de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 31 mars 2012

35- Politique et religion

La vie d'une paroisse est faite de petites anecdotes, de vies qui s'entrecroisent, de projets, d'activités communes, mais elle est également indissociable de la vie civile. Quand la liturgie se termine et que l'on prend un café, les frasques du père ne sont pas souvent dans les conversations. C'est plutôt le dernier score de l'OL, qui s'est fait sortir face aux Chypriotes de Nicosie, ou qui a éliminé le PSG en Coupe de France. C'est également la politique, surtout en ce moment de campagne électorale, ou encore les événements tragiques de Toulouse.

Bien que l'association en tant que telle s'interdise, à l'article 3 de ses statuts, toute action ou discussion politique, chacun reste, en son nom propre, libre de ses opinions et celles-ci font l'objet de discussions légitimes ; non pas dans le cadre d'une position officielle des responsables de la communauté, mais dans celui de la richesse des idées de chacun qui s'exprime légitimement.

La question de la politique a toujours été une question clé dans le christianisme. D'abord parce que le Messie, le Christ, est celui qui était attendu par tout le peuple élu de l'Ancien Testament, celui qui devait restaurer la royauté d'Israël.

Cette image de royauté a été comprise par beaucoup comme étant celle d'une royauté temporelle. Cette vision était tellement marquée que Judas, l'un des douze disciples du Christ, n'a suivi ce dernier que parce qu'il pensait que le Christ était ce prochain roi : humble comme le roi David quand il était encore pasteur, mais appelé à régner sur le peuple. Il l'a trahi quand son rêve de gloire terrestre s'est écroulé avec les discours incohérents du Christ - à ses yeux - qui guérissait même les ennemis romains.

Le Christ a bien précisé, à Pilate : Tu le dis, je suis Roi (Jn 18, 37). Mais cette phrase complète ce qu'il venait de dire : Mon royaume n'est pas de ce monde (Jn 18, 36). Les chrétiens ont traversé les premiers siècles de leur existence sous les persécutions, persuadés que la mort qu'ils enduraient pour leurs idéaux n'était que le passage vers ce royaume sur lequel le Christ règne pour les siècles des siècles. Comme nous aurons l'occasion d'y revenir, ils sont aujourd'hui encore, et plus que jamais, victimes de ces persécutions en Palestine, en Égypte, ou en Irak.

Les chrétiens se sont adaptés à tous les gouvernements des pays dans lesquels ils se trouvaient. Certains, comme saint Georges, qui vécut sous le règne de Dioclétien, étaient même parmi leurs proches conseillers. Mais ils n'ont jamais cherché à imposer leur vision du monde. C'est à travers l'exemple qu'ils donnaient autour d'eux que les conversions s'opéraient.

Cette situation a subi un tournant radical avec l'arrivée de Constantin au pouvoir. Lorsque Constantin se préparait à prendre Rome, lors de la bataille du Pont Milvius, le 28 octobre 312, son armée et lui eurent la vision d'une croix dans le ciel et il entendit : " Par ce signe, tu vaincras. " Il fit broder la croix sur ses étendards, vainquit Maxence, pris Rome, et régna sur un empire immense. Il transféra sa capitale de Rome à Byzance, petite ville sur les rives du Bosphore, qu'il fit rebaptiser Constantinople (ville de Constantin).

Il mit fin aux persécutions contre les chrétiens par l'édit de Milan, en avril 313, qui accorde à chacun le droit d'adorer à sa manière la divinité qui est dans le ciel. Le christianisme se répandit beaucoup plus facilement à partir de ce moment-là. Il transforma les lois et obligea les évêques du monde à se réunir pour mieux définir leur doctrine et arrêter leurs querelles. Ce fût le premier concile œcuménique, en 325, à Nicée, qui affirma la divinité du Christ suivant cette parole de l’Évangile de Saint Jean : Au commencement était la Parole, et la Parole était auprès de Dieu, et la Parole était Dieu (Jn 1, 1).

