de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

jeudi 13 mars 2014

106- Quête d'argent

Par sa parole annonçant qu'il n'était pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir (Matt. 5, 17), le Christ a rendu obsolètes les règles fixées depuis Moïse. C'est ainsi qu'ont disparu de nombreux aspects qui étaient essentiels dans l'Ancien Testament :

- La circoncision, signe charnel d'une appartenance au peuple de Dieu, a disparu au bénéfice du baptême ;
- La loi du  talion, permettant de rendre le mal qui était fait à hauteur de ce mal, mais sans le dépasser, évolua vers le pardon des offenses ;
- Le sacrifice de l'agneau, le jour de la Pâque, dont le sang fut répandu sur les portes des juifs pour protéger leurs premiers-nés lorsque les plaies s’abattirent sur l’Égypte, trouva son accomplissement dans le sang innocent versé par le Christ pour sauver le peuple. Si bien que les chrétiens ne sacrifièrent plus d'animaux ;
- Toute représentation divine était interdite sous toutes ses formes dans l'ancienne loi (Ex. 20, 4-6). Mais Dieu s'étant incarné et ayant pris des traits humains, il rendait obsolète ce principe de l'Exode, ce qui fut le fondement du développement de l'art iconographique ;
- La notion de peuple élu, celui par qui le Messie serait envoyé aux hommes pour établir le règne de Dieu, a disparu, le Christ ayant envoyé ses disciples enseigner et baptiser toutes les nations et ayant rappelé que le royaume de Dieu n'est pas de ce monde ;
- Le respect du sabbat fut rendu vain, car la Création avait dépassé le repos du 7ème jour pour arriver dans l'éternité du 8ème jour, grâce au Christ qui rouvrit le Paradis (symbole repris par Virgil Gheorghiu dans De la 25ème heure à l'heure éternelle) ;
- Les nourritures interdites ont disparu depuis une vision décrite dans les actes des apôtres et dans laquelle nous lisons : Ce que Dieu a déclaré pur, que l'homme ne le regarde pas comme souillé (Act. 10, 15).

Nous pourrions remplir des pages entières de toutes les règles de l'Ancien Testament qui ont ainsi disparu, ayant trouvé leur accomplissement par l'Incarnation du Christ.

Il en est pourtant une qui a survécu, et ce contre les paroles-mêmes de l’Évangile : la dîme.

En disant : Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (Matt. 10, 18), le Christ abrogeait la loi demandant de verser dix pour cent de ses revenus au trésor du Temple (Lv. 27, 30). Non content d'avoir fixé ce précepte, le Christ en renforçait le principe en disant : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtu (Matt. 6, 25). Principe qui s'adresse en tout premier lieu au clergé qui est censé rendre présent et vivant le message de l’Évangile.

Pourtant, deux mille ans plus tard, nous ne pouvons que constater que le Christ n'a pas été très écouté sur ce point.

Ce fut d'abord un particularisme de l’Église de Rome, où fut instauré le denier de Saint Pierre, qui apparaît au VIIIème siècle et se poursuit sous diverses formes jusqu' aujourd'hui.

Ce denier de Saint Pierre, qui fut souvent similaire à l'impôt que les Allemands versent encore aujourd'hui sous peine d’excommunication, fut complété par des quêtes. Au-delà des buts pieux de ces quêtes se cachaient souvent des motivations politiques et militaires. C'est ainsi que le premier concile de Lyon, en 1245, fixa les règles du financement de la septième croisade.

Ces quêtes d'argent ont donné lieu à d'innombrables dérives. Comme celle très récente où il a été avéré que les évêques allemands, propriétaires du réseau d'édition Weltbild, possédaient et distribuaient plus de 2500 titres différents de revues porno. Paolo Gabriel, majordome du pape Benoît XVI, a été emprisonné pour trois ans après avoir livré aux journalistes les preuves de ces dérives. Et même si j'aime bien le pape François, laisser cet homme en prison reste un gros point noir de son pontificat.

