de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 15 octobre 2014

133- L'arbre à enfants

En rentrant de l'école, le vendredi 23 mai 2014, deux jours avant la Pentecôte, Grégoire vit un bébé pie désemparé en bas d'un platane lyonnais. Il alla chez lui et demanda à sa mère s'il pouvait le ramener et comment le transporter. Une fois le précieux accord obtenu, il prit une boîte à chaussures et retourna chercher cet oiseau promis à une mort certaine.


L'oiseau prit rapidement ses aises et s'attacha à l'enfant. Bien que Grégoire eût des frères, c'est lorsqu'il revenait de l'école qu'il se mettait à chanter, et vers lui qu'il se tournait pour chercher à manger.


Il aimait la musique et prenait plaisir à venir écouter l'enfant qui en jouait.


La maison était toujours ouverte et l'oiseau libre de s'envoler.


Il apprit rapidement à voler sur de courtes distances, mais il restait néanmoins toujours à côté de l'enfant.


Les deux chats de la maison voyaient en l'oiseau  un déjeuner susceptible d'égayer leur monotone ration de croquettes.


L'oiseau était soit totalement inconscient du danger qui le guettait, soit dans une confiance absolue le rendant aveugle à certaines notions de bon sens élémentaire. C'était d'autant plus surprenant qu'il est dans la nature de ces aves d'être méfiants et craintifs. Mais lui sautillait au milieu du danger, sans peur et sans reproche, capable de faire croire aux plus sceptiques en l'existence des anges-gardiens. 

Malgré la protection dont il semblait bénéficier, dans cette incongrue cohabitation, il n'était pas encore venu le temps où la panthère se couchera avec le chevreau (Is. 11, 6), ni le chat avec l'oiseau. Ou tout du moins pas sans une surveillance rapprochée.
 
 
Ne pouvant le laisser sans protection, l'enfant prit l'oiseau et l'emmena en vacances au bord de la mer.


L'oiseau se plaisait à courir sur le sable, tirant de leur torpeur estivale les vacanciers qui somnolaient, sautant sur les uns et les autres avec une effronterie dont il semblait très fier. C'étaient paradoxalement les hommes les plus costauds qui réagissaient avec le plus de crainte à ses intrusions. Les femmes étaient le plus souvent attendries et les enfants émerveillés.
 
Grégoire aimait monter en haut d'un filet tendu pour les jeux des enfants. Son oiseau le suivait, sautant de corde en corde. Il jouait un moment puis s'envolait.


Les enfants couraient le chercher, puis remontaient sur le filet, reprenant ce jeu.

Poulaki - c'est ainsi que l'oiseau avait été baptisé - attirait à lui les enfants de la plage, surpris et enchantés de voir cet oiseau les côtoyer. Poulaki sentait les enfants bien plus que les chats. Il s'éloignait promptement des plus excités et sautait avec un regard de curiosité sur ceux qui lui tendaient délicatement la main. Cette attraction inhabituelle transformait tous les jours ce filet en arbre à enfants. Un arbre multicolore où seul l'amour qui pouvait être partagé avait sa place, sous peine de le voir se vider de sa vie et de sa joie aussi rapidement qu'il s'était rempli.


Je n'ai vu qu'un seul homme cueillir sa fille de l'arbre en disant qu'un tel oiseau n'était pas normal. Il affirmait qu'un oiseau qui restait ainsi à proximité des enfants était forcément malade et qu'il fallait le tuer préventivement. Mais cet arbre n'était pas le lieu où je voulais débattre du bien-fondé de la guerre préventive...


Je me suis contenté de le regarder s'éloigner en espérant qu'il n'apprendrait pas à sa fille à vivre dans un monde sans rêves. L'homme ayant la capacité de faire exister ses rêves, de les faire passer du non-être à l'être, si tant est qu'il se donne les moyens d'y croire, c'est toujours un gâchis de ne pas transmettre cette croyance à ses enfants.


En Occident, les corbeaux et autres corvidés ont souvent été considérés comme des oiseaux de mauvaise augure, associés aux sorcières. Pourtant, dans la culture judéo-chrétienne, ces oiseaux sont des messagers divins. C'est ainsi que Dieu envoya un corbeau pour nourrir le prophète Élie lorsqu'il dut s'enfuir au désert (IRois 17, 1-6). 


Le père Démètre, du monastère de la Faurie, avait adopté un corbeau qui ne le quittait pas. Passé les superstitions véhiculées par des esprits malfaisants, il est possible de voir comme un signe heureux la venue d'un oiseau chez soi pour la Pentecôte.


Il y a sur internet des forums où de nombreuses personnes racontent les histoires merveilleuses qu'elles ont vécues avec des pies qu'elles ont secourues, ou avec d'autres oiseaux. Cette histoire de l'oiseau et l'enfant est une histoire exceptionnelle parmi une infinité d'autres histoires exceptionnelles qu'il appartient à chacun de vivre au gré des rencontres qui jalonnent nos vies.

La plupart de ceux qui ont recueilli un bébé pie disent qu'elle s'envole à l'appel de la nature, pour se reproduire. Certains disent qu'elles établissent alors leur nid à proximité, pour continuer à rendre visite à ceux qui les ont élevées et protégées. Le vétérinaire qui a vu Poulaki soigne une autre pie qui reste depuis 25 ans avec la dame qui l'a recueillie.

Quoi qu'il en soit, il suffit de garder son cœur ouvert, comme l'enfant de cette histoire. Non pour attendre une rencontre qui ne viendra peut-être pas, mais pour ne pas passer à côté de la rencontre lorsqu'elle se produit.

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