de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 18 avril 2012

42- Eva Joly

Eva Joly est incontestablement le personnage le plus atypique de cette campagne électorale. Tous les autres ont des programmes différents qu'ils essayent de vendre, chacun à sa manière. Eva Joly ne cherche pas à vendre. Elle sait que parler avec sincérité lui nuit, mais c'est son honneur de préférer rester fidèle à ses convictions : la fin ne  justifie  pas  les  moyens.  Quand  Nicolas  Sarkozy,  mis  devant  ses  contradictions,  répond : vous n'allez tout de même pas me reprocher de vouloir gagner ?, elle préfère toujours rester sincère.

On dit que ce que les écologistes ont le mieux réussi à recycler, ce sont les anciens communistes. Ce qui vaut à ce parti le qualificatif de pastèque : vert dehors et rouge dedans. Vu la vitesse à laquelle ce parti s'est vidé au profit de Mélenchon, il semble que le recyclage n'ait pas vraiment réussit. Je ne peux cependant que constater que leurs militants ont choisi pour les représenter la personne la plus intègre de toute la scène politique. Si intègre que l'on se demande comment elle a réussi à arriver à ce niveau. Peut-être la crainte de son ancien métier a-t-elle freiné ses détracteurs potentiels. Rares sont en effet les politiques qui gardent un bon souvenir de leurs rencontres avec des juges.

Pour moi Eva Joly est l'image de ce que doit être un politique : une exemplarité de vie qui permette de faire accepter au peuple les mesures difficiles lorsque celles-ci s'avèrent nécessaires. Le manque d'intégrité des politiques est un facteur important de la création des corporatismes et des individualismes : pourquoi regarder l'intérêt collectif et croire les appels au sursaut national lorsque les élites sont les premières corrompues ? 

En Belgique, cette exemplarité est incarnée par le roi Albert II. Il est indispensable qu'un pays ait ce genre de référence. Il est impossible de prendre des décisions qui conviennent à tous. Comment les faire accepter par ceux qui n'en veulent pas ? Il n'y a que deux solutions : l'autoritarisme ou l'esprit civique. L'autoritarisme engendre des frustrations et des révoltes. L'esprit civique n'est possible qu'à condition que les élites soient des exemples dont on soit fier.

Malgré cette intégrité, il y a de nombreux points qui suscitent, chez Eva Joly et les Verts en général, la réprobation des Églises : la fin de vie assistée, la légalisation du cannabis et autres atteintes à la conscience religieuse. Ces problèmes sont anciens. On les retrouve déjà dans l'Ancien Testament, quand Dieu ordonne de ne pas tuer avec les dix commandements, et quand David élargit son royaume à coup de campagnes militaires sanglantes.

Bien que n'étant pas le seul, cet exemple est frappant car il nous met face à des contradictions : la morale qui s'oppose à la dure réalité ! Si le judaïsme appliquait à la lettre les commandements divins, aucune guerre et aucun assassinat ne pourrait se concevoir de la part d'Israël. Chaque mort intervient en opposition avec la volonté divine ; c'est à cause de ce sang qu'il avait sur les mains que David, tout prophète qu'il était, n'a pas eu le droit de construire le Temple de Jérusalem. David a réuni les matériaux pour la construction du Temple, mais c'est son fils Salomon, un roi de paix, qui a été jugé digne de sa construction.

Du temps du Christ, la même question était toujours d'actualité. Jean Baptiste prêchait le respect des commandements de Dieu et des soldats sont allé le voir en demandant : Et nous, que devons-nous faire ? (Lc 3, 14). Certaines traductions bien-pensantes placent dans la bouche de Jean-Baptiste cette réponse  : Ne faites ni violence ni tort à personne (traduction œcuménique de la Bible, TOB), ce qui reviendrait à leur dire de ne plus être soldats. Le texte original de l’Évangile dit : Μηδένα διασείσητε μηδὲ συκοφαντήσητε, καὶ ἀρκεῖσθε τοῖς ὀψωνίοις ὑμῶν. Cela se traduit plus littéralement par : Ne commettez ni extorsion, ni fraude envers personne, mais contentez-vous de votre solde (Bible Segond).

