de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 22 juin 2013

91- Ecole grecque

L'association cultuelle de la Communauté Hellénique de Lyon a la particularité d'héberger une école grecque dont les instituteurs sont payés par le gouvernement grec. Le père Athanase Iskos a assuré l'enseignement dans cette école entre 1978 et 2010, année de son départ en retraite.

Dans les années 80, lorsque j'allais à l'école grecque, le cours commençait par une prière et, après l'enseignement du grec, le père Athanase finissait par une catéchèse. Je me souviens qu'il nous a demandé un jour pourquoi le Christ guérissait par sa parole mais, pour l'aveugle de naissance (Jn, 9), il fit de la boue avec sa salive et il guérit l'aveugle grâce à cette boue. La réponse fut que pour tous les malades, le Christ corrigeait ce qui ne fonctionnait plus chez eux. Mais chez l'aveugle de naissance, il manquait une chose qu'il n'avait pas dans son corps. Chose que le Christ a donnée par la boue, tout comme il avait façonné Adam à l'origine. Le Christ est donc allé plus loin dans ce miracle que dans d'autres, car il a parachevé sa création, tout comme ce qui attend l'homme à la fin des temps.

Le père Athanase a appris le grec à plusieurs générations d'enfants et l'école a fonctionné sur ce modèle jusque dans les années 2000. Il s'occupait de tous les niveaux : il apprenait l'alphabet aux débutants et préparait les adolescents au bac pour ceux qui avaient choisi l'option grec.

Pour autant, tous les parents qui mettaient leurs enfants à l'école grecque ne souhaitaient pas forcément avoir un lien avec la paroisse ou avec l'orthodoxie. Cela a donné lieu à des tensions au début des années 2000. Des parents ont voulu imposer une façon de fonctionner qui soit plus laïque et se sont mobilisés pour cela. Ces tensions ont conduit le père Athanase à abandonner le catéchisme et la prière. Elles ont beaucoup pesé sur lui car elles remettaient en cause ses motivations profondes et son dévouement continu.

Pour le père Athanase, le modèle de l'école était celui des écoles cachées, où les Grecs enseignaient aux enfants sous l'occupation turque. Écoles qui  ont permis à la culture et à la foi de se transmettre, les deux étant indissociables. Sa ville de Ioannina est entourée de telles écoles, notamment sur l'île au centre du lac. Les enseignants étaient prêts à donner leur vie pour transmettre leur savoir. Le père Athanase était pétri de cet idéal. Il était d'autant plus légitime dans sa façon d'enseigner, liant cultures religieuse et scolaire, que l’Église avait créé cette école de toute pièce, qu'elle mettait les locaux à disposition et assumait le fonctionnement.

Dans l'Annonce orthodoxe n° 18, le père Athanase avait écrit, dans son dernier discours : J'ai toujours pensé que l’École était la pépinière de la Paroisse. Des bons et performants élèves cela voulait dire des gens qui prendraient la relève de la Paroisse et de la Grécité. J'ai mis beaucoup de soins pour enseigner aux enfants et à les préparer pour ne pas perdre la culture des valeurs de l’École. Acquérir les connaissances qui les aideraient à faire face aux défis des temps. Se pencher au fond de leur âme pour chercher les vérités qui l'empliront avec la Lumière de la Résurrection.

Avec le recul, je vois l'enseignement donné par le père Athanase comme celui d'une école privée. L'un de mes enfants est dans une école catholique et je n'aurais aucune légitimité si je me plains auprès de la direction de la spiritualité qui se dégage de cette école. J'ai choisi cette école pour la qualité de son enseignement et je l'accepte telle qu'elle est. Si je ne suis pas d'accord avec certains aspects de l'enseignement dispensé, alors je corrige ces aspect dans la part d'éducation qu'il m'incombe de transmettre à mes enfants. Mais jamais je ne critiquerai l'école ou les enseignants que j'ai moi-même choisis sur ce qui fait leur spécificité.

Environ vers 2006, Babis est venu seconder le père Athanase. Mais les frais pour le faire venir de Paris étaient élevés et son contrat s'est vite arrêté. Il a été remplacé par deux enseignantes : Ioanna et une autre qui venait de Pont de Chéruy. L'enseignante de Pont de Chéruy a eu des problèmes de santé et elle est décédée rapidement. Elle fut remplacée par Artémis. Ioanna n'est pas restée longtemps et a dû partir pour ce que l'on pourrait qualifier de manque de pédagogie. Artémis a géré seule tous les niveaux des grands enfants.

Artémis était stricte, mais elle se faisait apprécier des élèves. Elle les motivait pour leurs examens, leur faisait préparer de beaux spectacles et savait valoriser leur travail.

Elle est rentrée en Grèce l'an dernier, la durée maximum de son détachement ayant été atteinte. L'école avait entre-temps mystérieusement perdu son accréditation officielle des autorités du ministère grec de l'éducation, et sans doute les crédits afférents qui lui auraient permis d'avoir un second enseignant.

Artémis est, encore aujourd'hui, très regrettée. Si je devais retenir une chose de ce qu'elle a su transmettre, ce serait ce spectacle de Noël 2010 : elle avait réussi à provoquer l'hilarité d'une salle pleine et conquise par son adaptation du Petit Chaperon Rouge.