Les différentes églises locales, représentées par leur évêque, se sont constituées en ensembles géographiques et politiques autour de Patriarches, pour répondre à de nouveaux besoins d'organisation et de représentation. Depuis ce temps, les chrétiens ont toujours été pris par cette question : comment concilier le fait que nous vivons pour mériter l'accès au Royaume éternel du Christ, et le désir légitime de donner ce que nous avons de meilleur à ceux qui comptent pour nous ? Comment concilier l'amour des ennemis, au cœur du message du Christ, et la protection de ceux qui nous sont proches contre toutes les menaces de ce monde où règnent la violence et la mort ?

Les premiers chrétiens, dont Saint Pierre déjà (1Pi, 2, 13), ont estimé que cette parole du Christ à Pilate : Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait été donné d'en haut (Jn 19, 11), était une forme de reconnaissance de l'autorité, quelle qu'elle soit, à laquelle ils se devaient d'être obéissants, comme le Christ avait été soumis en acceptant sa crucifixion. Mais reconnaître la main de Dieu dans toute forme d'autorité pose un problème auquel les chrétiens ont été confrontés très tôt : que faire si ce dirigeant me demande de commettre une injustice ?

Dois-je tuer si on me le demande ? Et si c'est un frère ? Est-ce que c'est Dieu qui me demande de tuer, alors que dans l’Évangile le Christ commande le contraire ? Si je me révolte et que je renverse ce dirigeant avec d'autres chrétiens, est-ce que je suis opposé à Dieu qui lui avait donné son autorité, ou est-ce que je suis la nouvelle autorité légitime que Dieu a voulu mettre en place ?  Si le gouvernant inique est pour son peuple l'équivalent de la lèpre pour un homme, alors pourquoi guérir la lèpre et laisser en place le gouvernant ? Mais se révolter contre des dirigeants que l'on trouverait indignes au nom de Dieu ne conduit-il pas à faire de Dieu un révolutionnaire permanent ? Cela ne dénaturerait-il pas le message du Christ qui est venu pour prêcher l'amour entre les hommes ? Et si c'est moi qui mets en place un dirigeant, est-ce que c'est Dieu qui le met en place à travers moi, ou est-ce que je n'ai mis en place que ce qui correspond à mes intérêts, sans aucun lien avec Dieu ?

Les paroles du Christ ont un sens, et en soustraire certaines peut induire de grandes confusions. Le Christ n'a jamais dit à Pilate : " Tu n'aurais aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut ", ce qui aurait fait de Pilate un gouvernant de droit divin, comme s'en sont revendiqués certains rois de France. Il a dit : " Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut. " Le qualificatif sur moi montre clairement que Pilate, simple mortel, ne peut pas avoir de pouvoir sur le Christ, Fils de Dieu, si Dieu ne le permet pas.

Quant aux relations avec les hommes politiques, le Christ les a clarifiées lorsqu'il a dit : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Mc 12, 17). Les chrétiens se sont toujours soumis aux autorités, mais uniquement lorsque ce qui leur était demandé n'entrait pas en contradiction avec le message de l’Évangile. Si nous obéissons sans discernement, et que nous sommes à l'époque de la seconde guerre mondiale, alors il faut livrer les juifs, les roms et les malades mentaux parce que la loi du Reich nous le demande. C'est une aberration !

Dietrich Bonhoeffer était un pasteur protestant allemand qui fit prendre conscience à beaucoup d'églises locales qu'elles ne devaient pas suivre Hitler. Il a même été impliqué dans l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, ce qui lui valut de passer en cours martiale et de finir pendu dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Il avait parfaitement compris la limite de la légitimité d'un pouvoir temporel et de l'acceptation de celui-ci.
 
Si donc une autorité ne peut se prévaloir d'aucune prérogative divine, le chrétien ne peut davantage considérer que la politique est une finalité. L'homme politique, au même titre que les membres du clergé, et au même titre que chaque homme en particulier, ne peut que chercher à faire ce qui lui semble juste. Mais, ayant plus reçu, il lui sera plus demandé au jour du Jugement (Lc 12, 48).

Pourtant, Kosmas d'Étolie, considéré comme le Père de la Grèce moderne, a appelé au soulèvement contre les Turcs, et l'a même organisé. Et la multitude de miracles qu'il faisait a permis de fédérer le peuple autour de cette idée d’insurrection. Nous poursuivrons donc cette réflexion politique, dans le prochain message, en essayant de comprendre ce qui pousse des communautés à se soulever contre leurs dirigeants.

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