem qui permit à ma grand-mère de percevoir une pension. Les poumons étaient englués de poussières de charbon et étaient devenus totalement incapables de fixer l'oxygène.

Nous étudierons davantage la situation de Lyon dans le prochain message, mais dire que la Communauté hellénique de Lyon s'est constituée par des ressortissants grecs de Grèce et d’Asie-Mineure, venus en France pendant le conflit gréco-turc, dans le but de sauvegarder leur culte, leur culture et d’offrir un lieu de rencontre aux grecs exilés, participe d'une propagande ecclésiastique qui tend à vouloir tout ramener à elle.

Que le père Nicolas Kakavelakis, précédent directeur de la publication, ait publié un tel texte, peut prêter à sourire. Mais que ma cousine, qui revendique à son tour ce titre pompeux, lui emboîte le pas en laissant écrites de telles inepties, revient à nier la réalité historique dont elle-même est issue.
 
1937 - Mariage de mon grand-oncle - grand-père de notre présidente


Je ne dis pas que les Grecs n'ont pas fui au moment de l'exode d'Asie Mineure. Beaucoup ont alors trouvé asile en France, aux États-Unis ou ailleurs. Je dis par contre que la communauté grecque de Lyon et des villes environnantes s'est construite en premier lieu sur une immigration économique.


Depuis quelques mois, nous assistons au même processus avec les vagues d'immigration massive qui déferlent sur l'Europe. Beaucoup de ces personnes fuient les islamistes modérés et immodérés qui détruisent la Syrie ou l'Irak. Mais beaucoup viennent également de régions du monde qui ne sont pas en guerre, en quête de travail et de nourriture, comme mes aïeux ont pu l'être en leur temps.

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