Jean Baptiste, qui était très rigoureux envers l'application de la Loi, n'a pas condamné le métier de soldat, mais leur a demandé de rester justes dans ce qu'ils faisaient. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui encore, l’Église a des aumôniers auprès des armées, des prêtres qui les entourent et les bénissent.

Cette notion de " mal nécessaire " se retrouve souvent dans la vie civile des sociétés. Lorsque l'empereur Constantin prit le pouvoir, on dit qu'il autorisa le christianisme. C'est partiellement vrai. En fait, avec l'édit de Milan, en 313, il autorisa la liberté de culte, dont les chrétiens furent parmi les bénéficiaires : il autorise ce en quoi il croit, le favorise, mais ne détruit pas le reste pour l'imposer.

Aujourd'hui encore, les États occidentaux sont confrontés à une culture et une histoire chrétiennes qui s'expriment lors des élections, mais qui ne forment pas l'unanimité de la population. Des questions de société sont nombreuses : le mariage homosexuel, l'euthanasie des vieux (plus joliment appelée fin de vie assistée), l'avortement, la libéralisation de certaines drogues...

Beaucoup d'hommes politiques se placent dans un courant bien-pensant. Ils affichent la morale du plus grand nombre, afin d'essayer de conserver leur pouvoir, bien que souvent ils ne croient pas dans ce qu'ils prêchent. Eva Joly a le grand mérite de dire ce qui lui semble juste. C'est ainsi qu'elle s'est prononcée pour la fin de vie assistée, sous un cadre très stricte qu'elle développe longuement ici.

Je suis personnellement contre une telle pratique. Mais est-ce qu'être contre veut dire que je dois l'imposer aux autres ? Rien n'a de sens sans la liberté et Dieu laisse une liberté  absolue  aux  hommes.  Dois-je  prendre  aux autres  cette  liberté  que  Dieu  leur  laisse ? Dois-je leur interdire ce qu'il ne m'interdit pas à moi ? Je ne parle évidemment que du cas théorique, et non des crimes de médecins et autres dérives qui sont indissociables de telles évolutions de la société.

De la même façon que l’Église demande de ne pas tuer, mais qu'elle accepte et bénit des armées qui tuent, il est légitime que les hommes politiques abordent ces sujets de société. Personnellement, ça me fait mal d'entendre que quelqu'un veut mourir. Je me demande quelle souffrance il doit supporter pour en arriver à un tel désir. Si un jour je rencontre quelqu'un qui en est là dans sa vie, j'espère pouvoir lui donner l'amour et la compassion qui mettra fin à sa détresse et lui redonnera goût à la vie.

Finalement, je trouve qu'Eva Joly est dans son rôle en abordant ces sujets. C'est l’Église qui ne l'est pas lorsqu'elle veut imposer à tous sa propre vision du monde. Au lieu d'imposer des règles dont elle-même ne comprend parfois plus le sens, elle devrait rendre présent l'amour absolu du Christ. Quelqu'un qui trouve un réconfort dans sa vie ne désire pas la mort. Que quelqu'un en arrive à désirer la mort est un échec pour ce que doit rendre présent l’Église ; et interdire à quelqu'un de vouloir mourir ne suffit pas à masquer cet échec.

Pour revenir à un exemple concret, cet amour que doit rendre présent l’Église est un peu celui qui se dégage dans le film Intouchables. L'abbé Pierre disait à ce propos que l’Église devrait moins prêcher l'amour et plus le faire...
 
Ces quelques réflexions inspirées de la campagne électorale s'achèvent. Je suis sûr que, quoi qu'en disent les sondages, presque tout le monde sait depuis longtemps pour qui il va voter. Mais le savoir ne dispense pas de garder les yeux ouverts pour rester objectif et cohérent avec nos idéaux.

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