Les enfants étaient épanouis et heureux comme le montrent les images.

Les autorités européennes ont mis en place un programme de certification pour harmoniser les diplômes de langues dans tous les pays de l'Union Européenne. Ces diplômes donnent accès à certaines formations ou à des emplois. Lorsque le père Athanase a su que ces diplômes existaient, il a poussé R. M. à s'y inscrire.

Le campus universitaire de Grenoble, et plus particulièrement sa maison des langues et des cultures, est habilité par l'université de Thessalonique comme centre d'examen pour la région Rhône-Alpes. R. M. a été la première à s'inscrire et à réussir son diplôme, en 2008, qui lui fut remis en mains propres par le consul de Grenoble, mandaté par l’État grec.

Par la suite, l'association de parents d'élèves IMilia s'est organisée pour qu'un maximum d'enfants puissent passer cette certification, où le niveau obtenu par les cours dispensés par le père Athanase pouvaient se concrétiser par un diplôme.

Des adultes se sont également laissé persuader de participer à ces examens grâce à des cours que leur a dispensés gracieusement et bénévolement Artémis durant sa dernière année à Lyon. Le succès a été total et tous les candidats ont été admis, quel que soit le niveau passé.

Au départ d'Artémis, le père Athanase Iskos ayant été remplacé par le père Nicolas Kakavelakis, ce dernier a fait savoir qu'il ne voulait plus préparer personne au diplôme de langue. Les adolescents ayant déserté les cours, il n'y avait plus personne non plus à préparer pour le bac. Ce qui fait que le père Nicolas s'est contenté d'enseigner aux plus jeunes.

Cela s'est caractérisé par la fête de l'école grecque du 23 mars dernier, où nous voyons sur les photos qu'il n'y a plus qu'une quinzaine d'enfants dans l'école.


Pour masquer cette désertification, le père Nicolas a enlevé toutes les photos de toutes les classes d'enfants qui se sont succédées depuis des dizaines d'années. Ces photos étaient affichées dans l'école grecque jusqu'au départ d'Artémis. Nous lisons régulièrement, dans le bulletin paroissial, que tout va bien dans l'école grecque. Mais si tout va bien, pourquoi le père Nicolas ne met-il pas les photos des enfants qui fréquentent ses cours à côté des photos des enfants qui allaient aux cours du père Athanase ? Pourquoi essaie-t-il de faire oublier jusqu'au souvenir de ce qui s'est fait avant lui ? Craint-il la comparaison à ce point ?


Malheureusement, je n'ai quasiment aucune photo des années où le père Athanase enseignait pour pouvoir présenter un plan large des fêtes de l'école. Mais je crois que tout le monde s'en souvient.
 
Les parents d'IMilia ne se sont pas contentés de cette fatalité. D'abord, ils ont pris conscience que les difficultés faites au père Athanase étaient injustifiées, et qu'ils ont perdu beaucoup par son départ. Ensuite, ils se sont pris en charge et ont entrepris des démarches auprès du coordonnateur européen, à Bruxelles. Ce coordonnateur est chargé de suivre les programmes d'enseignement. Il sert d'intermédiaire entre l’État Grec et les écoles, est attentif au nombre des enfants inscrits et participe au financement.

Ils espèrent ainsi, en attirant l'attention du coordonnateur européen sur l'école, être épaulés en trouvant un partenaire officiel compréhensif et à l'écoute pour retrouver une accréditation par le ministère grec, garante d'une performance et d'un dynamisme que notre école n'aurait jamais dû perdre.

Nous trouvons, en page 2 du dernier bulletin paroissial, écrit par le père Nicolas et qui vante l'action de ce dernier : notre école a fêté le jour national de la Grèce avec poèmes et sketches. Pourtant, lui qui ne conçoit pas que l'on puisse éplucher une carotte sans être pris en photo, n'a pas cru bon de montrer sur facebook la nombreuse assistance de cette fête si réussie. Il n'a pas davantage présenté la moindre vidéo des sketches qu'il affirme avoir vus. Comment le pourrait-il, lui qui s'est contenté, pour toute préparation à cette fête, de donner un texte à lire aux enfants à la fin du cours précédent, en leur disant qu'ils devraient le lire pour la fête ?

Le cadreur chargé de prendre les photos lors de la fête de l'école du 23 mars a eu beaucoup de mal à montrer une photo avec des parents. Sur les 26 photos présentées sur facebook, il n'y en a qu'une où l'on voit l'angle d'un parent. L'assistance, composée de quelques parents présents au premier rang, était très loin de la salle pleine des fêtes organisées pas Artémis ou par le père Athanase.


Les parents d'IMilia sont courageux et persévérants. Ils ne se sont jamais résignés à accepter l'illusion que tout va bien véhiculée par les médias de la communauté. Ils ont poursuivi leurs efforts auprès du coordonnateur européen et ils ont pu annoncer, lors de la fête de clôture de l'année scolaire, qu'un remplaçant à Artémis serait nommé, au moins pour assumer une partie des cours.

A en juger par la tête du père Nicolas, qui découvrait par cette annonce qu'un enseignant qui ne dépendrait pas de lui serait nommé, il y a tout lieu de penser qu'il a dû oublier qu'il ne faut pas s'inquiéter, tout va bien ! C'est écrit sur facebook...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire