de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 5 juillet 2014

120- Agapes

Le dimanche 8 juin 2014, le père Nicolas Kakavelakis a annoncé à la Paroisse qu'elle allait accueillir, le dimanche suivant, un évêque Syrien. Un repas serait organisé dans la salle paroissiale après la liturgie pour partager un moment de convivialité. Une somme de 15 euros par personne était demandée pour participer à ce repas et en couvrir les frais.

Le jour venu, après diverses péripéties que nous évoquerons dans un message dédié, notamment l'intervention d'une patrouille de police en uniforme dans l'église pendant la communion, la communauté s'est retrouvée dans la salle.

Nous nous sommes aperçus alors que le père Nicolas n'avait engagé aucun frais pour l'organisation du repas. Les Syriens avaient apporté des mets à partager en guise d'agapes partagées gracieusement avec toutes les personnes présentes.

Seulement, les Grecs, croyant que le repas était payant, étaient déjà repartis, ce qui réduisait considérablement la portée de l'accueil de la Communauté.

Il s'est alors avéré que le père Nicolas avait mis en vente les offrandes des Syriens !

S'il est vrai qu'il n'y a pas de petits profits, surtout aux yeux des personnes mercantiles, il convient de nous interroger sur le sens des agapes.

La tradition de la culture judéo-chrétienne, depuis qu'Abraham a reçu trois inconnus (Gen. 18, 2) et que ces inconnus se sont révélés être des anges, est de pratiquer l'hospitalité avec les hôtes de passage car on ne sait jamais qui l'on accueille, suivant la parole de saint Paul : N'oubliez pas l'hospitalité ; car, en l'exerçant, quelques-un ont logé des anges, sans le savoir (Héb. 13, 2).

Le partage du repas, et essentiellement du pain, a été un élément central du ministère du Christ. C'est ainsi que, par deux fois, il multiplia les pains et les poissons pour rassasier la foule venue l'écouter (Matth. 14, 14-21 ; Matth. 15, 32-38).

Et c'est par le partage du pain avec ses Apôtres qu'il instaura la communion, qui est au cœur de la vie liturgique du chrétien (Lc 22, 15-21).

Après qu'il fut enlevé au Ciel, les Apôtres continuèrent cette tradition et organisèrent des repas pour nourrir les pauvres.

Devant la charge croissante de travail, et pour ne pas devoir renoncer à l'enseignement qu'ils dispensaient, les Apôtres nommèrent 7 diacres qui avaient pour mission d'être au service des nécessiteux qui se présentaient (Act. 6, 1-8). Ces sept diacres sont considérés comme les sept premiers évêques de la chrétienté : Étienne, Philippe, Prochore, Nicanore, Timon, Parménas et Nicolas.

Ce lien étroit entre la nourriture terrestre et la nourriture céleste, entre la communion et le repas, s'est perpétué au fil des siècles. C'est pour cela que, dans les monastères, le repas suit la liturgie, dont il est considéré comme la continuité indissociable. Les aliments présentés au repas sont fonction du degré de festivité de l'office liturgique.

C'est toujours pour cela que les monastères accueillent gratuitement à leurs repas tous les étrangers qui se présentent. Et même si le père Nicolas a vendu son dernier séjour, organisé du 16 au 23 juin au Mont Athos, à 650 euros les 7 jours, soit autant que son séjour en Cappadoce en hôtels 5 étoiles (Annonce orthodoxe n° 28, p.6), je sais pour y avoir vécu qu'aucun des monastères qu'il a traversé ne lui a demandé le moindre argent pour les accueillir, lui et son groupe.

C'est peut-être parce que ce voyage ne lui coute littéralement RIEN à organiser, à part le trajet, qu'il essaye d'y amener un groupe tous les ans. Même si le groupe (5 personnes cette année contre 11 l'an dernier) se réduit toujours plus, c'est le genre de voyage qui restera rentable même s'il n'y a plus qu'une personne à s'inscrire.

Cette digression étant faite, les agapes sont très largement répandues dans l'orthodoxie. Que ce soit sous la forme simplifiée d'un café, comme nous le faisons chez les Grecs, à Lyon, ou sous forme de repas. 

Le mot agapes vient du grec ἀγάπη qui signifie amour. Les agapes sont une manifestation de cet amour que les chrétiens mettent en pratique par leurs offrandes qu'ils partagent.

Dans les années 80, ma mère nous amenait régulièrement dans l'église Russe Hors-Frontière de la petite rue de la Viabert, derrière les Brotteaux. Le père Igor, alors recteur, avait un sens de l'hospitalité très poussé. Tous les dimanches, il organisait des agapes après l'office. Chacun de ses paroissiens, ou du moins ceux qui le pouvaient, amenaient des plats à partager. Et un repas où chacun était convié gracieusement y était offert. 


Le père Quentin de Castelbajac, actuel recteur de la paroisse Russe Hors-Frontières, perpétue cette Tradition qui, sauf erreur, se pratique dans toutes les églises Russes jusqu'à aujourd'hui.

C'est ce partage, qui se situe dans la plus pure tradition chrétienne, que les Syriens ont reproduit chez nous lorsqu'ils sont venus accueillir leur évêque. Cette dichotomie entre le sens profond de cette offrande partagée et la vente réalisée par le père Nicolas donne à son geste le sens de sa perversion.

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