Ces quêtes, pour des raisons pratiques et de meilleur rendement, ont été placées durant la messe, là où il est difficile de s'y soustraire. Dans le monde catholique, elles sont aujourd'hui très réglementées, comme le montre ce mode d'emploi de l'évêché de Strasbourg.

Dans l'orthodoxie, l'histoire des quêtes a subi une autre évolution. D'abord parce que l'orthodoxie a toujours revendiqué sa légitimité comme venant directement de l’Évangile, et non d'une autorité temporelle qui fixerait les règles à sa convenance, comme le Pape de Rome chez les catholiques. Et l’Évangile ne peut pas être plus clair sur la place que doit occuper l'argent.

Ensuite, la théologie liée à la liturgie de saint Jean Chrysostome, qui est célébrée dans les églises orthodoxes, rend injustifiable la présence des quêtes. 

Cette liturgie se décompose en deux grandes parties : la liturgie de la parole, suivie de la liturgie des fidèles.

La liturgie de la parole sert à l'enseignement des catéchumènes. On y trouve la lecture de l’Évangile et des épîtres, le sermon du prêtre, les grandes prières pour le monde et divers textes qui ont un but didactique.

Elle est suivie de la liturgie des fidèles, d'où étaient initialement exclus les non-baptisés. Cette partie de la liturgie est exclusivement destinée à la consécration des Saints Dons et à la communion. Lorsqu'il célébrait dans son monastère, le père Placide a toujours refusé de faire son homélie avant la communion, comme cela se pratique parfois dans les paroisses. Il considérait cela comme un non-sens liturgique car l'homélie est censée être au cœur de la liturgie de la parole.

De la même façon, il disait que le moment le plus solennel de la liturgie était le moment où l'Esprit Saint descend sur l'autel pour transformer les dons. Toute la liturgie prépare ce moment pour conduire à la communion. C'est précisément le moment choisi par certains évêques cupides, comme monseigneur Emmanuel ou son prédécesseur, pour laisser s'installer une coutume propre au monde catholique qu'ils critiquent : la quête. 

Quel meilleur moment pour demander un peu d'argent que celui où tout le monde est rassemblé en silence et n'a rien d'autre à faire de ses mains que les utiliser pour sortir son portefeuille ? Il ne serait pas flatteur pour notre archevêque que je rapporte ce que le père Placide pensait de telles déviances, lui qui avait fui le monde catholique dans lequel ces pratiques étaient normalisées. 

On voit même, comme à Lyon, les quêtes se répandre lors des mariages, ou même des enterrements, comme j'ai pu le constater il y a quelques semaines pour le décès de la belle-mère d'un ami. Une quête lors d'un enterrement est une grande indignité. Il y a souvent des personnes qui pleurent autour du cercueil, et faire résonner le bruit des pièces à ce moment crée un anachronisme dévastateur pour le recueillement, la mémoire du défunt et le respect de la douleur des familles.

On en arrive au fait que les familles se voient demander 250 euros pour la célébration de l'office, doublé d'un ra-quête de tous les participants. Quête dont le père Nicolas demande d'ailleurs que le produit lui soit amené directement dans le sanctuaire, sans passer par le tronc de l'église, laissant supposer que les pauvres et l'évêque n'en verront pas beaucoup le contenu.

Quoi que les évêques essayent de faire croire, la vérité est que l’Église n'a pas besoin d'argent. Elle a vécu persécutée dans des catacombes sans manquer de quoi que ce soit et s'en est toujours tenue à la promesse du Christ qui lui disait de ne pas s'inquiéter de quoi serait fait le lendemain. Si elle a de l'argent, son honneur sera d'en faire de belles choses ; mais en chercher ne sera jamais un but légitime pour elle. Et certainement pas si cela vient pervertir les valeurs qu'elle défend.

Alors si vous êtes dans une église où vous voyez une quête se dérouler, ne donnez rien. Ce que vous avez à donner, donnez-le en entrant, ou en sortant, mais pas durant l'office.

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